Par: Branly OGÉ
Branly OGÉ |
La toute dernière déclaration de Donald Trump à
l'encontre d'Haiti et de ses ressortissants a provoqué un vif émoi et une
grande effervescence. Et nombreux sont nos compatriotes qui, meurtris dans leur
dignité citoyenne et leur fierté nationale, ont, à leur tour, exprimé des
réactions à fleur de peau, et parfois outrancières, vis-à-vis de l'actuel
locataire de la Maison Blanche. A mon humble avis, une telle attitude est
non seulement contre-productive, mais, on n'y gagne rien, à vouloir émuler
Donald Trump.
N'importe quel observateur de la politique internationale
pointerait du doigt le fait qu'à l'échelle mondiale, même Rodrigo Duterte n'a
pas su générer autant de controverses en une année de pouvoir.
A l'évidence, les propos orduriers, scatologiques et fortement
imprégnés de darwinisme social de Donald Trump ne jettent l'opprobre que sur le
président yankee lui-même
et ils ne sauraient, aucunement, flétrir notre dignité ni porter atteinte
à notre glorieux passé.
La réprobation générale soulevée par les paroles injurieuses du président
américain constitue un verdict moral sans appel et sans équivoque de
sorte qu’il serait fortement déconseillé d’essayer de lui rendre coup pour
coup, insulte pour insulte, injure pour injure.
Au lieu de suivre dans les marais et sables mouvants de la
vulgarité, de l'indécence et de l'immoralité, un président qui ne fait honneur,
ni à sa fonction, ni à son pays, nous ferions
beaucoup mieux de nous lancer dans une sérieuse réflexion sur la
gouvernance de notre propre pays.
Aussi, par-delà le torrent d'indignations, qu'ont provoqué, chez
les Haïtiens de tous bords, les propos racistes et xénophobes de M. Trump, il
est opportun de reconnaître que notre pays ne va pas bien et de nous interroger
sur les causes, les racines profondes
de notre mal-être collectif.
En effet, quand, 32 ans après le renversement de Jean-Claude
Duvalier, Haïti peine à
ériger une démocratie fonctionnelle, on est en droit de questionner le bilan
global de notre classe politique, la gestion catastrophique de nos dirigeants
successifs et le rôle, pour le moins ambigu et néfaste, de nos élites
économiques, des grandes puissances, et surtout des États-Unis, dans la
gouvernance de notre pays.
Quand la corruption gangrène
l'ensemble de nos institutions, à un point tel qu'un ex-président laisse
"les caisses de l'État dans un état catastrophique", sans que
cela ne soulève indignation ou réprobation, il faut reconnaître que notre Pays
va mal.
Quand notre Parlement, dont
l'une des principales missions est de contrôler l'Exécutif, se laisse
vassaliser par ce dernier, patauge, de façon éhontée, dans la corruption et participe
activement à la mise en coupe réglée des institutions du pays,
il convient d'admettre que les choses vont mal au Pays de Dessalines.
Quand le chômage, la pauvreté, la misère, l'insécurité
alimentaire, la précarité sociale, l'injustice et l'insécurité s'érigent en
plaies endémiques;quand la contrebande, la fraude fiscale, les
prébendes, le détournement de
fonds et la gabegie administrative règnent en maîtres dans notre beau Pays, c'est
signe que notre Nation, notre Société vont excessivement mal.
Quand s'effondrent nos normes et valeurs sociales, quand notre
boussole morale s'affole tellement que des gens extasiés
applaudissent à tout rompre aux divagations et diatribes ordurières et salaces
d'un cabotin des bas-fonds ; quand, par vagues successives, notre
jeunesse fout le camp vers le Brésil et le Chili, sans que
cela ne nous interpelle ; quand l'État se révèle incapable de secourir des
populations sinistrées, est-ce que ça dérange ?
Quand, par souci de blanchir M. Trump, et ce, malgré la Note de
Protestation du Ministère des Affaires Étrangères, notre Premier Ministre, en
visite dans le Pays de Goman, de Vilaire et de
l'auteur du Caïman Étoilé, soutient que le Président américain n'avait point
proféré pareils propos ; quand, notre Président, d'ordinaire si volubile,
se mure dans un mutisme embarrassant, laissant aux étrangers le soin de
critiquer et de condamner les propos racistes et insultants du locataire de la
Maison Blanche, il est réellement patent que notre Nation accuse un Énorme
Déficit de Gouvernance Politique.
Quand certains directeurs d'opinion et de conscience attestent,
par leur silence, leur tiédeur et leur inertie, avoir failli à leur mission, il
est impératif de se demander quand la Nation haïtienne se réveillera de sa
léthargie et de sa torpeur ! Pour demander des comptes, et accoucher d'un
Nouveau 1804.
A coup sûr, ce moment c'est Maintenant !
Oui, il est effectivement venu le temps de crier Assez, de reprendre
en mains notre Destin Collectif, de rebâtir le Pays conformément aux attentes
et revendications nationales. Il est aussi grand temps de renouer avec les
idéaux qui animèrent nos Ancêtres et
engendrèrent la noble et légendaire Épopée de 1804.
Haïtiens, Haïtiennes de toutes parts, il nous faut, désormais,
rompre notre Silence, faire entendre notre Voix, sonner le Lambi, battre
l'Assotor, brandir bien haut le Flambeau de notre Dignité et arborer
l'Étendard de notre Fierté nationale.
Et, en l'honneur de nos Aïeux et des
Sacrifices , qu'ils ont si Librement Consentis, il Faut, à présent, nous
rallier autour de ce qui reste de la Patrie Vilipendée.
Haïti Réveille-Toi, Haïti Remue-Toi !
Branly OGÉ
Politologue, Consultant Politique