Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Saturday, October 24, 2015

Candidats schizophrènes à l’assaut du pouvoir

Par Max Dorismond
 mx20005@yahoo.ca     
Douze des 54 candidats aux élections
présidentielles 2015.                            
Cinquante quatre candidats officiels acceptés parmi le millier de présidentiables à miser sur la loterie nationale! Ce n’est pas possible ! Pourquoi sommes-nous arrivés là ? « Est-ce une assemblée de chats pour discuter du bien-être des rats »?
         
Au fil de mes questionnements, j’ai posé diverses hypothèses pour me faire à l’idée que le chômage endémique,  la multiplication des Universités, le nombre croissant de jeunes formés à l’étrange etc… seraient peut-être les causes de cette prolifération et de cet engouement pour la chose publique.
         
Suite à mes recherches, je crois découvrir d’autres raisons à partir d’une vidéographie où le curriculum des candidats a été exposé. 
         
Newton St-Juste et André Michel
En Haïti, le fondateur d’un parti politique se voit toujours candidat même après cent ans. Il est indélogeable, même si ses idées s’avèrent scléroser après cinq ou dix essais infructueux. Tous les membres d’un parti se croient présidentiables, avec ou sans formation, sans contacts, sans adeptes. Dans leur pensée, il n’y a pas de strates, c’est la présidence ou rien, d’où leur propension à trahir le candidat choisi à la première contre-offre. Certains qui, avec des dossiers criminels longs comme le bras, avaient bénéficié jadis de l’immunité parlementaire, pensent aujourd’hui qu’on n’est mieux servi que par soi-même. Ils visent le confort de la première magistrature pour se protéger contre les rigueurs de la loi. Des amis de longue date, tels que Newton St-Juste et André Michel, luttant la main dans la main depuis des lustres contre la gabegie nationale, se sont séparés en fin de compte dans l’inimitié pour se lancer, tous les deux, tête la première, dans la course. Aucun ne désire laisser la chance à l’autre. L’amour du pays ne peut être collectif. Dans le milieu religieux, principalement chez les protestants, la fédération s’était réunie pour présenter un seul candidat. Faute de consensus, tous voulant être choisis. C’est l’éclatement. Plusieurs pasteurs sont partis dans toutes les directions pour former avec leurs ouailles leur propre plateforme en vue de briguer le fauteuil qui les placera à la droite du Seigneur au Palais national.


Les 54 aspirants à la présidence d'Haïti

      
Dans cette galerie de clowns, plusieurs auraient entendu des voix leur confirmant qu’ils deviendraient président d’Haïti cette année. C’est le moment ou jamais. Ce qui explique leur empressement à cheminer en toute hâte vers la grande maison, d’où cette foule d’élus des dieux qui se pressent à la porte.
            En conclusion, je peux fermer la parenthèse avec cette note d’un sage qui soutient que «  si tu parles à Dieu, tu es croyant. S’Il te répond tu es schizophrène ».  Soyez vigilants, frérots !

Max Dorismond  mx20005@yahoo.ca

            

Monday, October 12, 2015

Jérémie dans la peinture haïtienne

Repères de la mémoire                                                 
Toile de Mérès Weche
 Tragédie du roi Henry 
Cliquez  pour agrandir
D’aucuns vont se demander si ce n’est pas trop forcer la note que de parler d’une histoire de la peinture Jérémienne dans le concept de l’art haïtien.  Ce serait la même interrogation par rapport à la sculpture. La raison, c’est que l’image d’Épinal de Jérémie reste et demeure la poésie, lors même que certains poètes issus d’autres villes du pays ont tendance à s’y opposer.

Puisqu’il faut parler peinture, nous dirons que si la grande majorité des peintres haïtiens viennent du Nord, il faut rendre un hommage certain au roi Henry qui fit venir au Cap le peintre anglais Richard Evans pour enseigner la peinture et le dessin à l’Académie royale. On doit à ce peintre le célèbre portrait du roi qui fait partie aujourd’hui de notre patrimoine national.  On peut dire que c’est toute une tradition bien gardée qui est à l’origine de la fameuse «École capoise» que symbolisent les frères Obin.

Nelson Mandela peint en acrylique sur toile
 par l'écrivain Mérès Weche                         
Selon Michel-Philippe Lerebours (1 ), dans son introduction au catalogue de l’exposition Haïti au toit de la Grande Arche, qui eut lieu á Paris en septembre 1998, la République de Pétion entreprit également un effort dans ce sens, pour avoir inscrit au programme de formation des jeunes, par le biais du Pensionnat des jeunes filles, établi dans les principales villes de province, une combinaison de la musique, du dessin et de la peinture. L’aristocratie Jérémienne d’alors devait en profiter le long de plusieurs générations, et c’est ce qui valut á cette ville d’éminents musiciens tels que les Villedrouin, les Clérié, les Roumer, sans oublier un Louis Laurent et un Antime Samedi, pour ne citer que les plus talentueux de la classe moyenne.

En ce qui concerne la peinture proprement dite, qui fut enseignée dans le Pensionnat de jeunes filles instauré dans la ville de Jérémie par l’Administration Pétion, elle fut davantage à la portée de celles-là qui fréquentaient l’institution des Sœurs de la Sagesse, très sélective évidemment, dont l’objectif consistait á former des femmes d’intérieur initiées aux arts d’agrément. De belles reproductions de peintures européennes garnissaient les salons de la haute bourgeoisie de la haute ville. On en voyait chez les Villedrouin, les Allen, les Martineau, les Laveaux, etc., toutes des adaptations réalisées par des «filles de famille».

Une toile de Tiga 
Dès 1825, s’établissait aux Cayes, venue de la Louisiane, une certaine Clara Petit, qui donnait des leçons de peinture. Au cours de ses séjours à Jérémie dans des milieux aristocrates, elle contribuait à conforter les acquis de ces jeunes filles privilégiées, et intéressait même de jeunes hommes à la pratique des arts plastiques.

Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, particulièrement sous les gouvernements de Salomon, d’Hyppolite et de Nord Alexis, des bourses furent octroyées à de jeunes gens pour se spécialiser dans les arts en Europe. Au pays même, beaucoup d’autres, grâce aux efforts de leurs parents, acquirent des connaissances sous la houlette d'un Normil Charles ou d'un Lominy, par exemple.

Poète Edmond Laforest
(Toile de Méres Weche)
Il fallait attendre le mouvement indigéniste pour voir s’haitianiser les sources d’inspiration,  surtout avec l’arrivée au pays, en 1932, du peintre noir américain Williams Scott. L’indigénisme en peinture déplut la haute société jérémienne, et les inspirations, confinées dans les salons, se retournaient vers l’Europe.

Les œuvres de peintres cubains arrivés en Haïti vers 1945-46, en l’occurrence Wifredo Lam, ouvrirent l’art haïtien au surréalisme et au cubisme. Certains jeunes peintres d’origine jérémienne, pour la plupart revenus de l’étranger ou gagnés par l’enthousiasme du Centre d’Art, et plus tard Galerie Brochette , Foyer des Arts Plastiques et Calfou, s’éprirent de la grande fascination apportée par le vodou. Ainsi, Jean-Claude Garoute (Tiga) et Patrick Vilaire se retrouveront dans cette mouvance au sein du Poto-Mitan, en compagnie de Frido Casimir.

Le coeur du Sud - Toile de Jacques St-Surin symboli
sant la Grand'Anse qui jusqu'aujourd'hui produit pres
que tous les vivres agricoles d'Haïti.                       
Au cours des années 60, à Jérémie même, s’affirmaient Éric Girault, Vernet Caze, Wébert Lamour et un des frères Dupoux au haut de Morne Canova. Aidés de Wébert Lamour, de jeunes talents commençaient à s’affirmer dans la ville, parmi lesquels Fritz Edouard Joseph (Dada), Gladys Chevalier et moi. Viendront ensuite Jacques Saint-Surin  et Marc Chanlatte, ce dernier, venu de Jacmel. Il se développait dès lors un engouement pour l’architecture de l’église Saint-Louis, la gorge de l’Anse d’Azur, le promontoire de La Pointe, la beauté gracile de la petite Amélie  et le Lycée Nord Alexis nouvellement reconstruit à Nan-Bourette. Encouragé par Antoine Jean du Soleil Levant, Élie Lestage et Antoine Roumer, je faisais des cartes de souhaits qui s’écoulaient à merveille. Les murs d’intérieur de chez nous, au 54 de la rue Monseigneur Beaugé, se convertissaient en murales, et la galerie même de la maison tenait lieu d’espace d’exposition avec ces cartes de vœux  étendues sur des cordes. Je me souviens d’Hubert Sansaricq , lui aussi peintre, qui me fit don de ma première boite d’aquarelle. J’ai eu personnellement l’honneur de rafraichir, à la demande d’Antoine Jean, la murale de fond de Versailles préalablement peinte par Vernet Caze, le plus âgé d’entre nous.

Les figures de proue
Les quatre figures jérémiennes les plus proéminentes de la peinture haïtienne demeurent, à l’échelle nationale et internationale,  Patrick Vilaire, Érick Girault , Jean-Claude Garoute dit Tiga et Fravrange Valcin alias Valcin II. Ces deux derniers  m’ont voué une amitié profonde pour m’avoir invité à exposer avec eux. Valcin II, dans les jardins de Galerie Marassa, et Tiga dans son inoubliable exposition Noir sur Blanc à Pétion-Ville. Je leur dois une fière chandelle. Quant à Girault, il m’assista à Linden Boulevard, Queens, lors d’une exposition organisée à New York, en 1982, sous les auspices du Dr. Jean-Robert Léonidas. Il est à noter que le grand sculpteur en bois, connu sous le nom de Sanon, aux abords de la route de Thomassin, est originaire de Roseaux, près de Jérémie.

Par Mérès Weche



1.      


Michel-Philippe Lerebours, Haïti, au toit de la Grande Arche, Paris, France, 1998.pp.27-3

Saturday, October 10, 2015

Commémoration du 195e anniversaire de la mort d’Henry Christophe à MUPANAH

Henri Christophe
Dans le cadre de la commémoration du 195e anniversaire de la mort d’Henry Christophe (8 octobre 1820 - 8 octobre 2015), le Musée du Panthéon National (MUPANAH), en collaboration avec le Conseil National des Musées (ICOM-HAITI) et  la Société Haïtienne d’Histoire, de Géographie et de Géologie (SHHGG), a organisé ce jeudi 8 octobre, une conférence-débat autour la vie de cet illustre personnage, à la salle audiovisuelle du MUPANAH.

Cette activité a accueilli un panel formé d’une série de hautes personnalités du Pays telles que madame Michel G. Frisch, Directrice générale du MUPANAH, le Professeur Michel Hector, Président d’honneur du SHHG, monsieur Emile Emma, Président de la Societe d’Histoire et du Patrimoine du Cap, madame Monique Rocourt, ex ministre de la culture, monsieur Pierre Buto, Professeur et ancien Ministre de l’Education nationale, monsieur Patrick Delatour, Architecte de monuments et ancien Ministre du Tourisme, et a été une belle occasion pour discuter et débattre autour de la personnalité du « Roi du Nord » afin et d’avoir une meilleure compréhension de sa vision de l’Etat…

« Les éléments de l’Etat christophien restent encore présents aujourd’hui. Il a laissé les traces de son passage dans l’histoire d’Haïti comme dans celle du monde. Henry Christophe est un personnage historique » a placé le professeur Buto lors de son intervention autour thème : « Henry Christophe : la construction historique d’une vision. »

Toile de Mérès Weche symbolisant le drame
d'Henri Christophe le 8 Octobre 1820.            
Sa participation dans la révolution de Saint-Domingue et la lutte pour l’indépendance, sa vision en tant qu’homme d’Etat, son profil, son souffle dans l’évolution du Cap, les monuments érigés sous son règne, certaines lettres qu’il avait envoyées de part et d’autres, ses moments de gloire, jusqu’à son suicide ; tout à propos d’Henry Christophe, dit le « Roi baptiseur » - en référence ses réalisations les plus célèbres : Citadelle Laferrière, Palais Sans-Souci ect. - a été passé en revue lors ce moment de réflexions ayant suscité de fructueux échanges et des débats très animés d’abord entre les panelistes eux-mêmes, puis entre les panélistes et les participants. 
Le 8 octobre : possible « Jour National du Patrimoine d’Haïti » ?

Dans l’une de ses interventions en tant que modérateur en la circonstance, monsieur Harold Gaspard, architecte de monuments et Président de l’ICOM-HAITI, a fait part, à l’assemblée et à la Presse, de l’idée caressée par son organisation et tant d’autres afin de faire du « 8 octobre, le Jour National du Patrimoine d’Haïti ». Une pointe de nouvelle semble avoir réjoui toute l’assemblée. L’avenir devra dire le reste…

Raoul Junior Lorfils
HCN/ Port-au-Prince

Récentes Photos, courtoisie de MUPANAH

Friday, October 9, 2015

LE PASSAGE VERS L’AU-DELÀ D’UN AMI D’ENFANCE EST TROUBLANT.

Par :Jacques Saint-Surin
Jean-Claude Bourdeau
Jean-Claude Bourdeau  fut un ami et frère sur qui l’on pouvait compter du temps de nos déboires de jeunesse. Les années 70 nous ont valu l ’étiquette de « équipe chien » de la part du clan « Ti Kalap » des frères Clérié de Jérémie. Jean-Claude Bourdeau fut un membre solide de notre équipe de débonnaires et d’emmerdeurs admirables de la Cité des Poètes.

Lorsque je parle qu’on était un « gang », je ne voudrais pas que vous ayez la mauvaise connotation de nous assimiler à ces petits cochons trouble-fêtes de nos jours qui emmerdent la paix publique.

« Equipe chien » peut paraitre péjoratif pour ceux-là qui ne savent pas de quoi il en retourne. Cependant, c’était un appellatif admiratif adressé à notre gang de jeunes qui faisait la pluie et le beau temps dans la Cité des Poètes. Nous étions et faisions la pluie et le beau temps à Jérémie de notre génération. Nous avions créé l’ambiance festive et le délire des jeunes filles grand’anselaise. Chefs de scouts, des Jécistes (JEC pour Jeunesse Etudiante Catholique), fondateurs de la Revue Assotor Grand’Anselais et du Ciné-Club, initiateurs des décorations des arbres de Noël de la Place Dumas, animateurs de programmes de Radio Grand’Anse, faiseurs de programmes culturelles et récréatives et surtout « casseurs de gueules » des imbéciles qui nous en voulaient, jalousement, durant les périodes carnavalesques.

Nous n’étions pas des « bullies » (intimidateurs), à l’instar des gangs de Chicago. Mais nous n’avions jamais reculé devant les affronts des pétards de Jérémie, en temps et lieux. Nous n’acceptions point la merde de quiconque, tontons macoutes, agents de préfecture, policiers ignobles de la gendarmerie ou tous politiciens malfamés… et même les fornicateurs en froc. Nous nous croyons, mentalement, au-dessus de la loi, invincible et intouchable… A y penser, peut-être nous agissions, à l’abri de nos parents qui occupaient des positions clés de la vie politico-sociale et culturelle de la ville.
Evidemment, nous étions des « faroucheurs » aimables, des amants désinvoltes et romantiques qui satisfaisaient les désirs des jeunes Juliette et parfois même des vieilles en détresse de débauches sexuelles, en rut ou en quête d’aventures amoureuses.
Fornicateurs, nous ne l’étions pas. Mais comme certains le voulaient le faire croire, nous avions laissé, secrètement, pendre sur nos têtes, la rumeur de la « bagnole hypocrite de Sodome et de Gomorrhe ». Mythe qui alors arrangeait nos mentalités imbéciles de jeunesse.

Ce disant, je ne veux, en aucune manière, ternir la mémoire de feu Jean Claude Bourdeau. Dans notre groupe, chacun de nous fut indépendant des prescriptions du groupe qui n’en définissait aucune. Mais fraternité, fidélité, loyauté et solidarité envers les uns les autres furent la règle. On pratiquait une philosophie distincte de vivre d’amitié et de vivre « un pour tous » On se donnait le bouclier de cette pensée de Dumas : « Un pour tous et tous pour un ». Cependant, chacun de nous remplissait une fonction dans la société jérémienne.

Jean-Claude était un fervent scout et un secouriste à part entière en tant de dégâts et fléaux naturels. Il était le premier à répondre à l’alerte des cyclones et autres problèmes. Il m’emmerdait de ses fausses alertes événements qui n’eurent jamais cours. Jean-Claude habitait en face de ma résidence.

- « Jacques, Jacques, tu dois te réveiller. On doit faire la ronde », alors que je viens juste de fermer les yeux –

« Jacques, Jacques, réveille-toi pour la ronde ».

 Il venait souvent me secouer à 7 heures du matin, au temps de la saison cyclonique.
- Merde, Jean-Claude, foute-moi la paix. Je viens juste de dormir. Tu es bien foutu avec tes fausses alarmes, lui répliquai-je, avec toutes les insultes ordurières qu’on me connaissait. Ma rage, c’est qu’il s’en foutait pas mal tant il était enclin à me réveiller de mes rêves chimériques. Le pire, c’est qu’il ne rétorquait jamais, à mes rhétoriques d’énervements, au cours de sa soi-disant « ronde de vigilance ». Il était d’un stoïcisme qui agaçait mon attitude débonnaire.

- Je sais que tu aimes les gens démunis, me disait-il pour me remonter psychologiquement et adoucir l’atmosphère.

- Ta gueule ou je retourne chez moi, rétorquai-je, avec véhémence.
Tu veux être vieux et prétendre adulte. Moi, je veux rester 18.

- Je lui cherchais querelle. Il me méprisait, ne pétant point dans un morceau de coton pour me l’offrir aux narines. Expression jérémienne ! Il sut comment maintenir l’amitié.


JEAN-CLAUDE BOURDEAU REPOSE DANS LA SAINTE PAIX DU SEIGNEUR!

Jacques Saint-Surin

Réfléchir scientifiquement sur la langue kreyòl

Par: Hugues Saint-Fort Hugo274@aol.com 
Hugues Saint-Fort
De plus en plus de locuteurs haïtiens s’intéressent à leur langue maternelle, le kreyòl[1]. Certains font des efforts pour écrire leurs textes selon l’orthographe officielle qui existe, rappelons-le, depuis 1980. Ces locuteurs savent que, même si le kreyòl est leur première langue (L1) et qu’ils le parlent couramment, il leur est nécessaire d’apprendre à l’écrire ; d’autres prennent l’habitude d’écrire spontanément en kreyòl dans leurs échanges avec des amis, se donnant ainsi les moyens de maitriser rapidement l’écriture de leur langue maternelle ; d’autres encore se mettent à la pratique de la lecture créole ; certains se constituent en créolistes amateurs. Il y a parfois de bons amateurs : le livre de Jules Faine, Philologie créole : études historiques et étymologiques sur la langue créole d’Haïti(1937) révèle un brillant amateur bien qu’à l’époque les linguistes n’étaient pas aussi impliqués dans les recherches sur les langues créoles.
Cependant, il y a un autre groupe de locuteurs haïtiens qui ne font absolument aucun effort pour apprendre cette orthographe officielle. Cela fait de la peine de les voir écrire la langue créole comme l’écrivaient les colons français de Saint-Domingue au milieu du 18ème siècle, ou comme les Haïtiens du milieu du 19ème siècle ou du début du 20ème, c’est-à-dire une orthographe hautement irrégulière, incohérente, et désordonnée. Ils multiplient les lettres « c », « q », « x »,  qui n’existent pas dans l’orthographe officielle, ou le digraphe « in » pour rendre le son nasal [ĕ] ; par exemple, ils écrivent « zin » ou « min » au lieu de « zen » et « men ». Ce qui est dramatique, c’est quand il y en a qui en font une affaire personnelle, --mais là, c’est un cas pathologique-- se glorifiant d’écrire la langue du pays comme ils le veulent, alors qu’il s’agit de l’exigence normative de l’écriture d’une langue nationale. Heureusement qu’il n’existe qu’un tout petit groupe de ces locuteurs et qu’ils sont condamnés à échouer piteusement dans leur tentative de revenir à l’orthographe irrégulière, incohérente, et désordonnée d’avant la période de la systématisation de l’orthographe du créole haïtien qui a commencé à partir de la deuxième moitié du vingtième siècle, mais la limitation de leur nombre ne justifie pas qu’on doive tolérer ces contrevenants.
De plus, ce ne sont pas les questions d’orthographe qui apportent la preuve que la langue créole haïtienne a franchi un pas décisif dans son évolution vers un statut social plus conforme à sa situation de marqueur identitaire national et est devenue « une langue ». L’orthographe, on le sait, n’est pas la langue.
De toute façon, il est nécessaire que mes compatriotes comprennent ceci : Il est temps que certaines personnes cessent de dire n’importe quoi quand il s’agit de réfléchir sur la langue créole. Aucune personne sensée n’adoptera une telle position s’il s’agit des sciences biologiques, ou physiques ou chimiques. Pourquoi le fait-on quand il est question des langues créoles ou de la langue kreyòl haïtienne ? Nous devons bien nous mettre en tête qu’il existe une discipline scientifique appelée linguistique qui est enseignée à l’université et qui est définie comme la science du langage et des langues. C’est avec les méthodes et les principes de cette science que toutes les langues modernes et contemporaines sont étudiées. Il faut qu’il en soit de même pour le kreyòl puisque le kreyòl est une langue naturelle (humaine) comme toutes les autres. Pour un certain nombre de mes compatriotes, tous les Haïtiens peuvent donner leur avis ou écrire sur le kreyòl, quel que soit le point de la grammaire sur lequel on se penche. C’est leur langue et ils ont le droit de donner leur opinion. La langue n’appartient à personne en particulier. C’est une propriété collective. Il faut reconnaitre que sur ce point précis ils n’ont pas tout à fait tort. Déjà au début du siècle dernier, le célèbre linguiste suisse Ferdinand de Saussure (1972 : 30) [1916] avait déclaré à propos de la langue: «C’est un trésor déposé par la pratique de la parole dans les sujets appartenant à une même communauté, un système grammatical existant virtuellement dans chaque cerveau, ou plus exactement dans les cerveaux d’un ensemble d’individus, car la langue n’est complète dans aucun, elle n’existe parfaitement que dans la masse. »
C’est encore Ferdinand de Saussure (1972 : 21) [1916] qui a écrit ceci : « …dans la vie des individus et des sociétés, le langage est un facteur plus important qu’aucun autre. Il serait inadmissible que son étude restât l’affaire de quelques spécialistes ; en fait, tout le monde s’en occupe peu ou prou ; mais—conséquence paradoxale de l’intérêt qui s’y attache—il n’y a pas de domaine où aient germé plus d’idées absurdes, de préjugés, de mirages, de fictions. Au point de vue psychologique, ces erreurs ne sont pas négligeables ; mais la tâche du linguiste est avant tout de les dénoncer, et de les dissiper aussi complètement que possible. »
Cependant, il y a des limites à cette propriété collective dont nous parlions plus haut. S’il est vrai que le kreyòl appartient à tout locuteur haïtien, ce ne sont pas tous les locuteurs haïtiens qui sont qualifiés pour expliquer tel ou tel fait de langue, ou produire une cohérente et systématique description du kreyòl, ou présenter une construction théorique de la langue. Seul un/une linguiste est qualifié(e) pour donner de telles explications. La réflexion scientifique sur le kreyòl ou sur le français ou l’anglais est strictement l’apanage du linguiste car c’est lui qui est l’expert sur les questions de langue. Parler une langue ne fait pas d’un locuteur un expert de cette langue, tout comme parler le kreyòl ne rend pas le locuteur haïtien apte à réfléchir scientifiquement sur cette langue.     
La nature de la science
Les scientifiques partagent certaines croyances et attitudes fondamentales par rapport à ce qu’ils font et comment ils voient ce qu’ils font, la nature du monde et ce qui peut être appris sur ce monde. La science présume que les choses et les événements dans l’univers apparaissent selon des modèles consistants, compréhensibles à travers une étude attentive et systématique. …La science présuppose aussi que l’univers constitue, ainsi que son nom l’implique, un vaste et unique système dans lequel les règles de base restent les mêmes partout. La connaissance acquise en étudiant une partie de l’univers est applicable à d’autres parties… (Rutherford & Ahlgren 1990 : 3-4).   
Évidemment, la réflexion scientifique sur les langues et sur la langue kreyòl passe obligatoirement par la linguistique. La science constitue un processus de production de connaissance. Ce processus s’appuie d’abord sur des observations attentives de phénomènes naturels, puis sur la construction de théories qui viendront apporter  du sens à ces observations le plus souvent disparates. Quelle que soit la discipline, l’investigation scientifique suit les mêmes principes fondamentaux basés sur ce qui est connu comme la méthode scientifique, c’est-à-dire poser une ou des questions, faire des recherches de terrain, construire une hypothèse, tester cette hypothèse par des expériences, analyser les données recueillies et émettre une conclusion. Cette conclusion, à son tour, doit être vérifiée avec de nouvelles données et, si besoin est, modifiée pour tenir compte de ces nouvelles données.
Comme la physique ou les sciences biologiques, la linguistique s’occupe d’abord d’observer et de classifier des phénomènes naturels. Pour le linguiste, ces phénomènes sont constitués par les sons de la parole, par les mots, les langues, et les différentes façons par lesquelles les locuteurs utilisent la langue en société.       
Puis, comme tous les scientifiques le font, les linguistes bâtissent des hypothèses concernant la structure de la langue ou des langues et soumettent ces hypothèses à des tests, des expériences propres à la langue. Ils arrivent ainsi à fournir des explications aux nombreux phénomènes linguistiques observés.  Les linguistes utilisent aussi un vocabulaire spécialisé—comme tous les scientifiques le font pour leur discipline---qui n’est pas à la portée des non-spécialistes. Des termes tels que paire minimale, phonème, morphème, allomorphe, allophone, signifiant, signifié, phonologie, grammaire générative, grammaire universelle (GU), permutation, récursivité, théorie X-barre, structure de surface, structure profonde, neutralisation, analyse en constituants immédiats, rapports paradigmatiques, rapports syntagmatiques, syntagme, liage, spécificateur… font partie d’un immense vocabulaire technique difficile à comprendre si on n’a pas reçu de formation en linguistique. D’autres termes d’usage commun peuvent aussi acquérir une signification spécialisée qui n’a pas grand-chose à voir avec leur sens courant. C’est le cas de termes tels que : compétence, performance, signification, système, mouvement, ambiguïté, argument, gouvernement…
Au cours des dernières décennies, de nouvelles disciplines (sciences cognitives, neurosciences…) se sont approprié certains domaines de la linguistique et ont permis une connaissance encore plus approfondie du langage mais cela n’a pas empêché la linguistique de garder une place fondamentale dans l’étude des langues naturelles.
La linguistique et les langues créoles
Il n’existe pas UNE langue créole. Il existe DES langues créoles. Ces langues sont parlées principalement dans des groupes d’iles situées dans la Caraïbe et dans l’Océan Indien. Cependant, on en trouve aussi dans certaines régions d’Afrique et même d’Asie. Mais, c’est surtout en référence aux langues utilisées dans la Caraïbe et dans l’Océan Indien que les linguistes parlent de « créoles ». En effet, ces langues sont considérées comme les créoles classiques car ce sont elles qui ont laissé leurs noms à tout un nouveau groupe de variétés linguistiques Historiquement, ces langues ont émergé durant les dix-septième et dix-huitième siècles à la suite de l’expansion coloniale européenne et de la traite esclavagiste. Les linguistes identifient les langues créoles classiques en se référant à la langue lexificatrice qui est toujours une langue européenne (français, anglais, hollandais, espagnol/portugais). Par exemple, les linguistes considèrent la langue créole en usage à la Jamaïque comme un créole à base anglaise[2] tandis qu’en Haïti le créole utilisé (kreyòl) est un créole à base française. Les créoles ne sont pas mutuellement intelligibles même dans les cas où ils partagent la même langue européenne comme langue lexificatrice. Par exemple, le créole haïtien et le créole réunionnais sont tous deux des créoles à base française mais l’intercompréhension entre  locuteurs haïtiens et locuteurs réunionnais est loin d’être évidente.
La linguiste française Marie-Christine Hazaël-Massieux (2011) définit les « créoles à base française » comme des « langues dont la formation aux XVII-XVIII ème siècles s’enracine dans le français mais aussi dans d’autres langues, les langues des esclaves. Nées dans les contacts linguistiques, pendant les colonisations européennes, ces langues résultent donc d’interprétations et de réanalyses effectuées dans le cadre de communications essentiellement orales, en dehors de toute pression normative. » Les principales langues créoles à base française sont dans la Caraïbe : le créole haïtien, le créole martiniquais, le créole guadeloupéen, le créole st. Lucien, le créole dominiquais (de la Dominique), le créole guyanais… ; dans l’Océan Indien, le créole mauricien, le créole réunionnais, le créole seychellois…
La créolistique est une discipline universitaire qui utilise la linguistique pour étudier les langues créoles. Parmi les questions que se posent les linguistes créolistes, on peut souligner les suivantes : Qu’est-ce qu’une langue créole ? Quand ces langues sont-elles apparues ? Dans quelles conditions ? Où sont-elles apparues ? Quelle a été leur genèse ? Quelle est l’importance des études créoles et quelles relations entretiennent-elles avec la linguistique ? [3] Une langue créole est à l’origine une langue de contact. On appelle langue de contact toute langue utilisée systématiquement dans des contacts entre locuteurs dont les langues premières (L1) sont différentes (Matthews 1997). Il convient de rappeler ici l’importance des recherches de deux linguistes spécialisés en créolistique, Michel DeGraff du MIT et Salikoko Mufwene de l’Université de Chicago qui ont montré que les langues créoles ne sont pas des langues à part et sont loin d’être des langues « exceptionnelles ». DeGraff en particulier, dans un article célèbre, « Linguists’ most dangerous myth : The fallacy of Creole Exceptionalism » paru dans la revue (Language in Society, 34, 533-591) introduit et définit l’Exceptionnalisme créole (Creole Exceptionalism) comme « a set of beliefs, widespread among both linguists and nonlinguists, that Creole languages form an exceptional class on phylogenetic and/or typological grounds. It also has nonlinguists (e.g. sociological) implications, such as the claim that Creole languages are a « handicap » for their speakers, which has undermined the role that Creoles should play in the education and socioeconomic development of monolingual Creolophones. » Tout au long de l’histoire humaine, il y a eu des situations de contact qui ont généré des rapprochements entre locuteurs de langues différentes.  De plus, les langues créoles ont dépassé le stade de langues de contact pour devenir des systèmes linguistiques autonomes et institutionnalisés. Le créole haïtien par exemple possède des sources africaines et françaises mais il fonctionne comme un « système, c’est-à-dire un ensemble homogène d’éléments, dont chacun est déterminé, négativement ou différentiellement, par l’ensemble des rapports qu’il entretient avec les autres éléments. »       
Le domaine propre de la science linguistique
Le domaine propre de la linguistique comprend généralement les cinq disciplines suivantes : la phonologie, la morphologie, la syntaxe, la sémantique et la pragmatique qui est en fait une discipline récemment fondée. Elles représentent le cœur de la linguistique et fournissent l’ensemble du savoir que les locuteurs ont de la langue. C’est grâce à ce savoir que les sujets parlants sont capables d’énoncer des jugements sur la grammaticalité ou l’agrammaticalité[4] des phrases que nous entendons, sur leur ambiguïté, leur interprétabilité, etc.
A. Phonologie/ Phonétique
Il est important de tracer une distinction claire entre la phonologie et la phonétique. Alors que cette dernière s’occupe des sons de la langue parlée et étudie leur production, leur classification, leur combinaison, leur interaction et leur perception, la phonologie étudie les sons de la parole à un niveau plus abstrait. Faire de la phonologie, c’est étudier le système et les structures dans lesquels entrent les sons de la parole. Toute langue possède son propre système phonologique.  Le système phonologique du kreyòl diffère de celui du français. Décrire un système phonologique, c’est mettre en lumière, par commutation, les oppositions pertinentes dans cette langue. Ces oppositions sont réalisées par des unités phonologiques abstraites appelées phonèmes, conventionnellement notés entre deux barres obliques : // alors que les sons sont représentés entre crochets : [ ].
Il existe des variations de prononciation dans toutes les langues humaines connues mais elles sont le plus souvent ignorées des locuteurs lorsqu’elles ne gênent pas la communication. Par exemple, un Français ou un francophone qui entend le mot billet prononcé avec un « é » [bije] et qui plus tard entendrait le même mot prononcé cette fois avec un « è » [bijɛ] ne devrait pas réagir négativement car la communication ne serait pas perturbée.   
De même, pour un locuteur haïtien qui entend les deux phrases suivantes : li tonbe sou jenou li et li tonbe sou jinou li, il ne devrait pas y avoir de risque d’incompréhension car jinou et jenou sont des variantes d’un même mot.  
Même chose pour le locuteur haïtien créolophone qui entend les deux phrases suivantes : yo genyen lajan et yo ganyen lajan puisque genyen et ganyen sont des variantes d’un même mot.   
En revanche, pour ce même locuteur haïtien qui entend d’abord la phrase li gen bèt, puis cette autre phrase li gen tèt, la différence saute aux yeux. Le remplacement de la consonne /b/ par la consonne  /t/ produit tout de suite une différence de sens.  
C’est grâce à des analyses de ce genre que le linguiste arrive à mettre en lumière des traits qui sont dotés d’une fonction distinctive et permettent de comprendre le sens du message. Nous sommes alors dans le domaine de la phonologie qui est « l’étude des unités linguistiques abstraites à valeur signifiante, du système assurant la communication linguistique propre à un groupe d’individus. »   
Il existe une différence capitale entre son et lettre. Le son est un phénomène physique. C’est la réalité première de la langue. La lettre relève de l’écrit qui n’est qu’une représentation conventionnelle du son. En fait, un grand nombre de langues aujourd’hui ne sont pas encore écrites. Mais, cela ne les empêche pas d’être considérées comme des langues à part entière par les linguistes. Vers la fin du dix-neuvième siècle, afin de symboliser les sons du langage, des phonéticiens ont inventé à partir de l’alphabet latin, des signes graphiques qui représentent l’alphabet phonétique.
Dans l’alphabet phonétique, chaque signe ou symbole représente un seul son et réciproquement. L’alphabet phonétique le plus connu de nos jours est l’alphabet phonétique international (API) qui est devenu l’incontournable outil de présentation des données des langues étrangères.
Il est donc extrêmement important que tout étudiant en linguistique se familiarise avec les symboles de l’API et soit capable de les lire couramment. Précisons aussi que les symboles de l’API sont différents des symboles utilisés dans les systèmes orthographiques traditionnels de la plupart des langues. Par exemple, le système orthographique standard et officiel du créole haïtien en vigueur depuis janvier 1980 comporte des différences par rapport aux symboles de l’API. Ainsi, le symbole /ɛ/ en API est noté « è » dans le système orthographique standard et officiel, comme dans les mots lanmè, (« mer »),  pèsi  (« persil »), lanvè[5](« inverse, revers »), boulvès (« problèmes »)ou bèbè (« muet »). Ou encore, le symbole /ɔ/ en API est noté « ò » dans le système orthographique standard et officiel, comme dans les mots koridò (« corridor »), bòpè (« beau-père »), lò (« or »), jefò (« effort »), gòj (« gorge »)…
C’est à cause des irrégularités énormes qui se trouvent dans certaines transcriptions graphiques  que les phonéticiens ont mis en place ce système. En effet, dans les transcriptions graphiques de nombreuses langues, il arrive souvent que le même son soit rendu par plusieurs graphies différentes. Par exemple, en français, le son [o] peut être rendu par les graphies ot comme dans mot, ou eau, ou aud, comme dans badaud, ou aux, ou tout simplement la lettre o ; inversement, toujours en français, une graphie peut comporter différentes réalisations phonétiques : par exemple, les graphies anc, dans le mot « blanc »,  an, dans le mot « mangue », ans,dans le mot « danse »,  em, dans le mot « embarras », ang, dans le mot « rang »,  en, dans le mot « enfin »  servent toutes à rendre la voyelle nasale du son [ã].         
Pour éviter ces irrégularités, les chercheurs qui ont créé l’orthographe officielle créole se sont démarqués systématiquement de l’orthographe  française. A la différence de l’orthographe  française plus ou moins étymologique, l’orthographe officielle créole est une orthographe phonologique dans laquelle il y a une correspondance terme à terme (c’est-à-dire biunivoque)[6] entre le son et la lettre.  
Par exemple, le son [k] s’écrit toujours avec la lettre « k ». Il n’est jamais rendu par la lettre « c » ou la lettre « q », comme c’est le cas en français. Le nom de la langue parlée par tous les Haïtiens nés et élevés en Haïti sera donc écrit « kreyòl ».
B.  Morphologie
La morphologie est cette branche de la linguistique qui s’occupe de la structure interne du mot et de ses parties signifiantes. Le mot n’est pas l’unité linguistique minimale dotée à la fois d’une forme et d’un sens. C’est le morphème qui joue ce rôle dans la description grammaticale d’une langue. Il est défini par les linguistes comme la plus petite unité linguistique qui possède une forme et un sens. On ne peut pas le diviser en unités plus petites dotées des mêmes propriétés. Prenons le mot lexical kreyòl : jouk qui signifie, entre autres, « poste » (français), dans l’expression « monte (pran) jouk ». On peut y ajouter : « e » qui le transforme en « jouke » (« se percher, se jucher pour dormir, en parlant d’un coq ») « Kòk la jouke sou branch bwa ki pi wo a » (Valdman et al. 2007) (Le coq s’est juché sur la plus haute branche de l’arbre) [ma traduction]. On peut encore faire précéder le mot « jouk » de : « de ». Au final, on parvient à obtenir : de-jouk-e, signifiant : quitter son perchoir (en parlant du coq). Kou l jou poul yo dejouke (Valdman et al. 2007 : 147). (A la levée du jour, les poules quittent leur perchoir) [ma traduction].      
Nous sommes ici en présence de trois morphèmes. Chacun des segments que nous venons de faire ressortir est porteur d’un sens. On peut donc diviser les morphèmes en deux classes bien distinctes : a) les morphèmes lexicaux, comme jouk : ils sont très répandus dans la langue et forment une liste ouverte ; b) les morphèmes grammaticaux, comme dee. Ils ne sont pas très répandus dans la langue et forment une liste fermée. Dans cet exemple, ils constituent des morphèmes liés (préfixes et suffixes), c’est-à-dire qu’ils ne peuvent apparaitre qu’en compagnie d’un morphème autonome lexical.
A l’écrit, les frontières d’un mot sont habituellement délimitées par des espaces blancs. A l’oral, c’est beaucoup plus compliqué mais on peut faire intervenir une légère pause.
La notion de morphème est moins vague et beaucoup plus efficace que celle du mot dans l’analyse linguistique.
Comme en français, mais aussi comme en anglais, la structure interne du mot résulte généralement de deux procédés de formation différents : l’affixation (flexion et dérivation) et la composition.  
Le procédé de formation de mots connu sous le nom d’affixation réunit une racine ou base, c’est-à-dire un morphème lexical, et des affixes, c’est-à-dire des préfixes ou suffixes. Dans le verbe créole deklete, (ouvrir avec une clé), la racine kle est  précédée du préfixe -de et suivie du suffixe –e. Il y a composition quand deux unités qu’on peut retrouver dans d’autres contextes à l’état libre sont juxtaposées.
Les affixes sont toujours joints à une racine. Ce sont des morphèmes grammaticaux qui ne sont pas autonomes. Ils peuvent être préposés ou postposés à une racine Les affixes qui précèdent la racine sont appelés préfixes, ceux qui lui sont postposés sont appelés suffixes.
Quant à la composition, c’est un procédé de création de mots par réunion de plusieurs mots autonomes. Voici quelques exemples de mots composés en kreyòl :
Kòk graje : sorte de sucrerie courante en Haïti faite à partir de noix de coco râpée
Grenn vant : ami intime à qui l’on fait confiance
Grenn senk : brebis galeuse
Grenn kraze : brute
Pen mayi : céréale
Mare min : froncer les sourcils
Kouto operasyon : scalpel
C. Syntaxe
Dans la grammaire traditionnelle, la syntaxe désigne la partie de la grammaire qui s’intéresse aux combinaisons des mots dans la phrase. Elle étudie par exemple comment les mots peuvent être organisés en phrases et comment ces phrases peuvent être comprises. Pour la majorité des scolarisés haïtiens qui ont étudié la grammaire traditionnelle soit en français, soit en anglais et qui de ce fait ne connaissent que la syntaxe traditionnelle, la syntaxe se réfère le plus souvent à des phénomènes tels que certaines constructions où tel verbe se construit avec un complément direct, tel autre avec un complément indirect, ou encore la place du verbe dans la phrase, l’ordre des mots, les fonctions des mots, la structure et les types de phrases (interrogatives, déclaratives), de propositions (relatives),… La linguistique moderne et contemporaine a abandonné presque complètement une telle approche.  La syntaxe occupe maintenant une place fondamentale dans l’étude de la langue. C’est le « cœur » de la langue. Dans le cadre de la grammaire générative, le linguiste américain Noam Chomsky lui donne une importance de premier ordre dans l’approche formelle du langage.  Pour lui, la syntaxe est l’ensemble des principes qui déterminent l’interprétation des phrases. Dans le livre qui marque le véritable tournant de la linguistique, Syntactic Structures (1966: 13), Chomsky écrit ceci: The fundamental aim in the linguistic analysis of a language L is to separate the grammatical sequences which are the sentences of L from the ungrammatical sequences which are not sentences of L and to study the structure of the grammatical sequences. The grammar of L will thus be a device that generates all of the grammatical sequences of L and none of the ungrammatical ones. (Le but fondamental de l’analyse linguistique d’une langue L est de séparer les séquences grammaticales qui sont des phrases de L des séquences non grammaticales qui ne sont pas des phrases de L et d’étudier la structure des séquences grammaticales. La grammaire de L sera donc un dispositif qui engendre toutes les phrases grammaticales de L et aucune des phrases non grammaticales.) [ma traduction]   
L’un des principes fondamentaux qui régissent la syntaxe est celui de la distinction entre phrases grammaticales et phrases agrammaticales. Selon Chomsky, l’objectif premier de la théorie linguistique est de décrire  la faculté de langage, c’est-à-dire la capacité des sujets parlants à distinguer les phrases grammaticales des phrases agrammaticales. C’est ce qu’il identifie comme la « compétence grammaticale » des sujets parlants. Les linguistes appellent « phrase agrammaticale » une phrase qui ne se conforme pas aux règles ou aux principes de la grammaire de la langue qui est étudiée. Quand elle est citée, on la fait précéder d’un astérisque. En revanche, une « phrase grammaticale » désigne une phrase qui est conforme aux règles et aux principes de la langue en question. Rappelons le fameux exemple donné par Chomsky (1966 : 15) : Colorless green ideas sleep furiously est une phrase tout à fait grammaticale car elle est formée selon les règles et les principes de la langue anglaise. En revanche, la phrase suivante citée par Chomsky (1966 : 15) est agrammaticale : *Furiously sleep ideas green colorless.Cependant, le fait que la première phrase est grammaticale ne signifie pas qu’elle soit acceptable car pour un locuteur anglophone, elle est asémantique. De plus, la grammaticalité d’une phrase n’a rien à voir avec sa « correction » telle qu’on entend ce mot dans les grammaires scolaires.
La phrase créole suivante est grammaticale (tout locuteur haïtien peut reconnaitre qu’elle est formée selon les règles de la syntaxe créole) mais elle est asémantique (elle ne véhicule pas de sens) : Senserite chen an vide akasan lan rigòl la.
Ce qu’on appelle analyse en constituants immédiats est une procédure de découverte syntaxique qui « permet de dégager le réseau de relations qu’entretiennent les mots ou groupes de mots au sein de la phrase, confirmant ainsi l’intuition selon laquelle les phrases de la langue répondent à une structure qu’on ne saurait ramener au simple enchainement linéaire que nous livrent leurs réalisations sonore ou graphique » (Arrivé et al.1986 : 181).
Les constituants immédiats de la phrase kreyòl
Que ce soit en français, en anglais ou en kreyòl, la phrase est la plus grande unité d’organisation grammaticale. Elle a sous sa dépendance de nombreux constituants formés par des couches successives jouant chacune leur rôle. Les constituants immédiats d’une phrase sont composés d’un groupe de mots qui forment une unité connue sous le nom de syntagmes.  Ce qui caractérise ce groupe de mots, c’est qu’il fonctionne dans la phrase comme un mot individuel. De ce fait, il peut être remplacé par un mot unique. Il existe plusieurs types de syntagmes.
·Le syntagme nominal (SN). C’est un syntagme qui comporte un nom comme tête. En créole haïtien, il est formé d’un nom auquel est postposé un déterminant. En cela, il est tout à fait différent du français, langue dans laquelle le déterminant (défini : la, a, lan, an) est toujours préposé au nom.  
Soit la phrase créole suivante :
(1)   Chat la kache dèyè frijidè a (Le chat s’est caché derrière le frigo)
Elle est composée du syntagme nominal Chat la qui lui-même est formé du nom chat, jouant le rôle de tête suivi par le déterminant défini la. Donc, le syntagme nominal est formé de deux éléments. Le premier élément est représenté par le nom chat que nous notons N. Le deuxième élément est un déterminant que nous notons Dét. Ce qui nous donne : 
                     SN        
             N                Dét.
Il arrive souvent qu’un élément additionnel ou des éléments additionnels suivent le nom. Cet élément additionnel est appelé un modificateur (Mod.) du nom. Voyons ces deux exemples :          
a.       Nèg ak chemiz wouj la/lan
b.      Yon jandam mechan
                     SN                                                                          SN
             N                Mod.                                      Dét.                N           SA
On remarquera que dans l’exemple (b), c’est-à-dire yon jandam mechan, on est en présence d’un déterminant indéfini (yon), pas d’un déterminant défini. C’est ce qui explique qu’il est antéposé au nom jandam. 
Un syntagme nominal peut avoir plusieurs formes : Monik (Monique), matant mwen (ma tante), machin lan (la voiture), li (il/elle), yon tanpèt nèj (une tempête de neige).
·         Le syntagme verbal (SV). C’est un syntagme qui est formé d’un verbe (V) suivi par ses compléments. Retournons à la phrase (1). Le syntagme verbal est constitué par le verbe kache et un syntagme prépositionnel : dèyè frijidè a. Voici des exemples de syntagmes verbaux créoles : manje diri, sòti, jwe tenis, travay labank, pale ak etidyan yo. Dans un syntagme verbal, on peut trouver un verbe :
Machin lan derape (la voiture démarre)     SV
                                                                      V
On peut trouver aussi ses compléments. Parfois, ces compléments sont constitués par des compléments d’objet direct, comme c’est le cas dans cette phrase :
Monik achte yon machin                             SV
                                                                 V       SN
Parfois, ces compléments sont constitués par des compléments d’objet indirect, comme dans cette phrase :
Yo monte sou mòn lan                                          SV
                                                                        V        SP

Le syntagme prépositionnel (SP). C’est un syntagme qui comporte une préposition et son complément qui est lui-même un syntagme nominal. Dans la phrase (1), la préposition est représentée par dèyè qui gouverne le syntagme nominal frijidè a.
·         L’élément principal dans un syntagme adjectival (SAdj) est l’adjectif. En créole haïtien, il arrive souvent que le verbe copule ne se manifeste pas et que l’adjectif soit présent, on se trouve alors devant un syntagme adjectival, comme dans cette phrase :
Madanm li jalou (sa femme est jalouse).
Etidyan yo entèlijan (les étudiants sont intelligents).
Il peut arriver que le verbe copule se manifeste, comme dans cette phrase :
Politisyen se mantè (Les politiciens sont des menteurs).
·         Le syntagme adverbial (SAdv). Il peut être placé à l’intérieur d’un syntagme verbal, comme dans cette phrase créole : Etidyan an byen reponn tout kesyon yo (l’étudiant a bien répondu à toutes les questions). 
Retournons à la phrase (1) : Chat la kache dèyè frijidè a. Une analyse en constituants immédiats permet d’identifier un syntagme nominal (chat la) et un syntagme verbal (kache dèyè frijidè a). En nous référant au principe de distribution,[7] nous pouvons reconnaitre que chat la fait partie d’une classe distributionnelle qui accepte toutes les expressions ou les catégories de mots qui peuvent figurer dans son environnement et qui peuvent occuper la même position syntaxique (préverbale) et la même fonction grammaticale (sujet).
Les deux syntagmes qui composent la phrase Chat la kache dèyè frijidè a ont pour constituants immédiats : chat (N) et la ((Dét.) ; c’est un syntagme nominal. Les constituants immédiats du syntagme verbal sont le verbe kache et le syntagme prépositionnel dèyè frijidè a dont les constituants immédiats sont la prépositiondèyè et le syntagme nominal frijidè a.  
La plupart des linguistes représentent l’analyse de la phrase en constituants immédiats sous formes de structures arborescentes ou arbres. La phrase constitue la plus grande unité grammaticale, c’est une unité de rang supérieur, le morphème constitue la plus petite unité grammaticale, c’est une unité de rang inférieur, la phrase est constituée de propositions, la proposition est formée de syntagmes, le syntagme est lui-même formé de syntagmes (avec la possibilité de récursion) et éventuellement de  mot(s), et le mot de morphème(s).
Avec la grammaire générative de Noam Chomsky, l’étude de la syntaxe s’est développée considérablement pour devenir la principale théorie de la structure de la langue. De nos jours, la théorie générative représente la théorie dominante dans la linguistique et elle exerce une influence très importante. On a parlé à juste titre de « révolution chomskyenne ».
Selon le linguiste Peter W. Culicover (1997 : 3-4), « une perspective fondamentale introduite par la grammaire générative est la reconnaissance que la forme et le contenu de la théorie linguistique sont intimement liés au phénomène de l’acquisition du langage. Comment acquerrons-nous le savoir qui nous permet de lier les sons de la parole aux sens d’un message, c’est-à-dire d’exprimer les pensées et d’interpréter ce qui est exprimé par les autres ? D’où viennent les représentations de la phonologie, de la syntaxe, et de la sémantique ? Comment savons-nous de quelle façon les différentes représentations sont reliées les unes aux autres ? Est-il possible que la connaissance du langage soit inscrite en nous en tant qu’êtres humains, de sorte que ces représentations soient présentes à la naissance ou se développent avec le temps sans une expérience particulière ? Ou alors est-ce que nous les acquerrons dans leurs détails complexes grâce aux mécanismes généraux d’apprentissage ? »
Dans le cas des sujets parlants haïtiens, il est permis de faire l’hypothèse que la connaissance du langage (pas de la langue) sous forme abstraite est présente chez eux dès la naissance, comme d’ailleurs chez tous les êtres humains, et que c’est grâce à cette connaissance abstraite qu’ils ont pu acquérir aussi rapidement la langue de leur environnement social, le kreyòl. Il est bien connu en effet que tous les enfants haïtiens qui sont nés et ont grandi en Haïti parlent couramment kreyòl dès l’âge de 3 ou 4 ans.
Ce qui est certain, c’est que toutes les langues humaines connues ont une syntaxe. Cela veut dire qu’elles ont toutes leur façon bien à elles d’organiser leurs mots. Par exemple, le latin possède un ordre de mots marqué par la flexibilité. Nous pouvons dire sans changer le sens de la phrase :
Femina puellam spectat        ou :
Femina spectat puellam        ou :
Puellam spectat femina         ou :
Spectat puellam femina        
Ces quatre phrases auront toujours le même sens : « La femme regarde la fille » (Madanm lan gade ti fi a), (The woman looks at the girl).  En revanche, une telle opération ne peut être entreprise sur la phrase française ou sur la phrase créole ou sur la phrase anglaise car ces trois langues possèdent un ordre de mots qui est relativement fixe, leur syntaxe s’appuie entre autres sur la position des mots dans la phrase.
Dans la mesure où la grammaire générative est passée depuis la fin des années 1950 à nos jours par une série d’évolutions et de restructurations, nous ne pouvons pas, dans le cadre de cette très brève initiation à la science linguistique, exposer dans les détails cette grande entreprise scientifique. Nous nous contenterons d’indiquer à la fin de cet article, dans la rubrique intitulée « Pour aller plus loin » quelques éléments bibliographiques qui aideront à comprendre la théorie générative.

D. La sémantique
Les linguistes définissent la sémantique comme l’étude scientifique de la signification, plus particulièrement la signification exprimée par les langues naturelles, la sémantique linguistique. D’après Roberge (2000), la signification est le processus qui associe un phénomène (un objet, un être, une notion, un événement) à un signe susceptible de l’évoquer. Depuis Saussure, nous savons que le signe linguistique unit non une chose et un nom, mais un concept et une image acoustique. Ce concept, c’est le signifié, alors que l’image acoustique (ou graphique, pour la forme écrite), c’est le signifiant. Il faut prendre soin de distinguer les signes naturels des signes artificiels. Les signes naturels se réfèrent à des relations qui existent dans la nature alors que les signes artificiels représentent des fabrications humaines. Parmi les signes artificiels, on relève les images et les symboles.  Si les images sont utilisées pour représenter le monde, et tentent de reproduire la réalité, nous utilisons les symboles pour tenter de communiquer avec ceux qui nous entourent. Les symboles sont des signes conventionnels. Cela veut dire que « leur sens résulte toujours d’un accord entre ceux qui l’emploient. » Il n’y a aucune relation naturelle entre le mot créole mango et cet élément de la réalité haïtienne. Il n’y a aucune ressemblance entre le son de ce mot et l’apparence ou le goût de ce fruit. On aurait pu l’appeler  par n’importe quel autre nom, mais les locuteurs haïtiens créolophones s’accordent pour le dénommer « mango ». Ce sont donc des symboles arbitraires. Il est entendu que les symboles arbitraires sont absolument conventionnels. Cela veut dire qu’il n’existe pas d’association naturelle entre signifiant et signifié. Les langues naturelles relèvent de symboles arbitraires, bien qu’on trouve à l’intérieur de ces langues quelques symboles motivés, comme les onomatopées, définies comme des mots qui imitent des bruits et qui apparaissent dans pratiquement toutes les langues humaines connues. Quand on dit que le signe linguistique est arbitraire, cela veut dire que tel signe, et non tel autre, désigne tel segment particulier de la réalité, sans pour autant qu’il y ait une relation naturelle entre le signifiant et le signifié. La suite de sons qui constituent un mot ne comporte pas de lien naturel, nécessaire, logique avec la chose nommée dans le monde réel.
Signalons toutefois la remarque du linguiste français Émile Benveniste qui précise que s’il est vrai que, selon Saussure, le signifiant et le signifié sont inséparables comme les deux faces d’une feuille de papier, le lien qui les lie alors ne saurait être arbitraire. Il est au contraire nécessaire, inévitable. L’arbitraire du signe linguistique est l’une des caractéristiques des langues humaines.
Différence entre sens et signification
Dans le langage ordinaire, la plupart des gens ne font pas de différence entre sens et signification. En sémantique linguistique cependant, sens et significationrecouvrent deux concepts différents. Si le sens constitue l’un des éléments de la signification, cette dernière a la particularité d’associer deux images mentales, le signifiant et le signifié. Le sens d’un signe constitue son signifié. Il consiste en un groupe de traits conceptuels qui forment le signifié d’un signe. Par exemple, le sens du mot créole marengwen (moustique) possède les traits conceptuels suivants :     
·         ensèk ki gen 2 zèl (insecte à deux ailes)
·         femèl la pike moun ak bèt (la femelle pique l’homme ainsi que les bêtes)
·         li bwè san yo (elle boit leur sang)
·         li kapab transmèt maladi tankou palidis (elle peut transmettre des maladies comme le paludisme).
 La sémantique linguistique est l’étude de la signification, plus précisément la signification qui est exprimée par le vocabulaire et la grammaire des langues naturelles. Son objet est d’étudier le contenu des signes linguistiques, c’est-à-dire les formes, et les combinaisons de signes, c’est-à-dire les syntagmes, les propositions, les phrases et les textes, qui peuvent être produits ou qui apparaissent effectivement dans les langues naturelles. Selon Wittgenstein, « le sens d’un mot est son usage dans la langue » ; « le sens d’un mot est déterminé par les règles qui régissent son fonctionnement dans la langue ».
Le métalangage
Depuis Jakobson, nous savons que le langage est doté d’une « fonction métalinguistique », c’est-à-dire qu’il est aussi utilisé pour parler, en plus du monde, du langage lui-même. C’est la fonction réflexive de la langue. L’utilisation de la langue pour parler de la langue s’appelle l’emploi métalinguistique. Seul le langage possède cette propriété parmi les systèmes signifiants.
Dans les langues humaines connues, on distingue généralement deux types de mots : les mots lexicaux et les mots grammaticaux. Les mots lexicaux nous donnent une image du monde. Les mots grammaticaux nous permettent de parler de la langue. Le mot prepozisyon, par exemple, est utilisé en kreyòl pour parler de mots comme nan, devan, dèyè, anba, anlè,… A cause de leur contenu, ils font l’objet de la grammaire. Mais un mot tel que tren est un mot lexical qui nous donne une image du monde, du lexique.
Le langage parle tantôt du monde ou des choses, tantôt du langage. Rappelez-vous le titre du célèbre essai de Michel Foucault Les mots et les choses. L’univers référentiel se rapporte au monde et aux choses (êtres, états des choses, événements, phénomènes de la nature, etc.), ensembles différents du langage mais qui en réalité coexistent avec le langage puisqu’il n’existe pas de monde sans langage, comme on le sait. Le linguiste se trouve toujours dans une situation spéciale : parlant du langage, il est obligé de se servir du langage, ce qui n’est pas le cas des autres spécialistes des autres systèmes signifiants. Autrement dit, l’objet signifié sert d’outil signifiant.
Autour de la sémantique du mot
Toutes les langues ont des mots et ces mots possèdent une forme et un sens. Toutes les langues ont  également des phrases qui elles aussi possèdent une forme et un sens. La signification d’une phrase découle en général non seulement de la signification des mots qui la constituent, mais aussi de la structure grammaticale qui en forme la base. Il est important de distinguer deux concepts différents en parlant d’un mot : son usage métalinguistique et son usage linguistique. Par exemple, kremas est un nom et kremas est une boisson sucrée et parfois alcoolisée consommée en Haïti par les habitants haïtiens. Les mots sont sujets au phénomène de la polysémie, c’est-à-dire qu’il détient plusieurs sens. Généralement, dans les dictionnaires, lorsqu’on veut indiquer différents sens d’un même mot, les lexicographes numérotent chacun des sens. Par exemple, dans le dictionnaire bilingue de Valdman et al. (2007 : 387) le mot krabinay est doté de trois sens énumérés ainsi :
Krabinay (krabinaj) n. 1. Scraps, debris, rubble (petits bouts, débris, décombres) 2. Small piece [stone] (petits morceaux) 3. Insignificant person (personne insignifiante). Les traductions françaises sont de moi.
Dénotation et connotation
La signification d’un mot renvoie à sa dénotation et à sa connotation. La dénotation d’un mot se rapporte à son sens littéral, c’est le langage à l’état brut, banal, sans surcharge spéciale. Le signe linguistique réunit alors clairement le signifié au signifiant. La connotation renvoie à une autre signification du signe linguistique qui dérive des valeurs culturelles et des jugements que la tradition et la société ont attachés à un mot. Considérons par exemple le mot Nouyòk (New York). Son signifié dénotatif se rapporte à une grande ville de la côte est des États-Unis, mais son signifié connotatif, dans l’imaginaire de nombreux migrants, véhicule des rêves de richesse facile, de plaisir permanent et de liberté totale.
Synonymie, antonymie et homonymie
L’étude de la sémantique du mot requiert de considérer la synonymie, l’antonymie, et l’homonymie. Deux mots sont dits synonymes quand leurs signifiants sont différents mais qu’ils ont le même signifié. Cependant, il est rare de rencontrer de vrais synonymes dans une langue parce que deux mots qui ont exactement le même sens restent difficiles à trouver dans une langue. Il y aura toujours des nuances de sens dues à des différences de connotation et à long terme, l’un des deux termes aura à disparaitre.
Quand ils ont des signifiés opposés, deux mots sont dits antonymes. C’est le cas de entrer et sortir. Comme Saussure l’a bien fait ressortir, un mot existe dans le système de la langue en opposition aux autres mots.
Deux mots sont dits homonymes quand ils ont le même signifiant, c’est-à-dire la même forme, mais des signifiés différents. En kreyòl, la ressemblance de forme peut être graphique (c’est le cas de poul (femèl kòk) et poul (repons yon elèv kopye lan egzamen) ou acoustique (c’est le cas de  (moun legliz katolik, ki konn fè lamès, chante lantèman, e batize timoun) et pè (gwoup 2 bagay ki sanble e ki toujou ansanm).   C’est exactement l’opposé des synonymes.

E. La pragmatique
La pragmatique est l’étude de l’usage du langage en interaction de communication, c’est-à-dire les rapports entre les phrases et les contextes ou situations dans lesquels ils sont employés. Étudier la pragmatique revient à analyser comment les locuteurs comprennent et utilisent les actes de discours ; comment l’interprétation et l’usage de certains mots dépendent de la connaissance qu’a l’interlocuteur du monde réel.
Par exemple, examinons cette conversation entre A et B :
A : Ou se Ameriken ? (Vous êtes américain ?)
B : Mande Bondye padon, non !  (Dieu m’en garde !)
Pourquoi B n’a-t-il pas utilisé le classique « wi » ou « non » pour répondre à cette question ? On peut penser que B veut donner son opinion à A au sujet des Américains, et cette opinion est loin d’être favorable aux Américains.
Il apparait que, depuis ces trente dernières années, la façon de définir la communication verbale a été renouvelée et modifiée par la pragmatique. La communication est définie comme un processus qui transmette, d’une source à une destination, un message, une information par le truchement d’un code. Un code véhicule un ensemble de couples, message-signal. Dans le système linguistique, le message correspond au signifié, alors que le signal correspond au signifiant. C’est grâce au code que le destinataire peut avoir accès au contenu des représentations mentales internes des locuteurs (Moeschler et Auchlin 2000).
Les raisonnements suivants constituent la base de l’hypothèse du modèle du code pour la communication verbale :
·         les langues naturelles sont des codes ;
·         ces codes associent des pensées à des sons ;
·         la communication verbale est un processus d’encodage et de décodage. (Moeschler et Auchlin 2000). Cependant, ces deux auteurs expliquent aussi que le modèle du code est inadéquat du point de vue descriptif parce que la communication verbale implique une bonne dose d’inférence.
« Pour expliquer la communication verbale, et notamment la communication non littérale, il est nécessaire de recourir à un deuxième modèle de la communication, complétant le premier. Le modèle du code rend compte de la dimension linguistique de la communication : les phrases sont analysées en autant de formes logiques qui doivent être enrichies par le modèle inférentiel, dont la tâche est d’expliquer comment et pourquoi le destinataire est amené à assigner telle ou telle interprétation à un énoncé. Le modèle inférentiel interviendra notamment pour expliquer le déclenchement des significations secondaires, à savoir non littérales, mais aussi pour déterminer les référents des expressions référentielles (noms propres, syntagmes nominaux définis, indéfinis, démonstratifs, pronoms personnels, etc.), ainsi que la force illocutionnaire[8] de l’énoncé. » (Moeschler et Auchlin 2000 : 156).
La recherche pragmatique en Haïti est pratiquement inexistante et je n’en connais aucune. Il y a pourtant des recherches sérieuses à développer dans ce domaine où la science de l’usage du langage pourrait contribuer à éclaircir de nombreuses questions culturelles, ou des problèmes d’interprétation du langage dans des contextes particuliers,…
 Conclusion
Cette étude est une très brève initiation à la linguistique définie comme la science du langage et des langues. Nous avons présenté d’abord quelques généralités concernant la nature de la science et en quoi la linguistique constitue une discipline scientifique. De la linguistique, nous sommes passés ensuite à la créolistique définie comme l’application des méthodes et des principes de la linguistique aux langues créoles en général, et au créole haïtien en particulier. Nous avons vu que la linguistique comporte cinq disciplines : la phonétique/ phonologie, la morphologie, la syntaxe, la sémantique et la pragmatique. Nous avons pris des exemples au kreyòl pour expliquer chacune de ces disciplines. Le kreyòl peut donc être étudié systématiquement comme toutes les langues naturelles et ce texte est une brève analyse linguistique de la langue créole.  La langue est en effet un système de signes vocaux arbitraires fondamentalement gouvernée par des règles. Le langage est inné, universel, et caractérise les êtres humains. Nous sommes nés avec une capacité pour acquérir le langage et génétiquement bâtis pour apprendre une langue (pas une langue spécifique mais une langue naturelle, quelle qu’elle soit.). C’est à cause de cette « prédisposition génétique » que les enfants nés dans une société spécifique (la société haïtienne, par exemple) arrivent à apprendre leur première langue facilement et rapidement, en dépit du fait que les données linguistiques qu’ils reçoivent de leur environnement sont incomplètes et qu’on ne leur apprend que rarement à dire telle chose au lieu de telle autre.
Pour finir, je voudrais insister sur un point fondamental : l’étude de la langue telle que nous venons de l’entreprendre et pour brève qu’elle soit, met l’accent sur les mécanismes internes, grammaticaux du système. Elle tend à évacuer d’autres aspects tout aussi importants, comme les aspects culturels, sociaux, historiques, qui ont joué un rôle dans la formation des communautés linguistiques et qui continuent à orienter leur évolution. D’une manière générale,  la théorie linguistique ne se soucie guère ou très peu de la façon dont la langue est utilisée, de ceux qui la parlent, du lieu où elle est utilisée… Il faut bien le reconnaitre : la langue est autant interne qu’externe. Étudier le créole haïtien, par exemple, sans examiner des catégories  telles la classe, le sexe, les activités professionnelles, ou les structures politiques, religieuses, culturelles…revient à mettre de côté des facteurs décisifs dans la compréhension de cette langue et de ses locuteurs. Nous entrons ici dans le domaine de la sociolinguistique définie comme « the study of language in its social contexts and the study of social life through linguistics(Coupland and Jaworsky 1997 : 1) » (l’étude de la langue dans ses contextes sociaux et l’étude de la vie sociale par la linguistique) [ma traduction]. A l’intérieur de la sociolinguistique, les chercheurs font le plus souvent une distinction entre une approche qualitative (analyse de discours, ethnographie de la communication, etc.) et une approche quantitative (variation et changement linguistique). Ces deux approches restent complémentaires mais la perspective variationniste de William Labov semble dominer la sociolinguistique contemporaine.
Hugues Saint-Fort
New York, septembre 2015


Références citées :
Arrivé et al. (1986) La grammaire d’aujourd’hui. Guide alphabétique de linguistique française. Paris : Flammarion.
Brousseau, Anne-Marie et Roberge, Yves (2000) Syntaxe et sémantique du français.Québec : Éditions Fides.
Chomsky, Noam (1966) 6ème édition. Syntactic Structures. The Hague, Paris: Mouton & Co.
Coupland, Nicolas & Jaworski (eds.) (1997) Introduction. In Sociolinguistics: a reader.New York: St. Martin’s Press. 1-3.
Culicover W. Peter (1997) Principles and Parameters. New York: Oxford University Press.
Faine, Jules (1937) Philologie créole: études historiques et étymologiques sur la langue créole d’Haïti. Port-au-Prince.
Hazaël-Massieux, Marie-Christine (2011) Les Créoles à base françaiseParis: Éditions Ophrys.
Matthews, Peter (1997) The Concise Oxford Dictionary of LinguisticsNew York: Oxford University Press.
Moeschler, Jacques et Auchlin, Antoine (2000) Introduction à la linguistique contemporaineParis: Armand Colin.            
Rutherford, F. James & Ahlgren, Andrew (1990) Science for all Americans. New York: Oxford University Press.
Saussure, Ferdinand (de) (1972) [1916] Cours de linguistique générale. Paris: Payot.
Valdman, Albert et al. (2007) Haitian Creole-English Bilingual DictionaryIndiana University, Creole Institute.
 
Pour aller plus loin:
Phonologie:
De Carvalho, Joaquim Brandao, Nguyen, Noël, Wauquier (2010) Comprendre la phonologie. Paris: Presses Universitaires de France.
Jensen, John T. (2004) Principles of Generative Phonology. An Introduction.Amsterdam/ Philadelphia: John Benjamins Publishing Company.
Morphologie:
Spencer, Andrew (2003) Morphology In The Handbook of Linguistics edited by Mark Aronoff and Janie Rees-Miller, pps. 213-238. Blackwell Publishers.
 
Syntaxe:
Baker, Marc C. (2003) Syntax In The Handbook of Linguistics edited by Mark Aronoff and Janie Rees-Miller. Pps. 265-294. Blackwell Publishers.
Radford, Andrew (1997) Syntax. A minimalist introduction. New York: Cambridge University Press.
Culicover, Peter W. (1997) Principles and Parameters. An Introduction to Syntactic Theory. New York: Oxford University Press.
Guéron, Jacqueline et Pollock, Jean-Yves (dirigé par) (1991) Grammaire générative et syntaxe comparée. Paris : Éditions du CNRS.
Sémantique :
Vincent Nyckees (1998) La sémantique. Paris : Belin.
Lappin, Shalom (2003) An Introduction to Formal Semantics. In The Handbook of Linguistics edited by Mark Aronoff and Janie Rees-Miller. Pps. 369-393. Blackwell Publishers.
Pragmatique:
Kempson, Ruth (2003) Pragmatics: Language and Communication. In The Handbook of Linguistics edited by Mark Aronoff and Janie Rees-Miller. Pps. 394-427.
Reboul, Anne et Moeschler, Jacques (1998) La pragmatique aujourd’hui. Une nouvelle science de la communication.   Paris : Seuil.
Créolistique:
DeGraff, Michel (ed.) (1999) Language Creation and Language Change. Creolization, Diachrony, and Development. Cambridge, Massachusetts: The MIT Press.
Kouwenberg, Sylvia and Singler, John Victor (2008) The Handbook of Pidgin and Creole Studies. Blackwell Publishing.
Mufwene, Salikoko S. (2005) Créoles, écologie sociale, évolution linguistique. Paris : l’Harmattan.
Saint-Fort, Hugues (2011) Haïti : questions de langues, langues en question. Port-au-Prince : Éditions de l’Université d’État d’Haïti.
Saint-Fort, Hugues (2010) Créolistique et Littératures créoles. In Contemporary French and Francophone Studies, Vol.14, # 3, June 2010, 229-239.
Spears, Arthur and Joseph, Carole M. Bérotte (eds) (2010) The Haitian Creole Language. History, Structure, Use, and Education. New York: Lexington Books.
DeGraff, Michel (2007) Kreyòl Ayisyen, or Haitian Creole (‘Creole French’). InComparative Creole Syntax. Parallel Outlines of 18 Creole Grammars. Edited by John Holm & Peter L. Patrick. United Kingdom: BattleBridge Publications.
 [1] Kreyòl est le nom donné depuis plus de trois siècles à la langue parlée par les colons européens de la colonie française de Saint-Domingue et par leurs esclaves africains. Il existe une abondante littérature sur cette dénomination dans la créolistique. Au départ, le terme a servi à désigner les Européens qui ont pris naissance dans les colonies pour les distinguer d’autres Européens qui sont nés, eux, dans la métropole. Puis, il a désigné tout ce qui était local : fruits, nourriture, plantes, animaux, etc. Dans une troisième étape, avec l’intensification de la traite négrière, on s’en est servi pour dénommer les esclaves africains nés dans la colonie par opposition aux esclaves africains nés en Afrique, transplantés à Saint-Domingue et appelés « bossales ». Ce n’est qu’aux alentours du milieu du 18ème siècle que la dénomination « créole » a été utilisée pour caractériser la variété linguistique largement en usage à Saint-Domingue tant dans les communautés des colons que dans les communautés des esclaves.  
[2] Soulignons que dans l’ile de la Jamaïque le nom donné par la population locale à la langue commune est celui de « patois » (patwa), terme français péjoratif désignant une variété inférieure parlée au sein d’une communauté.
[3] Voir mon article « Créolistique et littératures créoles » paru dans la revue Contemporary French and Francophone Studies, Vol.14, #3, June 2010, pp. 229-239. Routledge. 
[4] En linguistique, on dit d’une phrase qu’elle est grammaticale lorsqu’elle est conforme aux règles définies par la grammaire de la langue en question. En revanche, une phrase est déclarée agrammaticale lorsqu’elle n’est pas conforme aux règles énoncées par la grammaire de cette langue. Dans ce cas, cette phrase est précédée par un astérisque. La phrase créole    *Li renmen lan mont est agrammaticale parce qu’elle ne suit pas la règle de formation du syntagme nominal en créole haïtien qui veut que le déterminant défini soit postposé au nom.    
[5] Rappelons que « lanmè »  » est l’équivalent de « mer » et pas de «la mer ». On ne peut donc pas le traduire par « la mer ». C’est une unité lexicale kreyòl qui est formée par agglutination de l’article défini français « la » au mot « mer » et ne peut en être séparée. Ces mots peuvent être suivis par des déterminants définis, ce qui est normal en kreyòl : « lanmè an », (la mer), « labank lan », (la banque), « legliz lan » (l’église), « lame a » (l’armée)…
[6] Les linguistes Arrivé, Gadet, et Galmiche (1986 : 94) dans leur ouvrage « La grammaire d’aujourd’hui » définissent labiunivocité comme la relation qui s’observe entre deux ensembles quand à chaque élément de l’un correspond un seul élément de l’autre et réciproquement. Il y a biunivocité entre l’ensemble des phonèmes du français et l’ensemble de leurs notations par les symboles de l’A.P.I.. En revanche, il n’y a pas biunivocité entre l’ensemble des phonèmes et l’ensemble de leurs notations par l’orthographe traditionnelle.
[7] La distribution d’une unité linguistique est la somme de ses environnements, à savoir l’ensemble des positions dans lesquelles elle peut prendre place. Le linguiste établit ainsi des classes distributionnelles (ou paradigmes), qui contiennent l’ensemble des éléments pouvant apparaitre dans cette position. (Moeschler et Auchlin 2000).  
 
[8] On parle de force ou de valeur illocutoire (ou illocutionnaire) quand on se réfère à l’acte de parole accompli au moyen d’un énoncé. Cette valeur est portée généralement par des verbes  qui ont la particularité d’accomplir, par le fait de leur énonciation à la 1ère personne du singulier du présent, l’acte qu’ils énoncent. En kreyòl, si je dis Mwen mande w padon, l’acte est accompli par le fait même d’avoir prononcé cette phrase et utilisé ce verbe qui est désigné sous le nom de « verbe performatif ».