Par Aroll Exama, Ph. D. aexama@hotmail.com
Science & Vaudou De Mackandal à Max Beauvoir |
L'Ati Max Beauvoir |
Généralement, nous suivons la démarche médicale typique jusqu’à la confirmation d’un diagnostic clair. Après quoi, nous cherchons d’abord une solution naturelle, du côté des plantes médicinales. Régulièrement, j’arpente les petits magasins haïtiens de Montréal à la recherche d’assorossi, de simen contra etc. J’ai acheté récemment le livre de Marilise Neptune Rouzier sur les plantes médicinales d’Haïti. Cependant, pour en tirer le maximum d’effets sur la santé, certaines données pratiques d’ordre clinique dont la posologie font défaut. Les révélations sur le parcours académique de Max Beauvoir et sa longue carrière à titre de chef suprême du vaudou m’ont fait rêver un moment. Enfin, me suis-je dit, je vais trouver les informations que je cherchais depuis longtemps sur les plantes médicinales d’Haïti.
C’est là que ma quête a commencé. J’ai interrogé plusieurs sources fiables. En guise de réponse, c’est une autre question qui m’est venue à l’esprit : Que s’est-il passé de Makandal à Max Beauvoir ? Pour ceux qui ne le savent pas, Makandal était le plus impressionnant des chefs vaudouisants de la période prérévolutionnaire. Son objectif était de renverser le régime blanc esclavagiste et faire des Noirs les nouveaux maîtres de Saint-Domingue (qui reprendra son nom indien d’Haïti à l’indépendance). Pour y parvenir en défiant la machine de répression coloniale, son arme de choix était le poison et pas n’importe lequel. Aux plantes médicinales d’Haïti (c’est la dose qui fait le poison), il combina de l’arsenic et d’autres drogues qu’il achetait auprès des pharmaciens et médecins français eux-mêmes. L’histoire ne dit pas s’il avait découvert la tétrodotoxine, le poison (une toxine) utilisé dans le processus de zombification.
François Mackandal |
211
ans plus tard, peut-on dire que les plantes médicinales d’Haïti ont trouvé une
vocation autre que d’éliminer l’occupant à part une utilisation marginale
pour la santé et bien sûr la zombification des Haïtiens? La majorité des
références que j’ai consultées ignorent l’existence d’un quelconque antidote
connu de la tétrodotoxine. Pourtant, les prêtres vaudou maîtrisent cet antidote
depuis longtemps dans le processus de zombification. Les opportunités sont sans
limite pour ce qui pourrait être qualifié de l’anesthésiant le plus puissant au
monde. Dans un pays pauvre et en manque de visibilité (pour des bonnes choses),
est-ce déraisonnable de penser qu’un biochimiste hougan du calibre de Max
Beauvoir ait pu travailler dans ce sens d’autant plus qu’il était la
référence de ceux qui voulaient percer le mystère des zombies ?
Quand
Wade Davis, un scientifique de l’Université Harvard s’était rendu en Haïti pour
chercher une explication au phénomène des zombies, c’est à Max Beauvoir que
Bill Clinton l’avait référé. Dans son livre The Serpent and the Rainbow (le
serpent et l’arc-en-ciel), Davis raconte comment, avec l’aide de Max et de sa
sœur, il a réussi à résoudre l’énigme des zombies. Davis explique que ces
personnes, mortes en apparence mais qui ressuscitent quelque temps plus tard
ont en fait été empoisonnées par une société secrète en guise de punition pour
un crime qu’elles ont commis. Ce poison, la tétrodotoxine, est prélevé
dans le poisson-globe, un plat gastronomique au Japon s’il est préparé
correctement. Dosé avec précision, le poison provoque une paralysie du corps et
réduit la respiration à un niveau si bas que même les médecins s’y laissent
prendre et pensent que le patient est mort. Lorsque les effets du poison se
dissipent, la société secrète, avec la complicité des gardiens du cimetière,
réveille la personne que l’on désigne désormais zombie.
Considérant
que : 1) Max Beauvoir voulait valoriser les plantes et autres ressources
médicinales d’Haïti (c’est pour cela qu’il était retourné en Haïti) et 2) Il
avait les capacités scientifiques et logistiques pour mener à terme une
recherche d’envergure dans le contexte d’Haïti (en trois ans seulement, il a
complété un projet et déposé un brevet), l’abandon instantané et définitif de
son projet scientifique sur la valorisation des plantes et autres ressources
médicinales d’Haïti pose des questions pour le moins troublantes :
-
Avait-il peur lui-même des
sociétés secrètes qui terrorisent la population haïtienne à coups d’empoisonnement et de zombification ?
-
Avait-il une entente de non
concurrence ou de collaboration avec ces sociétés ?
-
Son sacre comme Ati (Chef
suprême national du vaudou) serait-il la récompense pour cette longue
collaboration ?
Ces
questions sont troublantes, je l’admets, mais elles méritent réponse de
la part de ceux qui veulent vendre le vaudou à toute une nation si ce n’est au
monde entier.
L’auteur
est Conseiller en Recherche & Technologie au Gouvernement du Canada
Dr. Aroll Exama |