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Jérémie! ville coquette qui fascine par son rayonnement. |
Le
Département de la Grand'Anse occupe la partie nord
de la grande presqu'Ile du Sud. Sa population actuelle approche les 700,000
habitants pour une superficie de 3,308.99 km2 (Rapport IHSI,
Institut Haïtien de Statistiques
- 1998). Les principales productions du
département sont le café, le cacao, le caoutchouc. On y trouve également
de vastes plantations de figues-bananes. L'arbre a pin et l'arbre véritable
constituent les denrées alimentaires de base de la population.
La pèche est l'une des
principales activités économiques du département. L'étang de Miragoâne est
connu pour la richesse de sa flore et de sa faune. On y trouve treize variétés
de poissons et toutes sortes d'oiseaux aquatiques comme la poule d'eau, le
héron et la bécassine. Les montagnes de ce département sont connues pour avoir
servi de refuge aux esclaves marrons durant l'époque coloniale.
JEREMIE
Chef-lieu du département de la
Grand’Anse.
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La cartographie de Jérémie |
Vers 1673, les boucaniers établis dans
la région de Nippes, poursuivant l’exploration de la partie sud de
Saint-Domingue, parvinrent à une haie qu’ils appelèrent, en raison de sa
largeur, Grande Anse. Appellation qui fut transmise au territoire
qu’elle baignait et au grand cours d’eau qui le traversait. Installés d’abord
sur la position limitée aujourd’hui par les rivières Voldrogue et la Grande
Rivière, et qu’on désigne encore sous le nom de Vieux Bourg, les boucaniers, dont beaucoup d’entre eux pratiquaient
la pêche, abandonnèrent peu à peu le Vieux Bourg, dont il ne subsiste que le
cimetière, et s’établirent au lieu-dit Trou Jérémie, mieux protégé des vents,
et qui tenait cette dénomination d’un pêcheur de ce nom qui y avait pris gîte.
C’est sur ce lieu qui jouissait d’un climat sain et salubre et d’un cadre
merveilleux que le gouvernement français porta son choix pour la fondation
d’une nouvelle ville dont le tracé s’effectua au cours de l’année 1756. Jérémie et ses contrastes
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Vue aérienne de la ville de Jérémie |
Jérémie,
qu’on atteint plus commodément par avion que par la voie maritime ou la voie
terrestre, est bâtie en demi-cercle aux pieds des hautes collines verdoyantes
du Bas Fond Rouge, dernières rampes orientales de la chaine des Castaches. Les
maisons s’étagent en gradins, sur le flanc des collines.
La ville est formée de deux zones bien
distinctes : la Basse Ville et la Haute Ville et, les jouxtant, le Vallon
du Fond Augustin. La partie basse est peu étendue et ne comporte que quelques
rues. Elle est le siège d’un trafic commercial intense et varié. La Haute Ville
est un plateau de forme rectangulaire, allonge du nord au sud. S’y sont
établis, les bureaux administratifs, les tribunaux, la police, la prison,
l’hôpital. Contrairement aux rues de la Basse Ville, longues et étroites,
celles de la Haute Ville sont larges et praticables en toutes saisons.
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Cité administrative de Jérémie à Bordes |
Au-delà de la Haute Ville,
s’étendent deux grands quartiers résidentiels : Bordes et Rochasse. De
spacieuses et confortables villas agrémentées d’admirables jardins et ombragées
d’arbres aux riches frondaisons s’y succèdent. Parmi elles, l’Evêché, d’une
architecture simple et fonctionnelle. De là, on contemple, sur fond bleuâtre de
l’immense océan, le panorama de la blanche cité piquetée du teint rouge de
quelques toitures. Dans la banlieue, Sainte-Hélène offre le spectacle de ses
maisonnettes sordides ou vit une population laborieuse mais démunie.
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Les maisons de la basse ville |
Sauf à la Grand’ Rue ou s’alignent des édifices à arcades d’une
belle prestance, la plupart des immeubles de la Basse et de la Haute Ville sont
du style classique des anciennes maisons coloniales. Ils sont de plus en plus
remplacés par des immeubles en béton, pas du meilleur goût. A la rue
Saint-Léger subsistent encore quelques maisons de style gingerbread relevées de
touches créoles.
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Vue partielle de la place Dumas |
Deux places publiques s’offrent à la détente des Jérémiens. La
plus ancienne et la plus étendue, la place d’Armes ou place Alexandre Dumas, au cœur de la Haute Ville, est ornée de
beaux jardins, d’arbres aux ramures vigoureuses et d’une jolie fontaine
métallique à bassin surmontée d’un poupon joufflu et datant de 1861. On y
remarque la statue en pied de Goman, leader de la résistance paysanne des années
1809-1820., inaugurée en aout 2003, et le buste en bronze d’Alexandre Dumas
père.
L’autre place, jadis très affectionnée des Jérémie, la place de La Pointe, sur la langue de terre qui s’avance sur la mer, a
aujourd’hui perdu tout le charme qui avait fait sa célébrité.
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L'éblouissement baie de Jérémie, objet de tant d'attention |
« Dans
cette riche symphonie qu’est Jérémie, écrit le
poète Timothée Paret, la mer est l’instrument dominant ». Hélas, cette mer
de saphir qu’on aime tant admirer, devient parfois dangereuse quand, de
décembre à mai, le nordé (corruption de vent du Nord-est) se met à souffler.
Le
port est peu protégé et seul le côté nord offre un mouillage plus ou moins sûr
en raison de la profondeur de ses eaux. Dans la baie, aucun abri contre les
vents capricieux. Les récifs qui affleurent au nord-est rendent périlleux ce
secteur de la baie. Pendant l’hivernage, les raz de marée qui se forment ne
constituent un danger que pour les embarcations qui se sont laissé surprendre.
En revanche, comme tout le sud d’Haïti, le département de la Grand’ Anse est
très vulnérable aux ouragans, dont la saison s’étend de mai à novembre.
Jérémie et sa
région ne comptent pas beaucoup de plages, mais, celles qui existent sont un
attrait pour les yeux … et les baigneurs : plages de Gommier, de la Guinaudée
est sur la Grande Cayemitte, l’île la plus importante de l’archipel des
Cayemittes aux 59 îlots, émergeant du canal de la Gonâve, face à Jérémie, la
superbe plage d’Anse Blanche.
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L'Anse d'Azur au rivage doré et aux eaux turquoises |
L’Anse d’Azur, à quelques kilomètres de la ville, est la plus réputée des
stations balnéaires de la région jérémienne. Le rivage de sable doré que
surplombent des rochers abrupts ou de petites falaises tapissées de lichen ou
de lierre, côtoie une mer toujours bleue.
La
rivière de la Grand’ Anse qui prend sa source dans la chaîne de la
Hotte, occupe, grâce à l’apport de nombreux affluents, au volume de son débit
et à la longueur de son cours, la troisième place en importance après
l’Artibonite et les Trois-Rivières de Port-de-Paix. A son embouchure, à l’est
de la Basse Ville, une profusion d’oiseaux aquatiques prend leurs ébats.
Jérémie s’enorgueillit du beau pont suspendu érigé en 1949 à l’entrée de la
ville et qui relie les deux rives de la Grand’ Anse. Les rivières de la région
sont réputées pour leur limpidité et font les délices des excursionnistes.
Ce
qui capte l’attention quand on parcourt la campagne jérémienne, c’est la
luxuriance de la végétation et la verdure qui s’étale partout : verdure
des plantations, des paysages. Au nombre des campagnes les plus visitées et les
plus prisées, Buvette, la Passe, la Digue, Kanon, la Source, Testas-sur-Mer, tiennent la première
place.
L’habitation Madère, une des plus pittoresques d’Haïti, située dans la
section communale de la Basse Guinaudée, est le lieu où naquit, le 25 mars
1762, Thomas Alexandre Dumas,
père de la lignée des Dumas. Les sites de la Guinaudée sont prodigues en
panoramas merveilleux et grandioses.
L’environnement
de la ville est pauvre en cavernes dignes d’intérêt. La grotte la plus importante,
la Voûte Laforest, du nom de
l’habitation où elle se trouve, s’élève en arcades à 45 pieds de haut. De
bizarres stalactites et stalagmites s’y profilent. L’accès est difficile et
l’humidité incommodante.
Des fortifications de l’époque coloniale, il ne reste que des
ruines. Au morne Bergenier, qui domine la rade, s’élevait la Batterie d’Estaing. Sous l’administration haïtienne, elle devient le Fort Télémaque. Plus près de la ville,
dans le voisinage des anciennes casernes de l’armée, la Batterie de l’Anse avait
pour mission de surveiller l’entrée du port. Sur le promontoire de la Pointe, se dressait le Fort La Pointe qui croisait ses feux
avec ceux de la Batterie d’Estaing. De sa nombreuse artillerie,
seuls ont survécu quelques canons presque enfouis dans le sol et qui servent
aujourd’hui de sièges aux promeneurs et le « Madan Brise », grosse pièce de 90, installée dans le fort en
1869, par Brice Ainé, chef du 1er corps d’armée du Sud en guerre
contre Salnave.
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Anaise Chavenet et Ketly Mars posant sur le canon du fort de
Marfranc lors de leur tournée au festival national de la poésie |
Répondant aux vœux de Dessalines d’ériger des places fortes pour contrer toute tentative
d’agression étrangère, Martial Besse éleva sur une position apparemment
inexpugnable, à 25 minutes de Jérémie, le Fort
Marfranc. Quelques spécimens de canons, héritage de l’Occupation
britannique, s’y trouvent encore. Le général Laurent Férou, héros de
l’indépendance, y repose depuis 1806. Si l’on excepte le Fort Salomon, assis sur un monticule à l’entrée de la ville,
construit par Salnave, restauré par Salomon, et qui n’est qu’un blockhaus, le Fort Marfranc est semble-t-il, le seul
ouvrage fortifié d’importance à avoir été édifié dans la région, après le départ
des Français.
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La pêche est l'une des activi
tés économiques de Jérémie |
Les principales productions agricoles de la région jérémienne sont le café, le cacao, la figue-banane, l’arbre à
pain, l’arbre véritable et le vétiver. Les activités industrielles se
concentrent sur la production du miel, de la cire d’abeille, de l’alcool et sur
la préparation des peaux de bœufs et de chèvres. La pêche se classe parmi les
activités économiques les plus intenses de la zone.
Sur ce territoire fertilisé par l’abondance des
pluies, s’épanouit une grande variété d’arbres fruitiers. En ce qui concerne la
mangue, on n’en compte pas moins de 22 espèces différentes, et parmi les plus
renommées, la saraphine, le zabricot, la cannelle et le camphre. L’igname de
France, le couche-couche, le beurre frais, le fromage à la crème, le sirop miel
sont excellents. Le « konparet », la friandise
spécifique de la Grand’ Anse, est apprécié de tous.
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La fontaine de Ti-Amélie
s'est asséchée, mais ses lar
mes ne cesseront de couler.
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La ville de Jérémie jouit d’un
climat des plus agréables et des plus sains. Jamais de fortes chaleurs. En été,
l’air se renouvelle, grâce à une brise constante. Cette même brise rafraîchit
l’atmosphère en hiver et entretient une température comparable à celle du
printemps des pays de la zone tempérée.
La vie religieuse est animée par l’Eglise Catholique et de nombreuses confessions protestantes, dont la plus ancienne est l’Eglise Wesleyenne. Sur
la place Dumas, se dresse l’église paroissiale qui, avec l’érection de la Grand’ Anse en diocèse, en 1972, est devenue cathédrale. L’actuel édifice remplace
l’ancien temple incendié en 1874. En 1879, un crédit de 30.000 gourdes voté par
les Chambres permit de mettre en train sa reconstruction. Les travaux ne
prirent fin qu’en 1901. Dédiée à Saint Louis, roi de France, l’église de Jérémie est remarquable par ses robustes contreforts et par la superbe
rosace qui rayonne sur sa façade. Depuis quelques années a été entamée, proche
de l'Evêché, la construction d’une nouvelle cathédrale de forme
circulaire qui promet d’être imposante.
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Alix Félix, fondateur de Radio Grand'Anse |
Dans le domaine culturel, de grands efforts sont
accomplis pour annihiler les retombées négatives encore perceptibles des malheureux événements de 1963. Cette campagne est principalement conduite
par l’Eglise Catholique, les sectes protestantes et l’Alliance Française … De
nombreux bars, restaurants, discos, un centre culturel, propriété de l’Evêché,
un terrain de sport, le parc St Louis,
permettent aux habitants de se détendre et de sortir de leur isolement.
Trois faits majeurs ont marqué l’histoire de
Jérémie : le siège de la ville par les Piquets en 1869 et par l’armée
gouvernementale en 1883, et les Vêpres jérémienne de 1963 qui sonnèrent le massacre de
familles bourgeoises, par représailles pour la participation de certains des
leurs à l’insurrection anti-duvaliéristes du groupe Jeune Haïti.
Malgré ses malheurs, la capitale de la Grand’ Anse est
restée une ville cordiale et hospitalière, d’un charme captivant.
Redeviendra-t-elle cette « cité des Poètes » ou
cette « Athènes d’Haïti », titres dont elle s’était
réclamée dans le passé, pour avoir donné naissance à d’illustres fils, tels que
Linstant de Pradine, Edmond Paul, Edmond Laforest, Etzer Vilaire ?... La renaissance qui s’est amorcée ravive les
espoirs.