Un collectif d'Haïtiens de la diaspora lors d'un colloque |
Par Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca
Selon l’adage connu, les voyages forment la
jeunesse. Nous pouvons ajouter, les aînés aussi. En réalité, fin août-septembre
2018, durant mon actuelle tournée en Europe, du côté de l’Espagne et du Portugal,
en passant par la France, j’ai eu l’occasion de rencontrer et de revoir quelques
camarades, de jaser autour d’un verre. Sans ambages, comme tout Haïtien qui se
respecte, les nouvelles de « Lakay » reviennent
à chaque battement de cœur. On eut dit que le monde n’existe plus et que le
temps s’est arrêté sur un seul point du globe : Haïti, dont je vous résume,
à posteriori, une partie de nos réflexions en ces moments d’heureuses
retrouvailles. Ce sujet, je pense, intéressera plus de 50% des lecteurs.
La
perte de confiance en soi de la diaspora -
Rassemblement des Haïtiens (mai 2018) à Brooklyn (N.Y) lors de la dénomination d'une rue par les autorités locales en l'honneur de Toussaint Louverture |
Non! Je peux respirer aisément. Car, la diaspora
haïtienne d’Europe partage aussi la même phobie qui nous incite, en Amérique,
à raser les murs, de crainte de braver ou de soutenir le regard des gens
croisés sur notre chemin ou au travail, quand la température sociale fait sauter
les couvercles là-bas, quand la corruption
généralisée dépasse les bornes.
Face à la masse d’argent promise par
plusieurs pays du monde, lors du terrible seisme de janvier 2010, pour venir à notre aide,
plus de 11 milliards de dollars, on reste sidéré quant à l’usage de ce pactole,
sans doute gaspillé, sans apporter un souffle nouveau pour les classes
défavorisées de la nation.
Quand les médias étrangers se penchent sur
cette gabegie, sur ces résultats suspicieux, nous n’avons pas de mots pour
traduire notre mal-être, tant l’opacité de la gestion étonne. La seule chose qu’il
nous reste à faire, c’est de prendre notre trou. Ces malencontreux revers m’avaient
déjà porté à écrire une diatribe, intitulée : « On ne piétine pas deux fois
les couilles de l'aveugle »;
article résumée en ces mots : « En
cas de résurgence, l’île restera un bloc de roches éparses, car nul, à
l’avenir, ne lèvera le petit doigt. L’humanitaire n’est pas un bar ouvert ».
La
rencontre de l’étranger et la torture psychologique -
Le plus navrant dans ce capharnaüm, c’est
quand l’étranger commence son premier contact par : « J’ai été dans votre pays. J’ai adoré. Le
soleil, la mer, le sable chaud, les gens… sont formidables ». On sait
que la gentillesse personnifiée ou l’hypocrisie déguisée débute toujours son
audience par la même chanson, la même sornette, sachant d’avance ce que nous
voulons bien entendre et ne pas entendre. Mais, en notre for intérieur, le son
des mots prend une toute autre connotation : la mer devient la
merde, les gens s’entendent comme indigents,
sable se métamorphose en sale, saleté, etc…
La diaspora en a assez d'être la vache à lait et la caisse de résonance d'Haïti. |
Avec les réseaux sociaux qui remuent la
plaie à longueur de jour, rien n’échappe à cette diaspora. La corruption
endémique, qui devient programme national, intoxique les bonnes mœurs. La
dilapidation des fonds de Petro Caribe interpelle le monde. Média-Part,
un site d’information, type de journal d’enquête publié en trois langues, qui
fait trembler les politiciens, soutient que « c’est le plus grand scandale politico-pétrolier dans les Caraïbes ».
Le New-York Times en a fait ses choux gras.
Haïti : où est l'argent de Petrocaribe?
Une courtoisie de France 24
Une courtoisie de France 24
Les soubresauts stratégiques de certains politiciens, les appels incessants des récalcitrants et l’impatience des victimes de la populace, semblent ne froisser aucun poil des Petro Cari-beurres qui se la coulent douce dans ce pays créé sur mesure pour eux. À l’inverse, ces manifestations ne laissent point la diaspora indifférente. Ça met ses nerfs à vif.
Une
immunité réglée au quart de tour -
En diaspora, nous savons que, dans ce pays à
genou, l’expression « l’enquête se
poursuit » est comme un rince-bouche. C’est-à-dire une note de musique
à fredonner sous la douche, telle, par exemple, « Au clair de la lune mon ami Petro », un chant d‘espérance
destiné à endormir les plus naïfs.
Nombreux sont ceux qui veulent retourner pour
contribuer
à la reconstruction du pays.
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Dans ce pays, ils jouissent d’une immunité
éternelle. La délinquance en col blanc est inconnue. C’est une question de
clans. Les prédateurs
d’Haïti évoluent en vase clos. Ce sont des intouchables.
Dans presque toutes les nations
environnantes, de temps à autre, la presse nous rapporte l’arrestation et
condamnation de deux ou trois futés aux doigts trop légers, un ministre, un
magistrat, un haut fonctionnaire et même des présidents : Brésil,
Argentine, Chili, USA, et plus près de nous, en Dominicanie, … s’il ne faut
citer que ceux-là. Mais chez-nous, jamais! Au contraire, la gouvernance
haïtienne agit à l’instar du Vatican
en rapport aux prêtres pédophiles de l’Église catholique.
Le contrevenant obtiendra un « promoveatur ut amoveatur », sorte de promotion ou
nomination prestigieuse dans tous les sens du terme : augmentation de
salaire, un grade supérieur et mutation dans une autre institution.
Pourquoi
Haïti va-t-elle à l’envers malgré la profusion de PhD1 sur l’île ? -
La
Diaspora est sans conteste le secteur économique le plus
important du pays. Il
injecte environ 2,3 milliards de dollars
US par année dans l’économie du pays. (Photo H. Gilbert )
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Petite
mise en garde – L’intimidation n’est jamais trop loin -
La communauté haïtienne répondait en nombre imposant lors du passage du président Martelly à Orlando le 14 juillet 2013. (Photo - H, Gilbert) |
Prisonnière de ses calculs personnels, elle
est toujours sur ses gardes, sachant déjà le fond de la pensée des anciens
camarades laissés sur la touche au pays des neiges. Pour vous stopper net, elle
va jouer la carte de l’inconnu en vous méprisant. Sa paranoïa la pousse à la
fuite, à l’indécence, à une forme d’intimidation à l’haïtienne.
Ne confondez jamais Champs-Élysées et Champs-de-Mars.
Restez sur vos positions. Sinon, vous allez croire que tous les hommes sont des
monstres. Non! Cet ex-ami, en fait, en est un. C’est un cas classique de
schizophrénie morbide. Il n’a plus de conscience sociale. C’est un être
morcelé, concassé.
Finis les beaux discours de Madrid, de
Lisbonne. Maintenant c’est à son tour de piller la nation. Vous n’êtes à ses
yeux qu’un vulgaire emmerdeur, un Don Quichote qui lutte contre les moulins à
vent, un rêveur invétéré. C’est comme dans la chanson de Gilbert Bécaud : Nathalie
. « Fini le café de chez
Pouchkine / c’était loin tout çà ».
Et pourtant, ces pick-pockets instruits n’ignorent point le tort qu’ils font aux camarades laissés au pays d’accueil. Ces derniers sont condamnés à subir ou à essuyer le mépris de tous ceux qui étaient émus aux larmes lors du séisme de 2010. Le Venezuela, en crise aujourd’hui, se mord les pouces d’avoir perdu la tête, en écoutant son cœur, pour jeter par la fenêtre près de 4 milliards de dollars, qui seraient aujourd’hui d’un sérieux apport pour son peuple en désarroi. La Dominicanie, qui avait reçu de Chavez près de 7 milliards de dollars, rit sous cape, de l’avantage que ses propres compagnies avaient pu dégager de la gargote haïtienne, tout en utilisant sa part avec discernement et patriotisme. À voir ses réalisations spectaculaires : Métro souterrain, Téléphérique, funiculaire, multiplication des hôpitaux, des universités et des écoles, de belles autoroutes, des édifices institutionnels dernier cri, des places publiques enchanteresses, on comprend leur fierté d’avoir tenu promesse, en assurant le futur de leurs congénères, tout en raillant d’un air dédaigneux les filous à l’ouest de la rivière des Pedernales. Applaudissons les Dominicains!
Barcelone
(Espagne) 10 sept.2018
Note – 1 :
PhD est un sigle ou abréviation pour « Philosophiae doctor » ou littéralement
Docteur en Philosophie. Aujourd’hui le
sigle est associé à tous ceux qui ont obtenu un doctorat dans le système universitaire anglo-saxon ou Canadien
francophone. Src : Wikipédia
Note – 2 :
« Pwenn fè pa » : Littéralement : « Point de faire
part ». Ne donner aucune chance aux nécessiteux.
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