Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Thursday, August 9, 2018

Petite excursion au Parlement d'Haïti

Vue partielle du parlement haïtien lors d'une séance plénière.


Par Max Dorismond
 2016-10-27

Ça cogne dur, dur, très dur là-dedans! C’est le Parlement d’aujourd’hui. Souvenez-vous des parlementaires du temps de nos pères et grands-pères. Des notables de la cité choisis par des citoyens éclairés. Des sages qui ont fait leur preuve dans la société. Des hommes de valeur aux timbres courtois, dotés de grandeur d’âme. Des honnêtes gens dont le nom est synonyme de respect, de bonté et de civisme, avec un curieux mélange de sensibilité et de détachements.

Où sont-ils passés, ces tribuns éternels, fiers et altiers, dont la nation pleure encore la disparition! Le vide n’a pas été comblé ou, du moins, il est mal remblayé par la nature qui en a horreur. À ce rythme, nous ignorons ce que nous réserve l’avenir. À entendre le Sénateur Ricard Pierre décliner par ordre de grandeur le dossier du Sénateur Lambert : L’auto-location de sa fameuse résidence à l’État à  7 280 000,00Gdes pour 8 mois, soit 910 000,00Gdes  par mois, l’équivalent de 13 382,00$US. - drogue, cocaïne et DEA etc…, une ribambelle de notes que nous pouvons titrer comme la « Symphonie à Lambert » en La majeur.  On tombe des nues.

À entendre le Sénateur Lambert à son tour pérorer sur la génératrice détournée trop « intelligemment » par le Sénateur Ricard Pierre et que les Jacmeliens refusent de recevoir pour cause de recel effronté, on perd son latin.

Les sénateurs Ricard Pierre et Joseph Lambert: ces
soit-disant collègues mordant leur propre queue.    
Haïti! De quel mal avez-vous hérité? Très souvent la télévision nous renvoie une version carnavalesque d’une séance pugilistique au sein de l’auguste enceinte. Les bureaux virevoltent, des chaises lancées qui reviennent comme des boomerangs, des vestons en lambeaux. Les femmes perdent jupes et jupons. N’étaient-ce les sous-vêtements, on se croirait dans un bar de danseuses à gogo. Le voyeurisme est au 1er rang. Les supports des micros servent de baïonnettes pour effrayer l’adversaire.

Ne nous illusionnons point, il n’y aura jamais de morts par perforation. Ce sont des comédiens qui jouent leur « théâtre à quatre sous » pour le plaisir des réseaux sociaux, au bénéfice de WhatsApp, Facebook, Instagram etc… Faute de cerner la vocation nationale de cette illustre bâtisse, le premier phare vers lequel les yeux de la nation doivent tourner, pour réclamer le droit de vivre heureux, la Cathédrale au sein de laquelle le peuple a mandaté des femmes et des hommes, dans l’objectif de créer pour chacun, un espace officiel où « le nègre haïtien se sent réellement souverain et libre » 1 .

Malheureusement, ces élus sont, pour la grande majorité, des partisans des « Bêchons joyeux2 », à la mine souriante, au destin heureux, qui réfutent le « Mourir est beau pour la patrie 2 ». Ce sont tous des petits amis, des petits copains-coquins, avec un esprit clanique et leur code secret dont le mot de passe commun se conjugue en un seul verbe : MANGER, en un seul temps : « Je mange, tu manges ». Nous mangeons, tu manges ». C’est la tabula rasa!

Ne nous berçons point d’illusion. Ils  ne constituent qu’une seule et même équipe, avec le même esprit. Il n’y a pas d’opposition. En chœur, ils jouent au « cash-cash » dans le vrai sens monétaire de l’expression. Ils ont tous voté en chantant, la location de la résidence à Lambert.

Durant les batailles rangées, les feuilles de papier et autres documents contenant l’ordre du jour s’éparpillent dans l’air jusqu’au plancher comme dans un tourbillon automnal, faute de compréhension des textes par les acteurs en lice. « Se pa zafè peyi yo vinn regle isit ». La faiblesse de leurs connaissances classiques au niveau légale, économique, juridique, social, national, familial, général, fait d’eux des pugilistes, des champions de boxe en « cassage de gueules », oblitérant une bonne part de leur objectivité nominative. D’où le cirque quotidien disponible, à visionner sur Youtube.

Le Parlement est une caverne d'Ali Baba, comme je l’ai déjà écrit.  Celle de notre enfance avait 40 voleurs. La nôtre en a plus de 149 sous ses arches. En égrenant le chapelet des montants qu’engrangent ces deux corps, on n’en revient pas. Selon un éditorial du  journal « Le Nouvelliste » du 13 juillet 2017, 7.2 milliards de gourdes sont accordés au Parlement et 6.1 milliards pour la Santé publique. C’est une véritable aberration quand on privilégie une minorité d’individus au détriment de la santé des citoyens. Ainsi, les petits copains-coquins se chamaillent et font du cinéma pour nous détourner des vraies affaires : le pillage d’une nation. Ils attirent notre attention pour nous porter à parler de batailles de ruelle. Ils nous jettent de la poudre aux yeux pour mieux faire passer la pilule. Entretemps, loin des caméras, ils s’entendent à merveille et les alliances se nouent au gré des intérêts.

Que font en réalité ces gens pour toute cette somme engrangée par ce Parlement budgétivore? Presque rien! Nous le déplorons avec le journaliste D. Petit-Frère, qui eut à accoucher ce douloureux constat :   « Jamais de mémoire d’homme et de citoyen, je n’ai vu un appareil étatique autant décrié, avili, déshonoré ; de parlementaires, des élus du peuple, descendre si bas dans le bassin de la honte, se baigner autant dans les eaux boueuses du mensonge, de l’hypocrisie et de la stupidité 3 ».

Réplique du Sénateur Ricard Pierre suite à l'allégation de vol de génératrice...

Au temps de nos parents, un parlementaire n’était jamais un homme riche. C’était un personnage humble, soucieux, serein qui nous laissait l’impression, même en dormant, qu’il pensait et mangeait Haïti. Il connaissait son mandat et ses limites. Au retour dans son patelin, il était à l’écoute de ses mandants. Tous étaient fiers d’être représentés par ce citoyen hors-norme. Nos parents se souviennent encore du député de Grande-Rivière du Nord, Jean-Price Mars, des intellectuels Anténor Firmin et Louis Joseph janvier, candidats à la députation respectivement en 1902 et 1909, de l’Honorable sénateur Émile St-Lot en 1946 et 1950, du Sénateur Raphaël Brouard, 1941, père du célèbre Carl Brouard4…, s’il ne faut citer que ceux-là.  

Aujourd’hui, les aliborons qui y siègent ignorent jusqu’à la raison première de leur présence, pourvu que la paye arrive chaque 15 jours.  C’est une horde de magouilleurs qui se cassent la margoulette à coup de poings pour améliorer les lois du budget à leur avantage, pour l’augmentation des frais pour la fête patronale de tel village, pour obtenir l’argent du poisson pour la semaine sainte de leurs mandataires, pour nommer leur ministre aux finances ou leur directeur général aux Douanes ou à l’ONA etc… Ces montants votés seront perçus sciemment une semaine après l’évènement cité. Ni vu, ni connu, et le petit peuple continue de crever.

En pillant le pays sans vergogne, quelle chance ces prédateurs laissent-ils aux plus  mal pris qui avaient déposé pour eux, avec un certain espoir, un bulletin dans l’urne? L’horizon est vide. La nuit semble éternelle. Le manège au guignol, qu’est le Parlement, tourne sans contraste et sans aucun plan. La misère de l’autre ne les empêche point de dormir les poings fermés. Ils sont déjà très loin de ce chapître, très loin de l’idée d’Anténor Firmin, qui eut à déclarer que « Dans tous les pays, dans toutes les races, le progrès ne s’effectue, ne se réalise, ne devient tangible que lorsque les couches sociales inférieures, qui forment toujours la majorité, tendent à monter, en intelligence, en puissance, en dignité et en bien-être. Là où la politique, dite éclairée, ne consisterait qu’à perpétuer l’infériorité de ces couches, formant l’assise même de la nation, en exploitant leur ignorance, il n’y a point de progrès possible 5 ».

Pouvons-nous un jour rêver de « monter, en intelligence, en puissance, en dignité et en bien-être » ? Pas avec ces énergumènes. Pas avec cette race de « bandits légaux » qui ignorent jusqu’à l’objet de leur mandat : proposer, amender, modifier, promulguer des lois pour le bien-être collectif, contrôler l’exécutif et porter très haut le flambeau de la démocratie.

En 2006, le Parlement d’Haïti, le plus ancien de toute l’Amérique latine, fêtait ses 200 ans d’existence6,  a perdu la côte. Dans un sondage, réalisé du 6 au 15 janvier 2018 7, par HAFORS 8, 71,49% des habitants de l’île ont exprimé qu’ils n’avaient aucune confiance dans ce corps.  

Du train où vont les choses, il n’y a presque plus d’espoir. Les carottes sont cuites pour Haïti. Ayant compris la feuille de route et le plan de vie de nos parlementaires, la jeunesse prend la fuite à la recherche d’un hypothétique futur au hasard de sa route. Ce qui est triste, c’est qu’aucun économiste du pays n’a tiré la sonnette d’alarme pour attirer l’attention des gouvernants sur ces départs inusités, très inquiétants pour le commerce, et angoissants pour l’avenir du pays.

À la lumière de ce sondage, aux prochaines élections, n’importe quel Ali Baba qui ajoutera à son programme, une option de réclamer un référendum pour réduire le Parlement à 40 individus, le peuple se pressera d’un pas alerte pour aller cautionner cette idée géniale. Car, mieux vaut élire  40 voleurs au lieu de 150 détrousseurs ou 1500 doigts trop agiles et trop longs, prompts  à siphonner  la caisse nationale.

Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca



Note – 1 : Src. : « Serment au drapeau »
Note – 2 : Explication du terme : les « Bêchons joyeux » qui est inscrit dans : « L’Hymne national d’Haïti ». Il est utilisé ici dans un sens humoristique, parlant ici de parlementaires qui facilitent le côté positive de leur travail, en légiférant à leur avantage d’abord et se font payer des privilèges.
Note – 3 : Journal « Le Nouvelliste » 1er juin 2006.
Note – 4 : Src : « Le parlement haïtien. Deux siècles d’histoires » Lemoine Bonneau (2014).
Note – 5 : « M. Roosevelt, Président des États-Unis, et la République d'Haïti ». Par Anténor Firmin, éd. Hamilton Bank Note Engraving and Printing Company
Note – 6 : Journal « Le Nouvelliste » 1er juin 2006.
Note – 7 : Le journal en ligne « Alter Press » du 19 avril 2018.
Note – 8 : HAFORS, accronyme de « Institution Haïti Formation et Services de consultation »

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