Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Thursday, April 26, 2018

L’icône de la télévision Bill Cosby reconnu coupable d’agression sexuelle


Bill Cosby:
celui que beaucoup surnommaient affectueusement
"le père de l'Amérique".                                             
Bill Cosby, 80 ans, l'icône de la télévision, celui qui a longtemps incarné le père idéal dans la série « The Cosby Show », risque jusqu’à trente ans de prison.  Le comédien américain  a été reconnu coupable d’agression sexuelle dans  les trois chefs d"accusation au terme d'un nouveau procès  de près de trois semaines.

Après que le verdict de culpabilité ait été prononcé jeudi contre Bill Cosby, il a crié au procureur du comté de Montgomery Kevin  Steele dans la salle qui a demandé que sa caution d’1 million de dollars soit révoquée et que l'octogénaire doit être immédiatement placé en détention, arguant  que Cosby risque de s’enfuir dans son avion privé.

Cosby se leva à un moment donné et a crié à Steele: "Je n'ai pas d'avion privé, connard”.

Andrea Constand (au milieu) éprouve de la joie après le verdict
Andrea Constand, l’une des victimes de Bill Cosby, présente dans la salle d'audience lors du verdict,  est une ancienne employée de l'université de Temple, dont l'acteur et humoriste avait fait connaissance dans le cadre d'une rencontre avec l'équipe féminine de basket de l'établissement. Au fil de leurs échanges, la victime  en était venue à considérer Bill Cosby comme "un mentor et un ami", a expliqué le procureur Kevin Steele. L'agression se serait produite au domicile du comédien en 2004 à Cheltenham, petite ville de la banlieue de Philadelphie. Bill Cosby avait invité Andrea Constand à prendre un verre de vin et trois pilules, avant d'abuser d'elle, alors qu'elle n'était plus en état de résister. Plus de 60 femmes ont accusé Bill Cosby de les avoir abusées sexuellement, mais le dossier d'Andrea Constand est le seul dont les faits ne soient pas prescrits.

Selon les éléments de l'enquête, Bill Cosby a fait prendre aux victimes des pilules qui les ont immobilisées, avant de les agresser sexuellement.

Bill Cosby reconnu coupable d'agression sexuelle.
Depuis plus d’une décennie, une soixantaine de femmes sont sorties de l'ombre aux États-Unis, accusant Bill Cosby, d'attouchements voire de viols, la plupart du temps en les ayant droguées à leur insu. Certaines étaient mineures au moment des faits présumés, qui remontent dans certains cas aux années 1960 et donc prescrits.

"Finalement, les femmes sont crues", a déclaré, à la sortie du tribunal, Gloria Allred, avocate de plusieurs femmes se présentant comme des victimes de Bill Cosby et d'autres victimes présumées d'agressions sexuelles, mais qui ne représentait pas Andrea Constand.

Quant au conseil de la défense de Bill Cosby, « le combat n’est pas terminé » , a déclaré Tom Mesereau . Nous sommes très déçus par ce verdict», a-t-il ajouté, laissant planer la possibilité d’un recours en appel.

Bill Cosby à sa sortie de la Cour après son verdict.
" Le juge Steven O'Neill n'a pas révoqué la caution, et a cité comme raison l'âge de Cosby et sa présence à chaque audience depuis deux ans et demi. "Je ne vais pas simplement l'enfermer en ce moment", a déclaré O'Neill, "vous faites une très grande exagération, il y a une caution très élevée et il est présent à chaque séance", a déclaré le juge O'Neill.

Toutefois, le juge a déclaré que Cosby ne devrait pas quitter sa maison et l’état de Pennsylvanie .

O'Neill a également ordonné que des dispositions de surveillance soient prises pour un dispositif de contrôle GPS sur Bill Cosby.

Au total, Bill Cosby a été accusé d'agression sexuelle par plus de 60 femmes, allégations qui étaient toutes prescrites sauf celle concernant Andrea Constand.


Par: Herve Gilbert

Sources de référence: CNN &  Europe 1

Président Emmanuel Macron exprime sa vision du monde au Congrès américain

Emmanuel Macron s'exprime devant le Congrès américain

Au dernier jour de son voyage aux États-Unis, Emmanuel Macron s'est exprimé mercredi devant un Congrès visiblement conquis. L'occasion d'aborder, sans Donald Trump, des sujets tels que le climat, le commerce international ou l'Iran.
L'ESSENTIEL
Dix-neuf standing-ovations. C'est peu dire qu'Emmanuel Macron   a été chaudement reçu par les 535 membres du Congrès américain, mercredi. En l'absence de son homologue américain, séparation des pouvoirs oblige, le président français a exposé sa vision du monde et de l'avenir dans un discours en anglais d'une cinquantaine de minutes, durant lequel il a notamment pu aborder des sujets tels que l'Iran, le climat ou le spectre d'une guerre commerciale avec les États-Unis. Comme la veille lors de sa conférence de presse commune avec son "ami" Donald Trump, Emmanuel Macron a aussi souligné la coopération historique, et plus nécessaire que jamais selon lui, entre les deux pays. Avec, à chaque fois, quelques formules prêtes à l'emploi.
"L'Iran n'aura jamais l'arme nucléaire"
Une bruyante standing ovation de la part des membres
du Congrès lors de sa déclaration sur l'Iran.                  
C'est l'un des gros dossiers qui agitent la communauté international ces derniers jours. Plus encore depuis que le duo Trump-Macron a annoncé mardi leur intention de “travailler” ensemble sur ce nouveau texte censé, à plus ou moins long terme, remplacer l'actuel accord sur le nucléaire iranien.
"Notre objectif est clair : l'Iran n'aura jamais l'arme nucléaire. Pas maintenant, pas dans cinq ans, pas dans dix ans. Jamais", a martelé le chef de l'État français, qui s'exprimait au Capitole 58 ans jour pour jour après le général de Gaulle. "Mais cette politique ne devrait jamais nous mener à la guerre au Moyen-Orient. Nous devons garantir la stabilité, respecter la souveraineté des États, y compris celle de l'Iran, qui est une grande civilisation. Ne produisons pas les erreurs du passé dans la région. Ne créons pas nous-mêmes de nouvelles guerres", a-t-il averti, alors que le président américain a déjà posé la date du 12 mai comme ultimatum à ses alliés européens pour qu'ils "remédient aux terribles lacunes" du texte de l'accord. 
"Nous ne pouvons pas nous en débarrasser, pour autant, il est juste de dire qu'il ne couvre pas la totalité des préoccupations. Il ne faut pas l'abandonner si nous n'avons rien de plus solide à proposer en remplacement. La France ne se retirera pas de l'accord, car nous l'avons signé", a encore répété Emmanuel Macron. 
"Un jour, les États-Unis rejoindront l'accord de Paris"
Là encore, la dissension est profonde entre les deux chefs d'État. Regrettant le retrait des États-Unis de l'accord de Paris sur le réchauffement climatique,Emmanuel Macron s'est cependant dit certain que Washington finira par le ratifier."Il n'y a pas de planète B", a-t-il notamment affirmé en répétant son désormais célèbre slogan "Make our planet great again", détournement du slogan de campagne de Donald Trump.
« Il n’y a pas de planète B » : ce qu’il faut retenir du discours de Macron devant le Congrès américain
"Certains considèrent qu’il est plus important de protéger l’industrie que de relever le défi du changement climatique. Il faut trouver une transition douce pour aller vers une économie plus respectueuse de l’environnement", a-t-il encore prôné devant les applaudissement nourris du Congrès, et plus particulièrement des élus démocrates, debout à chaque allusion au climat.
'Une guerre commerciale entre alliés n'est pas cohérente"
Décidément adepte des effets de style, le locataire de l'Élysée s'est aussi lancé dans une longue anaphore en "je crois" - "Je crois à ces droits, à ces valeurs, je crois que nous pouvons lutter contre l’ignorance par l’éducation, (…) Je crois à l’action concrète (…), Je crois à la libération de l'individu (…) Je crois à l’utilité à et la force des marchés… Une façon d'avertir à nouveau les États-Unis sur les risques de guerre commerciale si Donald Trump décide effectivement d'imposer de Nouvelles taxes douanières sur l’acier er l’aluminium. 
"Nous avons besoin d'échanges commerciaux équitables et libres. Une guerre commerciale qui opposerait des alliés ne serait pas cohérente (...) Cela ne mènera qu’à la destruction des emplois, à l’augmentation des prix et c’est la classe moyenne qui paiera au bout du compte... Nous réglerons nos différends par la négociation à l’OMC (Organisation mondiale du commerce, ndlr) et par des solutions coopératives. Nous avons nous-même écrit ces règles, nous pouvons les compléter", a-t-il plaidé devant les 100 Sénateurs et les 435 Représentants réunis. Sur ce point, la France et l'Europe seront fixés le 1er mai, date de l'exemption de ces taxes pour l'UE.
Et Emmanuel Macron de multiplier, comme à la tribune des Nation-Unies en septembre dernier, les appels à "un multilatéralisme fort" plutôt qu'à l'isolationnisme et le protectionnisme.
"En 1778, Voltaire et Benjamin Franklin se sont embrassés sur les joues. Cela vous rappellera peut-être quelque chose…"
Alors même que les discussions entre Emmanuel Macron et Donald Trump ont parfois été difficiles, à l'image de ces points de désaccords évoqués plus haut, le président français s'est aussi attaché à détendre l'atmosphère à plusieurs reprises. "En 1778, Voltaire et Benjamin Franklin se sont rencontrés à Paris", a-t-il notamment lancé au début de son discours. "Ils se sont enlacés en se prenant dans les bras et se sont embrassés sur les joues... Cela vous rappellera peut-être quelque chose…", a-t-il glissé sourire aux lèvres, en référence aux nombreux gestes amicaux - et physiques - échangés avec le président américain, qui ont tant surprise outre=Atlantique , autant qu'ils ont fait rire l'assemblée mercredi.
Puis Emmanuel Macron, quelques dizaines de minutes plus tard, d'adresser un nouveau clin d'œil au président américain : "Nous devrons lutter contre le virus des “fake news”. Vous savez à qui je dois cette expression “fake news”, n’est-ce pas ?", a-t-il lâché devant un Congrès riard.
Revivez le discours (en anglais) de Macron devant le Congrès américain
"Ce sont nos valeurs que les terroristes détestent"
Accueilli par une bruyante standing ovation de plus de trois minutes, certains élus criant même "Vive la France !", Emmanuel Macron a par ailleurs longuement insisté sur les liens tissés entre les deux pays au cours de l'Histoire, comme Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy l'avaient fait avant lui devant le Congrès.
Du marquis de La Fayette au poète américain Alan Seeger, engagé au service de la France en 1914 et mort en juillet 2016, en passant par Franklin Roosevelt, Simone de Beauvoir, Charles Hemingway ou encore François-René de Chateaubriand, Emmanuel Macron n'a cessé d'afficher les valeurs et l'Histoire communes entre la France et les États-Unis qui ont connu "plusieurs tragédies ces dernières années". "Ce sont nos valeurs que les terroristes détestent". "Le 11 septembre 2001, de nombreux Américains ont perdu la vie tragiquement. Depuis cinq ans, notre pays a souffert d’attentats terroristes. Nous n’oublierons jamais ces victimes innocentes. C’est un prix atroce à payer pour la liberté, pour la démocratie. Et c’est pourquoi nous sommes ensemble en Syrie et au Sahel pour lutter ensemble contre ces groupes terroristes, et pour détruire ces terroristes. "
Et de conclure en français, avant de filer pour débattre devant des étudiants : "Vive les États-Unis d’Amérique, longue vie à l’amitié entre la France et les États-Unis, vive la France, et vive notre amitié". De quoi s'offrir, sans surprise, une dernière standing-ovation.
Sources : Europe 1, C-Span

Wednesday, April 25, 2018

Emmanuel Macron aux États-Unis pour une visite d'État


Le président français a été reçu en grande pompe lundi soir par son homologue américain à Mount Vernon, dans la demeure historique de George Washington.

Arrivé aux États-Unis, lundi soir vers 19 heures avec son épouse Brigitte, Emmanuel Macron a été accueilli par l'ambassadeur de France Gérard Araud et le chef du protocole américain pour une visite de trois jours. Mais avant de se rendre à la Maison-Blanche pour rencontrer le couple Trump, le président français s'est offert une visite impromptue à Washington. Cette promenade improvisée s'est principalement axée autour des monuments historiques de la capitale. Accompagné de son épouse, le chef de l'État a visité le célèbre monument Lincoln, à l'effigie du seizième président des États-Unis, profitant de cette balade pour s'octroyer un petit bain de foule, serrer la main de passants et poser pour des selfies.

Les deux couples présidentiels arrivent dans la demeure
historique de Georges Washington à Mount Vernon.         
Ambiance champêtre et chic. Quelques heures plus tard, les deux couples ont atterri devant Mount Vernon, la demeure historique de George Washington, pour un dîner à quatre. Et les délicats accords d'une joueuse de harpe habillée comme au XVIIIe siècle n'ont pas suffi à couvrir le bruit des hélicoptères. Pas de repas en terrasse ni de vue bucolique sur le fleuve Potomoac pour les dirigeants et leurs épouses, puisque le vent a obligé les convives à dîner à l'intérieur, dans une ambiance néanmoins champêtre et chic, faite de nappes blanches et de bouquets de roses.

L’hélicoptère descend lentement dans un ciel gris strié de blanc. Emmanuel Macron et Donald Trump, suivis de leurs épouses, s’extirpent de l’appareil et foulent la pelouse impeccablement tondue de la propriété du premier président américain, George Washington, à Mount Vernon, au sud de la capitale fédérale. C’est dans ce manoir du XVIIIe siècle surplombant le fleuve Potomac, considéré comme « la demeure historique la plus importante d’Amérique », selon l’Elysée, que M. Trump a voulu recevoir son hôte pour un dîner privé, lundi 23 avril, au premier soir d’une visite d’Etat qui doit durer trois jours.

En 2014, Barack Obama avait accueilli François Hollande à Monticello (Virginie), la demeure du plus francophile des Pères fondateurs américains, Thomas Jefferson. Pour M. Macron, Donald Trump a préféré la maison de Washington, où est encore conservée une clé de la forteresse de la Bastille, offerte par le marquis de La Fayette au premier président des Etats-Unis. « Cette clé est le trait d’union entre nos révolutions », souligne un conseiller du président français, qui devait évoquer ce symbole mardi 24 avril à la Maison Blanche.

Sur la pelouse, Emmanuel Macron, qui maîtrise bien l'anglais, affiche sa proximité avec le milliardaire. Les deux hommes plantent un chêne issu d'une forêt du nord de la France où sont tombés 2 000 Marines américains durant la Première Guerre mondiale. C'est le cadeau du président français pour honorer le lien historique des deux pays. Auparavant, échappée impromptue pour une visite au monument dédié à Abraham Lincoln, haut lieu du tourisme américain. Bain de foule garanti. Devant la statue du 16e président des États-Unis, un message : malgré la réticence des Français envers Donald Trump, la longue amitié entre les deux pays doit se poursuivre. Dernière étape : l'hélicoptère Marine One se pose à 40 kilomètres de la capitale. Dîner privé dans la demeure historique du premier président des États-Unis. Donald Trump veut offrir un traitement de marque au président français. 

L'arrivée de Macron à la Maison Blanche

Les choses sérieuses ont débuté que dans la journée de mardi, avec plusieurs réunions de travail à la Maison-Blanche en présence de son homologue américain. En attendant, Emmanuel Macron et son épouse ont été reçus à Washington, affichant devant les photographes leur complicité avec le couple Trump.

Trump et Macron lors de la cérémonie de bienvenue à la
Maison Blanche le mardi 24 avril.                                      
« Cette visite est très importante dans le contexte qui est le nôtre aujourd’hui, avec beaucoup d’incertitudes, beaucoup de troubles et parfois beaucoup de menaces », a déclaré le chef d’État français à son arrivée sur la base aérienne d’Andrews, rappelant que « les États-Unis comme la France ont une responsabilité toute particulière ». « Nous sommes les garants du multilatéralisme contemporain, et je crois que nous avons, à travers ces échanges, beaucoup de décisions à prendre et à préparer », a-t-il insisté.

C'est la première visite officielle d'un chef d'État à la
Maison Blanche depuis l'élection de Donald Trump.
« Nous avons une relation très spéciale parce que nous sommes tous les deux des dissidents du système », avait déclaré M. Macron à la chaîne Fox News juste avant sa visite. Mais cette bonne relation personnelle n’empêche pas des divergences persistantes sur l’Iran, le commerce international ou le climat, même si ce dernier point ne devrait être qu’à peine abordé. Pour la presse américaine, la visite d’Emmanuel Macron constitue un « moment de vérité » à l’approche de deux échéances internationales cruciales : le 1er mai sur l’expiration de l’exemption des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium, puis le 12 mai sur l’accord nucléaire iranien que Donald Trump menace d’abroger. Ces thèmes seront au centre des discussions lors des entretiens entre les deux chefs d’Etat le 24 avril dans le bureau Ovale.

Macron dépose un baiser sur la main de Melania Trump
lors de la cérémonie de bienvenue sur la pelouse de la
Maison Blanche le 24 avril.                                           
« Est-ce que cet accord est parfait ? (…) Non », soulignait M. Macron sur la chaîne conservatrice à propos de l’accord sur le nucléaire iranien, rappelant toutefois « qu’il n’y a pas de meilleure option ni de plan B ». Paris veut proposer à Donald Trump un accord complémentaire, entre pays occidentaux, notamment sur le programme balistique de Téhéran, qui réponde à ses inquiétudes. Mais nul ne sait si ces propositions suffiront à faire évoluer le président des États-Unis.

Lors d’un entretien avec le président français Emmanuel Macron à la Maison Blanche,  Le président américain Donald Trump a averti ce mardi 25 avril que l’Iran aurait « de plus gros problèmes » s’il relance son programme nucléaire.

Donald Trump a déclaré « qu’il ne serait pas si facile pour eux de relancer » le programme nucléaire. « Ils ne vont pas redémarrer quoi que ce soit. S’ils le redémarrent, ils auront de gros problèmes, plus gros que jamais auparavant », a-t-il affirmé. Quant à la possibilité de rester dans le cadre de l’accord sur le projet nucléaire iranien (JCPOA), M. Trump a indiqué que l’accord était « fou, ridicule et n’aurait jamais dû été passé ».

Melania Trump et Brigitte Macron posent  durant une visite à
la salle d'Art à Washington. (Photo AFP).                                
L’Accord de Vienne sur le nucléaire iranien ou Plan d’action global conjoint (JCPOA) est un accord international conclu le 14 juillet 2015 entre l’Iran, l’Union européenne et six grandes puissances mondiales, à savoir la Chine, la France, la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Allemagne. L’Occident s’est engagé à lever ses sanctions contre l’Iran en échange de l’arrêt de ses recherches en matière de développement de l’arme atomique. En janvier, le président Trump a établi un délai de 120 jours pour les législateurs américains et les signataires européens de cet accord afin d’en corriger « les terribles défauts ».

Autre dossier crucial, l’augmentation des taxes de 25 % sur les importations d’acier et de 10 % sur celles d’aluminium, dont sont néanmoins provisoirement exemptés le Canada et le Mexique, ses deux partenaires du traité de libre-échange nord-américain, mais aussi l’Europe jusqu’au 1er mai. « On ne fait pas la guerre à ses alliés », avait déclaré Emmanuel Macron, espérant que l’Union européenne sera définitivement soustraite à cette augmentation des tarifs douaniers.


Les deux couples présidentiels  saluent la foule d'un
balcon lors de la cérémonie de bienvenue.              
"Nous avons beaucoup de décisions à prendre". "Nous, les États-Unis comme la France, avons une responsabilité toute particulière (...), nous sommes les garants du multilatéralisme contemporain. Nous avons beaucoup de décisions à prendre", avait auparavant déclaré le président français dans une brève allocution en anglais, puis en français, en descendant de son avion vêtu d'un costume sombre.

Amitié inattendue. Mais l'amitié inattendue entre les deux présidents que séparent plus de 30 ans et des positions souvent aux antipodes sera mise à l'épreuve les jours suivants, quand démarreront les discussions de fond. Le président français espère en effet infléchir son hôte, qu'il a en janvier qualifié d’imprévisible", sur plusieurs sujets de discorde.

En premier lieu il veut le convaincre de maintenir l'accord sur le nucléaire iranien, que Donald Trump envisage de rompre. Il cherchera aussi à le persuader de laisser ses troupes en Syrie et d' exempter  l'UE de taxes douanières sur l'acier et l'aluminium. Pour préparer le terrain, Emmanuel Macron a énuméré ses arguments dimanche sur Fox News, chaîne que regarde assidûment son hôte.
Emmanuel Macron & Donald Trump s'adressent aux
médias près du bureau ovale de la Maison Blanche.
Alors que le chef de l'État français est aux Etats-Unis pour trois jours, la presse américaine pointe le jeu de séduction entrepris par Emmanuel Macron. Qui, pour l'instant, n'a que peu de gages en retour.

Les médias américains n'ont que ce paradoxe au bout de la plume : comment donc Emmanuel Macron et Donald Trump, qui ont non seulement 31 ans d'écart mais aussi des divergences politiques fortes, se retrouvent-ils à multiplier les signes d'amitié et les photos officielles côte à côte ? Alors que le président français est le premier chef d'État accueilli en grande pompe par Donald Trump depuis l'élection de ce dernier, pour une visite officielle à Washington qui doit s'achever mercredi soir, la presse outre-Altlantique se penche sur la stratégie du marcheur. Et décortique notamment la cour assidue qu'il fait au président américain pour tenter de le faire changer d'avis sur certains sujets.

Mise en terre d'un chêne au côté sud de la Maison Blanche
Vers des changements concrets de la politique américaine ? Mais est-ce que cette "offensive de charme soutenue", pour reprendre les termes du New York Times, fonctionne ? La radio NPR souligne que "l'enjeu [de la visite à Washington] est probablement plus grand pour Macron que pour Trump car le leader français aura besoin de montrer que sa relation étroite avec Trump produit des résultats". "La vraie question, c'est de savoir si leurs affinités de style et la camaraderie que les deux présidents ont développé conduit à des changements de politique concrets et substantiels de la part de Washington", explique Jeffrey Rathke, ancien directeur de la communication de Barack Obama.

Macron a gagné un voyage à Washington. Mais à part ça, il ne reçoit que peu en échange de sa cour. 

Les couples présidentiels traversent la pelouse du
Manoir de Mount Vernon dans l'état de Virginie où
le premier président américain a vécu.               
Des résultats "mitigés". Et de changements concrets, il n'est pas encore question, estiment unanimement les médias américains. "Macron a gagné un voyage à Washington. Mais à part ça, il ne reçoit que peu en échange de sa cour", note le New York Times, pour qui le résultat est "mitigé". Auprès de la radio NPR, Jeff Lightfoot, du think tank Atlantic Coucil, spécialisé dans les relations internationales, confirme que Macron a "beaucoup investi dans cette relation, mais le fait qu'il puisse influencer Donald Trump n'est pas clair". Le New York Times prend l'exemple des frappes coordonnées en Syrie. "Lorsque Macron a publiquement dit qu'il avait convaincu Trump [d'intervenir], la Maison Blanche l'a rapidement contesté", rappelle le quotidien. Dans le magazine Time, François Heisbourg, conseiller spécial à la Fondation de la Recherche Stratégique, estime quant à lui que "la probabilité que Trump change d'avis sur l'Iran est faible".
Macron "pas naïf". Néanmoins, il n'est pas question pour Emmanuel Macron de se montrer trop optimiste. Pour les médias américains, il est au contraire le dernier recours. "De l'avis de tous les partenaires européens de Macron, si un compromis peut être trouvé avec Trump sur l'Iran, il est l'homme pour obtenir cet accord", souligne le Washington Post. Pour le New York Times, "personne ne devrait confondre l'attention que porte Macron à Trump avec une authentique amitié masculine. Macron fait des critiques sélectives de Trump, comme pour signaler clairement aux Français qu'il n'est pas naïf".

Macron et Trump après la mise en terre d'un chêne,
cadeau du président français.                                 
Macron aura une bonne note pour avoir essayé, ce qui n'est pas une mauvaise chose."Macron aura une bonne note pour avoir essayé". Quant à échouer sur, notamment, le dossier iranien, cela pourrait ne pas être totalement dévastateur pour le président français. "Ce serait une opportunité en or de tester son leadership sur la scène internationale", croit savoir le Washington Post. "Macron aura une bonne note pour avoir essayé, ce qui n'est pas une mauvaise chose", abonde François Heisbourg dans les colonnes du Time. Et ce même magazine de poursuivre : "en réalité, Macron pourrait quitter Washington mercredi soir avec peu ou pas de résultat concret à rapporter à la maison, la visite sera quand même vue comme un succès. Tout simplement parce qu'elle aura servi à donner de Macron l'image de l'un des leaders les plus importants de la scène mondiale." Pour François Heisbourg, "ça ne fait jamais de mal d'être vu comme le type qui peut parler à tous les grands mecs du quartier. Et Macron est probablement le seul chef d'Etat européen qui peut vraiment s'en targuer." "Reste à savoir si tout le monde voit les choses de la même façon", conclut le Time.

Sources combinées : Europe 1, AFP, NPR France 24

Discours de Donald Trump et Emmanuel Macron lors de la cérémonie d'accueil



Friday, April 20, 2018

Haïti - Quand on a la violence et l’échec en partage

Dr Gold Smith Dorval

Par Max Dorismond

Dans notre quotidien, nous sommes constamment exposés aux œuvres d’historiens, d’anthropologues, de sociologues… avides de reconnaissance, en plein questionnement sur l’origine des choses, pour mieux saisir notre présent et façonner l’avenir. C’est souvent un foisonnement d’interrogations philosophiques, associatives et interprétatives qui nous laissent parfois sur notre faim, sans vraiment nous édifier, tant la tâche se révèle complexe dans son ensemble. Certaines portes restent entrouvertes. Les réponses dubitatives s’entassent au tréfonds de notre psyché et nous laissent perplexes. C’est l’un de ces déficits intellectuels que vient combler le livre du Dr. Gold Smith Dorval,

« Pouvoir et imaginaire en Haïti – L’expérience coloniale, la vie mentale et sociale du peuple haïtien ».
C’est un ouvrage dans l’air du temps qui dépeint et décortique à la fois les causes probantes de nos déboires et les valeurs humanistes d’un peuple qui a écrit l’histoire. J’ai été subjugué par son écriture économe, intelligente et utile à la fois. Elle vient nous chercher et nous porte à réfléchir sur le mystère de ce peuple de géants qui a fabuleusement contribué à l’édification du monde moderne.

De l’origine à nos jours
Dr. Dorval, sans transcender  notre réalité historique, ratisse très large. Dans un survol littéraire accéléré, il nous entraîne dans les méandres de la sociologie, de la littérature en général, de l’ethnologie, de la psychiatrie, et du spiritisme tout court, pour intérioriser nos valeurs profondes et méditer sur les raisons de notre retard, de notre sous-développement chronique après notre éphémère et singulière parenthèse dans l’histoire mondiale. Sa connaissance encyclopédique a servi de pont lors de ce tour d’horizon à la recherche des maux qui nous assaillent. Devant l’ampleur de la tâche, il se lamente, dans une sorte de confidence intime, en soulignant : « J’ai passé toute ma vie à essayer de comprendre la raison pour laquelle l’absurdité des choses humaines nous pousse parfois vers le néant. Du sophisme à la phénoménologie de la perception, nous avons appris à comprendre le pouvoir d’interprétation de l’esprit confronté aux phénomènes naturels et aux désordres sociaux ».
Dr Gold Smith Dorval - Memories            


Conférencier recherché, poète, pédiatre, psychiatre, pédopsychiatre, écrivain, professeur d’Université, pianiste émérite, compositeur prolifique, l’homme est un touche-à-tout avec plusieurs cordes à son arc. Du haut de ses connaissances médicales, il s’est penché sur les liens de cause à effet dans la résurgence de la violence dans notre société. Toutefois, ce trait de caractère s’avère selon lui « un élément fondamental qui aide à résoudre les conflits et à survivre ». Dans un exemple éclairant, statuant sur notre propension à l’agressivité, il nous fait remarquer, à la page 59, que : « demander à un haïtien moyen de faire des excuses à un autre, c’est comme si on lui demandait de se faire castrer, s’il s’agit d’un homme, ou de se faire exciser, s’il s’agit d’une femme. Tant l’Haïtien est prisonnier d’un orgueil vaniteux. Et même quand il l’aurait fait, on ne sent même pas le sens de la sincérité ».  
           
De la confrontation à l’échec
Dans son livre, Dorval n’a pas lésiné sur le mal originel qui nous a abêtis: la colonisation. Le syndrome de cette tare, engoncé dans son cortège de « violence », est encore omniprésent dans notre quotidien, au point que l’auteur en fait le pivot de son œuvre dans une tentative d’exorcisme de l’inconscient collectif haïtien.

Cette honteuse animosité se révèle être une plaie très difficile à cicatriser. Le comportement méprisant de certains de nos compatriotes attise et maintient la flamme toujours vive.  C’est comme au temps de la colonie. Cette violence, on la retrouve dans tous les rapports entre les frères de sang que nous sommes. Tout autour de nous, l’écho de cette violence  incurable, charpente de la misère crasse qui nous enveloppe, ne cesse de nous triturer et d’interloquer certains de nos visiteurs, pantois, face à ce merveilleux pays dont nous avons perdu le contrôle sur tous les plans.

Lors d’une entrevue de Christophe Wargny1,  après un court séjour en Haïti, ce dernier n’a pas lésiné avec les mots pour faire valoir son point de vue face à ce constat dégradant qui lui sautait aux yeux dès sa première visite à Port-au-Prince : « Ce que je retiens d’Haïti, et peut-être la chose qui m’avait frappé la première fois, c’est un pays où la lutte des classes est d’une violence extrême. Je ne l’ai jamais vue peut-être aussi dure qu’en Haïti, entre une toute petite minorité qui est non seulement immensément riche, mais qui est d’un mépris insondable vis-à-vis du reste. »

Au cours de son cheminement, le psychiatre Dorval a même réinterprété la célèbre formule utilisée par Senghor en 1939, « La raison est hellène, l’émotion est ébène », qui avait suscité quelques interrogations et polémiques sur les idéaux de l’homme noir, dans un passé pas trop lointain. Néanmoins, cette discutable assertion de l’illustre africain   ne fut pas mentionnée par Gold-Smith pour le simple plaisir littéraire. Dans sa description de l’incrustation de la violence dans la culture haïtienne, l’auteur n’avait pas à élaborer trop longtemps pour prouver que nos congénères ont développé le « syndrome de Stockholm », cette sorte d’empathie qui pousse la victime à adorer son bourreau. Le retour triomphal au pays, des dictateurs adulés ou le tapis rouge déroulé à Jean-Claude Duvalier en est une preuve flagrante. N’était-ce sa santé chancelante, ce dernier serait redevenu, en claquant les doigts, Président à vie. Cas pathétique d’un peuple émotif, épousant la violence et dénué de toute mémoire historique !  

Un humble penseur à notre rescousse
Qui de mieux qu’un psy pour nous prendre par la main et nous exposer l’état de notre situation. Le livre du Dr Dorval, écrit dans un langage clair et net, restera à titre d’héritage, une carte maîtresse entre les mains de tous les  intéressés et de tous les décideurs pragmatiques qui ont à coeur le bien-être de la nation.

Tel un cadeau offert à ses frères, ses amis et congénères, le psychiatre, dans sa quête, ne s’est pas contenté d’analyser la violence et ses corollaires. Il a chevauché tous les secteurs de la vie nationale : les arts, l’environnement, le religieux, les mythes, l’objectif des associations ou partis politiques, les services de santé publique, les maladies infectieuses, la médecine alternative etc… Rien n’a été omis. Dans sa description d’Haïti, pour le bénéfice du tourisme, nous retrouvons le poète en extase devant la beauté naturelle de la terre natale. Les sites pittoresques sont décrits dans une prose inspirée et invitante. Aucun coin d’Haïti ne lui est étranger.

Ses solutions énumérées sont simples d’application et serviront facilement de base à toutes sortes de programmes gouvernementaux, au bénéfice de la masse. Car, avant de voir à l’émergence d’Haïti, il faut survoler cette dichotomie, cette brouillerie qui nous accable, pour essayer de mettre, face à face, ses deux entités, le riche et le pauvre, aux fins d’un dialogue consensuel dans le vivre ensemble. Sinon, l’avenir de ce pays ne se résumera qu’à de vagues chimères.
Gold Smith Dorval - Danse d'Erzulie

Enfin, malgré ses multiples occupations, l’écrivain-psychiatre a su trouver l’occasion de pondre cette perle littéraire et faire œuvre utile. Malgré quelques coquilles émaillant un ou deux chapîtres, résultant du laxisme de son éditeur, je salue cette œuvre et remercie chaleureusement l’auteur, au nom de tous ses lecteurs, convaincu que ces petits irritants disparaîtront lors d’une nouvelle édition.

Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca



  
Note – 1 : Entretien avec l’historien Christopher Wargny, l’auteur de « Haïti n’existe pas ». Propos recueillis par Jean Durosier DESRIVIERES) dans : « Les Français dialoguent avec les Haïtiens qui leur ressemblent »

Note – 2 : Deux  pièces musicales de G-S. Dorval
a – Memories :  Voir le courriel du 10 avril du 21 :10
b – Dans d’Erzulie :
:

Thursday, April 12, 2018

ADIEU MONSIEUR BRUNEL! MERCI POUR JÉRÉMIE

Jean Brunel Pierre
Crédit photo : Julio Gauthier


Par :Eddy Cavé eddycave@hotmail.com

Jean Brunel Pierre
Depuis que le réseau Multimedia Haïti Connexion Network  a publié la note annonçant le décès de l’homme d’affaires jérémien Jean Brunel Pierre, les messages de sympathie et les  témoignages d’affection n’ont pas cessé d’affluer de partout. Tous les gens moindrement informés sur la Grand’Anse savent qui était Brunel, mais l’homme étant d’une discrétion extrême, on savait en général peu de choses sur son engagement social et sur sa contribution aux activités communautaires. Comme je faisais partie des Jérémiens  de la diaspora qui avaient fait de sa résidence de la rue Dr Hyppolite leur point de chute à Jérémie et que mes conversations avec lui portaient sur les sujets les plus variés, ces témoignages n’ont fait que confirmer les opinions que je m’étais faites à son sujet.

Caraïbes Inter Multi Services de Jean Brunel Pierre
à la rue Hyppolite à Jérémie.                                   
Étant naturellement porté à admirer les gens qui forgent eux-mêmes leur destin, gravissent avec assurance les échelons de la réussite, je n’ai pas cessé d’admirer Brunel et de lui dire toute l’estime que j’avais pour lui. J’ai donc reçu comme une tuile sur la tête l’appel téléphonique m’annonçant sa mort soudaine. Et lorsque les témoignages sur son engagement social ont commencé à arriver, j’ai eu en quelque sorte la confirmation du fait que le personnage que j’admirais en lui n’était pas seulement un ami, mais un homme qui jouissait dans des milieux très variés d’une très grande considération. Un être hors du commun. En dépit, ou à cause même, de certaines grandes limitations imputables aux caprices du destin.

Dr Simphar Bontemps
Des nombreux témoignages recueillis, je retiendrai trois qui confirment mes opinions sur l’ami disparu et sur la tristesse que cette perte cause dans le milieu haïtien. Sur l’état des soins de santé au pays et sur un plan tout à fait personnel, le chirurgien à la retraite et ancien ministre de la Santé publique Simphar Bontemps m’écrivait dans la matinée du 6 avril :

« Oui, mon frère, j'ai été terrassé par cette nouvelle qui nous flanque à la face la grimaçante situation des services de santé dans le pays. Mwen tris, mwen tris, mwen tris… »

De son côté, notre ami commun Michel Paisible, qui vit comme moi à Ottawa, me racontait la veille au soir que Brunel lui avait demandé une année de lui envoyer pour ses œuvres de bienfaisance cinq exemplaires de la dernière édition du Petit Larousse illustré, car ceux qu’utilisaient les enfants du quartier étaient trop anciens. Au sujet des frais d’envoi, il avait pris la peine de préciser : « Ne te fais pas de souci pour les frais d’envoi. Tu me les expédies par DHL pour qu’ils arrivent avant la rentrée. » Sans commentaires!

Dans la même veine, l’avocat Kely Tabuteau, qui fait un travail admirable en Floride en matière de vulgarisation du droit haïtien, a immédiatement ajouté sa voix au concert des louanges qui a suivi le départ de Brunel. Dans un bref hommage posté dans Haïti Connexion Worldwide, Kély souligne que Brunel avait acheté plusieurs dizaines de ses ouvrages pour les offrir aux étudiants en droit de la ville.

La résidence de Brunel Pierre
Crédit photo: Julio Gauthier  
Brunel croyait fermement dans les vertus de l’instruction et il n’a ménagé aucun effort pour encourager les jeunes de la ville à étudier sans relâche, même quand les conditions de vie à Jérémie s’étaient détériorées à l’extrême. Je l’ai vu à l’œuvre durant un séjour à Jérémie au plus fort de l’embargo commercial de 1992-1993. Tandis que la pénurie d’essence imposait des sacrifices énormes à la population, Brunel illuminait son quartier pour permettre aux jeunes des environs de venir étudier sous les lampadaires de sa rue.

Quand, dix ans plus tard, je serai sollicité par Concepcia Pamphile pour participer aux cérémonies du 90e anniversaire de l’Hôpital Saint-Antoine en produisant une brochure sur l’histoire de l’institution, Brunel sera le premier à embarquer dans le projet en en prenant à sa charge une partie des frais d’impression. Encore une fois : Merci Brunel, pour moi-même et pour Jérémie.

Un bref rappel historique
Dans la succession des malheurs qui ont frappé la Grand’Anse après la  période coloniale de grande prospérité fondée sur l’esclavage, il y a eu :  les cataclysmes naturels à répétition comme l’inondation de 1935 et  les ouragans Hazel en 1954, Flora en 1963, Matthew en 2016; les commotions politiques fréquentes de la période haïtienne; les guerres civiles ponctuées d’exécutions massives comme les massacres de Dessalines; les attaques de Sylvain Salnave en 1869 où Jérémie n’a survécu que grâce au génie militaire des  généraux Brice Aîné et Kerlegrand; la rébellion de Jérémie sous Salomon en 1883, qui se soldera par un retentissant échec et par l’exécution des protagonistes. À cet égard, on ne saurait passer sous silence la répression sauvage ordonnée par François Duvalier après le coup de force manqué des Treize de Jeune Haïti en 1964.

Un peu de Nono Lavaud et de Clémard Joseph Charles
Nono Lavaud (au centre) entre le Dr A. Cavé
et Anthony Samedi en 1946 au terme d'une
grève des débardeurs du port de Jérémie.   
À la différence de ces événements spectaculaires, il y a les décès de personnages clés qui ont marqué l’évolution de la ville et dont les funérailles ont mobilisé l’ensemble de la population. Brunel appartient sans aucun doute à cette catégorie. De mémoire de Jérémien expatrié, je cite les funérailles de l’exportateur Nono Lavaud auxquelles j’ai assisté en 1963, celles du Dr Jean Martineau en 2007. Le jour des funérailles de Nono Lavaud, Max Rigaud, le directeur de la Banque Nationale à Jérémie, me faisait remarquer que ce décès était le prélude de la disparition graduelle des maisons d’exportation de la ville et  qu’il constituait un coup terrible pour l’économie de la Grand’Anse.  Avec le recul, on voit que le calcul était relativement simple, mais personne d’autre, à ma connaissance du moins, ne l’avait fait à l’époque. 
Max Rigaud
Après l’invasion manquée des Treize de Jeune Haïti entre août et octobre 1964, les massacres de Numéro Deux et l’exode qui s’ensuivit, la prédiction de Max Rigaud s’est  réalisée rapidement : effondrement des recettes fiscales de la ville, stagnation de l’économie locale et  perte de notre statut de port ouvert au commerce extérieur. Je n’ai pas vécu ces événements sur place ni la reprise progressive de Jérémie après mon départ définitif pour l’étranger en 1970. Mais à mon premier voyage retour en 1976, la ville avait retrouvé un certain souffle. Les prix des denrées agricoles étaient à la hausse et la marmite de café atteignait un sommet de 16 gourdes en 1978. La vie nocturne et le commerce local avaient repris, le climat politique s’était adouci et l’humeur générale était  à l’optimisme. C’est dans le contexte de cette relance que Brunel a commencé à s’épanouir et à apposer sa marque sur l’économie de la Grand’Anse. Sur une échelle sans doute beaucoup plus petite, sa disparition soudaine constitue comme celle de Nono Lavaud une grande perte pour la région.

Clémard Joseph Charles
Collection Eddy Cavé
Un autre homme d’affaires à qui je ne cesse de comparer Brunel est Clémard Joseph Charles, dont j’ai été un des conseillers financiers à la fin des années 1960. Clémard  venait de se brouiller avec François Duvalier quand je l’ai rencontré pour la première fois au terme de mes études en banque au Chili. Après une dizaine de minutes d’une conversation à bâtons rompus, il me proposait le poste de sous-directeur de la Banque Commerciale d’Haïti qu’il avait créée sept ans plus tôt. Au terme d’un court séjour dans les prisons de Duvalier, il m’invitait à participer à la restructuration de ses entreprises mises à mal par son passage dans la politique. Arrivé dans la jungle de Port-au-Prince sans les titres de noblesse habituels, Clémard avait réussi à s’imposer dans le milieu des affaires que grâce à son courage, son flair incroyable et un exceptionnel sens du risque.

Fondateur de la première banque privée haïtienne et premier commerçant à introduire les produits japonais en Haïti, notamment les Toyota, Clémard était pour moi l’exemple parfait d’une réussite sociale et financière en milieu hostile. Il n’a toutefois pas eu la sagesse de se tenir à l’écart de la politique et c’est ce qui l’a perdu. Comme Clémard, Brunel a gravi en moins de trente ans les divers échelons de la réussite et il a servi sa communauté avec une rare générosité. Mais, contrairement à ce dernier, il a su résister jusqu’au dernier jour de sa vie aux chants de sirènes et aux appels répétés de l’aventure politique. Bravo cher ami!

Sa barque a fait naufrage durant une nuit d’avril…
Brunel  Pierre  (Avril 2018)
Brunel avait des relations dans tous les camps et il a su se tenir au-dessus de la mêlée, même dans les journées les plus agitées de la vie politique et durant les nombreuses crises qu’a connues le pays à partir de 1985. Dans le passage étroit où il a dû naviguer en contournant, avec ses propres limitations, les écueils de la politique partisane et du milieu ambiant, sa barque a fait naufrage durant une nuit d’avril sans qu’aucun des spectateurs accourus sur les lieux n’ait pu lui porter secours.

Cet homme généreux et avenant au sourire communicatif était au fond, comme je l’ai écrit au sujet de Nono Lavaud, un homme triste, solitaire malgré ses apparences de jovialité et de parfait homme du monde. Comme Clémard Joseph Charles, il n’a jamais été accepté comme un partenaire à part entière dans le cercle des gens d’affaires auquel il avait accédé sur la base, non pas de la naissance, mais du mérite. Contrairement à Clémard qui vociférait continuellement contre les forces du statu quo qui s’étaient liguées contre lui, Brunel était fermé comme une huitre. Sous une carapace qu’aucun de ses proches n’a pu véritablement percer, il a vécu les succès et les échecs de l’existence avec le sourire et le même regard impassible et impénétrable.

Et son destin tragique, il l’a affronté avec une telle sérénité et une telle détermination qu’il n’a donné à qui que ce soit la possibilité de voler à son secours quand la fortune a changé de camp. Il s’est alors effondré comme un personnage de tragédie grecque. Personne ne sait encore ce qui va advenir de sa succession. Il laisse dans le deuil sa compagne Célise, sa fille Rode, un large cercle d’amis et un très grand nombre de protégés. Quant à moi, c’est seulement à mon prochain voyage à Jérémie que je pourrai évaluer l’ampleur de la perte de cet ami très cher.

Outre la grande affection et l’admiration que commandait cette personnalité attachante au plus haut point, Brunel avait droit au respect de tous et de chacun. Avec un respect et un sens de la politesse jamais pris à défaut, Brunel a toujours interpellé ses interlocuteurs en disant Monsieur, Madame ou Mademoiselle. Les plus humbles comme les plus puissants. Des portefaix venus encaisser un billet de loterie gagnant aux coopérants et professionnels étrangers effectuant de grosses opérations de change à ses guichets. C’est à mon tour aujourd’hui de lui rendre la pareille en lui disant : « Adieu,  Monsieur Brunel! Merci pour Jérémie et la Grand’Anse. Que la terre te soit douce et légère! »



Par :Eddy Cavé eddycave@hotmail.com

Ottawa le 11 avril 2018