Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Friday, December 30, 2016

Haïti - Pour en finir avec la cécité volontaire



Haiti, enfant pauvre  des Amériques
Par Max Dorismond

            La descente aux enfers de notre chère Haïti interpelle tout un chacun. L’année arrive à sa fin et l’horizon demeure inchangé. Pour ma part, je jette cette pierre dans la mare avec l’humble intention d’éveiller les consciences. Souhaitons que cette goutte d’eau s’ajoute aux ruisseaux des supplications pour en faire une rivière et plus tard un fleuve pour ensemencer nos rêves de changement.

Pour ce, utilisons l’anagramme1 du mot ESPRIT, en l’occurrence, TRIPES, aux fins de notre plaidoyer. Ce lien mythique n’est pas un hasard littéraire. La nature fait souvent très bien les choses. Ces deux mots exercent une certaine pression sur le présent et le futur d’Haïti. C’est une évidence sur tous les plans : physique, physiologique, psychologique, naturopathique et environnemental. Dans le règne animal, cette pulsion des tripes, dénommée la faim, aiguise l’instinct de la bête et le  pousse à traquer sa proie. Chez l’homme, c’est son esprit qui est sollicité pour apporter la correction qui s’impose selon la planification sociale de son milieu. Ce besoin naturel a pourtant, d’une manière ou d’une autre, contribué tantôt à l’avancement, tantôt à la déchéance du genre humain. Certaines expressions populaires sont venues concrétiser cet axiome lié à des formules, telles que : ventre affamé n’a point d’oreilles, Sak ki vid pa kanpé etc…

Haiti compte aujourd'hui plus de 10 millions d'habitants
             Le désir de satisfaire ce besoin primaire constitue la cause immédiate de cet exode massif de la population de l’arrière pays vers les villes, d’où le résultat d’une insécurité galopante et un dégoût affiché de la classe possédante. Ce qui détruit tout espoir de cohésion sociale et d’entente cordiale. Ignorer les conséquences de cette pulsion en cas de fureur sectorielle, c’est jouer à la tartufferie. La pression de cet état de fait risque d’éclater à son paroxysme. Aucun matériel ne peut la compresser. C’est de la physique primaire. Et ce qui est insoupçonné dans de pareilles situations, c’est que, pour parodier le célèbre Ignacio Ramonet2 « dans un affrontement entre le fort et le fou, celui-ci, par son imprévisibilité et son irrationalité, l’emporte le plus souvent ».

Un appel à la réflexion
            Suite à cette introduction, je m’adresse aux bien-pensants, aux visionnaires de chez-nous,  s’il en reste encore. En ce temps de réflexion, il est venu le moment de saisir les paramètres de la faim d’un peuple aux abois qui grogne dans sa misère crasse en menaçant de faire flèche de tout bois pour survivre. À visionner certaines vidéos que je vous invite ardemment à regarder, à entendre les vociférations de l’affamé contre le groupe dominant, je tremble d’effroi. (Voir en fin de texte). La faim a-t-elle déjà dégradé son esprit au point de frôler la démence? Dans ses hurlements revient toujours ce sempiternel refrain de faire payer à certains leur honteuse prospérité. Ne le prenez pas pour du délire démagogique. Quand les TRIPES sont torturées par le vide, l’ESPRIT en paie le prix. Les angles sont déformés et la réalité se métamorphose en mirage, d’où la naissance d’un possible vengeur, criminel, terroriste... Affublez-le du nom que vous voulez, la réalité est à vos portes.

Déni et irresponsabilité
            Individuellement, vous allez crier que vous n’êtes pas responsable de ce drame humain. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on joue avec les alibis de l’égoïsme et de l’hypocrisie. Mais collectivement, vous faites partie de la classe dont l’aisance est un ahurissant privilège. Vous êtes en complicité avec le mal. Vous avez, entre vos mains, la richesse, le savoir, le pouvoir, les relations et tous les accessoires de la réussite. Donc, aux yeux du « ventre ronflant », vous êtes  tous coupables par association. Le bien pensant ne vous culpabilise point, loin de là. Mais la faim a manipulé l’esprit de « l’autre », l’inassouvi, le détraqué et votre image se reflète dans son rétroviseur. Le danger vous guette.

Haiti est l'un des pays des grandes Antilles
Par conséquent, ne lui laissez pas surtout la chance, de dresser le gibet collectif et de vous y pendre, de justifier son crime en parodiant le poète angolais, Armando Guebusa : « Il y a un message de justice dans chaque balle que je tire ». Au plus pressant, trouvez une solution en changeant le cours des choses. Extrayez de votre âme le faux mépris que vous semblez éprouver pour le plus pauvre en regard d’un raisonnement défaillant et obsolète. Il est presque trop tard. Le monde entier compte sur votre bonne foi pour que, en cet instant précis : «  Tous ceux qui tournent le regard vers cette moitié d’île, avec respect et bienveillance, retrouvent en vous les dignes descendants de ces géants de tous les talents qui, à chaque génération, ont sculpté, dans le granit de la mémoire du monde, les contours d’Ayti, terre de liberté et de fraternité ». (Christiane Taubira)3

            A voir les prisons du pays, surpeuplées de ces pauvres hères qui ont péché par nécessité, vous ne pouvez continuer à évoluer dans cette indifférence monstrueuse, pendant qu’autour de vous subsiste un véritable camp d’extermination. Il faut changer la donne avant qu’Haïti ne soit synonyme de Rwanda. Port-au-Prince a déjà sans doute perdu sa signature pour s’appeler aujourd’hui Port-au-Gang, tant les coupe-gorges pullulent, non seulement dans les bas-fonds, mais partout sur son territoire. En réalité, les affamés s’organisent sur tous les plans pour survivre, pour prendre leur revanche aussi, selon les diktats de leurs TRIPES sur leur ESPRIT. D’ailleurs, autour d’eux, ils vivent les conséquences de la malnutrition quand ils voient leur progéniture, leurs proches terrassés par des maux, dûs à des carences nutritionnelles telles le Kwashiorkor, la cécité, le béribéri4, le scorbut et le rachitisme… L’heure est très grave.

Une douzaine de bandits arrêtés par la police de Petit Goâve 15 Mars, 2016

Le problème et les sources de solutions
            Avant toute chose, faites connaissance avec les causes de la faim. Suivant des recherches exhaustives, j’en ai trouvé deux pour Haïti : La faim structurelle et la faim conjoncturelle 5. En détaillant ces deux particularités, vous pouvez y trouver facilement les solutions adéquates pour guérir ce mal qui afflige la nation. En passant, ne cherchez pas, non plus, à acculer les générations précédentes qui n’auraient comme seul tort que de vous avoir devancés, mais, essayez plutôt de déterminer leurs errements et les vôtres aux fins de parvenir à saisir le nouveau paradigme pour une correction intelligente et définitive. Armez-vous seulement d’une parcelle de conscience, tout en misant sur les vertus d’un dialogue politique et social actif, franc, mais respectueux, sans arrière-pensée,  pour renverser l’ordre établi.

              La Faim structurelle a pour cause l’économie à laquelle se greffent les causes sociales et politiques. « Elle est une situation permanente causée par la société qui a un système inadéquat de répartition de la richesse. Lentement elle détruit la santé, l’état physique et la vie des personnes pauvres5 ». La corruption,  le népotisme, la concussion, l’instabilité politique, l’émolument des fonctionnaires versé aux trois mois ou plus, la fraude fiscale, la croissance démographique galopante en opposition au  malthusianisme6, la sous-production alimentaire, les mauvaises décisions des gouvernants, etc… demeurent les prémices à corriger d’entrée de jeu. « En ayant une stabilité politique fragile, il y a fatalement une mauvaise organisation, une mauvaise coordination pour pouvoir développer le pays. C'est un cercle dont il est difficile de sortir ».

La Faim conjoncturelle, c’est la nature propre d’Haïti, dont la disette  est le synonyme, en corrélation avec les évènements prévisibles qui y sévissent assez régulièrement, tels qu’un ouragan, une sécheresse, un tremblement de terre, une inondation et bien d’autres catastrophes naturelles.

 Malgré les causes conjoncturelles, nous pouvons ajouter que les causes structurelles font plus de tort au pays et elles s’avèrent plus faciles à corriger, dépendant de la bonne foi des acteurs en lice.

 À travers une émission de Radio Canada, Gilles Gougeon raconte l'histoire d'Haïti et explique l'origine des crises qu'a connu ce pays, classé parmi les plus pauvres du monde.


La condamnation collective
Vous êtes tous condamnés à solutionner le cas de cette pauvreté statutaire. Quand un frère, quelle que soit sa couleur ou sa position sociale, se fait dévorer par les affres de la faim, c’est votre dignité qui en prend pour son rhume, même en jouant à l’autruche. Et la faim n’est pas l’unique corollaire. Tout va de mal en pis. Le désespoir a une nation et la malpropreté  une capitale. On demeure avec l’impression que chaque rue se démène pour participer au « championnat Olympique national » des plus gros monticules de déchets et qu’on s’apprête à couronner le vainqueur de fleurs aux relents de pourriture. C’est un constat navrant. La population se multiplie à vue d’œil. Le chômage est endémique. La bombe est amorcée depuis belle lurette. Le tic-tac est agaçant. Qui va le stopper avant la minute fatale ? Seul Dieu le sait pour le moment.

Pour conclure avec une autre anagramme, je vous conjure d’être le Soigneur qui apportera la Guérison aux affligés d’Haïti pour l’année 2017. C’est un devoir qui vous incombe. Car, comme me le soulignait l’écrivain jérémien, le Dr. Jean-Robert Léonidas7, suite au cyclone Matthew, dans ses souhaits pour les fêtes de fin d’année, «  Même si on est béni au singulier, on souffre au pluriel en solidarité avec les plus démunis ». Et c’est çà la réalité !

Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca


Bibliographie:
Note 1 : Une anagramme (renversement de lettres) – est une construction fondée sur une figure de style qui inverse ou permute les lettres d'un mot ou d'un groupe de mots pour en extraire un sens ou un mot nouveau ».(Wikipédia).

Note 2 : Ignacio Ramonet : sémiologue et journaliste. Ancien directeur du mensuel « Le monde Diplomatique ».

Note 3 : Christiane Taubira, ex-député et ex-garde des sceaux en France, dans sa lettre au peuple Haïtien pour ses 200 ans d’indépendance le 1er janvier 2004

Note 4 : Le béribéri est une maladie causée par un déficit en vitamine B1, qui provoque une insuffisance cardiaque et des troubles neurologiques… Le béribéri était autrefois très répandu chez les peuples d'Asie qui se nourrissaient exclusivement de riz décortiqué (alors que la cuticule du riz contient précisément de la vitamine B1). (Wikipédia)

Note 5 : Action Faim : « Les causes de la faim dans le monde ».

Note 6 :  La théorie de la population la plus connue est le malthusianisme. Il s'agit d'une doctrine inspirée par l'économiste anglais Thomas Malthus (1766-1834) qui prône une limitation volontaire de la population. Le point de départ de Malthus était que la population augmentait beaucoup plus rapidement que la production agricole, ce qui devait conduire à la misère et aux décès les plus pauvres. (Google).

Note 7 : Médecin, écrivain, poète et romancier, Jean-Robert Léonidas est un passionné des lettres. « La médecine est son épouse et la littérature sa maîtresse » dit Joël Desrosiers, lui-même médecin, écrivain et poète.


Saturday, December 17, 2016

René Depestre : « Je me suis réconcilié cette année avec Cuba »

A 90 ans, René Depestre a été un témoin privilégié de la révolution cubaine. Alors âgé de 26 ans, il avait rejoint « ses frères d'armes » dans la Sierra Maestra en 1953 après avoir sillonné l'Amérique latine, la Chine et l'Europe de l'est. Poète, romancier et essayiste, il est entré dans la littérature par la révolte il y a 70 ans en Haïti.

René Dépestre
Comment avez-vous accueilli la mort de Fidel Castro ?
Avant tout, je me dois d'éviter les pièges du lyrisme et ceux du dénigrement, parce que je vois aujourd'hui autour de moi qu'il y a des torrents de calomnies qui s'abattent sur le parcours de Castro et puis il y a naturellement des discours apologiques et très forts. Mais il y a un fait, c'est que la solidarité plébiscitée par sa mort, comme ce fut le cas pour les funérailles d'Aimé Césaire. Comme je l'ai dit ces jours-ci, j'ai vécu à la fois les grands espoirs de la révolution cubaine et les désillusions. Donc il me faut parler des raisons qui m'ont fait espérer de Cuba dans les années 1960 et le désespoir que j'ai connu de très près également. Tout d'abord, ce qui frappe vraiment, c'est que Cuba est le seul petit pays par sa taille à occuper, sur la scène internationale, une place aussi importante. De ce fait, toute la planète parle de ce pays et son leader. C'est extrêmement rare. Ensuite, si on veut considérer quels sont les acquis internationaux que Castro a glanés pour Cuba, on peut considérer que ce pays a contribué à la décolonisation totale de l'Afrique, grâce aux 40 000 hommes envoyés sur les fronts en Angola, au Mozambique, en Ethiopie, en Algérie. Ce pays a été présent au XXe siècle sur tous les champs de bataille de la décolonisation. C'est considérable, quelles que soient les opinions qu'on puisse avoir du point de vue idéologique de Cuba.

Faites-vous un parallèle entre la révolution haïtienne au XVIIIe siècle et celle de Cuba au XXe ?
La révolution cubaine a touché toute la planète, ce qui n'était pas le cas pour la révolution haïtienne. Par la suite, le régime à La Havane a envoyé des médecins, des infirmiers en Haïti, notamment lors des catastrophes naturelles dont nous avons été victimes en 2010.
Personnellement, vous avez eu des démêlés avec le pouvoir cubain. En gardez-vous un goût amer ?

J'ai vécu des épreuves qui ont été douloureuses car elles ont été à l'origine de ma rupture en 1978 avec les autorités cubaines. Parce que j'ai pris fait et cause pour Padilla, un grand poète cubain. C'était un ami, un homme de talent, mais qui critiquait ce qu'il fallait critiquer dans la vie civile. Il a été arrêté et obligé de faire une confession pour s'accuser de tous les maux de la terre. On lui a remis le texte de la confession cinq minutes avant la réunion de la chambre des écrivains qui l'accueillaient ce jour-là. Il a fait une confession absolument lamentable. Ce n'était pas lui : les agents de la sécurité publique lui ont fait lire le texte. J'ai été témoin de cette injustice. A la fin de la réunion, j'ai pris la parole pour défendre Padilla. J'ai été le seul à le faire. Aujourd'hui, je peux le dire pour la première fois.

Mais comment peut-on expliquer qu'un rêve socialiste tourne au cauchemar ?
Le problème est d'une extrême complexité. Avant la révolution, Castro n'était pas communiste. Il ne l'était même pas dans les six premiers mois de la révolution. Je les connaissais pour avoir été très proche d'eux. Je suis allé à Cuba à l'invitation du Che dès le mois de mars 1959. J'étais un notable d e la révolution, donc au courant de tout. D'ailleurs, je viens de terminer un livre qui s'appelle « Une gomme pour le Christ » qui sortira en début d'année et dans lequel j'ai écrit tout un chapitre intitulé « Cuba, service après naufrage » . Je dis tout ce que j'ai vu et vécu. Alors Castro n'était pas communiste, contrairement à son frère. Mais quand il s'est heurté à l'hostilité d'Eisenhower, puis de Kennedy, il n'avait plus le choix. Notamment, il lui fallait un marché pour écouler la production sucrière. Alors, les communistes cubains ont sollicité l'URSS pour aider leur pays. C'est comme ça que Castro est passé avec armes et bagages du côté soviétique.

Qu'elle a été la gestion de la question noire par les vainqueurs ?
Comme Haïtien en me rendant à Cuba, je me posais la question de savoir si les révolutionnaires allient pouvoir régler le problème racial. Il faut noter que Cuba était un pays extrêmement raciste avant la prise du pouvoir par les communistes. Je l'ai subi en 1952 lors de mon séjour sous Batista avec mon épouse qui était une femme blanche. Ils ont pris ma femme à part en lui disant qu'elle devrait avoir honte d'épouser un Haïtien qui, en plus est un bolchevik. Il n'y avait pas pire ennemi qu'un Haïtien bolchevik. A la fin, nous avons été expulsés manu militari.. Et quand la révolution a triomphé, je suis allé à Cuba. Peu après mon arrivée, j'ai entendu Castro évoquer la question raciale dans un discours prononcé au coeur de La Havane. Le lendemain, des gens ont quitté le pays en disant qu'il allait instaurer le mariage mixte et livrer les femmes blanches aux Noirs. Il y a eu un scandale, à tel point que sans reculer sur la lutte contre le racisme, il avait favorisé l'accès des Noirs à l'éducation et aux hautes fonctions du pays. C'était une bonne chose, car avant Castro, le pays marchait tout droit vers l'apartheid à la manière sud africaine. Le Che et Castro ont instauré une démocratie raciale.

Quel regard posez-vous sur l'avenir d'Haiti qui vient d'élire un nouveau président ?
Oui, le pays a mis des mois pour élire un nouveau chef d'Etat. Ce qui montre l'incapacité des pouvoirs à s'organiser pour faire face aux très nombreux défis. C'est le résultat de la disparition de la société civile en Haïti. Ce n'est pas seulement un tremblement de terre pour Haïti, mais c'est un séisme pour l'Histoire. J'éprouve en ce moment, un grand pessimisme pour Haïti. C'est la première fois que je suis dans cet état.

Vous venez de fêter vos 90 ans. Bloncourt avec qui vous avez mené une révolution qui fête ses 70 ans. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Oui! Avant la révolution du 23 juillet 1953 par Castro, nous avons bouleversé le paysage politique haïtien. Nous étions quelques-uns dont Jacques-Stéphane Alexis, Gérald Bloncourt, Gérard Chenet et bien d'autres. Nous sommes descendus dans la rue et avons crée un journal, « La Ruche » , dans lequel nous avons fait le procès du gouvernement de Lescot. André Breton et Aimé Césaire étaient à l'époque en Haïti. Grâce à leur présence, nous avons renversé le régime. Les militaires ont pris ensuite le pouvoir. Depuis lors, je suis en dehors d'Haïti. Je n'ai jamais pu y vivre.

Auriez-vous souhaité une révolution en Haïti ?

A l'heure actuelle, on ne peut plus considérer les choses en termes de révolution. Parce que la révolution d'octobre, la plus importante du XXe siècle, est partie en fumée, la révolution chinoise et celle du Vietnam ont sauvé les meubles et la cubaine aussi... Je crois que l'idée même de révolution est discréditée par l'effondrement des utopies. Il faut donc faire en ce moment preuve de beaucoup d'imagination.
Un petit pays comme Haïti n'aura droit au salut que par la solidarité internationale. J'appelle ce pays un hapax, c'est-à-dire une occurrence langagière qui n'arrive qu'une seule fois dans une langue. Je dis qu'Haïti est un hapax politique, sociologique, culturel. Nous n'avons pas de société civile. Haïti fait du surplace existentiel. Il faut s'en sortir, non pas par une révolution, mais une mobilisation de tous ses enfants.

Vous étiez l'un des amis et confidents de Césaire. Que tireriez-vous de son expérience ?

J'ai été dans sa classe en Haïti lors de son passage avec son épouse Suzanne durant 7 mois. Depuis ce jour-là, j'avais une haute considération. J'ai toujours été très proche de lui. J'ai connu la négritude, il y avait à boire et à manger là-dedans. Mais aujourd'hui, il y a plus à manger qu'à boire. Je pense donc que Césaire est à mettre sur le même pied que Fidel Castro. Je peux dire, rétrospectivement que les deux hommes les plus importants d'Amérique latine et la Caraïbe sont Césaire et Fidel Castro. La pensée intellectuelle de l'un est amenée à connaître la même présence planétaire que la pensée politique de l'autre.

Mais l'après Castro s'annonce plutôt houleux...
Je vous fais une confidence : je me suis réconcilié cette année avec Cuba. D'ailleurs, j'avais été invité par Raul Castro, lors de sa visite en France. S'agissant des relations avec les Etats-Unis, je pense qu'après la visite de Barack Obama à Cuba, le nouveau chef de l'Etat ne va exercer aucune agression sur ce pays. Trump ne reviendra pas sur le passé, car Cuba va évoluer dans le bon sens. Il s'en sortira mieux qu'Haïti.

Source : FRANCE-ANTILLES





Friday, December 16, 2016

Loup-garou en Haïti: mythe ou réalité ?

                                    
Par Jacques Casimir ( Pasteur D'Amoulio) 

Avant-Propos
À chacun selon sa conscience et ses croyances. Dans notre longue quête en vue d'apporter un regard nouveau sur l'histoire et de démystifier certains mythes et croyances, je vous emmène cette fois en pays Loup-garou dans les hautes montagnes d'Haïti . Nous n'allons pas révéler un lieu d'observation en particulier pour protéger et préserver la pérennité de l'espèce qui est en voie de disparition. Bien-sûr, il existe plein de mythes et de phénomènes inexpliqués sur cette île, qui porte aussi le nom de l'île magique. Cette fois, nous allons seulement démystifier le loup-garou au risque de blesser, de heurter et de bouleverser certaines croyances ancestrales.  
                                     
Le mythe du loup-garou est connu depuis l'antiquité. 
Lorsqu'on veut changer les mœurs et les manières, il ne faut pas les changer par les lois, disait Jean-Baptiste de Montesquieu, cela paraîtrait trop tyrannique: il vaut mieux les changer par d’autres mœurs et d’autres manières. Il n'avait pas dit par quoi on devait changer les croyances et les superstitions et par quoi les remplacer ? RÉF :Jean-Baptiste de Montesquieu “Titre de l'esprit des lois , livre XX”.

Que doit-on faire lorsqu'on veut changer les croyances et combattre l'obscurantisme ? là est toute la question. Dans le haut pays Quisqueya Bohio, nom amérindien pour définir l'île montagneuse d'Haïti, les croyances et les mythes ont la vie dure. Ni La force, ni le droit n'arriveront un jour à bout de ces superstitions. Ce travail revient au chercheur historien conséquent qui doit apporter des preuves valables et vérifiables pour démystifier certains faits et amener un nouveau regard historique pour dévoiler l'origine de certaines croyances populaires. Je vous emmène en balade à la recherche du loup-garou qui hante la nuit les contes et légendes d’Haïti. Mythe pour certaines, réalité pour d’autres. Qu’en est-il vraiment ?

Généralement les chercheurs, les biologistes, les naturalistes, les généticiens et autres utilisent la cryptozoologie qui est l'étude des animaux cachés dont l'existence ne peut pas être prouvée de manière irréfutables. Ces formes animales sont appelées cryptides. Dans notre cas, nous n’avons pas besoin de faire cette démarche puisque nous apportons des preuves irréfutables de l'existence de ce loup d'Haïti, la cigoâve ou casque, alias Loup-Garou.

Assoyez-vous confortablement, le voyage va être fait en parti sur des chemins rocailleux. Nous nous rendons dans la plaine de l’Artibonite et dans les villages de montagnes . Pourquoi ces endroits ? Selon des registres coloniaux, sur les biens et cheptels des colons, du premier gouverneur de Saint-Domingue, Jérémie Deschamps du Monsac, rapport du mois de mai 1662, au dernier inventaire des biens des colons fourni par François Barbé de Marbois en 1802, tous révèlent qu’à l’époque la plaine de l'Artibonite était l’endroit où il y avait le plus de bétails dans la colonie de Saint –Domingue. Dans l’ordre naturel des choses, là où il y a bétails et forêt, il y a prédateurs et dans ces villages de montagnes truffés de grottes on peut observer au loin des yeux qui brillent dans la nuit.
1). REF Auteurs : François Barbé de Marbois Titre État des finances des biens de Saint-Domingue, contenant le résumé des recettes et les dépenses publiques du 1er janvier 1788 au 31décembre 1788 (Imprimerie Royale Paris)2) Sources : Extrait des registres du Conseil Supérieur de Saint-Domingue.- Du 30 janvier 1789.Note : Concerne l'obligation de l'inventaire et vérification des biens des colons de chaque année des relevées des registres. Donné au P-au-P. Signé par De Marbois et Fougeron. .-(Port-au-Prince : Chez Bourdon, Imp. Du Roy, 1789).

Sorte de chien-reptile démoniaque qui sucait le sang des
animaux dans les villages et dans les montagnes.           
Le loup-garou dont l’espèce a presque disparu en Haïti est un chien-loup vivant dans la forêt et dans les grottes, il a les yeux phosphorescents luisant dans les ténèbres, il était la terreur des chiens et du bétail qu’il dévorait sans ménagement. Généralement il fuit les humains. Mais il lui arrivait aussi de s’attaquer à l’homme quand il est surpris ou cerné, surtout la nuit. C’est pour cela dans la culture haïtienne on dit souvent : Si ou soti lan nuit Lou garou ap mangéw Traduction: “Si tu sors la nuit, le loup garou va te dévorer”.


Avant l’arrivée des colonisateurs cet animal peuplait l'île, les indiens Tainos et Arawaks l’appelaient Sigoâve ou Cigoâve qui signifie en langue arawak qui brille dans la nuit ou yeux qui brillent dans la nuit; aujourd’hui, les gens l’appellent la cigoâve. Plusieurs naturalistes et scientifiques en visite dans la colonie de Saint-Domingue ont mentionné cet animal dans leurs récits. À partir d'une recherche historique exhaustive, voici les récits de différents auteurs et scientifiques à différentes époques qui corroborent ces faits. C’est à partir des sources multiples que naît l’histoire.

Christophe Colomb avait noté en 1493 dans son journal de bord certains animaux qu'il avait vus. Il a parlé de sirènes dressées dans l'eau qui n'étaient que des lamantins. Ces animaux sont à l'origine de nombreuses légendes. Il a aussi mentionné ces chiens bizarres, féroces et farouches dont les yeux brillent dans la noirceur de la nuit. Sources :Carnet de bord Notes et annexes du deuxième voyage de Christophe Colomb ( Universidad de Granada Espagne)

Un chien-loup sauvage
À partir de 1698 des documents écrits plus concret décrivent l’animal. Le père Labat nous fait la description suivante :« Les casque, ce sont des chiens-loups sauvages un peu différents du loup d'Amérique du nord qui ont peuplé les forêts et ne vont en meute que pour chasser; généralement, il est solitaire; on ne peut croire, dit l'auteur, les dommages qu'ils causent. Ils chassent et dévorent quantité de jeune bétails, on ne manque jamais de les tuer quand on les rencontre. On les appelle casque sans qu'on sache l'origine de ce nom. Ils ont pour l'ordinaire la tête plate et longue, le museau affilé et les yeux scintillants. Plus tard en 1759 François-Alexandre Aubert de La Chesnaye des Bois, a apporté une contribution inestimable dans la classification des animaux. Il décrit l’animal de la même façon que ses prédécesseurs en ajoutant quelques nuances. il dit ceci:« l'animal laisse sur son passage une forte odeur de musc et peut flairer ses proies et la présence humaine à une grande distance, il est très rusé ce qui le rend des fois très difficile à observer dans son milieu naturel 1) RÉF : Auteur Père Jean-Baptiste Labat Titre Voyage aux îles de France de l'Amérique Tome VI 2) RÉF: Auteur François-Alexandre Aubert de La Chesnaye des Bois, Titre Dictionnaire raisonné et universel des animaux ou le règne animal, consistant en quadrupèdes, cétacées, oiseaux, reptiles, poissons, insectes, vers, zoophytes, ou plantes animales: leurs propriétés en médecine ; la classe, la famille ou l'ordre où chaque animal est rangé,( Volume 1 Paris 1759).

Le xoloitzcuintle ,le chien-loup du Mexique
En 1799, arriva à Saint-Domingue, muni de précieuses lettres de recommandations à l’adresse du gouverneur général, le naturaliste Michel Étienne Descourtilz, il nous décrit ceci :« On connaissait il y a plus de 15 ans dans la colonie des animaux féroces non susceptibles d’être apprivoisés, les anciens colons donnèrent à ce chien-loup le nom de casque. D'après le récit donné par le colon grand propriétaire M. Desdunes Lachicotte qui en a tué un dans l’étable de son habitation. Il ne faut pas confondre cet animal avec le  xoloitzcuintle espèce de chien-loup du Mexique, Canis Mexicanus, à queue un peu recourbée. Ce loup à la même figure, les mêmes appétits et presque les mêmes habitudes que les loups d’Europe. Il a cinq doigts aux pieds de devant, quatre à ceux de derrière, les oreilles longues et droites les yeux étincelants mais il a la tête un peu plus grosse, le cou plus épais, la queue moins velue. Sa fourrure est recherchée, vu la variété de ses couleurs. RÉF Auteur : M.E Descourtilz Titre Voyage d’un naturaliste Sources de ses observations à Saint-Domingue ( M.E Descourliz Médecin Naturaliste du Gouvernement et fondateur du lycée colonial de Saint-Domingue) Tome II Paris 1809.

L'hurlement est un extraordinaire langage pour
le loup, il reste encore un mystère pour l'homme
D'après le rapport de M. Desdunes, dont l’enfance fut inquiétée par les hurlements de ces animaux à la tombée de la nuit. Il laissait sur son passage une forte odeur de musc que les chiens dont il était friand, redoutaient en refusant de suivre leur piste. Ces terribles animaux marchaient en troupe et devenaient le fléau des hattes, des poulaillers et des habitations d’élevage (les fermes) qu’ils attaquaient. Leur ardente voracité terrorisait : chevaux, chiens, bêtes à corne, cabris, porcs, moutons devenaient les victimes de leurs dents meurtrières.
RÉF:Auteur Placide David Titre Sur les rives du passé ( Grand prix littéraire des Antilles Paris 1947)
Comment le mythe du Loup Garou est arrivé à Saint-Domingue ? Les colons français de l'époque, majoritairement des paysans, des vagabonds, des repris de justices, des prostituées, venus chercher fortune et respectabilité dans la colonie ont emmené avec eux ces histoires du loup qu'ils avaient vécues en France. Des loups aux yeux scintillants qui dévoraient la nuit le bétail dans les fermes et les poulaillers. Selon la légende ce sont des hommes le jour et des loups la nuit ou mi-homme mi- loup. A partir de cet animal La Cigoâve (Loup d'Haïti) qui faisait la même chose dans la colonie, le mythe s'est répandu.

Pour interdire la fuite des esclaves qui se faisait majoritairement la nuit, le marronnage. Les grands planteurs blancs, propriétaires d'esclaves, amplifiaient la rumeur des loups-garous, des mauvais esprits qui rodaient la nuit autour des plantations qui dévoraient les hommes. C’était une façon astucieuse de garder les esclaves sur les plantations et de prévenir la fuite. Ils les ont même liés aux mythes du Baka, du M'kanda etc., mauvais esprits d'Afrique qui rodent la nuit et dévorent les hommes imprudents. Les colons blancs, eux, sortaient très tard la nuit. De mémoire d'hommes et depuis la fondation de ce pays par Dessalines, on n`a jamais entendu ou constaté qu'un blanc a été mangé par le diable ou un loup garou. Pourtant, il ne manque pas de blancs dans ce pays. Là on se demande : le diable et les loups garous sont-ils racistes ? Si c'est le cas, notre calvaire et nos misères ici-bas continueront dans l'au-delà et rendront caduque cette fameuse parole des prêtres, des pasteurs et autres religieux de tout acabit qui veulent ravir nos âmes et qui dit ceci : Bien heureux les malheureux car le royaume des cieux est à eux. Comme on nous l'a enseigné, très peu d'élus entreront dans ce royaume et si le diable est vraiment raciste, nos âmes ne sortiront jamais du pétrin, nous sommes condamnés à souffrir pour l’éternité. La peur de la nuit est encore inscrite dans l'inconscient collectif des peuples qui ont connu l'esclavage.

En cours de route, nous faisons un détour inattendu de l'autre côté de la frontière en République Dominicaine pour aller à la rencontre du Ciguapa (la Cigôave en espagnol), non loin des montagnes du Bahoruco, plusieurs cas de bétails dévorés dans la nuit par les mauvais esprits, les loups garous. Selon les habitants des villages environnants le Ciguapa sort de sa cachette la nuit pour chercher de la nourriture. Ces animaux sont très habiles pour se cacher des regards des humains. Les archives du journal Listen Diaro, sous la plume de Julian Atiles en 1892 et plus tard par d'autres journalistes en 1967 et en 1973, ont fait mention d'animaux dévorés la nuit que les carcasses retrouvés aux petits matin laissent perplexe et de cris semblables à ceux du loup rapportés par des paysans vivants dans les parages. Sources Voir les archives du journal Listin Diaro des années 1892 -1967-1973.

Pourquoi est-il si difficile de capturer cet animal? Selon les rapports de plusieurs naturalistes en visite dans la colonie de Saint-Domingue redevenue Haïti qui, tous, disent la même chose: ces bêtes sont très méfiantes et tombent rarement dans les pièges qu'on leur tendait. Les organes de l’ouïe , de l'odorat et de la vue sont parfaits chez ces loups . Ils ont la capacité de flairer leur proie à près de deux lieux .
1)Sources Oeuvres du compte de Lacépède contenant l'histoire naturelle des quadrupèdes, ovipares, des serpents,des poissons et des cétacés( TH.Lejeune éditeur Bruxelles 1833) 2) RÉF:Auteurs Alexander Von Humboldt , Aimé Bonpland Titre Voyage aux régions equinoxiales du nouveau continent( Paris 1807)
Quelles sont les causes de la quasi disparition de cet animal?
On les appâtait pour les détruire avec des viandes à moitié corrompus imbibées de mancenillier ou arbor de la muerte ( arbre très toxique des iles des Caraïbes dont le fruit ressemble à une pomme verte : un poison virulent) Dans le livre l’abrégé du système de la nature de Linné par J.E Gilbert Medecin Édition de 1802 : Il dit ceci : « Ces animaux seraient bons à détruire tant pour l’intérêt des fermes ,des grandes habitations que pour l’utilité de leur peau ,sur laquelle les négrillons peuvent se coucher plus mollement que sur les cuirs de bœufs>>.

De la proclamation unilatérale de l’indépendance du pays en 1804 jusqu’en 1844, la protection des ressources forestières fut confiée aux agents de la police forestière ou financière. En 1844, le Secrétariat d’État de l’Agriculture fut institué, mais ce n'est que, seulement à partir de 1926, les grandes loi-cadre furent légiférées pour aboutir à l’institution du Département de l’Agriculture et des Forêts Nationales Réservées (loi du 03 février 1926) Pendant 122 ans, cet animal fut chassé et livré à la vindique populaire 1)RÉF :Auteur J.B. Duvergier Titre Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlement du Conseil D'État (Port-au-Prince Haiti 1824-1949) 2) Sources Recueil général des lois et des arrêts: en matière civile, criminelle, commerciale et de droit public par J-B Serey 1807-1950

Souvent remarqué à distance à cause de ses yeux qui brillent dans la nuit, l'animal fuit généralement à l'approche de l’homme. La croyance populaire veut que ce sont les versets de la bible qui font fuir le loup garou ( la Cigoâve), mais nous ne savons pas de quelle bible il s’agit. D’autres disent que ce sont le loas ( esprits vaudou )qui le font fuir. Si jamais vous rencontrez la cigoâve, restez à bonne distance. Les psaumes, les versets, les vadré rétro satanas ne l'interdiraient pas de vous attaquer, surtout s'il est surpris.

Qu'en est-il des loups-garous aujourd'hui ?

Déguisement de loup-garou ou
vampire moderne.                    
Selon nos recherches ,il en reste plus ou moins 200 spécimens répartis sur tout le territoire surtout dans les régions montagneuses et dans les grottes en grande quantité dans ce pays. Jadis roi des plaines, le loup-garou du haut de sa montagne voit son habitât qui rétrécit comme son pays qui est en train de foutre le camp sous les yeux de ses fils qui s'entre-déchirent. Nous conseillons aux derniers loups-garous qui restent de ne pas fréquenter l’humain car ils risquent d’être exterminés et de disparaître à jamais .Qu’ils se contentent de manger modérément et en cachette le bétail des hommes, par ce que toute espèce à droit à la survie.

Sortez, réappropriez-vous la nuit, l'air marin vous fera du bien. Si au grand jamais vous rencontrez un vrai loup-garou sur votre chemin gardez une distance sécuritaire et s'il vous demande qu'est-ce que vous faites dehors la nuit? Posez lui la même question et dites-lui que vous avez les mêmes droits que lui et que vous devez cohabiter. Cette reconnaissance de l'autre dans ses droits et sa dignité sera peut-être le début d'un renouveau d'Haïti tant attendu.

Il n'y a pas de transformation sans informations. Pour qu'un peuple avance vers le progrès, son histoire ne peut pas se baser sur du n'importe quoi. Désormais! L’histoire d'Haïti se basera sur des faits, des archives, des preuves valables et vérifiables et non sur des mythes. Amen

Au nom de tous les esprits bon ou mauvais qui hantent les chaudes nuits d’Haïti, nous déclarons le loup-garou innocent et acquitté.

Vous voici ramenés à bon port en toute sécurité. Terminus, tout le monde descend.
Nous espérons que vous avez fait bon voyage.



Recherche No JCAS-PO 11-001

Jacques Casimir (Pasteur D'Amoulio)



Illustrations : Haiti Connexion Culture






Saturday, December 10, 2016

« Ce qui a été omis à la mort de Fidel Castro », par Noam Chomsky

Le linguiste et philosophe américain
Noam Chomsky

Le linguiste et philosophe Noam Chomsky, figure majeure du paysage intellectuel états-unien, nous a livré ses réflexions exclusives après la mort de Fidel Castro à l'occasion d'une rencontre dans les locaux de « l'Humanité » et de « l'Humanité Dimanche ».

« Les réactions à la mort de Fidel Castro diffèrent selon l'endroit du monde où vous vous trouvez. Par exemple, en Haïti ou en Afrique du Sud, c'était une figure très respectée, une icône, et sa disparition a suscité une grande émotion.

« Aux États-Unis, l'ambiance générale a été résumée par le premier titre du "New York Times", lequel indiquait en substance : "Le dictateur cubain est mort". Par curiosité, j'ai jeté un oeil aux archives de ce journal pour voir combien de fois ils avaient qualifié le roi d'Arabie saoudite de "dictateur". Sans surprise, il n'y avait aucune occurrence...

« Il y a également un silence absolu sur le rôle joué par les États-Unis à Cuba, la manière dont Washington a oeuvré pour nuire aux velléités d'indépendance de l'île et à son développement, dès la révolution survenue en janvier 1959. L'administration Eisenhower a tenté de renverser Castro, puis, sous celle de Kennedy, il y a eu l'invasion manquée de la baie des Cochons, suivie d'une campagne terroriste majeure.

« Des centaines, voire des milliers de personnes ont été assassinées avec la complicité de l'administration américaine et une guerre économique d'une sauvagerie extrême a été déclarée contre le régime de Fidel Castro. Cette opération, baptisée opération "Mangouste", a culminé en octobre 1962 et devait aboutir à un soulèvement à Cuba auquel Washington aurait apporté son appui.

« Mais en octobre 1962, Khrouchtchev a installé des missiles à Cuba, sans doute en partie pour contrecarrer l'opération "Mangouste" mais aussi pour compenser l'avantage militaire dont disposait l'armée américaine dans la guerre froide, conséquence du refus par Washington de l'offre de désarmement mutuel émise par Moscou. Ce fut sans doute le moment le plus dangereux de l'histoire de l'humanité.

« Personne ne se demande pourquoi Mandela, à peine libéré de prison, a rendu hommage à Fidel Castro.

« Dès la fin de la crise des missiles, Kennedy a relancé les opérations terroristes contre Cuba ainsi que la guerre économique, ce qui a eu des implications majeures sur les capacités de développement de Cuba. 

« Imaginez ce que serait la situation aux États-Unis si, dans la foulée de son indépendance, une superpuissance avait infligé pareil traitement : jamais des institutions démocratiques n'auraient pu y prospérer. 

« Tout cela a été omis lors de l'annonce de la mort de Fidel Castro. Autres omissions : pourquoi une personnalité aussi respectée que Nelson Mandela, à peine libérée de prison, a-t-elle rendu hommage à Fidel Castro en le remerciant de son aide pour la libération de son pays du joug de l'apartheid ? 

« Pourquoi La Havane a-t-elle envoyé tant de médecins au chevet d'Haïti après le séisme de 2010 ?

« Le rayonnement et l'activisme international de cette petite île ont été stupéfiants, notamment lorsque l'Afrique du Sud a envahi l'Angola avec le soutien des États-Unis. Les soldats cubains y ont combattu les troupes de Pretoria quand les États-Unis faisaient partie des derniers pays au monde à soutenir l'apartheid.

« Sur le plan interne, à Cuba, il y avait certes une combinaison de répression, de violations des droits de l'homme, mais à quels niveaux ces abus étaient-ils liés aux attaques répétées venues de l'extérieur ? Il est difficile d'avoir un jugement clair sur cette question. Il faut également noter que le système de santé à Cuba s'est imposé comme l'un des plus efficaces de la planète, bien supérieur, par exemple, à celui que nous avons aux États-Unis.

« Et concernant les violations des droits de l'homme, ce qui s'y est produit de pire ces quinze dernières années a eu lieu à Guantanamo, dans la partie de l'île occupée par l'armée américaine, qui y a torturé des centaines de personnes dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme". »

Cette entrevue fait partie d’un dossier de 28 pages paru dans « l’Humanité Dimanche » ( édition du 1er au 14 décembre 2016 ) à l’occasion du décès de Fidel Castro.





Saturday, December 3, 2016

HAITI : A QUAND LE RETOUR A LA NORMALITE ?

Nous avons reçu cet article d'Haiti rédigé par un citoyen qui veut rester anonyme mais préoccupé par la conjoncture haitienne.

A la veille de la session des parlementaires en Assemblée générale devant statuer sur le sort du président provisoire Jocelerme Privert, nous à HCN avons pris la décision  publier l'article vu qu'il nous été  transmis par une source sûre et familière à HCN.
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Le 7 février 2016, la Nation haïtienne s’est réveillée sans un président légitimement élu !  Ce cas n’a pas été prévu par laConstitution.  Il ne s’agit là ni d’un empêchement provisoire ni d’une vacance présidentielle tels que prévus dans les articles 148, 149, 149.1 et 149.2 de la Constitution de 1987 amendée, le Président Martelly ayant achevé le terme intégral de son mandat de cinq ans. 

 En ce cas, qu’avait-il lieu de faire ? 

« Tout le contraire de tout ce qui a été fait et qui s’assimile à un coup d’état contre la Constitution ». 

Car, s’il n’y a pas eu vacance présidentielle par rapport à un homme, le président sortant, il y a, néanmoins, référence à l’institution présidentielle qui connait un vide institutionnel en l’absence d’un nouveau président de la République, légitimement élu.

Quelle que soit la solution apportée, elle doit s’inspirer autant que possible tant de la lettre que de l’esprit de la Constitution en vigueur.  Dans le cas qui nous concerne actuellement, il est bon de reproduire les articles qui s’y apparentent, capables d’y apporter un éclaircissement, en tirant les conclusions qui s’imposent.
Art. 149.- (trois paragraphes) :



-    Première conclusion : Quand il y a vide au niveau de la présidence, la continuité de l’Etat est assurée par la deuxième branche de l’Exécutif, le Gouvernement de la République dirigé par le Premier Ministre, encore faut-il, dans le contexte du moment, tenir compte des réalités politiques.



-    Deuxième conclusion : Tant dans le cas du président Martelly que de celui du président provisoire Privert, les mandats sont épuisés ; donc, point de temps qui reste à courir.  Face à ce vide institutionnel non-prévu par la constitution que doivent donc faire les corps constitués de l’Etat ?
Les trois corps dépositaires de la Souveraineté Nationale doivent se concerter et s’asseoir avec les forces de la société civile et politique compte tenu de la complexité du moment  et de l’importance des enjeux pour l’établissement de la démocratie en Haïti. Il importe de souligner  que le contexte actuel pose le problème de pourvoir la République d’un président dans le cadre politique, exceptionnel et tragique, d’élections générales contestées et reportées.  Si les élections représentent un passage obligé en régime démocratique, celles d’aujourd’hui représentent non seulement un danger pour la démocratie mais également pour la société haïtienne, menacée dans ses fondements. 

L’exclusivisme d’un Corps et la volonté de se substituer aux deux autres ne sauraient en aucune façon être la réponse à cette situation.  Le respect de la lettre et de l’esprit de la constitution, la recherche du consensus national, tels devraient être les réponses impératives à cette conjoncture dangereuse à laquelle la Nation est confrontée.  D’ailleurs, l’article 98.3 définissant les attributions de l’Assemblée Nationale n’imposent-elles pas à celle-ci en son point 8 « de concourir à la nomination d’un président provisoire » et non de prolonger son mandat ni de le confirmer pour un autre mandat, ce qui est contredit par l’article 149.1 stipulant :


Le moment est arrivé pour tous les citoyens haïtiens, les partis politiques, les groupes de la société civile, en un mot tous ceux concernés par la tenue d’élections libres et honnêtes et l’avancement de la démocratie de se retrouver autour de la table de concertation pour le grand salut national !


Port-au-Prince, le lundi 20 juin 2016.