Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Sunday, August 30, 2020

Monferrier Dorval, une victime qui révolte, une victime de trop...

Me Dorval a été assassiné chez lui, à Pèlerin 5 ce vendredi 28 août
2020, au moment où il s'apprêtait à garer sa voiture.                         



Par: Pierre Emmanuella TANIS
Encore une famille en larme. Monferrier Dorval, digne fils du pays, un nom de plus sur la longue et accablante liste des victimes de l’insécurité. Qui sera le prochain?

Une semaine sanglante, comme si un mauvais sort avait été jeté au pays. Une dévastatrice Tempête tropicale Laura (31 morts) et une insécurité galopante qui gangrène la vie des citoyens mais que l’on finit, malheureusement, par “accepter”. Trois morts rien qu’en l’espace de 48 heures. Michel SAIEH (PDG de Piyay Market), Frantz Adrien Bony( journaliste) et  Monferrier Dorval ( avocat, Docteur en droit constitutionnel et professeur à l’université)

Monferrier Dorval, 64 ans, professeur à l’université, Bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-prince, a été assassiné chez lui dans la nuit du 28 Août. Une perte douloureuse pour le pays.

26 ans de carrière, un parcours exemplaire

Licencié en Droit à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l’Université d’État d’Haïti et en Service Social à la Faculté des Sciences Humaines (UEH),  il fut lauréat d’un concours organisé par la Mission française de coopération et partit en france où il décrocha  son Diplôme d’Études Approfondies (DEA) puis son Doctorat en Droit à la Faculté de Droit et de Science Politique de l’Université de Droit, d’Économie et des Sciences d’Aix-Marseille.

Il rentra au pays en 1993 et rejoigna le Cabinet LAMARRE où il débuta en tant qu’avocat. Puis, il a ouvert son propre cabinet, sept ans plus tard, après la mort Me Louis M. LAMARRE, ex-Doyen de la FDSE. En octobre 2015, il a intégré le Conseil de l’Ordre des Avocats de Port-au-Prince.

Le 6 février 2020, il succéda à Me Stanley Gaston en tant que bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-prince. Avant d’occuper ce poste, il fut président de la Commission scientifique  du barreau;  président du Comité d’organisation du 32e Congrès de la Conférence internationale des Barreaux (CIB) en Haïti (décembre 2017 ); président du séminaire de l’Union internationale des Avocats (UIA) organisé à l’hôtel Decameron Hôtel( mai 2019).

En devenant bâtonnier, Me Dorval s’était donné pour mission de “sauvegarder, améliorer et innover” les pratiques du barreau, un rêve que ses assassins ne lui ont pas laissé le temps de réaliser.

Me Dorval était  un passionné du Droit. Il ne jurait que par le droit. Fort de ses 26 ans de carrière, le constitutionnaliste croyait que le droit transcendait tout.

Un citoyen engagé, un professeur dévoué

Derrière l’homme de loi, se cachait un citoyen très attaché à son pays. Le dévouement du professeur Dorval n’avait d’égal que son désir de voir son pays  emprunter les voies du développement. Saginot Deshommes, ancien étudiant à la Faculté de droit, témoigne de l’engagement de son feu professeur, qui l’a inspiré avant même de devenir son étudiant: ” Le Dr Dorval a choisi de vivre en Haïti pour transmettre à des générations son amour de la terre et sa passion de la connaissance notamment du droit.  “si yo pa ka dirije peyi a ke yo pati kite moun ki vle viv la dirijel”, s’habituait-t-il à répéter. ”

Me Dorval se souciait beaucoup de garder une ligne cohérente entre l’image qu’il projetait en tant que professeur et celle qu’elle projetait en tant qu’Avocat. Déstabilisé par la nouvelle, Jean Dewens Joanis, étudiant en 3ème année à la FDSE, affirme que le professeur Dorval était le genre de personne qui se souciait tout le temps de joindre l’acte à la parole, son savoir, savoir-faire et savoir-être devraient inspirer plus d’un. ” On ne se lasse jamais d’écouter le professeur Dorval. C’est d’ailleurs avec lui que j’ai appris à aimer le droit constitutionnel”, explique t il.

Et d’ajouter, avec une pointe de tristesse: “Hier encore, il était venu dispenser son cours. Mais Il ne l’a pas fait, la salle était bondée d’étudiants. Il a promis de revenir vendredi pour dispenser le cours, mais sur la cour, où il sera au moins possible de respecter la distanciation sociale.”

Il ne reviendra pas vendredi. Professeur Dorval ne reviendra jamais…

Et on continue à faire comme si rien de tout cela n’était vrai, en attendant la prochaine victime, dans quelques heures peut-être, Vous, peut-être… ” Pito lakwa al kay manmanw li pa vin lakay ou”, se plaît-on, passivement, à dire.  Malheureusement les malfrats nous démontrent que même dans son antre on n’est pas plus protégé.

TI RORO JEUDI DE SOUVENIRS EN SOUVENIRS

Jean-Robert Jeudi  alias Tiroro a fait le voyage vers l'au-delà

Par Pivoine MJL

¿Chiquita de pie, que sabe usted de la regla de puntuación?

C’est en ces termes qu’on se rappellera de Jean-Robert Jeudi, que tout le monde à Jérémie appelait affectueusement “Ti Roro”.

Professeur aguerri, musicien talentueux, spécialiste en aéroportuaire avec de superbes possibilités d’avancement pour sa carrière, il était proche de ses élèves et se mettait à leur niveau, pour leur enseigner les rudiments de l’espagnol, aussi bien que ce prof de maths de la ville, qui transformait ses cancres d’élèves, en de vrais experts de la théorie récursivement axiomatisable, des hypothèses et des probabilités.

Ceux qui l’ont côtoyé du temps de ses études parlent de lui comme un gars brillant, avec devant lui un avenir prometteur.

Même quand on disait qu’il faisait tourner la tête des femmes, avec mes yeux de très jeune fille, je me souviendrai plutôt du couple mythique qu’il formait avec cette très belle rose du parterre de la place Dumas.

Je trouvais qu’ils allaient tellement bien ensemble, ils étaient beaux et c’était agréable de les voir se promener main dans la main à travers la ville.

Dans ma génération, nos adultes ne voyaient pas d’un bon œil quand un jeune couple se bécotait dans les rues, comme on le voyait faire au cinéma et comme Ti Roro embrassait sa très belle Rose en public.

Nous les plus jeunes, ce couple nous faisait rêver à ce même romantisme dans notre relation future.

Dans nos têtes de jeunes écervelés, nous nous imaginions l’amour avec un grand “A”, sans écueils, parsemé et parfumé de roses de toutes les couleurs et sans la moindre épine. Oh réalité quand tu nous tiens !

Tiroro Jeudi (2004)
On raconte aussi qu’il s’est détourné de son chemin de bien des manières. Mais on ne dira jamais comment il a été blessé par le riche père, d’une de ses relations amoureuses précédentes et par bien d’autres personnes.

Ces blessures laissent des stigmates, ces marques indélébiles peuvent bien réellement détourner quelqu’un de sa vraie voie, indépendamment de sa sensibilité et sa force à transcender même les pires affronts et les mers en furie.

Trop souvent, l’être humain expose sur la place publique les déboires et les calamités d’autrui, sans prendre le temps d’enrober d’un peu d’empathie, les mots étalés sur les pierres d’achoppement rencontrées par plus d’un, sur le chemin tortueux de cette vie, souvent si triste pour plus d’un.

Sans compter les contrariés qui s’en prennent à vue d’œil ou en cachette avec leur langue, à ceux qui savent goûter au bonheur en se contentant des petites choses de la vie. On voit souvent comment ils s’attèlent pour se mettre en croix sur le sentier de ceux qu’ils envient. Il n’ont aucune gêne à mettre en place tous les subterfuges pour les démolir. Quitte à vendre leur âme au diable.

Ti Roro n’a pas connu toute la gloire que ses compétences et son savoir lui auraient attribuée.

Aujourd’hui encore et même dans le clan des intellectuels de ma communauté et dans mon pays, la détresse psychologique est taboue.

Il est trop souvent vertement critiqué, celui qui se met à boire à outrance, celui qui consomme, peu importe la drogue, celui qui change de partenaire au gré des saisons pour ne citer que ça.

Mais pourquoi ne pas essayer de le comprendre et de l’aider à trouver la voie pour s’en sortir, au lieu de l’aider à mieux s’enfoncer ? Bien sûr cela prendra sa volonté à vouloir se faire.

Ti Roro, tu es parti, laissant ta famille et tes amis dans le deuil. Tous, nous aurons à entendre le sifflement de notre dernier train un jour, pour nous emmener à notre destination finale.

Maintenant tu as trouvé ta paix, restes là. Bienheureux sois-tu enfin loin de ce monde fourbe et insensible ?

Pivoine 08-29-20
MJL Pivoine



Sunday, August 16, 2020

MES SOUVENIRS DE KONPÈ FILO

Anthony Pascal  alias Konpè Filo

Par Eddy Cavé
J’ai rencontré Konpè Filo pour la première fois à l’édition 2011 de Livres en folie à Port-au-Prince et ce fut immédiatement le coup de foudre. Pour avoir quitté Haiti en 1970, donc à un moment où il s’appelait encore Anthony Pascal et où Konpè Filo n’existait pas encore, je n’avais pas pu connaître le personnage politique ou médiatique qu’il était devenu.  Je partageais ce jour-là un stand avec Kettly Mars, Leslie Péan et une très jeune auteure, Marie Flore Morett, qui venait d’être couronnée  Miss Annaïse. J’en étais à mon premier livre de sorte que j’étais un auteur complètement inconnu sur ma terre natale. Cette expérience se révéla une des plus belles, des plus fructueuses et des plus instructives de ma vie de semi-retraité.
Konpè Filo s'amuse pendant que les auteurs se préparent
Accompagné de mon ami Claude C. Pierre, aujourd’hui disparu, j’étais arrivé très tôt sur le site pour explorer les lieux et m’installer avec mes amis écrivains. Dès le coup d’envoi, donné à 10 heures du matin, le site est envahi par une foule de jeunes qui, une fois les tourniquets franchis, se bousculent aux guichets, prennent leurs livres et se présentent aux divers stands pour les dédicaces. Kettly, Leslie et moi, qui croyons avoir beaucoup de choses à dire, nous nous tournons les pouces en conversant entre nous pendant que notre voisine de table, Marie Flore, est assaillie par une flopée de jeunes lecteurs qui réclament les autographes. Une grande leçon d’humilité pour nous trois.

Marie Flore a seulement 23 ans et est étudiante en relations internationales dans un institut privé de diplomatie. Elle m’explique qu’elle a fait ce choix  parce que les programmes sont trop longs à l’Université d’État, et j’apprends du même coup qu’elle est la gagnante du concours Miss Annaïse, dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Ce matin-là, Marie Flore signait, elle aussi, son premier livre, un fascicule d’une cinquantaine de pages qui attira une file impressionnante de jeunes.

Michel Martelly, qui venait de prêter serment comme président, non pas du konpa mais de la République, avait décidé ce matin-là d’aller faire un tour au Salon. Une première dans l’histoire de cette activité. Arrivé très tôt à notre stand, il ne put résister à la tentation de se mêler à la troupe joyeuse des admirateurs de la jeune auteure :
-          Tu es très jeune, lui dit-il, d’un ton admiratif ! Mais quel âge as-tu?
-          Vingt-trois ans.
-          Compliments! Faut persévérer. Hein!

Une minute de gloire pour la jeune auteure
Après avoir salué Kettly et moi, sans grand enthousiasme, il donne à Leslie, qu’il a bien connu durant sa carrière de musicien, et s’isole un instant avec lui pour converser un peu. Dans le brouhaha causé par la présence de ce visiteur insolite, j’entends une voix qui crie : « Men La Grandans desann. Se pou Eddy Cavé wi! (La Grand’Anse est en crue. C’est  pour saluer Eddy Cavé!). Pendant que Martelly continue son bain de foule, j’accueille mon préfacier, le Dr Simphar Bontemps accompagné de son frère Aramys, ma sœur Monique Cavé Martineau, l’ancienne directrice d’école Eddie Saint-Louis, mes amis Marc-Antoine Gauthier, Guiton Dorimain … et devinez : Konpè Filo. 

Marc-Antoine Gauthier, Guiton Dorimain, Konpè Filo et
Monique Cavé Martineau.                                                
Filo et moi, nous nous connaissions de nom, mais c’était la toute première fois que nous échangions une poignée de mains. Enthousiasmé par cette visite aussi inattendue que la précédente, je déclenche sans arrêt ma Nikon sur lui et sur ces membres de ma tribu, oubliant de me faire photographier avec eux. C’est ainsi que je n’ai  retrouvé dans ma collection aucune photo de moi prise ce jour-là en compagnie de Filo. Nous avons toutefois trouvé le temps de converser un peu dans la journée, mais, faute de temps, je n’ai pas pu enregistrer avec lui l’entrevue offerte sur le livre que je signais ce jour-là : le tome I de  De mémoire de Jérémien. Ainsi est née une de ces amitiés de l’exil qui s’entretiennent par le souvenir, les rencontres fortuites et très espacées sur la terre natale ou la patrie d’adoption et, de temps à autre, par un échange de courriels.

Eddy Cavé, Simphar Bontemps, Eddie Saint-Louis et Aramys
Bontemps (De la gauche vers la droite)                                    
J’ai toutefois revu Filo à plusieurs reprises par la suite. C’était chaque fois au rendez-vous du vendredi soir au Café des Arts de Maggy Rigaud à Pétionville. J’y allais à toutes mes visites au pays  en compagnie de  mon cousin Boy Cavé et de sa compagne Yanick Louis et j’étais toujours certain et content d’y rencontrer Filo. Si j’ai appris cette semaine seulement par son ancien complice  Konpè Plim que Filo connaissait aussi le piano, j’avais découvert, en fréquentant le Café des Arts, que cet original était aussi un parfait homme du monde et surtout un fin danseur et un passionné des danses sociales.

L’idée qu’on se fait de ces personnages publics à partir de la télévision, de la radio et des spectacles est très différente de la réalité. À regarder et à écouter les émissions de Filo sur le vodou, on imagine facilement que c’est un homme de péristyle qui ne danserait occasionnellement  que la musique rasin. Grave erreur! Qu’il s’agisse de konpa, de boléro ou de salsa, Filo est dans son élément. Il investit la piste de danse, attirant vers lui les regards admiratifs de toutes celles et ceux qui sont restés à leurs tables. J’étais fasciné de le voir danser avec tant de brio, de gaieté de cœur et d’élégance. Entre deux sets de musique, nous trouvons un court moment pour échanger quelques mots. Rien de plus, à cause du bruit infernal qui couvre les voix.

En prenant congé de Filo, je tombe sur Cary Hector, décédé prématurément depuis. Il est assis avec notre ami commun Leslie Péan et Gladys, une cousine de ce dernier. Un peu en retrait par rapport à l’atmosphère endiablée que créent les vieux succès du répertoire de Ju Kann, Cary s’amuse à observer cette faune qui se déhanche à la limite de la transe. Après deux chaleureuses accolades, il me dit avec son sourire désarmant : « Ça fait un bon moment que je t’observe. Je viens d’ailleurs de dire à Leslie : « Gade Eddy. Gade l byen. La p obsève pou l al ekri  (Regarde Eddy. Regarde-le bien. Il observe pour raconter ensuite) ".  Il avait en partie raison.

Rose-Anne Auguste, Eddy Cavé, Leslie Péan, Kettly Mars
(De la gauche vers la droite)
J’étais en effet plongé dans l’observation de cette foule habitée par une incontrôlable joie de vivre durant une période où l’insécurité inquiétait déjà. Absorbé surtout par l’observation des pas de danse que Filo exécutait sur la piste avec maîtrise et une rare élégance. Mais comment Cary pouvait-il prévoir qu’un jour j’aurais à relater par écrit le souvenir de cette soirée ? Intuition géniale ou perspicacité du chercheur qui, habitué à chercher sans trouver, trouve souvent sans devoir chercher ? Qui sait! Toujours est-il que cette soirée se déroule en boucle dans mes pensées depuis que j’ai appris le départ de Filo et que je me suis installé à l’écran pour ce témoignage.

En terminant cette page, je vois défiler les amis présents à cette soirée et qui ont fait depuis le grand voyage : Cary lui-même, parti pendant l’été 2017; Ricot Labrousse, rentré de Montréal et rencontré sur les lieux par pur hasard avec sa femme Carole;  mon cousin Boy Cavé, parti en 2015; Roger Nicolas, qui se remettait d’une longue maladie. Et au cœur du groupe, celui qui était pour moi la vedette de la soirée : Konpè Filo.  

De retour au Canada, j’ai pris l’habitude de suivre ses émissions à TELE GINEN, ce qui m’a permis de découvrir sa philosophie de la vie et la spiritualité qu’il pratiquait avec ferveur. Cela m’a en outre donné la possibilité d’entretenir dans l’éloignement et l’absence un souvenir qui aurait pu s‘éteindre de lui-même s’il ne s’agissait pas d’un homme au charisme peu commun et d’une stature exceptionnelle. Tout cela me donne aujourd’hui l’impression de ne l’avoir jamais perdu de vue.

Filo, tu seras toujours dans mes pensées!

Eddy Cavé,
Ottawa, ce 12 août 2020

Saturday, August 15, 2020

Adieu à un grand ébéniste de la communauté jérémienne

Par Herve Gilbert
Alix Charles alias Ti Liliss
Nous avons appris avec tristesse le décès de Alix Charles dit «Ti Liliss » survenu dans la nuit du 6 août 2020, sur la route nationale no 7 (Jérémie-Cayes) durant son transport en urgence vers un centre hospitalier à Port-au-Prince. Il a rendu l’âme, à la suite d’un malaise ressenti à l’estomac, avons-nous appris.

Voilà, le tableau sombre qu’on a soulevé dans nos précédents articles: « lorsqu’on brûle du désir de revoir le patelin ou d’y retourner pour un séjour, l’hôpital Saint-Antoine n’est pas en mesure de vous prodiguer les soins que pourrait nécessiter votre cas ». Parfois une nourriture avariée peut vous enlever la vie. Nous l’avons mentionné à maintes reprises – une population sans un centre hospitalier passablement équipé est vulnérable à toutes les catastrophes ou calamités.

Ti Liliss est un Jérémien, un ébéniste-menuisier chevronné, un ami très connu de la communauté jérémienne tant en Haïti qu’à New York. C’était un homme d’une force et d’une vivacité d’esprit peu communes.

Bien émouvants sont parfois les souvenirs des souvenirs. Je m’arrête un moment pour me rappeler à l’esprit les bienfaits de cet homme qui a laissé dans ma mémoire d’enfant des souvenirs ineffaçables. Si l'âme parvient à être immortelle, c'est sans doute parce qu'elle est invisible. « Le souvenir c’est la présence invisible », a écrit Victor Hugo.

Venons en au fait, dès ma tendre enfance, j’avais développé un amour pour les oiseaux et les pigeons, je faisais parfois la chasse aux oiseaux dans notre ferme à Gébeau en y mettant des gommes de l’écosse de (lame véritable) ou parfois j’utilisais mes frondes (fustiballes) . À l’âge de 6 ans, j’avais un chien comme ami du nom de Micky. Au départ de Carl, mon grand frère pour la poursuite de ses études à Port-au-Prince, je prenais la relève de l’élevage de ses pigeons dans notre cour familiale. Durant la saison estivale de 1967, ma  mère m’avait acheté une paire de cochons d’Inde appelée aussi cobaye.

Ti Liliss et David Étienne (1ère rangée de la gauche vers la 
droite), deux Jérémiens qui nous ont laissé cette année 2020
N’ayant pas de cage ou “kalòj”, je les abritais provisoirement dans une boîte en carton qui sous l’effet de l’humidité provoquée par les animaux n’a pas tardé à s’effondrer, j’ai pensé donc à me procurer d’un clapier pour mes ‘petites boules de poils’ plutôt très affectueuses. L’idée d’un clapier m’est venue à l’esprit. Qui donc allait me le construire ? Je partais à la recherche d’une cage. Au temps de mon enfance, dans ma ville natale, nous vivions comme dans un village, tout le voisinage nous identifiait et connait tout aussi bien nos parents.

Dans mon quartier, à la rue Abbé Huet  au carrefour “Ti Fontaine” où j’habitais durant cette époque, il existait 5 ébénisteries. Presque en face de chez moi, sur la cour adjacente à la maison de Mme Geffrard Bijoux, il y avait une ébénisterie où Boss Micanor Despeines, et Boss Canova travaillaient. À quelques mètres de ma maison, à la rue Lelac, se trouvait l’ébénisterie d’Antoine Appolon, sans oublier celle de Ben Jacob, son beau-frère, localisée à la Source Dommage. À un demi-bloc de la rue “Ti Chaise”, perpendiculaire à la rue Abbé Huet, il y avait l’ébénisterie d’André Jolibois. Tout près du cinéma Fox, à la rue Eugène Magron on retrouvait celle du regretté Abner Michel où travaillait Ti Liliss. Rappelons que Boss Michel a perdu deux jeunes enfants adolescents ( un garçon et une fille) enlevés de Jérémie par les malfrats duvaliéristes pour être emmenés et emprisonnés aux Casernes Dessalines, sous l’accusation “d’être des communistes”. Leur sort ne fut jamais connu.

Souvenir de Ti Lilss durant les retrouvailles à Palm Coast  
J’ai donc visité tous ces menuisiers sus-cités, en vue d’acheter une cage pour mes petits cochons d’Inde. Je n’ y ai pas trouvé de cages préfabriquées. Ces personnages m’ont offert plutôt de petits morceaux de planche et m’ont suggéré de bâtir moi-même le clapier. Ne connaissant pas les abc de l’ébénisterie, je ne savais pas à quel saint me vouer pour cette tâche. C’est ainsi qu’en arrivant à quelques mètres de ma maison chez le menuisier Loupérou, l’ancien tambourineur des Fantaisistes de Jérémie, j’ai rencontré Ti Liliss qui m’a offert son aide sans ambages pour construire le petit habitat pour mes cobayes. Il s’est rendu chez moi en y apportant les outils nécessaires et du matériel ( grilles métalliques, clous), acheté chez Jean Rouzier à la basse-ville pour mettre fin à notre projet. En l’espace de deux jours, ce logis d’une dimension de 1m. carré 82 était prêt pour mes cobayes disposant désormais d’une grande place pour se dégourdir et vivre adéquatement leur vie.

Tout ce récit est un hommage rendu à ce jérémien pour ses qualités humaines dont je garde encore un précieux souvenir et qui m’ont beaucoup marqué . Ce geste magnanime de sa part à mon égard m’a rendu heureux et c’est grâce à son action bénévole et impayable que j’ai appris aussi le maniement des outils de menuiserie comme une scie à bois ou un marteau. Par la suite, Ti Liliss était devenu un restaurateur des meubles pour mes parents qui l’appréciaient tout aussi bien. Dans l’exercice de nos vies, chacun de nous a reçu un don spécial pour une mission bien déterminée. Celle de Ti Lillis était d’aider des gens de sa communauté.

Une photo souvenir de Palm Coast  avec Ti Lilis
(Année 2013) 
Peu de temps après, j’ai rencontré Ti Liliss, soit à Palm Coast, lors des retrouvailles des Amis de la Place Dumas, soit à Jérémie durant  La Saint-Louis. L’année dernière à Cascade Night-Club, lors de la soirée dansante animée par le Tropicana, je l’ai revu pour la dernière fois. Nous nous sommes entretenus de notre Jérémie d’antan et m’a même conté l’histoire d’un tambour en aluminium que mon père avait donné en cadeau à son école dont il était le directeur à l’occasion de la fête du Drapeau. Et ce geste a été reconnu par toute la ville qui l’avait même mis en chanson reprise de temps à autre au cours des parades du 18 mai. Ti Lilisse, de ce nom connu de toute une génération de Jérémiens était resté le même à travers le temps, faisant toujours preuve d’un homme plaisant, jovial, comique, amuseur, qui vous replonge à chaque rencontre dans l’alma mater à travers des blagues et des farces humoristiques. Être auprès de Ti Liliss durant les moments de retrouvailles était toujours amusant; riant aux éclats, il aimait danser et n’hésitait pas à solliciter la danse à toutes les filles d’une soirée dansante. ll racontait toujours quelque chose à sa manière, de façon à vous capter l’attention.

En vérité, personne ne s’attendait à cette perte soudaine. Ses nombreux amis à New York vont certainement lui manquer…

La vie a une fin comme une lumière de bougie qui s’éteint, mais dans le cœur les souvenirs sont à jamais ancrés.

Ti Liliss, nous sommes tous bouleversés par ton départ impromptu, mais tes qualités humaines ont fait de toi un homme apprécié par tous.

À ta famille, tes enfants tes amis, toute ta progéniture, tous ceux qui t'ont connu et aimé, je présente mes sincères condoléances. Merci pour tes actions bienveillantes et généreuses! Ta mémoire sera toujours gravée dans nos coeurs.

Va en Paix mon ami!



Orlando le 15 août 2020

Herve Gilbert










Thursday, August 13, 2020

Qui est cette Haïtienne conseillère principale à la campagne de Biden?





Le candidat pour le parti démocrate, Joe Biden, vient d'embaucher une Haïtiano-américaine, Karine Jean-Pierre, comme conseillère principale pour sa campagne présidentielle. La nouvelle a été annoncée officiellement ce mercredi 20 mai. Parcours d’une fille d’immigrants haïtiens, qui a fait ses preuves dans le milieu politique américain.

Agée de 43 ans, Karine Jean-Pierre est née en Martinique en 1977, de parents haïtiens, et a grandi à New York. Au départ, elle voulait devenir médecin, puis s'est dirigée vers une autre voie. Après ses études à l'Université Columbia, elle est devenue une militante pour les droits humains, analyste politique pour de grands médias comme NBC et MSNBC, et a fait office de conférencière en affaires internationales et publiques à l'Université Columbia, son alma mater.

Après des années dans la sphère politique, où elle s'est fait une grande réputation et accumulé de grandes victoires, la voilà maintenant recrutée comme conseillère principale de la campagne de Joe Biden, candidat pour le parti démocrate à la prochaine présidentielle américaine. Une nouvelle que Jean-Pierre a reçue et annoncée avec fierté, en ce mois de mai 2020.

« Je suis ravie d'annoncer que je me joindrai à la campagne Biden en tant que conseillère principale. Il s'agit de l'élection générale la plus importante depuis des générations et je n'ai tout simplement pas pu m'en tenir à l'écart. J'ai hâte de faire ce travail avec Joe Biden et l'équipe ! », a tweeté Jean-Pierre ce mercredi 20 mai.

I am thrilled to announce that I will be joining the Biden campaign as a Senior Adviser. This is the most important general election in generations and I just could not sit this election out. I look forward to doing this work with @JoeBiden and the team! #Biden2020 pic.twitter.com/yGQfMA6E2F

Dans son nouveau poste, cette fille d’immigrés haïtiens conseillera son nouvel employeur sur tout ce qui est lié à la stratégie, aux communications et à l'engagement avec les communautés clés, y compris les Afro-américains, les femmes et les progressistes, écrit le Washington Post, qui présente la concernée comme "une stratège politique afro-américaine chevronnée".

D'après le Washington Post, Karine Jean-Pierre est entrée en politique dès le début de sa carrière professionnelle. Lors d'une interview avec PBS NewsHour, elle a confié que c'est son travail, sa persévérance et sa façon de voir les gens, qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. 

Karine a été directrice politique régionale du Sud-Est en 2008 pour la campagne présidentielle historique de Barack Obama. Elle a servi à la Maison Blanche sous la présidence d'Obama, avant de reprendre du service dans la campagne de réélection en 2012. Avant cela, elle avait travaillé avec l’équipe de campagne de l’ancien candidat à la présidentielle démocrate de 2016 du gouverneur du Maryland, Martin O’Malley.

Ensuite, elle a rejoint le groupe libéral MoveOn en tant que directeur des affaires publiques. Cette institution l'a d'ailleurs vivement félicitée pour son nouveau poste. "Nous sommes très fiers de notre brillant collègue Karine Jean-Pierre, qui prend un congé de MoveOn pour rejoindre la haute direction de la campagne Biden. [...] Félicitations Karine!", a tweeté MoveOn.

Karine Jean-Pierre raconte sa vie dans son récent livre « Moving Forward ». Sur Goodreads l'ouvrage est présenté comme "un mémoire politique inspirant de Jean-Pierre [...] retraçant son parcours de la communauté haïtienne de New York à travailler à la Maison Blanche d'Obama, et offrant un plan pour tous ceux qui veulent changer le visage de la politique".
Source:Loop

Présidentielle aux États-Unis : la jeunesse montréalaise de Kamala Harris

Kamala Harris aux côtés de Joe Biden  à la vice-présidence

Femme, noire, avec des origines asiatiques », a-t-on retenu aux États-Unis à l’annonce de sa candidature à la vice-présidence aux côtés de Joe Biden. Le Canada insiste plutôt sur le temps passé par la sénatrice au Québec.

L’expérience montréalaise de Kamala Harris n’occupe que deux petites pages sur les près de 340 que compte son livre de mémoires publié en 2019, «The Truths we hold ». Mais à l’annonce mardi 11 août du ticket que Joe Biden entendait former avec elle pour l’élection présidentielle de novembre, le Québec n’a pas manqué de s’enorgueillir d’avoir accueilli pendant quelques années celle qui pourrait bien prendre le chemin de la Maison Blanche.
« Nous ne pourrions être plus fiers de la diplômée de la WHS Kamala Harris, future vice-présidente des États-Unis ! », s’est empressée de tweeter la Westmount High School, une école secondaire sise sur l’île de Montréal, dans laquelle Kamala Harris étudia de 1976 à 1981.

Après son divorce d’avec Donald Harris, professeur d’économie à l’université Stanford, la mère de Kamala Harris, Shyamala Gopalan, une chercheuse spécialisée dans la lutte contre le cancer du sein, obtient un poste à l’Hôpital général juif de Montréal, assorti d’une place d’enseignante à la prestigieuse université McGill. Au milieu des années 1970, Kamala et sa jeune sœur Maya atterrissent donc au Québec. La future sénatrice raconte, dans «The Truths we hold », le choc qu’a représenté ce déracinement pour la fillette de 12 ans qu’elle était alors :

« L’idée de déménager de la Californie ensoleillée, en milieu d’année scolaire, pour aller dans un pays francophone, recouvert de douze centimètres de neige m’était pénible, c’est le moins que l’on puisse dire. »

Le changement de climat s’accompagne d’une immersion dans un univers linguistique quasi inconnu pour la jeune Kamala, sa mère ayant décidé de l’inscrire dans une école primaire de langue française, à Notre-Dame de grâce, à Montréal. Elle avoue que les seuls mots de français qu’elle connaissait à l’époque lui venaient de sa professeur de danse, « demi-plié and up », avait-elle retenu. « Je me faisais l’impression d’être un canard, écrit-elle dans ses mémoires, toute la journée dans cette nouvelle école, je répétais, quoi ? quoi ? quoi ? ».

Une femme « chaleureuse et charismatique »
Elle dut néanmoins finir par apprendre quelques rudiments de la langue de Molière et de Michel Tremblay : l’ancien ambassadeur de France aux États-Unis Gérard Arraud a confié sur son compte Twitter qu’à l’occasion d’une réception à l’ambassade, « la sénatrice (m’)avait prouvé qu’elle parlait un peu le français ». Ce qui participa sans doute au souvenir qu’il en garde d’une femme « chaleureuse et charismatique ». 
Source: Le Monde

Friday, August 7, 2020

Visioconférence d’un groupe de réflexion sur l’actualité nationale et internationale


Haïti Connexion Network a invité quelques-uns de ces collaborateurs à se pencher en quelques minutes sur les points les plus saillants qui animent l’actualité nationale et internationale. Pour la circonstance, on a fait appel à Mme Emmanuelle Gilles, une admiratrice d’Haïti, selon ses mots, à titre de modératrice, pour chapeauter la rencontre. Ensuite on y retrouve, le Dr Carl Gilbert, chirurgien et PDG de HCN, Max Dorismond, auteur et écrivain, Lemarec Destin, Historien et auteur, Dr Edouard Pinard, chirurgien-Dentiste et Hervé Gilbert, Ingénieur et Directeur de HCN, à la coordination technique.

Tout cet effort déployé par HCN, pour réunir ce bel échantillon de penseurs, a été effectué dans le but de colorer le passetemps de son auditoire. Lire et rêvasser, c’est bien, mais entendre parfois, la voix de son auteur préféré est encore mieux. Par leurs réflexions sur les sujets de l’actualité, par la pertinence de leurs réactions, le lecteur aura néanmoins l'opportunité de faire amples connaissances avec ces écrivains qui animent très souvent son quotidien. Dans un débat d’idées où chacun y apporte la sienne, voilà pour notre auditoire, l’occasion de se faire une opinion personnelle pour ses prochaines lectures.

Bonne écoute.

Herve Gilbert pour HCN

Visio-débat d’un groupe de réflexion sur l’actualité nationale et internationale


Thursday, August 6, 2020

Kleptocratie – Comment les milliards ont-ils laissé Haïti? Part - 2

La carte de visite:3 lettres rouges et les clés dorées du paradis

Par Max Dorismond

                                                                  
                                                                                                                                    
En suivant les révélations du lanceur d’alerte
Pour comprendre, un tout p’tit peu, la dilapidation des 4,3 milliards de dollars de Chavez, ou des 6,3 milliards de la Commission intérimaire pour la reconstruction d’Haïti (CIRH), faisons corps avec les révélations de Bradley Birkenfeld, et replaçons-nous en Haïti. Le scénario que nous allons élaborer pourrait s’appliquer pour tous les paradis fiscaux ainsi connus : le Lichtenstein, les Bahamas, le Panama, la Suisse, les Bermudes, l’Irlande, Singapour etc… Il y en a plus de trente à travers le monde. Les secrets de la UBS*1 nous servent d’exutoire, simplement, pour mieux cerner notre descente aux enfers.

Une fois la nouvelle de cette manne providentielle arrivée aux oreilles des banquiers gloutons de ces paradis, via les journaux ou leur ambassade ou d’autres contacts claniques, les vacances en Haïti deviennent une affaire de grand luxe. Ces oiseaux de « bon augure » (sic) ne lésinent point avec le confort et l’étalage. Le paraître est un atout dans leur approche pour amadouer les éventuels clients.

Tous frais payés par leur banque respective, ils voyagent en classe affaire ou en jets privés et débarquent dans l’île où des anciens clients, déjà dans le circuit, se chargeront, de leur publicité sournoise et discrète, de les présenter aux nouveaux maîtres d’influence du moment : ministres, directeurs généraux, contractants, affairistes néophytes, nouveaux riches, PDG de compagnies de construction et jusqu’aux hommes du président ou le président lui-même. Pourquoi surtout les serviteurs de l’État? Ces banquiers savent, selon le mot de H.L.Mecken, « qu’un bon politicien est aussi impensable qu’un voleur honnête ».

À cette éclectique galerie, le banquier, gérant de patrimoine, va ouvrir la parade et les inviter, tous frais payés, à des soirées spéciales données dans les plus chics hôtels de la capitale, des endroits où l’on s’épanouit dans la douceur de l’entre-soi, où l’élite économique et politique vient causer entre copains-coquins.

Muni de la carte de crédit la plus prestigieuse au monde, la « American Express Centurion card*2 », mieux connue sous le pseudonyme de « Black Amex », il invite les « amis » et leurs accompagnateurs, par exemple, à une soirée de dégustation de vin raffiné, accompagné de p’tites rissoles de volailles et du potage à la Conti sur croûton, ou bien à un vernissage de peinture d’un des grands maîtres de la cité, accompagné de vin de grands crûs, tel le « Domaine Leroy Chambertin- Grand cru, Côte de nuit, France » à 4500,00$ la bouteille, toujours commandités par sa banque.

À noter que, dans la valse des milliards, il ne serait pas étonnant de voir un Black Amex entre les mains de certains thuriféraires haïtiens. La vanité et la manie de se faire voir, vont les aiguiller à exhiber de pareils bidules.

À ces soirées bien arrosées, les contacts se multiplient et les cartes de visite avec le logo de la banque en question sont distribuées à tout vent avec le subtil petit message oral : « Si vous êtes de passage en Europe ou aux USA, quel que soit l’endroit, donnez-moi un coup de fil, je passerai vous voir… ». Ces simples mots ne tombent point dans l’oreille d’un sourd. Car, avoir la carte de visite d’un banquier suisse entre les mains est déjà un passeport pour conforter certains, mais aussi, un switch qui allume instantanément des ampoules dans la tête du futur corrompu. D’ailleurs Voltaire l’avait déjà souligné : « Si vous voyez un banquier suisse se jeter par la fenêtre, sautez derrière lui: vous pouvez être sûr il y a quelques profits à prendre*3 ».

Entretemps, le contact local se chargera de faire le suivi. À propos de cet « ami local » providentiel, qui ne se trouve pas sur la route par un heureux hasard, il est habituellement un ancien client du banquier avec des titres honorifiques, tels, par exemple, « Consul Honoraire » de l’une de ces bourgades perdues de l’Europe ou de l’Amérique du Sud, ou « VIP Investment, un vrai « bandit légal » à cravate! Des titres pompeux accordés pour mieux faire trotter la valise diplomatique. En un mot, ce sont des rabatteurs, ou plutôt des « mules » de luxe.

Confortablement assuré d’un relais étranger, le prospect, en position de s’enrichir, un de ces quatre matins, décide de rentrer en contact avec le banquier du diable, qui l’assurera de son service. En fin de compte, il l’invitera en Suisse, pour la première fois, en vue de lui mettre plein la vue sur le côté sérieux et rassurant de son institution, qui lui fera signer son premier compte à numéro. Si le montant à transférer est énorme, un petit dépôt de bonne foi, de 200 000,00$ comme amorce, fera l’affaire. Une valise diplomatique s’en chargera ou bien un chèque sur mesure, tiré d’une banque complice de Port-au-Prince, facilitera le premier déclic. Ensuite, dans un mois, il pourra effectuer des transferts en ligne (par internet) pour grossir le magot sans aucune limite.

Ne vous étonnez point d’y trouver des comptes d’Haïtiens dépassant les 50 à 100 millions de dollars et plus. Le plus bizarre dans ce carnaval de dollars, le client, une fois signé son premier dépôt, en personne, ne revient jamais en Suisse, pour éviter tout soupçon. Il devient un adepte de l’internet.

Le fameux compte à numéro est un piège, dont le client, trop content de déplacer l’argent volé hors du pays, cherche rarement à comprendre la mécanique. Sur ce compte, la banque ne remet pas un sou d’intérêt. L’identité du client ne figure nulle part. Seuls un ordinateur et le banquier signataire retiennent son nom. En tant que dépositaire, la maison prélève un 3% de commission. Par contre, si le client donnait comme instruction de placer son argent, un autre 3% serait retenu, en plus des frais de transaction. Peu importe, le déposant a le solde du compte pour rêver, « remisé, au loin, sous son matelas étranger en acier ».

Ce n’est pas tout. Le banquier lui offre le choix de bloquer ses dépôts pour un an ou plus. Si, par malheur, il a un besoin d’argent pour une quelconque urgence, la banque se chargera de lui prêter 90% de son propre capital*4, à un taux d’intérêt attractif, dit-elle. Les 10% resteront dans le compte à titre de garantie. Même ses retraits en ligne seront cumulés et classés comme prêts.

Le côté macabre de ces fameux comptes mystérieux se révèle intéressant pour ces corporations lorsque certains propriétaires décèdent sans révéler l’existence de ces comptes à numéro à leurs héritiers. Habituellement, ce compte non réclamé devient la propriété du dépositaire, c’est-à-dire la banque.

C’est ainsi que, 50 ans après la seconde Grande Guerre, suite à un retentissant procès devant le tribunal de Brooklyn, à New York, en 1995, le Congrès Juif Mondial avait, en effet, intenté des poursuites contre les banques suisses pour réclamer la restitution des sommes des victimes de l’holocauste restées en déshérence (sans héritier) dans leurs coffres. Après 3 ans de dénégation et une dure bataille, la Suisse s’est résignée à lâcher dans les goussets des héritiers, survivants de l’Holocauste, la somme de 1,6 milliard de dollars après de puissantes pressions*5.

En définitive, et le plus surprenant, tout le monde joue à ce petit jeu de cache-cache. S’il faut en croire Birkenfeld, il lui est arrivé un jour de recevoir deux clients italiens qui voulaient faire un retrait de 100 000 dollars, chacun. Après les vérifications d’usage et comparaison des indices, sans aucun nom, les Italiens ont obtenu le feu vert pour le retrait. Après leur départ, le banquier, par curiosité, muni des indices comparatifs, a vérifié leur dossier pour découvrir que c’était deux prélats du Vatican*6

Voilà, en gros, comment l’argent se déplace du point A au point B, sans que personne ne puisse le déceler. Englouti dans les eaux boueuses de la corruption, il est presqu’impossible de le remarquer. Sauf la comptabilité des banques du pays victime peut lui fournir des indices du crime. Les cas de dénonciation à la Birkenfeld sont extrêmement rares, malgré la somme astronomique qui lui a été payée pour services rendus à l’Amérique. Car, ces établissements sont bien protégés.

Encore, la complexité de leur complicité est tellement perfectionnée, que les peanuts qu’ils vont payer à titre de pénalité ne représentent qu’une goutte d’eau sur le dos d’un canard. Les meilleurs avocats du monde sont à leur solde. Le système financier international favorise intrinsèquement la criminalité par son opacité et sa dérégulation. Les gouvernements victimes seront toujours complices pour laisser le système évoluer dans toute sa splendeur. Ils pataugent tous dans un capitalisme de connivence.

En effet, selon la Banque Mondiale, les fonds volés à leur propre pays par les dictateurs et leurs complices représentent entre 20 et 40 milliards de dollars par an*7. Juste à titre d’exemple, malgré la bonne volonté et l’initiative du "Stolen Assets Recovery (STAR)", (Recouvrement des Avoirs volés), bras armé de l’ONU et de la Banque Mondiale pour combattre la corruption, personne n’a réussi à entamer une procédure pénale pour obtenir de la Suisse la restitution des 7 petits millions de dollars restants et gelés sur les comptes de la famille Duvalier. Allez voir pour les milliards de Chavez.

Ce qui prouve que l’ancien député helvétique, Jean Ziegler, avait raison d’écrire que : « La Suisse lave plus blanc ». Son matelas d’acier est trop lourd pour aller voir en dessous.

Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca


1 - UBS est une société de services financiers dont les sièges sont à Zurich et à Bâle, en Suisse C'est la plus grande banque de gestion de fortune dans le monde, avec 68000 employés et des actifs financiers investis de 3 607 milliards de francs suisses en 2019. Ses activités principales sont les activités de banque privée, banque d’investissement et de gestion de fortune.
2 – La « Black Amex » ne se demande pas. La compagnie (AE) l’offre au mérite, en rapport à la
       pertinence de votre fortune. Le plus grand achat connu effectué avec la carte Centurion,(Black
       Amex) est le tableau « Nu couché » d'Amedeo Modigliani, que l'homme d'affaires Liu Yiqian a
       acheté pour 170 405 000,00 dollars US lors d'une vente aux enchères de Christie's à New- 
       York en 2015. Toutefois, il n’y en a pas beaucoup en circulation. À peine un millier.
3 – Src. : Le journal Challenge’s - 30 Oct.2015
4 – Src. : « Le banquier de lucifer » de Bradley C. Birkenfeld - page 83
5 – Src. : Journal Belge : « Le Soir » 14 Août 1998.
6 – Src. : « Idem - page 62
7 – Src. : le journal Le Monde de Juin 2010