Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Friday, March 30, 2018

Armée d’Haïti + Assassins financiers = Dette éternelle (1ère Partie)

Le  Haut état-major de l’armée d’Haïti
1) Général de brigade Sadrac Saintil, chef d’Etat-major général.
2) Colonel Jonas jean, Inspecteur général.
3) Colonel Jean-Robert Gabriel, Assistant Chef d’Etat-major G1/G3.
4) Colonel Derby Guerrier, Assistant Chef d’Etat-major G2/G4.
5) Colonel Joseph Jacques Thomas, Secrétaire de l’Etat-major général.
6) Colonel Fontane Beaubien, membre de l’Etat-major personnel du commandant en Chef.

Par Max Dorismond 

Le 14 mars 2018, je lisais un document du gouvernement du Québec sur le « Fonds des générations ». Il s’agit d’une sorte de réserve monétaire, une caisse  d’épargne gouvernementale destinée à réduire plus tard la dette de la province aux fins de protéger, ou mieux, de réduire la charge incombant à la génération à venir, les Québécois de demain, condamnés à rembourser un passif qu’ils n’avaient pas contracté. Entretemps, je recevais la liste des officiers commissionnés pour les Forces Armées d'Haïti, extraite du journal « Le Moniteur », confirmant la résurgence réelle et définitive d’un appendice, autrefois très préjudiciable au flanc du pays.

Automatiquement, un sombre rictus se figea sur mes lèvres au constat de ce brutal paradoxe. L’un protège et laisse une chance à sa progéniture, l’autre déploie tout son pouvoir pernicieux pour affaiblir la sienne. Heureusement, la terre est bien ronde. Si elle était plate, un côté se serait facilement effondré sous le poids de l’incongruité et de l’aveuglement volontaire de certains de nos compatriotes.
           
Malgré les mises en garde, malgré les solutions existantes et proposées par certains, (lire : « Armée d'Haïti si votre seul outil... »), les têtus à idée fixe,  n’écoutant que les « trompettes de Jéricho », foncent tête baissée dans le piège tendu pour, finalement, concrétiser, dans du granit ciselé, le résultat de la fatale équation, à savoir qu’Armée d’Haïti plus Assassins financiers ne reflètent que la somme d’un endettement illimité de la nation. Rationnellement, ce corps n’est nullement un générateur de richesse. La preuve est palpable.

Cérémonie d'installation du Haut état-major des Forces armées d'Haïti


Pour colorer la pilule en rose, toute la partition des prétextes a été jouée pour endormir le peuple et flatter les plus naïfs dans le sens du poil : la nouvelle armée fera office de remplacement de la MINUSTHA, de brigade d’intervention en cas de catastrophes naturelles, de corps de surveillance de la frontière2, de pôle d’endiguement du chômage…etc. Foutaises! Un groupe de volontaires rémunérés, et un corps de police renforcé, sans la logistique de guerre, rempliraient les mêmes tâches et plus, comme ailleurs dans les autres Antilles.  Dans un contexte de crêve-la-faim, où une masse hideuse ne sait à quel saint se vouer pour voir se lever le prochain jour, nos gouvernants ont armé leurs congénères pour lutter contre des moulins à vent.

L’Assassin financier1  devant la porte de l’ascenseur
Quand un pays, producteur d’armes, vous conseille et vous convainc de mettre sur pied votre propre armée avec la garantie qu’il vous supportera économiquement, en payant, de prime abord, les armes légères, les uniformes, les bottes, les véhicules, les composantes d’équipements militaires et même le salaire des soldats durant les trois ou quatre premières années, ce n’est qu’un leurre. L’appétit vient en mangeant. Plus tard, en dilettante, il vous parlera de ses blindés, ses hélicoptères, ses frégates, dans le seul but de vous endetter encore plus, pour l’éternité. Il ne le fait pas pour les beaux yeux de votre peuple.  Ce qu’il ne faut pas ignorer, c’est que ce producteur d’armements a été abordé aussi, en coulisse, par certains groupes d’intérêts. Donc, il est en service commandé. On le verra ci-dessous. Celui qui choisit les musiciens peut faire danser qui il veut.

Le nouvel état-major posant avec les officiels du gouvernement

La guerre n’est plus à la mode. Certaines nations commencent, peu-à-peu,  à penser à se débarrasser de leurs futiles et encombrantes armées. D’autres, plus près de nous, fusionnent leurs forces.  Dans les siècles antérieurs, le monde en a soupé de la guerre traditionnelle et de ses souffrances innommables. Les temps ont changé. Malgré certains soubresauts « commandés » au Moyen-Orient, Le monde est devenu un village global, et tous aspirent à la paix. Voilà pourquoi « l’Assassin financier » vous offrira le Pérou pour vous abonner à la violence.

En vous procurant votre milice tant rêvée, le « vendeur-prêteur » vous attend à l’autre carrefour, avec des offres à tiroir. Vous n’avez pas de casernes ou d’infrastructures militaires pour héberger cette entité, il va vous les construire à votre guise et à crédit. Viva la vida! Une armée rutilante et pimpante, des casernes neuves! Haïti ne produit presque rien, n’exporte presque rien. Avec sa monnaie en déliquescence, sa dette colossale et un chômage endémique, la pente n’est pas seulement raide, elle est abrupte. Trouvez l’erreur!

Le « fournisseur-investisseur » vient de frapper le jackpot en réalisant un coup fumant : vous vendre sa salade en vous trouvant un prêt sur mesure. La valeur de ses actions a atteint du coup le plafond de l’industrie. Vous venez de vous endetter de plus d’un milliard ou deux. Et plus tard, comme de coutume, le premier salaire des soldats, une fois reçu du « sincère samaritain »,  sera détourné à l’instar des dollars de Petro Caribe. Comme nul ne peut se payer le luxe de ne pas rémunérer des hommes armés, en priorité, le petit peuple, ou le fonctionnaire, père de famille, en fera les frais. Son salaire ne sera plus versé. Les charges fiscales  des petits commerces seront augmentées. Et si quelqu’un rouspète ou manifeste, les armes terrifiantes et les chars de guerre viendront le rappeler à l’ordre : ce sera le début de la dictature, de la présidence à vie, nouvelle mouture, de la duvaliérisation sans artifice ni maquillage.

Entretemps, le pays s’enfonce dans une spirale insondable de dénuement. De nouvelles armes du futur, de plus en plus sophistiquées se développent, tels les drones, les robots-tueurs... etc. Et vos généraux, des anciens tortionnaires expérimentés, remobilisés, en redemandent. Leur force persuasive sera proportionnelle aux quantités impressionnantes d’armes létales entre leurs mains. Vous êtes donc condamné à réaliser leurs fictifs besoins, car ils sont déjà soudoyés par « l’Assassin financier ».

Le pays aura de la difficulté à rembourser même les intérêts. Cinquante années plus tard, les héritiers vont découvrir que la dette de l’indépendance était moins barbare, moins contraignante que celle d’aujourd’hui. Plus tard, ce sera l’île entière qu’il faudra vendre pour rembourser, comme Napoléon avait vendu la Louisiane aux Américains. Les Dominicains en seront preneurs au pied levé et nos frères seront métamorphosés pour de bon en de véritables esclaves. Mes mânes me le confirmeront.


Max Dorismond








Note 1 - : « Les Assassins Financiers sont des professionnels grassement payés qui escroquent des milliards de dollars à divers pays du globe. Ils dirigent l’argent de la banque Mondiale, de l’Agence américaine du développement international (U.S. Agency for International Development – USAID) et d’autres organisations  « humanitaires » vers les coffres des grandes compagnies et vers les poches de quelques familles richissimes qui contrôlent les ressources naturelles de la planète. Leurs armes principales :… les élections truquées, les pots-de-vin, l’extorsion, le sexe, le meurtre. Ils jouent un jeu vieux comme le monde, mais qui a atteint des proportions terrifiantes en cette époque de mondialisation ». « Je sais de quoi je parle… car j’ai été moi-même un assassin financier » (John Perkins – Auteur de : Les Confessions d’un Assassin Financier)


Note 2 - :C’est une frontière poreuse incontrôlable. Chaque jeudi, jour de marché à Dajabon, le pont entre les deux nations est toujours noir de monde. C’est un va et vient continuel. La contrebande est florissante. Dans les deux sens, on y traverse comme une lettre à la poste. Les gendarmes le disent, c’est incontrôlable. Avec ses 170 000 soldats, La Dominicanie laisse faire. D’ailleurs, elle y trouve son beurre.

Wednesday, March 28, 2018

OPINION : VOYAGE AU PAYS DE LA PAUVRETÉ EXTRÊME


Le journaliste québécois, Alain Dubuc, après un séjour en Haïti, nous propose une série de quatre textes où il livre ses impressions sur ce pays qu’on ne connaît pas si bien et où il essaie de répondre à la question qui hante tous ceux qui se préoccupent du sort de ce pays accablé par la pauvreté, ravagé par les catastrophes naturelles. Haïti peut-il s’en sortir ?


ALAIN DUBUC
ÉCONOMISTE, AUTEUR ET CONFÉRENCIER







Le Québec a vécu un débat désolant l’été dernier avec l’arrivée massive de migrants à nos frontières, chassés des États-Unis par le décret du président Trump mettant fin à leur droit d’asile.

Le chef caquiste François Legault avait alors lancé : «Nous avons plutôt l’impression que la frontière du Québec est devenue une véritable passoire», inquiet qu’on ouvre «grand les bras» à ces «migrants illégaux». Le chef péquiste Jean-François Lisée surenchérissait :  « Il y a un problème d’acceptabilité sociale, c’est très  au clair au Québec face à ces migrants.»

Qui étaient ces migrants qui avaient traversé notre frontière de façon irrégulière ? La grande majorité d’entre eux étaient des Haïtiens. Ils appartenaient à la principale communauté d’immigration au Québec, si intégrée qu’elle est maintenant une composante de l’identité québécoise, et qui, en outre, en ces temps d’angoisse identitaire, ne pose aucune menace linguistique ou religieuse.

Où était donc le problème d’acceptabilité sociale ? Il me semblait plutôt que l’arrivée d’environ 8000 Haïtiens, même si elle était massive, n’avait pas à susciter l’inquiétude quand on connaît le cheminement des 143 165 Québécois d’origine haïtienne dénombrés par le recensement  de 2016, quand on sait le succès remarquable de cette immigration, sa contribution à la société québécoise, l’harmonie des relations avec la majorité, malgré l’obstacle important qu’est l’appartenance à une minorité visible dans une société d’accueil homogène.

Il ne fallait pas oublier non plus que les Haïtiens chassés par l’administration Trump se retrouvaient en terre américaine parce qu’ils avaient été les victimes d’une des pires catastrophes humanitaires, le tremblement  de terre de janvier 2010 et ses quelque 225 000 morts.

Quand on veut évoquer ce succès, on pense aux Québécois d’origine haïtienne qui se sont illustrés, comme Dany Laferrière, Michaëlle Jean  ou Dominique Anglade

C’est bien. Mais il faut aussi parler de tous  les autres, ces Haïtiens ou enfants d’Haïtiens moins connus, mais qui se sont distingués dans le monde universitaire, dans celui  de la médecine, de la politique, de la culture, des sports, de tous ceux qui, dans leur vie quotidienne et leur travail, contribuent à bâtir le Québec

Nous avons publié l’automne dernier, dans ces pages Débats, un texte éclairant du Dr André Arcelin sur ce sujet.

Le président Trump a récemment ramené l’immigration haïtienne dans l’actualité quand il a déploré l’arrivée  sur le sol américain de tous ces gens provenant de « shit holes », de trous pourris, notamment Haïti. Il est vrai qu’Haïti est dans une situation catastrophique. Mais le ton et le vocabulaire du président suintaient le racisme. Et surtout, ce n’est pas parce qu’un pays va mal que ceux qui le quittent seraient des arrivants indésirables. On le voit au Québec, on le voit aussi aux États-Unis, leur principal point de chute.

Mais on ne peut pas vraiment aborder la question  de l’immigration haïtienne sans parler d’Haïti que  des milliers et des milliers d’habitants ont quitté  en vagues successives pour fuir la dictature, la misère  et maintenant, les catastrophes naturelles. Pourquoi ils partent, pourquoi ils ne retournent pas ? Comment aussi expliquer le contraste saisissant entre l’impuissance des Haïtiens chez eux et leur succès dans leurs pays d’accueil, comme le Québec ?

Récemment, j’ai eu l'occasion d’aller dans ce pays, en profitant de la tenue d’un colloque sur la santé mentale organisé par le département de psychiatrie de l’Université de Montréal, et par le département de santé mentale de l’Université d’État haïtien – les frais ont été assumés par La Presse. Le sujet est loin de mes champs de compétences, mais ce colloque me fournissait un point d’ancrage, des contacts et un soutien logistique pour découvrir ce pays.

C’était une occasion de pouvoir répondre à plein de questions. Pourquoi Haïti va si mal, qu’il est si pauvre, qu’il ne semble pas faire des progrès ? C’était aussi l’occasion de faire découvrir un pays qu’on connaît  très peu. Même si les Haïtiens sont parmi nous, même  si les Québécois ont manifesté leur solidarité dans les moments de crise de ce pays, même si nos organismes sont très présents sur le terrain, nous connaissons mal Haïti, parce que nous n’y allons pas – ce n’est pas  une destination de voyage naturelle comme Cuba  ou la République dominicaine.

Ce que j’y ai découvert a été un choc, comme pour la plupart de ceux qui mettent les pieds dans ce pays pour la première fois.

D’abord, la capitale, Port-au-Prince, n’est pas une ville  au sens où nous l’entendons, avec un centre, une logique, une structure. C’est plutôt une agglomération qui n’arrête pas de grossir et de s’étendre sur un relief très accidenté, avec 2,6 millions d’habitants – le quart de la population du pays – sans infrastructures suffisantes, sans axes  de circulation, et donc avec une terrible congestion. De l’intensité et de la chaleur humaine, mais aussi du chaos, du désordre, de la pauvreté, des bidonvilles, des zones détruites. Je ne connais pas l’Afrique, mais je n’avais jamais vu rien de tel en Asie ou en Amérique latine.

Il n’y aura pas beaucoup de chiffres dans mes chroniques, mais il faut rappeler qu’Haïti, avec un PIB par habitant de 739,60 $US en 2016, est l’un des 20 pays les plus pauvres de la planète, le plus pauvre des Amériques, l’un des derniers aussi, 163e sur 188 pays, pour l’Indice de développement humain du programme des Nations unies pour le développement.

Sur une population d’environ 11 millions d’habitants, on compte autour de 60 % de gens vivant sous le seuil de pauvreté que l’on applique aux pays pauvres, 2,41 $ par jour, et 24 % qui sont même sous le seuil de la pauvreté extrême, 1,23 $ par jour, ce qui n’est pas assez pour satisfaire les besoins alimentaires.

Et derrière les chiffres, des enfants qui ont faim, qui meurent plus qu’ailleurs, qui souvent ne vont pas à l’école, qui n’ont pas accès à l’eau ou à l’électricité.

Cette misère, pour moi, a été symbolisée par une image. Des femmes, au marché communal de Kenscoff, une lointaine banlieue de Port-au-Prince perchée dans les montagnes, assises par terre sur un tapis derrière les légumes qu’elles ont à vendre, à deux mètres d’un énorme tas de déchets que les gens empilent sur le bord de la route. Pour moi, tout était là : la pauvreté, l’économie de subsistance, les risques sanitaires, la désorganisation  et l’absence de services publics, mais aussi l’impuissance. Mais aussi la résilience de ces femmes, leur patience, leur courage, qui reflète bien la façon dont le peuple haïtien a traversé une épreuve comme le tremblement de terre.


Mais pourquoi ? Quelles sont les solutions ? Est-ce qu’Haïti peut s’extraire du cercle vicieux de la pauvreté ? C’est le but des chroniques que je publierai dans les jours qui viennent. Le problème, c’est que si j’ai beaucoup de questions, j’ai pas mal moins de réponses. On ne peut évidemment pas prétendre comprendre un pays  si complexe en quelques jours, avec des chroniques  qui seront nécessairement impressionnistes. Surtout  que personne n’a trouvé la recette magique pour sortir Haïti de son marasme, ni le gouvernement haïtien, ni  les organismes internationaux qui se penchent sur son cas. Comment Haïti peut-il s’en sortir reste donc la question à 100 000 gourdes – la monnaie du pays

A suivre...


Friday, March 23, 2018

États-Unis : Stormy Daniels et Karen McDougal déshabillent Donald Trump

Stormy Daniels (G), & Karen McDougal (D)
Après la révélation de l’ex playmate Karen McDougal  la semaine dernière, l’actrice de films pornographiques, Stephanie Clifford, mieux connue sous le surnom de  Stormy Daniels décrit sa prétendue liaison  avec Donald Trump sur « 60 Minutes » , l’une des émissions de télévision les plus suivies aux  États-Unis en weekend.

Stormy Daniels
Une semaine et demie avant les élections de 2016, l'avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen, a payé la star du porno Stormy Daniels pour garder le silence sur sa relation présumée avec le candidat républicain à la présidence. Aujourd'hui, cet arrangement est sur la bonne voie pour devenir «l'accord secret» le plus évoqué de l'histoire, avec des implications juridiques et politiques potentielles pour le président américain. Selon le porte-parole de Mr. Trump: ce dernier refute cette allégation  qu’il juge mensongère et déplacée. Il nie avoir eu une liaison avec Stormy Daniels. Les avocats de Trump la menacent maintenant de ruine financière, prétextant qu'elle doit payer un million de dollars  chaque fois qu'elle enfreint son accord de garder le silence. Mais cela ne l'a pas muselé au point d’être sur le plateau de « 60 Minutes » avec Anderson Cooper hier soir,  pour donner sa version des faits.
Interview de Stormy Daniels  sur « 60 Minutes » avec Anderson Cooper

Karen McDougal
Karen McDougal, une ancienne «Playmate» du magazine érotique «Playboy » a porté plainte le mardi 20 mars, dans un tribunal de Los Angeles, pour demander d’annuler  la clause de confidentialité qu’elle a signée pour garder le silence sur sa prétendue liaison romantique avec l’actuel président américain, Donald Trump. Ce second  cas fait écho à celui de l’actrice porno Stormy Daniels qui soutient aussi avoir eu une liaison secrète avec le président américain entre 2006 et 2007,

Les avocats de Karen McDougal, dénoncent les pressions et menaces à l’encontre  de leur cliente pour lui faire garder le silence, ainsi que des calomnies disséminées par l’équipe légale de Trump pour la décrédibiliser, depuis que cette liaison ait été révélée dans la presse. L’ancienne playmate explique par ailleurs qu’elle a reçu des menaces, notamment celle de la ruiner financièrement

La liaison présumée entre Donald Trump et Karen McDougal aurait duré une dizaine de mois entre 2006 et 2007 et se serait donc déroulée au même moment que celle avec Stormy Daniels, soit un an après le mariage de ce dernier avec Melania Trump, le 22 janvier 2005, et quelques mois après la naissance de leur fils Barron, le 20 mars 2006.

Elle déclare, lors d'une interview  sur CNN cette semaine avec Anderson Cooper, avoir entretenu une relation pendant plusieurs mois avec Donald Trump  qui lui aurait proposé de l’argent. Elle dit être l'objet d’intimidations pour ne pas parler aux journalistes, tandis que l'équipe légale de Trump ne cesse de la dénigrer pour essayer de lui enlever toute crédibilité.
Karen McDougal CNN Interview with Anderson Cooper 
« Karen McDougal, déclare dans sa plainte, avoir reçu 150.000 dollars  pour son silence, (dont la moitié a été reversée à son avocat, qu’elle ne savait pas en collusion avec l’autre camp) avec une fausse promesse de l’aider à lancer sa carrière d’experte en santé et forme physique », poursuit le texte. « Elle a aussi porté plainte à ce tribunal  en vue d’invalider la clause de confidentialité », contre le groupe de presse American Media (A.M.I.). Ce dernier  édite un tabloïd, “The National Enquirer”, dont le patron, David Pecker, est un proche de Donald Trump. Il n’hésite pas à le défendre à coups de transaction financière reposant sur des clauses de confidentialité, une technique appelée « catch and kill » (attraper une histoire pour l’étouffer).

Autre contretemps judiciaire pour Trump : une juge new-yorkaise a qualifié  mardi 20 mars, de « recevable »  et autorise  la plainte,  pour harcèlement sexuel de Summer Zervos, ancienne candidate de l’émission de téléréalité « The Apprentice », à aller de l’avant, alors que l’avocat de Trump avait demandé en décembre l’annulation de la procédure.

Stormy Daniels,Karen Mcdougal et Summer Zervos
(de la gauche vers la droite)
« Personne n’est au-dessus de la loi », déclare la juge, Jennifer Schecter de la Cour suprême de Manhattan, dans sa décision, en expliquant n’avoir « absolument aucune autorité » pour classer ou rejeter la plainte déposée par Summer Zervos au motif que celle-ci visait le président des États-Unis
Summer Zervos, qui attaquait le président pour diffamation, avait affirmé en octobre 2016 que l’ancien promoteur immobilier l’avait caressée et avait tenté de l’embrasser de force en 2007.

Donald Trump avait nié les faits en janvier 2017, invoquant des "déclarations mensongères et diffamatoires".- comme il a nié les accusations d'autres femmes - et son équipe de campagne avait publié le témoignage d'un cousin de Summer Zervos lui reprochant de chercher à se faire de la publicité aux dépens du président.

Bien qu’il ne contienne pas de révélations probantes, l’entrevue  de Stormy Daniels à l’émission « 60 Minutes » place encore un peu plus le président américain dans l’embarras. Ce  nouveau récit détaillé de Stormy Daniels pourrait contraindre Donald Trump à devoir répondre aux questions des avocats de Summer Zervos et braquer à nouveau les projecteurs sur le comportement du président des États-Unis à l’égard des femmes.

Par : Hervé Gilbert (sources combinées)


Thursday, March 22, 2018

La doctrine Poutine

Entretien avec Michel Eltchaninoff
Vladimir Poutine brigue un nouveau mandat lors de l'élection présidentielle de 2018


Poutine est antimoderne, conservateur et expansionniste. Persuadé de la décadence de l’Occident en général et de l’Europe en particulier, il prône une « voie russe », qu’il pense être un autre modèle politique et social. M. Eltchaninoff analyse cette doctrine.

La Vie des Idées : On présente souvent Poutine comme un autocrate à la fois nostalgique de l’URSS et soucieux de regagner une puissance perdue depuis la fin du bloc soviétique. Cette vision n’est-elle pas un peu simplifiée ? N’y a-t-il pas une doctrine Poutine, qui ne se réduit pas au regret de la gloire passée ?

Michel Eltchaninoff : Poutine est un héritier du soviétisme. Il a vécu les quarante premières années de son existence en URSS. Il s’y est puissamment imprégné de certaines valeurs — patriotisme, militarisme, complexe de supériorité de la grande puissance. Il a servi ce qu’il considérait comme le corps d’élite de la nation : le KGB, devenu FSB après 1991. En revanche, il semble n’avoir jamais cru au modèle communiste d’une économie d’État ou d’une société sans classe. Il n’a donc pas voulu, à son arrivée au pouvoir en 1999, réhabiliter le soviétisme. Il a cependant affirmé vouloir réconcilier les héritages tsariste et communiste du pays. D’autres strates se sont déposées sur ce fond soviétique. Durant son premier mandat présidentiel, de 2000 à 2004, il adopte un profil de libéral. Il cite volontiers Emmanuel Kant et rappelle l’appartenance de la Russie à l’Europe du droit et de la démocratie. Il veut que la Russie rejoigne les « standards » occidentaux. Il se présente comme le dirigeant qui rétablit la stabilité, voire la prospérité à l’intérieur, et le prestige perdu à l’extérieur. Il faut nuancer cette strate libérale. Poutine ne prononce pas exactement les mêmes discours aux Européens et aux représentants des puissances asiatiques, par exemple aux Chinois, devant qui il s’excuse presque d’avoir eu un portrait de Pierre le Grand dans son bureau à Saint-Pétersbourg, et face à qui il critique le droit d’ingérence à l’occidentale. Par ailleurs, sa version de la démocratie est empreinte de raideur. Enfin, la manière dont il muselle les médias dès son arrivée à la présidence, dont il mène la guerre en Tchétchénie et met au pas les oligarques a de quoi alerter les démocrates.

Vladimir Poutine en 2018
À partir de 2004, une série d’événements infléchit ce discours modernisateur. La tragédie de Beslan, cette prise d’otage dans une école du Caucase russe qui cause la mort de 346 personnes, dont de nombreux enfants, après une opération chaotique des forces spéciales, ébranle Poutine.. Il semble retirer sa confiance aux institutions démocratiques. Deux semaines après Beslan, il annonce que les gouverneurs des régions seront désormais désignés, et non plus élus. Il s’appuie de plus en plus ouvertement sur le patriarcat orthodoxe de Moscou pour « désensauvager » le pays. Il accueille très mal les révolutions de couleur (Géorgie fin 2003, Ukraine fin 2004) et l’adhésion des pays baltes à l’OTAN et à l’Union européenne. Il se persuade que la Russie est en butte à l’hostilité active des puissances occidentales. Un premier tournant conservateur s’esquisse. Après l’épisode de la présidence Medvedev, de 2008 à 2012 et son retour à la présidence, Vladimir Poutine accentue des tendances déjà présentes dans ses deux premiers mandats : un conservatisme assumé contre un Occident jugé décadent et coupé de ses racines chrétiennes ; l’affirmation d’une « voie russe » spécifique qu’il faut défendre coûte que coûte contre l’hostilité de l’Ouest ; l’accélération du projet d’Union eurasiatique (effectif depuis début 2015 avec la Biélorussie, le Kazakhstan et l’Arménie en attendant d’autres adhésions). Ces trois strates sont alimentées par des citations que Poutine réserve à ses discours les plus solennels.

Il fait régulièrement référence, depuis 2005 et jusqu’en décembre 2014, à Ivan Ilyine (1883-1954), philosophe russe émigré en Europe, aussi violemment anticommuniste qu’antidémocrate, admirateur de Franco et Salazar. Il aime emprunter des formules à Nicolas Berdiaev (1874-1948) ou Constantin Leontiev (1831-1891) pour appuyer son conservatisme. Il affectionne Lev Goumilev (1912-1992), qui représente la théorie eurasiste durant la période soviétique. Il faut donc ajouter au soviétisme originel et au saupoudrage libéral un conservatisme, une néo-slavophilie à prétention scientifique et l’eurasisme. Le résultat est une idéologie multiforme, dont les seuls points communs sont l’idée d’empire et l’hostilité à l’Occident. De quoi servir un président qui cherche à mobiliser son peuple sans s’enfermer dans un corpus trop contraignant.

La Vie des Idées : Poutine semble obsédé par l’unité de la nation et de la société russes, qu’il oppose à la soi-disant désagrégation des États démocratiques occidentaux. N’est-ce pas cette obsession qui détermine très largement sa politique étrangère ?

Michel Eltchaninoff : La question du rapport entre unité et diversité est depuis des siècles l’une des grandes questions politique et culturelle de la Russie. S’étant constitué en empire, ce pays regroupe des peuples très divers. Aujourd’hui, la Fédération de Russie accueille, outre les « Russes ethniques », des Tatars, des Tchouvaches, des Bachkirs, des Bouriates, etc., plus de 130 « nationalités ». Comment assurer l’unité politique sans réprimer les revendications nationales ? Ce n’est pas un hasard si la philosophie de Leibniz, modèle de cohabitation des substances individuelles au sein d’un système d’harmonie, a connu un grand succès dans la philosophie russe de la fin du XIXe siècle. Quant aux penseurs religieux connus sous le nom de sophiologues (Vladimir Soloviev, Pavel Florenski ou Serge Boulgakov...), ils élaborent des constructions conceptuelles complexes visant à saisir le lien existant entre Dieu et l’univers, c’est-à-dire l’unité du divin et la multiplicité de la création au sein de l’« uni-totalité ».

Mais ce n’est pas en élève des métaphysiciens que se conduit Vladimir Poutine. Sur le plan pratique, il a opté, dès son arrivée au pouvoir, pour la méthode forte : il a voulu faire de la Tchétchénie, « pacifiée » dans la plus extrême violence, un exemple. Il a rétabli, contre toute velléité d’autonomie ou de gouvernement local, la « verticale du pouvoir ». Sur le plan théorique, il alterne l’exaltation de la russité orthodoxe du pays et l’apologie de son essence multiethnique et multiconfessionnelle. Il vante l’harmonie existant entre les populations de confession orthodoxe et les 15 millions de musulmans du pays. Rappelons que les théoriciens de l’eurasisme ont tenté de montrer qu’il existait entre l’Europe et l’Asie un « troisième continent », une Eurasie cohérente du point de vue du climat, de la végétation, des langues ou du relief, unissant slaves orthodoxes et turcophones musulmans ou bouddhistes. Selon le président russe, cette diversité interne ne peut toutefois se déployer que dans le cadre d’un État fort qui empêche les tendances centrifuges.

À ces conditions, la Russie peut même représenter un modèle pour le monde. Comme il le dit dès 2003, « la Russie, comme pays eurasiatique, est un exemple unique où le dialogue des cultures et des civilisations est pratiquement devenu une tradition dans la vie de l’État et de la société » (intervention lors du Conseil pour la culture et l’art, 25 novembre 2003, Moscou). Symbole de l’harmonie des différences, la Russie est légitime, aux yeux du président russe, pour prendre la tête de l’Union eurasiatique, qui ne fait que déployer ce modèle en future superpuissance, « empire de la terre » respectueux des différences capable de s’opposer à « l’empire de la mer » euro-atlantique, qui homogénéise toutes les cultures qu’il conquiert. Mais la condition de ce modèle de coexistence étant, dans l’esprit du président russe, l’allégeance à Moscou, garant de l’unité, il est fort à parier que l’Union eurasiatique soit mal engagée, et que les tendances séparatistes de certaines régions russes ne fassent que s’accroître dans les prochaines années.

S’il glorifie son modèle eurasiste de coexistence dans une main de fer, Vladimir Poutine et certains de ses proches considèrent que l’Europe occidentale est depuis longtemps soumise à des forces de désunion. Dans leur esprit, l’Union européenne, incapable de tracer des perspectives, de s’affirmer du point de vue international et d’assurer la prospérité générale, est déjà un échec. Les États européens sont d’après eux ouverts à toutes les migrations et incapables d’opposer une résistance au poison islamiste, voire à ce qu’ils perçoivent comme une invasion musulmane. Quant aux citoyens, ils les voient comme des consommateurs écervelés et superficiels ayant perdu le sens du patriotisme et l’aspiration vers de grands idéaux.

La Vie des Idées : Poutine se place résolument contre la modernité. Sur quels fondements se construit son conservatisme ?
Michel Eltchaninoff : Depuis son retour à la présidence en 2012, Poutine ne mâche plus ses mots sur l’Occident. Il déplore le « refus de leurs racines, notamment chrétiennes, fondement de la civilisation occidentale », de la part de « nombreux pays euro-atlantiques. Ces pays, d’après lui, « refusent les principes éthiques et l’identité traditionnelle : nationale, culturelle, religieuse ou même sexuelle. On mène une politique mettant au même niveau une famille avec de nombreux enfants et un partenariat du même sexe, la foi en Dieu et la foi en Satan. Les excès du politiquement correct conduisent à ce qu’on envisage sérieusement d’autoriser un parti ayant comme but la propagande pédophile. Les gens, dans de nombreux pays européens, ont honte et craignent de parler de leur appartenance religieuse » — ce qui ne manquera pas de mener à une « crise démographique et morale » (Intervention au Club Valdaï, 19 Septembre 2013, Région de Novgorod).

Quelques semaines plus tard, devant tous les représentants de la nation, il reprend sur le même thème : « Aujourd’hui dans de nombreux pays les normes de la morale et des mœurs sont réexaminées, les traditions nationales sont effacées, ainsi que les distinctions entre les nations et les cultures. La société ne réclame plus uniquement la reconnaissance directe du droit de chacun à la liberté de conscience, des opinions politiques et de la vie privée, mais la reconnaissance obligatoire de l’équivalence, quelque étrange que cela puisse paraître, du bien et du mal, qui sont opposés dans leur essence » (Adresse au Conseil de la fédération, 12 décembre 2013). Contre le relativisme, le déclin culturel, l’invasion d’internet, le politiquement correct, l’amnésie, le masochisme démocratique, la faiblesse face aux minorités, Vladimir Poutine promeut une éducation morale fondée sur les valeurs chrétiennes, la culture classique et livresque, le patriotisme, le militarisme et le respect de la hiérarchie.


Selon lui, au fond, l’Europe est entrée en décadence, tandis que la Russie se situe dans une phase ascendante de son histoire. Il s’appuie sur le schéma pseudo-scientifique d’un Constantin Leontiev, dont il arrive à Vladimir Poutine de citer l’un des concepts les plus célèbres, celui de « complexité florissante ». Selon le philosophe russe, ardent anti-européen et anti-bourgeois, toute civilisation, après une époque de simplicité originelle, connaît son apogée dans une ère de complexité florissante, avant de s’étioler en une époque de simplification et de confusion. Pour Leontiev, l’Europe, depuis la Renaissance, ne donne plus naissance à des saints et des génies, mais à des ingénieurs, des députés et des professeurs de morale. Elle uniformise, dans son mode de développement et son conformisme. Mais elle est aussi confuse. Ses habitants sont perdus et ne savent donner un sens à leur vie. Ils se montrent incapables de reconnaître un principe supérieur enthousiasmant. On imagine combien ce tableau de l’Europe a dû paraître juste aux conseillers de Vladimir Poutine. Mais pour ce dernier, la floraison et la complexité ne sont envisageables que sous la direction attentive d’un État qui mobilise et unifie ces forces vives.

La Vie des Idées : Qui influence Poutine ? Comment se construit la doctrine Poutine ?
Michel Eltchaninoff : Poutine n’est pas lui-même un intellectuel. Mais, fidèle à la tradition russe et soviétique, il aime parsemer ses déclarations de références à la culture et à la pensée. Outre les conseillers qui rédigent ses discours, il a dans son entourage quelques personnes qui prétendent au titre d’idéologues. Le plus impliqué dans la pensée russe et une vision ultra-conservatrice du monde est Vladimir Yakounine. Titulaire d’un doctorat en science politique, président de la société de chemins de fers russes, très proche du président, il organise à grands frais des rencontres intellectuelles autour du « Dialogue des civilisations ». Il défend des positions violemment anti-occidentales. S’affichant très croyant, il se rend à Jérusalem chaque année, à l’office de Pâques, afin d’en rapporter la flamme du « feu sacré » qui y apparaîtrait miraculeusement. Il finance et organise des « tournées » de reliques en Russie. Il se veut donc un des fers de lance d’une renaissance religieuse et morale de la Russie. Enfin, s’ils ne sont pas des politiques, deux autres hommes influencent la réflexion président russe. Le célèbre cinéaste Nikita Mikhalkov, depuis deux décennies, prétend incarner un renouveau d’une « Russie blanche » après la chute du communisme. Il explore inlassablement la figure du philosophe « blanc » Ivan Ilyine.

Enfin, Poutine aurait un confesseur, le Père Tikhone Chevkounov. Cet ancien étudiant de l’école de cinéma de Moscou est maintenant supérieur du Monastère de la Rencontre de l’icône de la Vierge de Vladimir dans le centre de Moscou. Il est puissant et craint. On lui prête une réelle influence [1].

Outre ce cercle de proches, il faut noter que les idées circulent entre le Kremlin et la société. De nombreuses personnalités politiques et médiatiques aiment se référer aux penseurs cités par Vladimir Poutine. Un site internet comme « L’Idée russe », animé par un philosophe de l’Université de Moscou, Boris Mejouev, également rédacteur en chef adjoint du quotidien Izvestia, proche du pouvoir, relaie le message conservateur du président. Le philosophe Ivan Ilyine apparaît fréquemment dans les programmes d’examens. Mais le mouvement se fait également dans le sens inverse. Des idéologues ultraréactionnaires voient leurs discours repris par le Kremlin. Un seul exemple : il y a quelques années, un idéologue mêlant héritage eurasiste et références d’extrême droite, le sulfureux Alexandre Douguine, proche de la nouvelle droite française et d’Alain Soral, passait pour un original. Aujourd’hui, sans être un proche de Poutine, il faut constater que ses idées sont reprises au plus haut niveau. N’avait-il pas, dès 2009, écrit dans un de ses ouvrages : « Nous ne pouvons exclure d’avoir à mener une bataille pour la Crimée et pour l’Ukraine orientale » (La Quatrième Théorie politique, trad. Ars Magna, 2012) ? Désormais, il passe pour un prophète...

La Vie des Idées : Quelle est la réception, dans la société russe, de cette doctrine ? Fait-elle l’unanimité ?
Michel Eltchaninoff : Vladimir Poutine est revenu à la présidence dans des conditions difficiles, après des manifestations de protestation contre les fraudes aux élections législatives de décembre 2011. S’il veut être réélu en 2018, rester au pouvoir jusqu’en 2024 et choisir un successeur docile jusqu’en 2030, il doit mobiliser son peuple. Il tente donc de faire naître deux affects chez ses concitoyens : la fierté de la grande Russie retrouvée qui annexe la Crimée au nez et à la barbe du droit international ; le sentiment de forteresse assiégée.

Il mêle les deux motifs lors du discours où il célèbre l’annexion de la Crimée, le 18 mars 2014 : « la politique d’endiguement de la Russie, qui a continué au XVIIIe, au XIXe et au XXe siècle, se poursuit aujourd’hui. On essaie toujours de nous repousser dans un coin parce que nous avons une position indépendante, parce que nous la défendons, parce que nous appelons les choses par leur nom et ne jouons pas aux hypocrites. Mais il y a des limites. Et en ce qui concerne l’Ukraine nos partenaires occidentaux ont franchi la ligne jaune. Ils se sont comportés de manière grossière, irresponsable et non professionnelle ». Cette politique de « l’enthousiasme discipliné », pour reprendre un concept de Nicolas Danilevski (1822-1875), philosophe slavophile et panslaviste, auteur de La Russie et l’Europe, apprécié des cercles du pouvoir, porte-t-elle ses fruits ? Si l’on en croit les sondages de l’institut indépendant Levada, c’est plutôt le cas, mais de manière fragile. Fin janvier 2015, 81 % des sondés ont une opinion plutôt ou très mauvaise des États-Unis. Ils étaient moins de 40 % trois ans plus tôt. 71% ont une mauvaise opinion de l’Union européenne. Au même moment, 84% des sondés soutiennent l’annexion de la Crimée à la Russie. C’est à peine moins que les 88% de mars 2014. Quant à l’action de Vladimir Poutine, toujours à la fin de janvier 2015, elle est approuvée par 85 % des sondés — contre 62% en janvier 2013.

Une écrasante majorité semble approuver le discours anti-occidental et expansionniste du président. Cependant, en période d’instabilité, l’opinion est volatile. D’autres sondages réalisés par Levada donnent ainsi à réfléchir. Lorsque l’on demande aux sondés, en décembre 2014, s’ils sont prêts à assumer une baisse substantielle du niveau de vie de leur famille à cause des sanctions occidentales, 30% répondent par l’affirmative, mais 62% par la négative. Enfin, 64% des sondés soutiennent l’idée d’une Ukraine indépendante et entretenant des relations de bon voisinage avec la Russie, contre 22 % souhaitant une Ukraine sous le contrôle économique et politique de la Russie. On voit donc que l’opinion demeure tributaire de la propagande anti-occidentale massivement diffusée par la télévision russe — et qui présente la situation en Ukraine orientale et méridionale comme un massacre, voire un génocide, des russophones par la « junte fasciste de Kiev ».. Toute la question est de savoir jusqu’à quand le discours belliqueux de Vladimir Poutine séduira des Russes qui vont subir durement, en 2015, la crise liée à la chute des prix du pétrole et, dans une moindre mesure, aux sanctions occidentales.

A suivre...