PAGES SOMBRES DE L’HISTOIRE
D’HAITI.
Tout bon
citoyen doit bien comprendre son passé
pour mieux aborder l’avenir. Surtout pour nous, Haitiens qui cherchons notre
voie après bien des soubresauts et des violences de notre histoire. Haïti
Connexion Culture continue ses reportages historiques sur les pages sombres de notre histoire.
Le régime Duvalier (Père et fils) |
Après
qu’il se fit autoproclamer président à vie, le 14 juin 1964, l’ex-dictateur
François Duvalier entreprit une véritable chasse aux sorcières dans plusieurs
régions du pays, notamment le Sud-Est et la Grand'Anse.
Des massacres ont été commis par les sbires de Duvalier pour asseoir sa
dictature. Les plus célèbres ont été ceux de Mapou, Thiotte, Grand-Gosier,
Belle-Anse et les Vêpres de Jérémie à partir du 5 Août 1964. Ce 5 Août 2017
ramène le 53e anniversaire de ces massacres. On s’en souvient ! Pour les
commettre, François Duvalier utilisa les membres des Forces Armées d’Haïti
(FAD’H) et les Tontons macoutes, une autre force paramilitaire établie à cette
fin. Voici donc la chronologie des faits pour l’édification du grand public.
Du
mois de juin au septembre 1964, à la suite d’une infiltration, le 24 juin 1964,
dans la région du Sud-Est, d’une guérilla
anti-Duvaliériste basée en République Dominicaine, les macoutes et l’armée
déclenchent une vaste opération de répression et exécutent environ 600
personnes dans les localités de Mapou, Thiotte, Grand-Gosier et Belle-Anse.
L’une de ces tueries est passée dans la mémoire populaire comme le « massacre
des paysans de Thiotte ». Les macoutes exécutent hommes, femmes, enfants,
nouveaux-nés et vieillards soupçonnés d’avoir aidé les rebelles ou de ne pas
leur avoir résisté. Plusieurs familles comptant des dizaines de membres sont
entièrement exterminées. Un enfant, âgé de neuf ans, réussit à s’échapper, mais
arrêté quelques jours plus tard puis conduit au Palais National, il aurait été
tué personnellement par François Duvalier.
Trois des 27 personnes tuées lors des Vêpres |
En
août 1964, un autre événement est connu sous le nom de «Vêpres
de Jérémie ». À Jérémie, sud-ouest du pays, des soldats de l’ex- Forces
Armées d’Haïti menés par l’officier William Regala, les Lieutenants Abel
Jérôme et Sony Borges et par les macoutes Sanette Balmir et St.Ange
Bontemps tuent 27 personnes (hommes, femmes et enfants), appartenant toutes
à des familles de mulâtres éduqués ; alors que tous les exécuteurs sont des
proches des personnes tuées. Plusieurs familles de Jérémie dont Sansaricq,
Drouin et Villedrouin sont exterminées. Un enfant de quatre ans, Stéphane
Sansaricq, est torturé devant sa mère avant d’être tué. Les macoutes Sony
Borges et Gérard Brunache éteignent leurs cigarettes dans les yeux d’enfants en
pleurs.
Les 13 membres du groupe Jeune Haïti |
Le
5 août 1964, à la suite de l'entrée sur le territoire haïtien de treize membres
(un noir et douze mulâtres) du groupe « Jeune Haïti » dans le sud du pays, François
Duvalier, dans le cadre de sa politique noiriste, va ordonner des
représailles contre les mulâtres de la ville de Jérémie. Les haines et rancœurs
accumulées au cours des décennies contre ces derniers servent de prétexte aux
ordres donnés par Williams
Regala aux agents militaires et aux
Tontons macoutes de tuer. Vingt-sept personnes, issues de deux familles des
membres de Jeunes Haïti, sont massacrées dans la ville de Jérémie.
Les treize membres du groupe Jeune
Haïti sont traqués, tués sur place ou emmenés et exécutés en public dont
deux devant le cimetière de Port-au-Prince. Aux mois d'août, septembre et
octobre de nombreuses mulâtresses, femmes, vieillards et enfants sont torturées
puis tuées. En récompense, Williams
Regala est promu général. En 1986, après le départ de Jean-Claude Duvalier,
il est devenu membre de la junte au
pouvoir du général Henri
Namphy.
A
l’occasion du 50e anniversaire des Vêpres jérémiennes, au début mois d’Août
1964, un comité de devoir de mémoire a été institué par des proches des
victimes. Ce Comité a annoncé un ensemble de manifestations pour commémorer
cette date sombre dans l’histoire du peuple de Jérémie. Le lundi 4 août 2014,
une veillée de prières était organisée à la Cathédrale Saint-Louis à Jérémie.
Une messe du souvenir a été aussi célébrée au même endroit, ce mardi 5 août
2014, suivie d’un pèlerinage vers le mausolée des victimes. Une
conférence-débats, suivie de l’inauguration d’une exposition-souvenir sur les
13 membres de « Jeune Haïti » et les Vêpres de Jérémie de 1964, est annoncée
pour le mercredi 6 août 2014 à la bibliothèque Carl Edward Peters de Jérémie.
Des
films documentaires comme « L’homme sur les quais » de Raoul Peck, « Le règne
de l’impunité » d’Arnold Antonin et « Wòch nan solèy » de Patricia Benoit ont été projetés à cette bibliothèque, respectivement les 7, 8 et 9 août 2014. Des
représailles ont été orchestrées par François Duvalier contre treize membres du
groupe « Jeune Haïti », dont des mulâtres, après leur entrée dans la ville de
Jérémie, en août 1964.
Lors
des massacres, des stylets et des cigarettes ont même été utilisés comme
instruments de torture à l’encontre des enfants par des macoutes avides de
sang. Capturés par les macoutes, Marcel
Numa et Louis
Drouin sont torturés et fusillés à Port-au-Prince, en pleine rue, devant
le cimetière, en novembre 1964. Duvalier exigea la présence des employés de
l’État, du secteur privé, des élèves de toutes les écoles (préscolaire,
primaire, secondaire) et des étudiants de différentes facultés sur le lieu de
l’exécution pour qu’ils en furent témoins. Quelle horreur ! Des orchestres
populaires furent contraints de s’y rendre pour jouer de la musique. Des
boissons gratuites furent distribuées en la circonstance. Les cadavres tombés
en putréfaction au vu et au su de tous furent détachés des poteaux après
seulement plusieurs jours. Ce sont donc là les atrocités commises par des
membres des ex-forces Armées d'Haïti sous l’ordre du dictateur François
Duvalier.
Auteur Isabelle L Papillon
Illustrations : HCC