Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Thursday, April 27, 2017

Cinq prix Nobel exigent de l’ONU le paiement de ses dettes envers Haïti


C’est un pays de Nègres, il est pauvre et sans voix. C’est un moins que rien. Nous n’en avons que foutre! Plions bagages et puis bye-bye! C’est l’impression qui nous reste du jugement et de la pensée à l'intérieure de l’ONU face à Haïti.

Un soldat népalais de la Minustha déverse son choléra
endémique dans l'une de nos rivières...                    
Treize années de bêtises, treize années d’échec sur tous les plans. L’île était naturellement protégée contre le choléra depuis des temps immémoriaux. La Minustha a violé cette virginité et un cortège de morts est venu hanter sa mémoire. Les pédophiles, les pédés de la cohorte s'en sont donnés à coeur joie sur les enfants de la nation. Plusieurs petits sont laissés à des mères monoparentales souvent très jeunes, à peine sorties de l’adolescence. Sans coeur, sans souci, sans fard, la MINUSTAH retourne toute voile déployée vers leur pays respectif avec le sentiment d’avoir, non pas rempli leur devoir de soldats, mais leur devoir d’hommes en augmentant la population de l’île. Aucune responsabilité, aucun dédommagement pour ce mal incurable laissé en partage à ce pays meurtri. Étant les puissants de la terre, étant la force triomphante, nul Haïtien n’oserait réclamer quoique ce soit à la Mission. C’est vrai. Et c’était bien leur rêve, sauf que, cinq âmes charitables se sont mises debout pour dire: « Basta! ». Ce sont les cinq Prix Nobel qui réclament réparation pour Haïti en déclarant ceci:  « La MINUSTAH est plutôt une continuité de l'occupation centenaire américaine. « Avec l'échec de la MINUSTAH, […], nous dénonçons que fermer la Mission sans réparer les dommages provoqués en Haïti n'est qu'une annonce de pires désastres » Même au sein de l’enfer, il y a parfois un démon qui pleure pour le bonheur d’un plus mal pris.

Max Dorismond.


Cinq prix Nobel exigent de l’ONU le paiement de ses dettes envers Haïti 
Adolfo Pérez Esquivel, prix Nobel de la paix en 1980, Jody Williams, prix Nobel de la paix en 1997, Betty Williams, prix Nobel de la paix en 1976, Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix en 2003, et Rigoberta Menchû Tum, prix Nobel de la paix en 1992, ont tenu à exprimer leur « profonde préoccupation devant le manque total de justice et d'une réponse réparatrice contondante et intégrale pour les personnes, les familles et les communautés en Haïti ». Selon ces militants de la paix dans le monde, « ces Haïtiens ont été les victimes directes du bilan catastrophique de la MINUSTAH dans le domaine des droits de l'homme ». 

Ce sont des milliers de femmes, des enfants et des petites filles violées ou exploitées sexuellement, plusieurs d'entre elles abandonnées avec des enfants sur les bras sans que les soldats de la Mission reconnaissent leur responsabilité, écrivent les cinq anciens prix Nobel de la paix dans cette correspondance qui date du 11 avril dernier. « Même le rapport de l'ONU sur « le nouveau point de vue en face du choléra » reconnaît que le nombre de personnes mortes, après l'introduction de cette maladie par les troupes de la MINUSTAH, est très probablement trois fois plus grand que le chiffre officiel de 9 483, jusqu'à janvier 2017 », poursuivent-ils, fustigeant au passage l'impunité de ces violations des droits de l'homme, ainsi que la négation de la responsabilité de l'ONU pendant six longues années qui, selon eux, continuent de provoquer des ravages au sein du peuple haïtien. 

« Avant de partir, votre prédécesseur [Ban Ki-moon, ndlr] a fait une reconnaissance publique importante, bien que tardive et partielle, de la responsabilité de l'ONU », rappellent-ils, soulignant le programme ambitieux lancé par le Sud-Coréen pour indemniser les victimes, pour éradiquer le choléra et pour obtenir de l'eau potable et l'assainissement pour 80 % de la population d'Haïti qui manque aujourd'hui d'accès à ces droits fondamentaux.

«Vous-même avez dénoncé, cependant, dans le récent rapport sur la MINUSTAH, le manque d'engagement sur le financement requis », font remarquer les signataires de cette lettre, estimant qu’il « est urgent donc de changer cette situation où conformément à leurs propres intérêts, une poignée de pays puissants poussent à la création de missions dénommées de paix, ils couvrent les frais de la même mission avec des quotas obligatoires mais ils laissent que la réparation de ces dommages soit prise en compte par des apports volontaires éventuels. 

» S’ils applaudissent la recommandation formulée par Antonio Guterres pour mettre fin à la MINUSTAH, arguant ce dont Haïti a besoin, c'est d'une coopération et non d'une tutelle ni encore moins d'une occupation, par contre, ils dénoncent « ce que l'on affirmait moqueusement qu'Haïti constituait une menace pour la sécurité hémisphérique, pour justifier le déploiement d'une mission qui se montrait plutôt comme un vrai danger pour la sécurité du peuple haïtien». 

Selon ces cinq prix Nobel, la MINUSTAH est plutôt une continuité de l'occupation centenaire américaine. « Avec l'échec de la MINUSTAH, […], nous dénonçons que fermer la Mission sans réparer les dommages provoqués n'est qu'une annonce de pires désastres », soutiennent-ils dans leur correspondance. 

« Nous repoussons la proposition qui s'applique au budget rémanent de la mission pour prolonger durant six mois la période de fermeture, au lieu de couvrir l'obligation prioritaire de réparer les violations massives des droits de l'homme par elle commises. Monsieur le Secrétaire général, il est urgent et indispensable que l'ONU solde cette dette envers le peuple haïtien, surtout dans un contexte d'aggravation de la crise systémique que ce pays vit », écrivent les prix Nobel de la paix. 

En s'acquittant du vrai devoir de l'organisation et en résolvant une partie importante du tort causé en Haïti, spécialement à sa population la plus vulnérable, concluent-ils, il sera possible de récupérer les principes et les valeurs qui donnent une raison d'être à l'ONU et d'ouvrir des chemins de justice et de paix.   

Source:  Le Nouvelliste   


Monday, April 24, 2017

L’affaire Guy Philippe: un complément d’informations


Guy Philippe d’Haïti plaide coupable d'avoir  accepté des millions de contrebandiers de cocaïne

Guy Philippe d'Haïti plaide coupable
Les avocats affectés à la défense de Guy Philippe ont exposé les raisons pour lesquelles le sénateur élu haïtien et ancien commandant de police, ce lundi au tribunal fédéral de Miami, a plaidé coupable des accusations de blanchiment d'argent. Une charge qui pourrait l'envoyer en prison  au moins pour neuf ans. (Miami Herald)
Guy Philippe, un sénateur haïtien élu et ancien commandant de la police qui a échappé à la capture en Haïti depuis plus d'une décennie, a plaidé coupable ce lundi devant une cour fédérale de Miami d’une accusation de blanchiment d’argent, ce qui pourrait l’envoyer en prison pour au moins neuf ans.
Philippe, arrêté en janvier, a reconnu avoir accepté entre 1,5 million de dollars et 3,5 millions de dollars à titre de  profits sur la cocaïne des mains de trafiquants colombiens en leur permettant d'utiliser Haïti comme une plaque tournante en vue d’expédier de la cocaïne à Miami et à d'autres régions des États-Unis. Ceci, entre 1999 et 2003. L'année d’après, Philippe était devenu célèbre pour avoir enclenché une révolte visant à renverser le président haïtien, Jean-Bertrand Aristide.
En plaidant coupable, Philippe a évité au début du mois de mai le risque d'un procès dont les suites pourraient conduire à une sentence de prison à vie juste en rapport avec l’acte d’accusation initial en l’occurence le trafic de la drogue
Sa peine sera déterminée par  la juge de district américaine Cecilia Altonaga, qui pourrait le condamner à purger une peine maximale de 20 ans au cours d'une audition prévue pour le 5 juillet prochain. Mais, en vertu des protocoles fédéraux d’imposition de sentence et selon l’arrangement avec les procureurs féderaux Philippe, 49 ans d’âge, peut écoper entre 9 et 11 ans de prison.
"Compte tenu de tout ce que nous avons appris sur ce dossier, nous croyons que M. Philippe a pris la bonne décision d’y trouver une solution ", a déclaré l'avocat de la défense Alan Ross en dehors de la salle d'audience.
Un autre avocat de la défense, Zeljka Bozanic, qui a reconnu la difficulté d'être jugé plus d'une décennie après l’inculpation de Philippe en 2005, a dit que l’arrangement lui permet d'éviter de purger une peine d'emprisonnement à perpétuité.
"C'est un homme  très intelligent, et je lui souhaite bonne chance en politique", a déclaré M. Bozanic à l'extérieur du palais de justice fédéral. "J'espère qu'il est capable de concourir à nouveau et je crois qu'il aura encore beaucoup de  soutien de beaucoup de gens, malgré ce qui s'est passé ici. ... Et je crois que les gens pourront mieux comprendre  dans un proche avenir. "
Les avocats de défense de Guy Phillipe exposent les raisons pour lesquelles Guy Philippe a plaidé coupable.
Une courtoisie de Miami Herald
Philippe qui s’était porté candidat pour la présidence sans succès en 2006 a été élu en novembre dernier pour un mandat de six ans au Sénat [haïtien]. Son siège est resté vacant  jusqu'à la résolution de son problème légal à Miami.
Selon une déclaration déposée avec son entente , Philippe a nié avoir partagé les pots-de-vin des narco-trafiquants avec d'autres officiers de la Police nationale haïtienne. Mais il a cependant transféré,  a-t-il ajouté, des centaines de milliers de dollars aux États-Unis pour acheter une maison à Broward County et soutenir sa famille.
Philippe a viré  376 000 $ à partir des banques en Haïti et en Équateur à un compte conjoint avec son épouse, Natalie , à First Union à Miami. Pour éviter la détection, Philippe a utilisé des prête-noms pour transférer les fonds à son compte, selon la déclaration signée par l’accusé et les procureurs Lynn Kirkpatrick et Andy Camacho. Philippe a également admis qu'il a déposé plus de 70 000 $ dans son compte dans une série de transactions de moins de 10 000 $ pour éviter les lois fédérales.
"Philippe a mis de côté « son devoir de protéger et servir le peuple d'Haïti », a déclaré Benjamin G. Greenberg, avocat américain en exercice pour le district sud de la Floride. Il a abusé de préférence de son poste d'autorité en tant que haut gradé  de la police  haïtienne aux fins de  protéger les expéditions de drogue et blanchir des profits financiers illicites.

La poursuite de ceux qui abusent de la confiance du public pour se livrer à des actes criminels demeure une priorité absolue pour les États-Unis et nos alliés travaillant à l’application de la loi en Haïti "(...)
Une traduction de HCN

« Non à la haine, non à Le Pen ! »

Emmanuel Macron                            Marine Le Pen


Hugues Saint-Fort

Ce cri de ralliement de SOS Racisme dans sa campagne de lutte contre le Front National de Marine Le Pen semble avoir porté ses fruits si l’on en juge par la première place obtenue par Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle française qui s’est déroulée hier dimanche 23 avril. Pendant longtemps, la candidate du FN a été créditée d’une large avance sur les autres candidats (atteignant jusqu’à 30% pendant un certain temps). A l’arrivée cependant, c’est Emmanuel Macron qui s’est placé en tête avec 23.9%, devant Marine Le Pen avec 21.9%. Le second tour se jouera donc le dimanche 7 mai 2017 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Quels sont les enseignements de ce premier tour et les enjeux du second tour ?

Une première leçon à tirer de ce premier tour est l’effritement des deux grands partis politiques qui ont gouverné la France durant la Vème République (entre 1958 et maintenant): le Parti socialiste (PS) et le parti Les Républicains (LR), qui relève de la lignée des grands partis conservateurs français (l’Union de la Droite Républicaine, UDR et le Rassemblement pour la République, RPR). Leurs représentants officiels, Benoit Hamon pour le PS et François Fillon pour le LR ont obtenu des scores très bas : 19.7% pour François Fillon ou carrément ridicules, moins de 7% pour Benoit Hamon. Conséquemment, ces deux partis ne seront pas présents au second tour.  C’est la première fois qu’une telle aventure arrive à un parti de droite en France, mais c’est la deuxième fois que la gauche subit un tel affront. Rappelons-nous le 21 avril 2002 quand Jean-Marie Le Pen avait privé Lionel Jospin de second tour.  

Une deuxième leçon à tirer de ce premier tour réside dans l’erreur des instituts de sondage qui avaient prédit un taux d’abstention de près de 35%. Généralement,  les taux d’abstention élevés favorisent la progression du parti d’extrême droite. En avril 2002, quand Jean-Marie Le Pen avait battu Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle, le taux d’abstention avait frôlé les 30%. Aujourd’hui, le taux d’abstention a atteint moins de 23%, grâce à une forte mobilisation dans les grandes villes, comme Paris, Marseille, Lyon… Cette sortie des électeurs français a fait mentir une bonne partie de la presse internationale et même Donald Trump qui, sans la nommer, s’attendait à une victoire de la candidate de l’extrême droite. Bien sûr, elle n’a pas perdu mais elle s’est placée derrière Emmanuel Macron et elle n’est pas bien placée stratégiquement pour gagner le second tour.

Une troisième leçon à tirer de ce premier tour concerne l’avenir des partis et du système politique français en général. Avec l’explosion des deux grands partis de gouvernement, le PS et le LR, et l’entrée en scène le mois prochain, ou bien d’un parti politique qui n’avait jamais exercé de pouvoir politique (FN), ou bien d’un mouvement politique (EM) qui ne s’est pas encore constitué en parti politique, et qui est dirigé par une personnalité complètement inexpérimentée sur le plan politique, la France semble entrer de plain-pied dans l’inconnu. De plus, qui va constituer l’opposition ? La Droite, qui est de toute façon, mal partie et qui semble être privée de chef, à l’heure qu’il est pourra –t-elle se constituer majoritaire aux prochaines législatives ? L’extrême droite, dont on voit mal comment elle pourrait gagner les Législatives en juin prochain, peut-elle constituer une opposition politique sérieuse et compétente ? Rachida Dati, l’ancienne ministre de la Justice de Nicolas Sarkozy a déclaré que la défaite aujourd’hui de François Fillon est « une défaite morale pour la Droite ». Il reste à savoir si elle pourra s’en relever. Cependant, tous ses ténors, Fillon, Juppé, Éric Woerth, François Baroin, ont déjà appelé à voter pour Emmanuel Macron. Seront-ils entendus par les électeurs ? François Fillon lui-même a dit explicitement « Contre l’extrême droite, je voterai en faveur d’Emmanuel Macron ».

Mais la gauche également par l’intermédiaire de Benoit Hamon et Manuel Valls, demande à ses électeurs de faire barrage au Front National. L’enjeu, selon Benoit Hamon, c’est que Le Pen soit battu largement au second tour. Car, la candidate du FN après avoir clamé que sa qualification pour le second tour relevait d’un « résultat historique » a laissé entrevoir les thématiques sur lesquelles elle va axer sa campagne du second tour : une mondialisation sauvage dont elle veut épargner les effets sur la France, une émigration de masse contre laquelle elle veut préserver la France, et surtout ce qu’elle appelle la préservation de l’identité de la France. Selon Marine Le Pen, « il est temps de libérer le peuple français. Il y va de l’intérêt supérieur de la France » Manifestement, elle a bien appris sa leçon de Donald Trump. Mais, il faudra tout de même se demander qui a appris de qui. Car, cela fait déjà un bout de temps que Marine Le Pen, reprenant le discours de son père Jean-Marie, déverse l’idéologie raciste, haineuse, xénophobe de l’extrême droite française.

Les enjeux du second tour sont clairs et extrêmement importants : d’une part, il y aura avec Marine Le Pen les sirènes d’une France qui se replie sur elle-même, qui veut se couper de l’Europe et suivre la Grande Bretagne, c’est-à-dire rompre avec l’Union européenne (UE) et sortir de l’euro ; d’autre part, il y aura avec Emmanuel Macron, ainsi qu’il l’a déclaré, la défense et la proclamation d’une France libre, tolérante, ouverte, faisant face aux défis écologiques et à la souffrance sociale. Un sondage du groupe IPSOS sorti jeudi dernier donne 62% à Emmanuel Macron et 38% à Marine Le Pen. Venant après un précédent qui donnait 66% à Macron et 34% à Le Pen, il confirme néanmoins que le leader du mouvement En Marche ! semble être bien placé pour remporter une victoire spectaculaire et inédite dans l’histoire politique française : un tout jeune homme de 39 ans qui n’a jamais été élu auparavant et qui était un parfait inconnu de l’immense majorité des Français, il y a trois ans environ, devenir le président de la cinquième puissance militaire et économique du monde. 

Hugues Saint-Fort
New York, avril 2017

Sunday, April 23, 2017

Guy Philippe veut plaider coupable devant un tribunal de Miami

Guy Philippe veut plaider coupable devant un tribunal de Miami
Vu que l’affaire Guy Philippe avait suscité beaucoup de passion en Haïti et ailleurs, nous avons jugé bon de traduire cet article de Miami Herald qui donnera peut- être une nouvelle perspective au sujet de ce personnage.- (HCN)
Après s’être dérobé à la poursuite des feds [américains]  tout au cours d’une décennie en Haïti, Guy Philippe veut plaider coupable devant un tribunal de Miami…
Guy Philippe a apparemment  épuisé toutes ses manoeuvres  dans sa guerre d’usure qu’il  livrait au gouvernement américain.

Guy Philippe (2004)
L'ancien commandant de la police nationale haïtienne qui avait mené une révolte contre le président de son pays en 2004 et qui a été élu au Sénat l'année dernière a accepté ce lundi de plaider coupable  suite à une accusation liée à la drogue, selon une note  déposée vendredi dernier devant la Cour fédérale de Miami.

Il ne ressort pas clairement  de cette  note si Philippe, agé de 49 ans, plaiderait coupable  de l’accusation principale de contrebande de cocaïne en provenance de Colombie via Haïti-États-Unis ou bien de l’infraction secondaire de blanchiment d'argent.  Ces deux actes d’accusation peuvent être lus dans le dossier d'inculpation pris contre lui  en 2005.
L’accusation   de trafic de drogue est passible d’une peine de prison à perpétuité tandis que le crime de blanchiment d’argent peut entraîner une sentence  de 20 ans de réclusion criminelle.
Dans le but d’éviter le risque d'un procès au début de mai et d’une éventuelle condamnation en rapport avec  la principale accusation de contrebande  de drogue, il se pourrait que Guy Philippe  ait accepté  les offres des procureurs fédéraux en plaidant coupable. Vu qu’en échange il recevrait une sentence de plusieurs années au lieu de la prison à vie.  
Zeljka Bozanic, l'avocate de défense de Philippe, a confirmé samedi qu’ « un arrangement favorable est en place» lui permettant d'éviter une condamnation à perpétuité. Elle a refusé cependant  de fournir des détails y relatifs. Le bureau des procureurs fédéraux des États-Unis n'a pas pu être contacté pour des commentaires.

Philippe a toutefois insisté  qu’en tant que sénateur élu , il ne pouvait être poursuivi  par les autorités américaines et que son arrestation le 5 janvier par les agents de l'administration des stupéfiants des États-Unis était un enlèvement. Mais un juge fédéral à Miami a statué contre lui le mois dernier, affirmant qu'il n'était pas encore protégé par l'immunité souveraine  du fait qu’il n’avait pas encore été assermenté lors de  son arrestation à l'extérieur d'une station de radio de Port-au-Prince.

Après ce revers majeur, Philippe, qui avait  au préalable plaidé non coupable,  s’est vu  apparemment contraint de trouver un arrangement avec le bureau des procureurs des États-Unis.

La décision de Philippe de plaider coupable va sûrement décevoir certains législateurs haïtiens, ainsi que des partisans qui  voulaient faire passer son arrestation et son extradition pour une “cause célèbre”. Des partisans avaient protesté contre son arrestation dans sa ville natale de Pestel, dans la Grand’Anse,  devant l'ambassade américaine à Port-au-Prince et devant le palais de justice fédéral de Miami lors de sa comparution en janvier devant le tribunal .

Jovenel Moïse (à gauche) en compa
gnie de Guy Philippe à Jérémie.lors
de sa campagne présidentielle.         
Même le président haïtien Jovenel Moïse avait donné du poids à cette affaire . Bien qu'il n' eût rien dit publiquement au sujet de l'arrestation de Philippe, Moïse, qui avait ouvertement fait sa campagne présidentielle avec ce dernier à ses côtés malgré son statut de fugitif, a récemment nommé un certain nombre de partisans proches de Philippe à des postes clés du gouvernement. Parmi eux: le chef du parti politique de Philippe, Jeantel Joseph, qui avait  instigué  les manifestations devant  l'ambassade des États-Unis et a  reçu par la suite un poste important de sécurité au sein du gouvernement haïtien.

Le mois dernier, le Sénat d'Haïti a passé deux jours à débattre l'affaire de Philippe avant d'approuver avec une majorité écrasante  une résolution "condamnant énergiquement" l’arrestation et la déportation de celui-ci aux États-Unis. Des membres du sénat ont même avancé que son arrestation était une attaque contre la démocratie et la souveraineté d'Haïti, et ont réclamé des excuses publiques du chef de la police Michel-Ange Gédéon et du chef de son unité de police judiciaire, Normil Rameau, que certains partisans de Philippe ont tenté de faire révoquer ce mois-ci en représailles contre l'arrestation.

"Le Sénat a été discrédité", a déclaré le sénateur Joseph Lambert, ancien président de la chambre, le seul à voter contre la résolution de Philippe alors que quatre autres s’étaient abstenus.

Au sujet du changement de plaidoyer de Philippe, Lambert a déclaré que le [grand] corps a commis une erreur en venant à la défense "d'une personne sur qui il  n'avait pas toutes les informations  [et] ... il est allé jusqu'à diminuer l'image de la seule force de sécurité que nous avons dans le pays en demandant au chef de la police de faire des excuses publiques ".

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Guy Philippe ( photo archive 2004)
Philippe est le dernier accusé d’importance dans la lutte  des États-Unis contre la contrebande de cocaïne en Haïti.  Une lutte qui a conduit à l'inculpation de plus d'une douzaine de trafiquants de drogue dont des hauts gradés de la police et  un ancien sénateur haïtien. Parmi eux: on peut citer  Beaudouin "Jacques " Ketant, un narco-trafiquant haïtien qui avait  accusé l'ancien président Jean-Bertrand Aristide d'avoir fermé les yeux sur le commerce de la cocaïne. Ketant initialement avait  été condamné  à 27 ans de prison  aux États-Unis. Il  a été expulsé vers Haïti en 2015, lorsque sa sentence a été réduite de moitié  pour avoir aidé les enquêteurs fédéraux.

Depuis plus d'une décennie, des agents fédéraux, en collaboration avec la Police nationale d'Haïti, avaient  fait au moins 10 tentatives d'arrestation de Philippe: la mise en place de points de contrôle, l’usage des informateurs payants, le lancement d'une opération militaire américaine et une  poursuite à pied au milieu d’une végétation dense pour le perdre par la suite et rentrer bredouille (...)

Une traduction de HCN

En attendant le premier tour de la présidentielle française


Le dernier jour de la campagne présidentielle française dont le premier tour doit se dérouler ce dimanche 23 avril 2017 (j’écris ce texte le vendredi 21 et, comme on le sait, toute activité officielle aussi bien dans l’Hexagone que dans les territoires ultramarins doit prendre fin ce vendredi 21 avril à minuit) est bouleversé après l'attaque perpétrée sur des policiers français, jeudi 20 avril, sur les Champs-Élysées. La nouvelle a été relayée sur tous les médias américains et je ne m’attarderai donc pas là-dessus. Je me concentrerai plutôt sur les questions de fond de cette campagne présidentielle, les formidables enjeux qu’elle pose après le choc du Brexit anglais et l’émergence brutale d’un certain Donald Trump de ce côté-ci de l’Atlantique. 

Le premier tour de l’élection présidentielle française met en scène onze (11) candidats : Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), François Asselineau (Union populaire républicaine), Jacques Cheminade (Solidarité et progrès), Nicolas Dupont Aignan (Debout la France), François Fillon (Les Républicains), Benoît Hamon (Parti socialiste), Jean Lassalle (Résistons !), Marine Le Pen (Front national), Emmanuel Macron (En marche !), Jean-Luc  Mélenchon (La France insoumise), Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste). Les deux premiers qui auront obtenu le plus grand nombre de voix seront qualifiés pour disputer un second tour qui aura lieu le dimanche 7 mai et qui désignera le futur président français.

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Emmanuel Macron
Plusieurs de ces onze candidats sont bien connus du grand public français et dans les milieux traditionnels de la politique internationale. Quelques-uns cependant  peuvent déconcerter soit par leur truculence (Jean Lassalle), soit par leur hardiesse (Philippe Poutou). Les tendances idéologiques si importantes en France sont bien représentées avec l’extrême-droite (Marine Le Pen), la Droite classique (Nicolas Dupont-Aignant), la Droite  libérale dans la tradition française (François Fillon), la Gauche socialiste (Benoit Hamon), l’extrême-gauche (Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud, Philippe Poutou). Parmi ces onze candidats, il y en a un qui se détache de tous les autres et qui apparait, à mon sens, difficilement classable dans le paysage politique et idéologique français: c’est Emmanuel Macron. Énarque, ancien conseiller économique du président François Hollande, ancien ministre de l’économie dans le gouvernement socialiste de ce dernier, après avoir été aussi banquier d’affaires pour le groupe Rothschild, il évite de se positionner personnellement dans le traditionnel clivage droite-gauche français, mais son alliance politique avec le ténor centriste François Bayrou semble indiquer qu’il tend à se positionner au centre de l’échiquier politique français.

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Marine Le Pen
Les plus récents sondages (jeudi soir) pour le premier tour placent Emmanuel Macron en tête avec 25%, suivi de Marine Le Pen avec 22%, puis François Fillon et Jean-Luc Mélenchon côte à côte avec 19%. Loin derrière, vient le candidat du PS, Benoit Hamon avec 7,5%. Au deuxième tour cependant, ces mêmes sondages donnent Macron vainqueur de la présidentielle avec 66% devant Le Pen 34%.

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François Fillon
Les enjeux principaux de la présidentielle 2017 consistent en la sortie de la France de l’Union européenne (Marine Le Pen, François Asselineau), le totalitarisme islamique (François Fillon), les inégalités sociales grandissantes (Benoit Hamon), la lutte contre le nationalisme (Emmanuel Macron), la souveraineté de la France face à l’Union européenne (Jean-Luc Mélenchon). D’une manière générale, la France n’est pas épargnée par la déferlante des thématiques qui se discutent en Occident au cours des quinze dernières années : le protectionnisme, le nationalisme, et le populisme. On croyait que la droite et surtout l’extrême-droite détenaient le monopole du nationalisme, de la xénophobie ou de l’autoritarisme, mais la percée surprenante de Jean-Luc Mélenchon dans les intentions de vote semble montrer que la gauche (ou du moins une certaine gauche) n’est pas épargnée.

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J-L Mélenchon
Le cauchemar de la classe politique française pour cette présidentielle semble être un second tour qui verrait s’affronter Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. La première est fortement attachée à la sortie de la France de l’Union européenne, le second prend soin de répéter qu’il est pour le maintien de la France dans l’Union mais que les termes de son appartenance doivent être renégociés.  Dans les deux cas, la France serait considérablement ébranlée. Elle semble moins affectée que les États-Unis de Donald Trump par la tentation du repli mais sur le plan de l’immigration, l’écho de la voix de Marine Le Pen ne le cède en rien à la voix de Trump, obsédé par l’idée d’ériger le mur qui scellera définitivement le rejet des immigrants hispanophones et d’éloigner autant que possible les immigrants.

Et pourtant, malgré l’arrogance de certains états et de leurs dirigeants (suivez mon regard !), l’autosuffisance reste une illusion. Plus une économie est ample et diversifiée, plus elle ne peut se passer d’apports extérieurs consistant en produits rares ou techniques sophistiquées. La mondialisation n’est pas près de disparaitre. Qui seront les deux rescapés du premier tour ? Macron et Le Pen ? Mélenchon et Le Pen ? Macron et Mélenchon ? Dans l’histoire de la Vème République en France, jamais une campagne présidentielle n’a été aussi serrée, aussi indécise. Vivement dimanche !

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Hugues Saint-Fort
New York, 21 avril 2017   

Thursday, April 20, 2017

Comment comprendre le grand bluff des superpuissances

Le président Trump accueillait son homologue  chinois Xi dans son ranch de Mara-A-Lago en Floride
Trump essaie de jouer à l’intelligent. Un rôle qui ne lui sied guère. Je demeure avec l’impression que Xi Jinping sourie dans sa barbe à écouter ce fanfaron bluffer jusqu’au bout. Or, les Chinois n’ont pas la culture occidentale, c’est-à-dire le prédateur à tout prix qui convoite, accapare brutalement, exploite et contrôle tout au point de laisser le vide là où il passe. C’est la technique de la « Tabula rasa ».
           
Les Chinois sont très patients et réfléchissent et frappent sans faire de bruit. À preuve, ils utilisent dans leur diplomatie « le langage d’une seule Chine » pour ses contrats commerciaux. C’est à prendre ou à laisser. Et Trump s’y est converti sans contrainte. Son audace avec le coup de fil à Taïwan fut un coup d’épée dans la brume. La technique de la Chine, c’est l’occupation économique en priorité. Elle te donne d’abord et prennent ensuite. Tu es libre dans ta politique intérieure. Le risque de coup d’État est presque nul avec elle. La coercition... connait pas. Cette technique a fait ses preuves en Afrique, au point que l’Europe panique et même Mobutu fut surpris de découvrir un colon gentil après avoir reçu un gros cadeau de ce peuple aux yeux bridés. Les prêts sans intérêt de la Chine fait sourciller. De ce train, nous pouvons prévoir la fin du siècle par l’hégémonie de cette dernière sur le tiers monde et peut-être le monde en générale. Nous n’étions jamais habitués à ce type de mains mises en douceur. Ce sera peut-être la fin du néo-colonialisme à l’occidental avant la fin de ce siècle.
                    
          Bonne lecture

Max Dorismond.


Quels enseignements tirer de la rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping, les 7 et 8 avril dernier, en Floride ? Décryptage par le sinologue François Godement.
Les deux dirigeants les plus puissants de la planète dégustaient "le meilleur gâteau au chocolat de tous les temps" quand Donald Trump a annoncé à Xi Jinping qu'il venait d'ordonner le bombardement d'une base militaire syrienne... Mais à part cette incroyable anecdote du président américain sur la chaîne Fox, que faut-il retenir de la première entrevue entre les grands rivaux de la mondialisation ? François Godement, directeur du programme Asie et Chine au sein du think tank European Council on Foreign Relations (ECFR), nous révèle les secrets des relations sino-américaines marquées par l'imprévisibilité de Trump, la grande méfiance de Pékin et une crise ouverte en Corée du Nord...
Quel est le bilan de la rencontre entre Donald Trump et Xi Jinping en Floride ? Tout au long de sa campagne, Trump a promis un bras de fer avec la Chine. Or il a arrondi les angles, évité les sujets qui fâchent, dans l’espoir dit-on d’obtenir un beau « deal » commercial. Deal qui n’est pas venu...
On ne sait pas vraiment comment cette rencontre s’est passée. D’habitude, un sommet qui ne donne lieu à aucune conférence de presse, aucun communiqué conjoint, est considéré comme un mauvais sommet. Les Chinois n’ont rien dit, ils se sont contentés de laisser filtrer une offre commerciale particulièrement modeste, alors que la rumeur avait fait miroiter une superbe proposition. De leur côté, les Américains ont reconnu que cela avait été assez dur, et spécialement après les frappes en Syrie qui se sont produites au beau milieu du sommet. Xi Jinping a certes observé un calme olympien. Mais ce raid sur la Syrie a totalement détourné l’attention médiatique, faisant passer le sommet au second plan.
Alors ce sommet est un coup pour rien ?
Je ne le pense pas. Il a permis aux deux adversaires – je dis bien adversaires – de se jauger. Je pense que Xi a compris que l’incertitude sera désormais la règle. Trump est tellement changeant qu’il est impossible de le cerner. Qu’il joue de cette imprévisibilité, ou qu’il en soit le jouet, cela importe au fond assez peu. Ce qui importe, c’est la capacité qu’elle lui donne de bouleverser le train-train des discussions, de déstabiliser les relations. Gros changement pour la Chine, qui avait réussi, au fil des décennies, à formater à son avantage les échanges diplomatiques avec les États-Unis comme avec tous ses autres partenaires.
Quand vous dites « formaté » à quoi pensez-vous ?
A des choses tellement énormes qu’on ne les voit plus. La Chine est par exemple la seconde économie mondiale. La valeur de sa production industrielle a dépassé celle des États-Unis depuis trois ans. Son PIB évalué en parité de pouvoir d’achat est supérieur aussi depuis 2016. Or elle continue d’être classée « économie en développement » et profite des avantages induits. Il y a des déséquilibres commerciaux très conséquents – 385 milliards de dollars d’exportations chinoises vers les États-Unis, 85 milliards dans l’autre sens – et pourtant la Chine continue à protéger son marché intérieur. Autre exemple : elle fait signer à tout le monde des déclarations d’accord sur la politique dite « d’une seule Chine », alors que dans la pratique et à l’évidence, il y en a deux. Avec beaucoup de patience et de ténacité, elle a obtenu du monde extérieur qu’il se plie à sa façon de dénommer les choses, qu’il ostracise Taïwan.
Au cours de ce sommet, Trump n’a pas abordé la question de Taïwan.
Certes, il s’est abstenu de mentionner des thèmes gênants pour la Chine – Taïwan, la liberté de navigation en Mer du Sud, etc. Mais il a lourdement insisté sur un autre point de friction : la Corée du Nord. Il semble avoir parfaitement cerné la priorité de Xi Jinping, à savoir que la Chine a besoin avant tout de sa relation économique avec les États-Unis. On voit donc Trump établir dans ses tweets un lien entre affaires commerciales et dossier Nord-coréen. Si la Chine résoud ce problème, écrit-il, elle peut espérer un accord de commerce « beaucoup plus favorable ». Le tweet suivant est encore plus direct : « Ce serait formidable si la Chine acceptait de nous aider. Sinon nous réglerons le problème sans elle ». Sous-entendu : on en a les moyens, on n’a pas besoin vous.
Je pense que Trump n’a à ce jour rien lâché vis à vis de la Chine.
On a pourtant assisté à une reculade retentissante : après avoir bravé les foudres chinoises en parlant directement au téléphone avec la présidente taïwanaise, Trump et son administration se sont rangés derrière la « politique d’une seule Chine », ce qui revient à céder aux exigences de Pékin.
Les couples présidentiels à Mara-A-Lago en Floride
Ce n’est pas ainsi que je l’analyse. Quand Trump a fait ce geste vraiment surprenant d’un coup de fil à la présidente de Taïwan, il a signifié qu’il ne se plierait pas aux règles habituelles. Depuis, il y a eu ce revirement, et beaucoup y voient une inconséquence. Je pense pour ma part que Trump a compris que la Chine est une grande spécialiste des mots. Alors il lui donne ce qu’elle veut entendre. Qu’est-ce que ça coûte ? Lisez ses tweets : tout est « formidable », « extraordinaire », une « grande réussite », etc. On voit bien que c’est du vent. Rien de ce qu’il dit ne l’engage. Le coup de fil à Taïwan était un message en direction de la Chine, lui signifiant qu’elle devait désormais s’attendre à des surprises. Alors, y a-t-il eu vraiment une reculade ? On le découvrira quand on en saura plus concernant la vente d’armes qui doit se conclure ce printemps. Il est question que les États-Unis fournissent à Taïwan des avions de chasse les plus en pointe, et on parle même d’un système anti-missile, le même que celui qui vient d’être installé en Corée du Sud. Si cela s’avérait, ce serait un défi considérable pour la Chine, et encore un coup de théâtre auquel elle sera contrainte de faire face.
La question de la libre navigation en Mer du Sud n’a pas non plus été mise sur le tapis pendant la rencontre en Floride, alors que Trump n’a cessé d’en parler pendant sa campagne.
C’est vrai. Mais vous noterez que, depuis deux ou trois mois, c’est à dire depuis les déclarations américaines très fermes à propos de la Mer du Sud, les Chinois se sont abstenus de toute avancée. Il n’y a pas eu de nouvelles poldérisations, pas de militarisation de nouvelles îles. Vis à vis des Philippines, on voit Pékin pratiquer le compromis dans le secteur du Scarborough Shoal pourtant revendiqué par la Chine. On peut donc considérer que le message a été reçu cinq sur cinq. La Chine prend Trump au sérieux et s’abstient de toute initiative. C’est indéniable. Trump fait une remise à zéro du compteur. Toute la question est de savoir s’il est capable du suivi stratégique. Capable d’entraîner derrière lui les alliés asiatiques.
Est-ce que ces alliés asiatiques hésitent ?
Énormément. Regardez la campagne électorale en cours en Corée du Sud, dominée par la volonté d’éviter tout conflit. Tous les « petits » pays de la région sont pris dans la même contradiction : ils sont persuadés que la Chine est devenue dangereuse, qu’elle adopte une posture menaçante, qu’elle applique la loi du plus fort, qu’elle ne respecte plus le droit international. Ils voudraient résister, être soutenus, mais ils sont atterrés par l’hypothèse d’un conflit qui mettrait fin à des décennies de paix. D’autant plus que les États-Unis, dont ils dépendent pour leur défense, ne sont pas rassurants. Obama, déjà, avait créé bien des angoisses avec l’ambiguïté de sa stratégie fondée sur la patience, le long terme, le refus de céder à la provocation. Ils n’étaient pas sûrs qu’Obama interviendrait en cas d’agression chinoise. Et d’ailleurs, il n’est pas intervenu aux Philippines. Ses porte-paroles avaient pourtant affirmé qu’il ne resterait pas inerte si la Chine empêchait les Philippins d’accéder aux îlots qui leur appartiennent. Il a tracé une ligne rouge, un peu comme en Syrie, et comme en Syrie il l’a oubliée. Et il a laissé la Chine boucler cette zone au mépris de ses engagements. Quant à Trump, il a énormément inquiété ces pays en supprimant, dès son arrivée à la Maison blanche, le TPP (Trans Pacific Partnership), un accord qui visait à renforcer l’alliance régionale contre la poussée chinoise. Ils se demandent donc toujours si leurs intérêts seront pris en compte.
Revenons au sommet Trump-Xi. Les frappes en Syrie ont eu lieu au moment où les deux hommes étaient en train de dîner ensemble. Pensez-vous que c’était intentionnel ?
Bien sûr. Quelle difficulté y avait-il à différer de quelques heures ces frappes, même compte tenu du tempérament de Trump et de sa préférence pour la réaction immédiate ? Il voulait éviter qu’on puisse dire « Finalement, il est aussi faible qu’Obama », mais il pouvait attendre 24 heures. Ce choix rappelle, en petit, Poutine déclenchant l’invasion de la Géorgie pendant qu’il assistait à l’inauguration des JO à Pékin en 2008. Une façon de montrer au monde toute l’envergure de sa stature.
N’était-ce pas aussi un message adressé à Xi Jinping : voyez de quoi je suis capable ?
Sans doute. Les Chinois ont d’ailleurs été très avares de commentaires et font preuve d’une grande prudence. Ainsi, ils se sont abstenus au vote du Conseil de sécurité. Or, souvenez-vous, il y a quelques semaines, ils n’ont pas hésité à se joindre à la Russie en mettant leur véto à une aide humanitaire à Alep. C’était très peu de temps après le changement de position de Trump sur Taïwan, un revirement qu’ils avaient interprété alors comme un aveu de faiblesse.
Est-ce que ces frappes auront un impact sur la façon dont la Chine gère le dossier nord-coréen ?
Ce n’est pas exclu. En montrant qu’il est à la fois prêt à coopérer et prêt à passer à l’acte tout seul, Trump pourrait obtenir des Chinois quelque chose de plus substantiel. Il ne faut toutefois pas oublier que ces derniers sont des experts en bluff, et savent très bien le détecter. D’autre part, la situation en Corée du Sud est telle qu’une intervention américaine créerait un mouvement d’opinion et pourrait même décider des élections. Trump a devant lui une voie plutôt étroite. Reste que 25 ans d’« engagement » chinois aux côtés de la Corée du Nord n’ont produit que des résultats très maigres, sinon inexistants.
Il serait donc temps de se montrer plus ferme vis-à-vis de Pékin sur tous ces problèmes ?
Trump bénéficie en tout cas d’un sentiment très répandu aux États-Unis. Il y a ses électeurs qui sont persuadés d’avoir été « volés » par la Chine sur le plan économique. Il y a aussi la coalition républicaine, moins modérée que par le passé, ainsi que les stratèges, qui sont eux aussi persuadés d’avoir perdu face à la Chine après des décennies d’engagement. Rappelons que l’administration Obama s’était montrée très accommodante, ayant même débuté par une politique de la main tendue – que la Chine a ignorée. Au lieu de quoi, on a assisté à une attitude de plus en plus assertive et à des avancées militaires en Mer du Sud… Un échec qu’Obama a d’ailleurs implicitement reconnu dans une interview donnée à la veille de la passation de pouvoir. Interrogé sur Trump et la Chine, il a répondu : « C’est parfois une bonne chose, quand quelqu’un arrive avec une nouvelle approche ». Et il a ajouté : « Je ne suis pas sûr que je referais la même chose… »
Le régime chinois a malheureusement pris l’habitude de l’emporter sans guerre, d’avancer ses pions sans buter sur un conflit.
Washington ne peut plus se contenter de belles déclarations – sur le climat, sur la « fructueuse » coopération avec les États-Unis, etc. La Chine est clairement la question stratégique N°1. Comparée à la Russie, qui reste certes une obligation défensive, mais sans grand impact économique, la Chine est au cœur de la zone principale d’échanges des États-Unis, au cœur des grands flux économiques et de la maîtrise technologique. Elle a un budget militaire de 200 milliards de dollars, quatre fois plus que la Russie. On imagine mal que ce soit pour faire du sur place.
  Journaliste
Ursula Gauthier