Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Friday, May 20, 2022

Quand des oligarques cherchent des voleurs pour gérer la nation (Part-2)

 

Pour l’amour de l’argent, ils ont détruit ce si beau pays où les

gens avaient, autrefois, des chansons plein le cœur, et dans l’âme

le désir fou de vivre là où le temps prenait le temps de s’écouler (MxD).

 

Par Max Dorismond 

Le brillant Dr Guy Théodore de Pignon dans le Nord d’Haïti.

C’est dans cette atmosphère délétère que notre bon samaritain, le grand chirurgien béni de Pignon, qui a fait don de sa vie à sa région natale, en érigeant un hôpital phare, cinq étoiles, bâti avec ses propres deniers, a été invité par des amis très intéressés de la diaspora à faire cadeau aussi de sa personne à la nation entière. 

Se sentant désigné, le valeureux médecin ne se fit pas prier. Il voyait la politique en Haïti à l’image des films trompe-l’œil d’Hollywood, où le bien finit toujours par triompher du mal. Dans l’arrière-pays de ses rêves, il n’avait pas bien dosé ou soupesé la dimension d’une telle décision. 

La diaspora jubilait, Le Nord était emballé. Enfin, voici quelqu’un de représentatif, de sérieux, pour la renaissance de l’île, etc. Les qualificatifs élogieux pleuvaient et tout était radieux. Discours à New York, à Boston, à Miami, partout. Le Dr Théodore que j’avais rencontré un été à Port-au-Prince, au début de mes 17 ans, était fiancé à une connaissance qui allait devenir sa première femme. Il venait de terminer sa dernière année de médecine. J’étais doublement ravi pour Haïti, qui allait tomber en de bonnes mains. Mais c’était sans compter sans les barons de l’ombre. 

Hélas, l’enchantement national fut de courte durée. Le brillant chirurgien découvrit après 3 ou 4 mois de campagne qu’il n’avait point la fibre d’un escamoteur. Sans tambour ni trompette, il annonça sa démission un matin. Ce fut une douche froide pour les fanatiques, et Haïti venait de dégringoler aussi vite les marches de l’espoir. Théodore n’avait pas l’étoffe d’un escroc, d’un inconscient, d’un brigand, d’un fossoyeur de nation, tel que l’exige la publicité subliminale sans les mots. Il ne pouvait renier son serment d’Hippocrate. Il avait promis à son père, pasteur de son état, de faire du bien toute sa vie pour son pays. Homme de parole, il ne saurait décevoir le paternel. 

Cette nouvelle assommante fit la joie de la camarilla qui se bouscula au portillon. Plus de 200 partis politiques furent créés à cette époque. La voie était libre. Les années ont passé. À part des spéculations oiseuses, nulle vraie raison n’a été avancée pour expliquer la débandade du gang à Théodore avant cette cruciale vidéo sur Pignon, visionnée récemment. 

Presque, à la dernière minute de cette interface (après 1 h 42 min 28 s), le célèbre Dr trouva l’occasion de mettre les pendules à l’heure, suite à l’invitante question du journaliste, à savoir : «s’il n’aurait pas fait la même chose pour Haïti, s’il était président?». https://youtu.be/hSasID1kYYM?t=6146 

Voilà ma gloire! J’attendais cette réponse depuis plus de 30 ans et me voilà servi à souhait. Le bon samaritain esquissa un sourire narquois, prit tout son temps pour décortiquer la débâcle. «Ce fut, dit-il, une mise en situation qui l’a découragé et forcé à tourner casaque. Étant invité à Port-au-Prince à rencontrer les vrais maîtres du pays, parmi lesquels plusieurs richards de la haute société, qui m’expliquaient que je n’avais pas besoin de m’en faire pour l’argent. Une élection d’ici coûte entre 8 et 10 millions de dollars US. Nous allons les dépenser pour vous, à condition de nous laisser le champ libre en nous donnant la Douane, les Finances, la DGI, les Travaux publics, l’APN, l’AAN, l’OFNAC, la BMPAD1, etc.». Ainsi, le bon docteur vient de découvrir qu’il s’était trompé de rêve. Adieu Présidence! Adieu populace! Il a pris ses jambes à son cou pour retourner à bride abattue dans son Pignon natal et s’occuper de ses malades. 

Au même moment, l’image de «tassot frit2» d’un Jovenel Moïse désarticulé réanime ma mémoire endormie. Le corps écrabouillé, les yeux crevés, pour avoir violé les conditions du contrat d’embauche dans la dernière année de services. Les inconscients ont été sans pitié, pour attiser ce message phosphorescent, sans équivoque, au prochain favorisé, à savoir que c’est un jeu de «pwen’n fè pa». «Ou mange lajen shango, pa vinn ranse, pa vinn plenyen !  C’est à prendre ou à laisser, le pays nous appartient». 

À partir de cet assassinat crapuleux, les oligarques ont dessiné leur contrat à l’encre écarlate. La publicité ne se perd point dans les nuances. Elle est claire comme un Seven-up. On cherche des voleurs, des vicieux, des escrocs, des sociopathes, des malhonnêtes, des assoiffés de richesses faciles, pour gérer la nation. Le Dr Théodore a eu du flair pour glisser entre leurs doigts et retourner s’occuper de son hôpital à Pignon. Mais le pauvre Jojo, se croyant plus malin, a joué à la roulette russe et a perdu. 

Néanmoins, selon l’histoire, Duvalier, qui n’avait non plus un sou, avait tenté sa chance à ce casino. Étant calme et taciturne, l’élite commerciale pensait avoir mis la main sur un nono paisible qui s’exprimait avec hésitation. Ils croyaient avoir dégoté le meilleur «président de doublure» comme par le passé : la tradition continue. Mais malin et malin et demi, François les a contournés sur leur gauche, avec la création des Tontons Macoutes, qui ne faisaient pas dans la dentelle. Il déstabilisa l’armée corrompue. Nous connaissons la suite. 

Toutefois, l’invitante publicité est toujours omniprésente dans la psyché haïtienne. Presque tous les futurs candidats le savent et n’en ont cure. Ça piaffe derrière la porte. Comme un refoulement d’égout, ils sortent de tous les trous. La liste surchauffe avec 264 partis politiques en avril 2022. Les prospects assoiffés de dollars s’impatientent. Conscients du risque, tous sont fin prêts à jouer le jeu du «pwenn fè pa». Les affairistes se frottent les mains d’aise. 

Le corps sans vie de Jojo, en fromage de gruyère, ne s’oublie pas du jour au lendemain. Le souhait de soudaines richesses rapetisse le moral. Haïti sera toujours dirigé pour l’éternité par des voyous, des voleurs, des bandits légaux, tant que ces prédateurs sont prêts à acheter «le père, le fils et le sain d’esprit» pour parodier le sociologue haïtien Frédéric Boisrond. 

En dépit de tout, Haïti a-t-elle une chance de s’en tirer? Depuis plus de 218 ans, ces oligarques gangrènent toute une île. Autrefois, ces loups avides de richesses, même nés dans le pays, changeaient de nationalité pour arnaquer le pouvoir sous toutes les coutures. Haïti remettait des chèques à l’infini. Souvenons-nous de l’affaire Ludërs, par exemple. Plus tard, en faisant brouter l’armée d’Haïti dans leur main, les coups d’État à répétition pleuvaient si le gouvernement se montrait trop timide face à leur requête. 

Aujourd’hui, avec leur fric et leurs gangs, ils assurent leur mainmise en faisant miroiter des offres que les politiciens «grands mangeurs», les quidams sans état d’âme, les renégats en cravate, ne peuvent refuser. 

En contrôlant le pouvoir central, cette oligarchie arrose le reste en dollars :  les juges, les journalistes, les policiers, les hauts fonctionnaires, etc. Entre autres, leurs sicaires bien armés sont là pour refroidir les récalcitrants, les excités, les empêcheurs de tourner en rond. Les politiciens étrangers sont payés via les lobbyistes pour calmer leur semblant d’humanisme aux fins de tolérer le statu quo. Ces riches Haïtiens ont presque tous acheté leur immunité diplomatique pour se protéger de la furie populaire, le jour venu. Une plaque de Consul Honoraire d’un quelconque pays décore l’arrière de leur commerce. Ils sont habituellement de passage ici. Ils résident tous à l’extérieur. 

Ne cherchons pas ailleurs la cause du malheur qui plombe nos ailes. Tout est là, tout a été démontré. Nous avons vendu notre âme au diable pour quelques pièces de monnaie. C’est l’unique raison de notre déchéance. Nous sommes loin de sortir des cavernes, avec ce peuple enfant qui a la résignation en partage, en acceptant toujours, sans broncher, le fardeau que l’inconscience des autres a jugé bon de lui affliger.  

Voilà le vrai problème qui ankylose ce pays depuis des lustres. Nous n’avons pas un buffet d’options. L’unique solution qui reste à Haïti pour stopper les limites de l’inconcevable, c’est d’éradiquer cette race de cancrelats, les considérer comme des vermines nuisibles, pour mieux les écraser. Autrement, nous sommes foutus. Le pays est à boutde souffle, le peuple est aux abois et la misère hurle. Cette chanson ci-jointe, «Gade yon doulè» en est la dernière complainte à nous chiffonner l’âme et le cœur. Écoutons-la : https://youtu.be/pO-I6Fm8q9oLire Part 1

 

Max Dorismond





-NOTE - 

1 – DGI : Direction Générale des Impôts / APN : Autorité Portuaire Nationale / AAN : Autorité Aéroportuaire Nationale / OFCNAC : Office National de l’Aviation Civile / BMPAD : Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement.

2 – « Tassot frit : Une particularité de la cuisine haïtienne. Type de viande fumée et braisée.



Saturday, May 14, 2022

Quand des oligarques cherchent des voleurs pour gérer la nation (Part-1

Pour l’amour de l’argent, ils ont détruit ce si beau pays où les

gens avaient, autrefois, des chansons plein le cœur, et dans l’âme

le désir fou de vivre là où le temps prenait le temps de s’écouler (MxD)


Par Max Dorismond 

Un titre surprenant pour l’étranger de passage, mais nullement farfelu pour la plupart des natifs. Depuis des temps immémoriaux, une publicité subliminale, une offre d’une banalité déconcertante pour certains, anime le quotidien des Haïtiens. Tu rêves de présider ou de gérer la nation, des «amis» te feront une proposition irréfutable. On ne la projettera jamais sur un panneau ou sur un écran, mais elle est là, omniprésente et sans couleur. Autour d’un verre, entre deux meringues, cette invitation intemporelle roule et roucoule sournoisement dans le décor. Les requins cherchent des «idiots utiles» à manipuler au détriment du bien-être collectif. Les candidats sont légion à postuler et à l’honorer. Le cliquetis des espèces sonnantes et trébuchantes interpelle à la ronde. La morale en a pris un coup, les oligarques ont le beau jeu. 

La preuve de l’existence de cette proposition ténébreuse a été confirmée par le dernier assassinat à date du feu président Moïse, qui diffuse un message d’avertissement sans équivoque. Lors de l’interview d’un très célèbre personnage de Pignon, dans le Nord d’Haïti, le Dr Guy Théodore, un ex-candidat malgré lui, d’autres coïncidences étaient venues étayer cette publicité incitative. 

Si vous n’êtes pas frappé d’amnésie, une simple connaissance de l’histoire nationale vous mettrait sur la piste des maîtres chanteurs dès votre plus jeune âge. Une violence inouïe déborde les pourtours de la scène politique et les institutions pourvoyeuses d’argent depuis la naissance du pays : les heureux élus sont habituellement affublés du titre non moins flatteur de «gouvernement de doublure», où une oligarchie prédatrice, agissant toujours dans l’ombre, noue des relations incestueuses avec le pouvoir en place. 

Donc, à propos de cette sulfureuse publicité ou offre non écrite, un langage sibyllin sera servi à souhait aux éventuels prospects, au point qu’ils ne seront point surpris quand le sujet contre nature leur sera murmuré en douceur au coin d’une table, qu’ils soient dans le circuit politique ou rien. Le cas de Sweet Micky ne fut pas l’exception à la règle. L’interpellation lui fut adressée entre deux «yayades». 

Bref! Le pouvoir à tout prix et la prédation galopante se révèlent deux composantes entièrement liées dans l’ADN de nos semblables. C’est une culture de pillage et de violences ou le mot concession est nul et mal venu. Les étrangers qui vivent dans le pays rentrent allègrement dans ce jeu de dupe. Souvenons-nous des causes de l’occupation américaine en 1915. Au départ des Yankees, en 1934, ces mêmes étrangers, redoutant la vengeance des locaux désireux de se débarrasser d’eux, avaient supplié le commandement américain, via une pétition, de demeurer pour toujours dans le décor. 

En 1957, à l’arrivée de François Duvalier, qui maîtrisait assez bien les facteurs de l’équation, la vapeur fut renversée. L’élite d’affaires qui contrôlait le pouvoir à sa guise, avec l’appui de l’armée, a été déstabilisée en faveur des Levantins1 qui avaient financé la campagne du Doc. Ces derniers, qui étaient des petits commerçants issus de l’immigration, obtinrent un nouveau statut. On retrouvait à l’époque les Deeb à la magistrature de Port-au-Prince, Boulos père comme ministre de la santé, Baboun en diplomatie, les Kwali, les Cassis, etc. 

Auparavant, ils n’intégraient pas la politique ni ne flirtaient avec les riches du pays qui les méprisaient. Leur condition d’immigrants misérables ne cadrait pas avec l’opulence de la classe bourgeoise qui leur menait la vie dure dans le commerce de détail. Ne pouvant fréquenter cette classe de privilégiés, plusieurs d’entre eux marièrent des Noir(e)s. N’étant pas assez fortunés, certains, au lieu de se payer un voyage dans leurs pays d’origine pour aller prendre mari ou femme, selon la tradition, se rabattaient sur des Haïtien(ne)s pour convoler en justes noces. Le sénateur Edo Zeny de Jacmel est un exemple typique du fruit de cette alliance, quand il parle de son aïeule, son arrière-grand-mère paysanne jacmélienne (Src : https://youtu.be/McFEleDfLJQ?t=3728  à 1 hr: 2 min: 18 sec). 

Au fur et à mesure que François débarrasse le plancher de cette élite prédatrice, qui est soit assassinée, soit emprisonnée, ou exilée, les Arabes renforcent leur position, et s’enrichissent à vue d’œil, clamant leur victoire avec panache et couleurs. Souvenons-nous de ce p’tit Libanais extraverti, du nom de Kouri, alias Kouri Motocyclette, un garde de corps exhibitionniste du président à vie, qui faisait hurler sa sirène annonçant le passage du chef de l’État. 

Devant la débandade des détrônés, ce qui devait arriver arriva, ces éléments déçus se liguèrent à l’étranger et en Haïti pour reprendre leur place. Mais Duvalier ne se laissa point démonter : ce fut la guerre totale. Nous connaissons l’histoire et sa conclusion avec la défaite de ces jeunes décidés à en découdre avec le pouvoir. 

Mais en 1986, quand la dynastie régnante bascula du fauteuil, les survivants de l’exil retournèrent en Haïti en jurant «jamais plus». En position de force sur le plan économique, les Levantins, bien enracinés dans le décor, n’offraient aucune prise à l’intimidation. Les revenants, après 30 ans d’absence, rentrent au bercail et, face à la réalité, se résignent à diluer leur Barbancourt avec un peu d’eau frappée au coin du bon sens, pour faire équipe avec les méprisés d’hier. Les mariages heureux des enfants confirment aujourd’hui les alliances pour des lendemains noirs pour Haïti. 

Ainsi renaît cette aristocratie déstabilisante et étouffante qui ne recule devant aucun défi pour contrôler le pipeline d’argent : celui, qui maîtrise le pouvoir et toutes les institutions, possède, en réalité, le tout Haïti. 

Au début de ce vacuum est arrivé le charismatique Jean-Bertrand Aristide, avec un discours emballant et une popularité à toute épreuve. La «théologie de la libération» venue de l’Amérique du Sud s’est propagée à la vitesse de l’éclair sur une nation entière, assoiffée de justice sociale. Elle buvait ses théories et ses préceptes à grande lampée. Mais, c’était sans compter avec cette oligarchie bicéphale et puissante, décidée à ne donner aucune chance au petit peuple. 

Ce sera la première salve des revenants et leurs associés. Devant la réplique de JBA, avec son mouvement Lavalas, synonyme de «taboula raza», beaucoup d’argent a été dépensé par cette élite pour déstabiliser et barrer la route au petit prêtre intimidant des bidonvilles qui avait refusé l’alléchante offre du donnant-donnant. 

En conséquence, des lobbyistes ont été embauchés pour rallier des politiciens étrangers à leur dessein. L’appel téléphonique à Aristide d’un sénateur américain, sous l’instigation du père d’Andy Apaid, du Groupe des 184 et de la plateforme GNB, est une preuve palpable de la détermination de cette équipe : «money talk…». Et instantanément, le fringant Apaid avait obtenu l’autorisation pour aller narguer le pauvre peuple lors d’une tournée triomphale à Cité-Soleil. 

Titide a perdu une bataille. Plus tard, le temps de le dire, le p’tit prélat a été saisi manu militari et envoyé à Bangui, apporter la bonne parole aux Africains ou aller jouer avec de vrais lions sous les baobabs. 

Depuis lors, les associés ont tracé la ligne à suivre. Il n’y a plus d’armées, mais ils ont leurs gangs bien équipés, qui veillent au grain. Haïti est foutue! S’en est fait de lui. Ce sont les oligarques qui choisissent tout le monde, du président au directeur. Aucun fauteuil ne sera occupé sans leur approbation.   Lire la suite...

Max Dorismond

 




-NOTE –

1 – Levantin signifie qui vient du levant. D’un point de vue occidental, cette région du monde indique les côtes de l’Asie, le Proche-Orient et l’Égypte. L’adjectif levantin peut désigner un peuple ou une nation. (Src. : Internaute.fr)