Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Thursday, March 31, 2022

Ah, l'arrogance de Will Smith !

 Le gifle de Will Smith à Chris Rock 
    

Par  Hugues Saint-Fort

Très peu de personnes savent que, pendant quelque temps (environ une dizaine de mois), j’ai été critique de cinéma pour le quotidien Le Nouvelliste. J’étais alors au tout début de ma vingtième année, étudiant finissant de Lettres modernes à l’Ecole Normale Supérieure de Port-au-Prince et fou de cinéma (la Nouvelle Vague française, le cinéma italien, et bien sûr, le cinéma américain). Je prenais le septième art vraiment au sérieux, m’étant auto-formé en histoire et techniques du cinéma grâce à des bouquins commandés en France et en lisant consciencieusement la revue française Les Cahiers du cinéma. Mes chroniques paraissaient régulièrement vers le milieu de la semaine et, au fil du temps, commençaient à attirer l’attention d’un certain public. Ma salle de cinéma préférée était le Capitol dont les administrateurs avaient l’intelligence de présenter des films relativement fraichement sortis à Paris. Le Rex Théâtre essayait de ne pas trop se laisser distancer en se mettant à jour, mais il lui était difficile de tenir tête au Capitol. Tant et si bien qu’un jour la Direction du Capitol  proposa de m’offrir un billet mensuel qui me donnerait droit à trois séances gratuites par semaine avec obligation de rédiger et publier une critique sur le film du dimanche soir sur le Nouvelliste.

J’acceptai sans même prendre le temps de réfléchir. Je me rendis compte de mon étourderie quelques semaines plus tard quand mes obligations universitaires commençaient à entrer en conflit avec mes obligations de critique de cinéma. Il fallait me dépêcher d’assister aux séances de 19h00 afin d’avoir le temps de retourner à la maison, consulter mes notes, rédiger ma chronique hebdomadaire pour la porter au Nouvelliste le lundi matin. Il n’y avait pas d’ordinateur en ce temps-là, et Internet ainsi que le courriel étaient complètement inconnus.

Puis vint le temps où il me fallait quitter Haïti pour poursuivre mes études universitaires de linguistique en France. Je quittai Haïti avec des sentiments mixtes : d’une part, j’étais tout heureux de me lancer en France dans ma spécialisation en linguistique, discipline à laquelle m’avait initié le cher et inoubliable Docteur Pradel Pompilus à l’ENS, d’autre part, j’éprouvais un certain regret en laissant mon pays natal.

Pourquoi suis-je en train de raconter ces épisodes si lointains de ma vie ? Je voulais faire le pont entre ma passion pour le cinéma telle qu’elle m’accaparait alors et le semi rejet dans lequel j’ai tenu le septième art pendant tout mon séjour hors d’Haïti, d’abord en France, puis plus tard aux Etats-Unis.

J’ai pris la décision hier soir dimanche 27 mars de suivre à la télé la cérémonie de remise des Oscars sans me douter de l’énorme incident qui allait éclater. A l’heure actuelle, presque tout le monde a au moins entendu parler de cet incident qui mérite quoi qu’on dise de faire la une des journaux, malgré l’importance supérieure de certaines autres nouvelles. Car après tout, personne ne pouvait s’attendre à un incident d’une telle ampleur.

Résumons donc ce qui s’est passé. Au cours de la cérémonie de remise des Oscars, l’acteur américain Will Smith a giflé son compatriote l’humoriste Chris Rock qui venait de faire, comme à son habitude, une blague, cette fois,  sur le crâne rasé de la femme de Will Smith, Jada Pinkett Smith. Puis, il est retourné, écumant de colère sur son siège, devant une assistance totalement médusée. Chris Rock qui est beaucoup moins costaud que Will Smith n’a esquissé aucune réplique. Quelques minutes plus tard, Will Smith allait recevoir l’Oscar du meilleur acteur.

Ce qui m’a frappé dans cet incident, c’est l’arrogance démesurée de Will Smith qui n’a pas hésité une seconde pour gifler l’humoriste Chris Rock dont c’est le métier de se moquer de tout le monde et surtout des personnages publics. Il faut bien que Smith se croie au-dessus de tout le monde pour exécuter un acte aussi répréhensible. Une fois de plus, la violence explose au grand jour dans la société américaine, même dans les situations où l’on s’y attend le moins. Il est possible qu’il n’y aura pas de conséquences pour Will Smith qui est super riche et bien connecté. Mais, je ne serais pas surpris si cet acte en venait à être répercuté sur le groupe ethnique des Noirs en général dans l’industrie cinématographique américaine. On pourrait prendre pour prétexte ce violent incident pour bannir les Africains-Américains des cérémonies de remise des Oscars. Je suis conscient qu’une telle hypothèse peut paraitre exagérée, mais tout est possible dans cette société. Si c’était un humoriste blanc qui avait fait cette blague sur le crâne rasé de sa femme, est-ce que Will Smith aurait attaqué cet humoriste comme il l’a fait dimanche soir sur la personne de Chris Rock ? Les journaux ont rapporté que Chris Rock n’a pas déposé de plainte au commissariat de police contre Smith. Dans une société américaine qui baigne littéralement dans les procès en justice, on peut s’attendre à ce que Chris Rock poursuive Will Smith devant les tribunaux. Mais, pour l’instant, rien n’est joué. Au moment de conclure ce texte, je viens de tomber  sur un article paru sur « The Epoch Times » signalant que « Academy ‘Condemns’ Will Smith, Starts ‘Formal Review’ of Slapping Incident » (l’Académie des Oscars condamne Will Smith, commence une enquête formelle sur l’incident de la gifle). A la suite de cette condamnation par l’Académie des Oscars, Will Smith vient de présenter ses excuses à Chris Rock pour l’avoir giflé en direct lors de la cérémonie, 24 heures auparavant. Je rappelle que Will Smith n’avait pas présenté des excuses sur scène à Chris Rock.  

Hugues Saint-Fort

New York, 28 mars 2022

Thursday, March 17, 2022

Mes congénères et la culture de l’insignifiance

Citez-moi un autre qui est revenu investir dans la promotion de la jeunesse !

Par Max Dorismond

À la suite d’une réflexion sur les ex-dirigeants d’Haïti et leurs complices qui se sont exilés avec une partie des avoirs de l’île, depuis des temps immémoriaux jusqu’à nos jours, je m’étais posé une question : que sont devenus ces fonds détroussés? Ont-ils profité à leurs héritiers éparpillés aux quatre coins du monde, fouettés ou bercés par les caprices du temps, à leurs descendants qui ont, sans nul doute, remué ciel et terre pour changer de patronyme, aux fins de ne laisser à l’histoire aucune prise pour les accrocher à titre de « fils de… »

Ont-ils connu du succès ou son revers? Nul ne peut le confirmer. Or, vivre caché sous un pseudonyme comme les généraux allemands en cavale en Amérique latine, après la seconde Grande Guerre, cest évoluer et mourir dans l’indigence et l’indifférence, même multimillionnaire, quand le passé tordu et têtu ne reste dans l’ombre que grâce aux vertus apaisantes de la dissimulation. Ainsi, en exil, ces ex-politiciens cleptomanes, ou leurs bénéficiaires, qui vivotent sur des histoires familiales réinventées ou écrites à la porte du roman, seraient tôt ou tard des apatrides si la conjoncture venait à changer de trajectoire. Comme pour les Noirs sous les bombes en Ukraine, ces derniers temps, le «train sifflera trois fois» sans eux. 

Juste à titre d’exemple, février 2022, à la série «Enquête» de la télévision de Radio-Canada, en rapport au scandale de corruption éclaté au grand jour dans le cadre de l'opération SwissLeaks sur le secret bancaire, on présentait la saga d’un ancien ministre de Baby Doc décédé à Paris, Frantz Merceron, dont la femme et les enfants étaient venus s’installer incognito à Montréal. Depuis la mort de la mère, la descendance se débat jusqu’à présent comme la diablesse dans l’eau bénite pour libérer l’héritage paternel bloqué « à la banque HSBC suisse ». Voilà un exemple entre mille où des progénitures, victimes malgré elles, se retrouvent le plus souvent seules face à l’imprévisible cruauté du destin.

Ces types de réflexion qui chambardent de temps à autre ma quiétude m’avaient inspiré un article sorti sous le titre de «Lettre ouverte à un Pharaon d’Haïti ». Mais aujourd’hui, face à l’exploit inverse d’un autre ex-président, dont, parfois, les bouches folles ont tendance à médire sans discernement, peut-être avec objectivité, je n’en disconviens pas, je dois rendre un hommage sans commune mesure à ce visionnaire charismatique qui a choisi d’ancrer sa dernière caravelle à l’envers de la tradition : il s’agit de Jean-Bertrand Aristide.

C’est un personnage que je ne connais que grâce aux médias, mais à constater ses réalisations dans l’île à son retour, je pense lui enlever mon chapeau. 

Aristide n’a pas été se faire blanchir au pays du maître. L’Histoire offre parfois de curieux et ironiques revers. Il a jugé nécessaire de retourner en Haïti pour déposer son havresac à Tabarre et a choisi de s’investir dans l’enseignement en construisant des édifices utilitaires qui brillent aujourd’hui de toute leur flamme sous des vagues de lettres bleu marine, dans la plaine. Je ne peux qu’applaudir pour ces monuments érigés en l’honneur de la connaissance et du savoir. 

À entendre certaines langues déblatérer sur son projet, je leur accorde ce droit, puisque la démocratie le commande, cependant, ne nous contentons pas de contempler simplement notre nombril, ayons le sacré courage de dire aussi merci.  

A fortiori, une partie du vide sidéral de l’instruction supérieure a été colmatée. D’expérience, Aristide a compris que l’éducation, l’enseignement, la qualification, la morale demeurent des atouts inaliénables pour exorciser le banditisme, l’escroquerie, l’opportunisme, à l’assaut du pouvoir. Ainsi va la vie, nul ne peut plaire à son père et à son beau-père en même temps. 

Le grand gagnant dans cette saga ne s’avère en dernier lieu que Haïti. Un complexe universitaire, associé à un hôpital moderne, adossé à une fondation de bienfaisance, se révèle être trois cadeaux lumineux de cet ex-président. 

Quel héritage les autres pillards qui ne sont jamais revenus ont-ils laissé au pays? Simplement la manie du vol à tout prix! Nos congénères, en souvenir de ces ex-pensionnaires qui ne partent jamais les mains vides, agissent par mimétisme. Tous nous laissent avec la nette impression qu’ils avaient développé cette tare dès le berceau. Ils «veulent le bien du pays» et ils se larrachent à vue d’œil, au vu et au su de tous. Souvenons-nous de Petro-Caribe, etc! Tous jouent à l’intelligent! Ils sont toujours en campagne électorale. Cette attitude débonnaire nous porte à évoluer en chiens enragés, avides de richesses faciles, à un point que la jeunesse désœuvrée se soit découvert un autre hobby dans le kidnapping armé. 

Constatant la faiblesse structurelle de nos infrastructures éducatives, pressentant le désir d’une jeunesse avide de savoir, le voisin dominicain, tanné de croiser notre face misérable sur son territoire, nous avait gratifiés d’une institution supérieure, l’Université du Roi Christophe dans le Nord. En l’espace de deux années, c’en était fini de ce don. Ne survit que le squelette du bâtiment. Tout a été dérobé, pillé et laissé à l’abandon. Nous avons le vol ajouté à notre ADN. 

Or, sous l’assaut des éternels assoiffés, Aristide n’avait pas terminé son mandat. Et le moins qu’on puisse dire, son retour fut bénéfique pour Haïti en référence à quiconque avait occupé le même fauteuil. 

Entre l’oligarchie politique, bourgeoise ou commerciale, ciblez-moi quelqu’un d’autre à qui Haïti doit réserver une telle chandelle? 

On ne trouvera personne… personne! Jai la certitude, hormis la mauvaise foi, dentendre murmurer ce doux mea culpa : «Nous regrettons de lavoir éprouvé, de l’avoir destitué. Nous avons préféré écouter notre ignorance, notre avarice et le Core group. Ce fut une erreur impardonnable ». 

Pleurez sur vous pour avoir succombé au chant des sirènes. Mais consolez-vous, vous n’êtes pas les seuls à tomber dans ce panneau. : Volodymyr Zelensky de l’Ukraine se mord aujourd’hui les doigts à pleines dents, pour avoir écouté la voix des insatiables. « Ban’m peyi’m, pa ban’m konsèy ». 

 Max Dorismond

Wednesday, March 2, 2022

En Ukraine la vie des Noirs ne compte pas

Il n'y a qu'un seul coin de terre qui est vôtre

Par Max Dorismond 

La spécification géographique dans le titre ci-dessus est nulle et non avenue, si on veut se situer dans la psyché du blanc. Il faut voir l’entièreté et non une entité telle l’Ukraine. Dans la poésie émanant de l’environnement, dans le romantisme jouissif de la tendresse des corps, le racisme est muet, mort et enterré, l’espace d’un instant. Mais quand la vie est réellement en jeu, l’instinct grégaire, ou l’instinct animal de l’homme, surgit des bas-fonds de l’inconscient pour exposer sa vraie couleur, sa vraie nature, que le temps avait artificiellement anoblie pour meubler les impressions dans le vivre ensemble. 

Ce qu’on vient de constater en Ukraine, à la frontière de la Pologne, se révèle un enseignement magistral de l’agir de la race blanche, face à l’autre. Imaginons-nous au temps des dinosaures… la nature dans sa mutation sauvage se déchaîne et c’est le sauve-qui-peut. La sainte paix du monde de la préhistoire est chamboulée dans son essence, les éléments se fracturent, les tonnerres, les volcans incandescents enflamment tout, c’est le branle-bas de combat. Les mastodontes, dans leur fuite, écrasent tout pour sauver leur carcasse. C’est la furie sauvage. Dans leur décampement désordonné, ils sont aveugles, et les plus petits éléments sont écrabouillés. Ils ne font pas de quartier. C’est le chacun pour soi. Une race doit survivre, celle du plus fort. Et, à la fin des fins, aucun n’a survécu. L’histoire ne retient que leurs noms, leurs empreintes et leurs squelettes, objets d’études des archéologues. 

Il n’y a aucune différence avec la présente panique en Ukraine, au moment où j’écris ces lignes. Pas de place pour les Nègres, les Indiens et les Arabes! Les bus, les trains, c’est pour les caucasiens aux yeux bleus. Idem à la frontière polonaise. Ne me demandez pas de m’émouvoir pour ces égoïstes! Comme les dinosaures, rien ne garantit qu’ils seront vivants demain; l’instinct animal, seul, leur dicte leur comportement.

Cet effrayant constat doit demeurer une leçon pour tous les Nègres du monde. Cette façon d’ouvrir nos bras au premier caucasien venu mérite d’être revisitée. D’ailleurs, notre gentillesse et notre naïveté légendaires nous ont déjà coûté des siècles d’exploitation sous les formes les plus abjectes. En conséquence, le colon a morcelé notre continent-mère en petites tranches de gâteau à distribuer aux «civilisés» (hic). Le temps est venu pour l’Africain de comprendre qu’il n’a été que le dindon de la farce à être bouffé à satiété. Réveillons-nous, frèreset sœurs! 

Aujourd’hui, la terre s’étrangle dans ses émotions quand elle constate cette automutilation entre les frères de race de l’Europe de l’Est. Avons-nous déjà entendu une telle clameur au dépeçage de l’Afrique? Jamais, au grand jamais! Avons-nous déjà entendu l’un des leurs dire un jour à la France : «basta, c’est assez, libérez une fois pour toutes les 14 pays africains que vous dépecez sans vergognepour vous assurer un semblant de bien-être?». Regardez la Libye! «Elle ne paie pas de mine aujourd’hui». Avez-vous décelé même une complainte des membres de l’Union européenne (UE) ou de n’importe quel autre forum politique à propos de cette destruction ciblée? Jamais! Les exemples sont légion. On pourrait remplir une encyclopédie noire avec les dénonciations de ces sévices vécus par les races «dites inférieures». 

Ne devons-nous pas faire nôtre cette leçon de choses, cette notion existentielle, que l’Européen ne vit que pour sa propre race? Pour lui, que vous soyez Noirs, jaunes ou beiges, vous êtes des Nègres, point barre! Cessons notre gentillesse proverbiale. Nous venons de le découvrir dans son naturel. Cessons de lui ouvrir nos bras, de lui montrer nos dents au premier salut. 

Toutefois, pour rééditer J. de La Fontaine, «ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés1». Néanmoins, nous devons nous souvenir de ces soldats polonais, de l’armée de Napoléon Bonaparte, en 1803, qui avaient viré casaque pour embrasser la cause des esclaves noirs de Saint-Domingue. Leurs descendances demeurent jusqu’à nos jours, d’authentiques Haïtiens. 

Tout n’est pas donc perdu!

 Max Dorismond


 Note

1 — «Les animaux malades de la peste» de Jean de La Fontaine