Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Sunday, December 30, 2018

Lettre ouverte à un Pharaon d’Haïti

Par Max Dorismond

Statue d'un pharaon égyptien 
Grand manitou devant Dieu et devant le peuple, en cette fin d’année, en ce moment de compassion, de réflexion, j’ai osé entrer dans votre univers en empruntant le couloir de la déraison, en nageant à l’envers de la logique, votre logique, pour faire appel à votre magnanimité, votre générosité, aux fins de faire fructifier votre bien mal acquis au sein de la Nation au lieu de favoriser les terres étrangères qui n’ont rien fait pour « mûrir vos années ».

En effet, je suis fatigué de fustiger les corrompus, de tirer à boulets rouges sur les contrevenants sans aucun espoir de correction ou punition. Au rythme où se développe la corruption chez-nous, un scandale n’attend pas l’autre; je demeure avec l’inquiétante certitude que vous riez des scribouilleurs qui vous enculent à longueur de journée avec leurs articles vitrioliques.

Vous êtes tous bien entourés et bien protégés par vos clans respectifs. Loin de nous l’espoir de vous faire changer de manières, de principes, d’éducation. C’est en dessous de votre réalité. Or, on ne peut incendier la nation en son entier.  Voler, piller, rançonner Haïti demeure un leïtmotiv courant, un sport national que rien ne peut endiguer. Nous devons vivre et composer avec. Vous êtes des champions. Vous êtes tous associés dans le « bêchons joyeux » que certains perçoivent comme la fleur du mal et que d’autres, comme vous, persistent à considérer comme un art de vivre.

Au train que ça vogue, nul ne peut se permettre de vous demander des comptes. Jamais, au grand jamais, un « grand mangeur » repenti ne s’évertuera à offenser un associé, en l’invitant à rembourser le butin de guerre. C’est commettre un crime de lèse-majesté. Personne, qu’il soit détenteur du pouvoir hier, aujourd’hui ou demain, ne s’avisera à faire entorse à l’indécence. C’est écrit dans le ciel. Jamais au grand jamais, vous ne serez inquiété. Ce serait une abomination. Le serment du clan le commande.

L’argent dérobé repose bien au frais à l’étranger, non pas sous peine d’être réclamé par Haïti, mais en raison des prédateurs mal intentionnés d’un autre clan qui pourraient caresser la malencontreuse intention de rafler votre mise par concurrence et par égocentrisme. Il en existe certains. Je n’en disconviens pas. Néanmoins, Haïti est doublement perdant. C’est une faille à corriger dans le pillage. Voler, mais voler bien, en faisant bénéficier au pays les miettes récupérables, en gardant la somme chez nous aux fins de créer quelques emplois non négligeables. Ce serait, malgré tout, très apprécié. La nation ferait contre mauvaise fortune, bon cœur. Elle n’a pas deux choix.

Dans la réalité, c’est une véritable aberration de voir l’étranger comme le suprême bénéficiaire de vos larcins, quand vous consommez ses soins de santé, ses collèges, ses universités, son confort et ses autres babioles. Bien sûr, il y aura toujours, et toujours, de l’argent à voler. Mais de grâce, arrangez-vous pour laisser quelques piécettes aux pauvres de chez-nous qui ne sont pas du sérail. L’étranger n’attend pas mieux. Il vous déroulera, bien sûr, le tapis rouge selon l’épaisseur de votre magot. Par hypocrisie, il  vous enivrera par ses traitements de VIP pour vous inciter à piller encore plus pour remplir ses banques. En bon crocodile, il versera quelques larmes pour vos frères victimes, mais ce sera déjà loin, tout ça. Et, une fois le dos tourné, il vous traitera de voleur, d’entrave à l’avancement de votre race, d’imbécile, d’abruti.

Le risque de la perte vous guette à tout instant
En plaçant le produit de votre indélicatesse à l’extérieur, rien ne vous assure que vous êtes en contrôle. À preuve, les futuristes, qui ont prévu la perturbation de la monnaie actuelle, ont applaudi des deux mains l’arrivée des crypto-monnaies, telles que le « bitcoin », entre autres. La raison de sa création vous édifiera1. D’ailleurs vous n’êtes pas le premier larron à faire main basse sur la marmite. On peut les compter par millions, depuis la naissance du pays. Tous ceux, qui sont passés par le chemin du pouvoir, ont bêché joyeusement et sont répartis les poches bien garnies sous des cieux plus cléments.

Un seul « imprévoyant », rapporté par l’historien Charles Dupuis, a laissé le bateau ivre, sans un louis pour aller vivre dans la misère froide du Québec. Ce fut l’ex-président Élie Lescot2. Pour survivre, il confectionnait des cravates. Ses successeurs lui ont fait payé très cher sa présomption et son arrogance de ne pas être un voleur par tradition, en suspendant sa pension d’État.

Tous les autres détrousseurs et leurs alliés ont vécu en rentiers sans panache et sans bruit pour se faire oublier. Et on les a tous vraiment oubliés. L’histoire n’a pas retenu grande chose de leurs progénitures. Alors, est-ce une façon de se sauver en catimini et d’aller vivre en riche reclus, en terre étrangère, loin de nos yeux? Vivre à la dérobade, comme un officier allemand de la seconde guerre, avec le stress lancinant d’être découvert un jour, jusqu’à la fin de son existence, n’est pas l’idéal. Au contraire, je vous invite à rester chez-vous, à jouer sur les thématiques polarisantes de la société haïtienne qui vous font défaut présentement : soit de partager son exubérance irrationnelle et compétitive entre congénères.  Ce qui vous siéra bien, en définitive.

Juste une petite et merveilleuse idée pour le bien de tous.
L'architecture du Palais des Doges
Spécialement pour vous, il me vient à l’idée de vous soumettre un projet pour Haïti qui, si vous pouvez le réaliser, rapportera un peu de répit à la masse nécessiteuse par le nombre d’emplois que vous pourrez créer et le symbolisme qui s’y rattache. Néanmoins, comme l’a dit J-J. Rousseau,  « L’homme est né bon, c’est la société qui le corrompt3 ». Pratiquement, la nature haïtienne a déréglé votre horloge caractérielle. Mais, comptant sur la rédemption humaine, je sais que vous pouvez changer et je mise sur cette parcelle d’espoir qui pourra vous métamorphoser, malgré tout, en héros national. « Tout homme peut se tromper, mais le pardon est divin ».

Les armes du Palais des Doges
Au cours de mes nombreux voyages, de partout à travers le monde, j’ai eu l’occasion de jauger le contenu touristique, assez pauvre de certains pays, qui m’inspire des idées folles pour le nôtre, qui possède vraiment une histoire authentique et non romancée, de l’inhumanité des hommes, avec des témoins privilégiés, capables d’attirer l’attention et la curiosité du monde, et surtout celle de la race Noire.

Entre mille visions, je choisis quelques exemples pour votre édification aux fins de vous assurer de la pertinence de mes rêves. À Venise, en Italie, j’ai visité le Palais des Doges, où j’ai pu admirer, de visu, des armes létales terrifiantes, tels : des poignards, des arbalètes, des épées et des lances aux crocs acérés, pouvant dévorer la chair de la victime, sans espoir de survie. Des armes, en principe, qu’on ne devrait pas exhiber en pensant qu’elles ont exterminé des races entières, lors des génocides dans le nouveau monde. Ce sont, en passant, des musées des horreurs, qui nous rappellent la fureur qui s’était abattue sur les premiers habitants du Nouveau Monde, hommes, femmes, enfants,  qui avaient commis l’unique péché d’avoir fait confiance à ces colorés et « gentils » visiteurs.

Ostensoir de Toledo
(Photo:Max Dorsimond)
À Toledo, en Espagne, dans la Cathédrale Sainte-Marie, est exposée une pincée de  la première cargaison d’or recueilli à Saint-Domingue, remise par Isabelle la Catholique à l’institution en guise de remerciements au Ciel d’avoir guidé Christophe Colomb et les siens vers ces paradis où le précieux métal brillait au soleil comme les fleurs dans les champs de tulipes. Cette fine parcelle du précieux métal, enfermée dans un écrin (petite custode), est conservée dans un ostensoir doré4  à titre de relique à aiguiser la curiosité des touristes qui paient pour la voir et écouter l’histoire de la colonisation sans la mention des mots fatals, tels que : exploitation, sang, mort, génocide des indiens etc…

Monument aux bateaux au Portugal
Au Portugal, le monument aux bateaux conquérants ou négriers dans le port de Lisbonne, ne laisse aucun doute aux touristes quant à l’ancienne puissance de cette nation et l’origine de sa richesse, sans aucune allusion à l’esclavage, le commerce humain, les razias sur les côtes africaines etc…

Qui possède l’authentique histoire de la cruauté humaine?
Voilà! C’est là que je voudrais en venir. S’il y a quelqu’un qui possède la clé de la vraie histoire à montrer au monde, c’est bien nous, les antillais et particulièrement les Haïtiens, qui avons réussi là ou plusieurs s’étaient cassés la margoulette. Nous avons été amenés en enfer. Nous y avons vécu et nous nous sommes parvenus à nous en extirper. Nous avons chambardé l’ordre établi et contribué à modifier la mentalité de toute une époque, en créant une nouvelle allégeance pour la modernité.  Mais Haïti est toujours en guerre depuis deux siècles. Une guerre sourde, une guerre invisible et tenace.

Une Mecque pour les Noirs du monde
Nos frères africains seraient à coup sûr très heureux d’avoir une nation-symbole où il pourrait venir se ressourcer. Les preuves sont là. La vraie histoire est là. Elle a besoin qu’on en parle. Mieux encore, l’idée est rentable sur tous les plans : idéologique, culturel, touristique, politique et économique.

Le militant panafricaniste Kémi Séba5, émerveillé, a eu à déclarer, en posant ses pieds pour la première fois en Haïti : « Quand le chrétien veut communier avec Dieu, il va à Jérusalem. Quand le musulman veut se recueillir devant Allah, il va à la Mecque. Quand un Noir veut se ressourcer dans l’âme nègre, il doit fouler la terre d’Haïti ».

Vue en perspective du monument aux bateaux avec la carte du
monde dans le port de Lisbonne.                                               
Voilà, cher Pharaon, au lieu de cacher l’argent dérobé à l’étranger, vous pouvez organiser la nation en installant la paix, la propreté, le goût de vivre, pour inviter les touristes à venir nous visiter, et surtout faire d’Haïti un lieu de ressourcement pour tous les afro-descendants qui devraient, comme les musulmans, une fois dans leur vie,  voir la Mecque et mourir.

Ainsi, pourrons-nous, comme le réclament plusieurs pays africains aujourd’hui, tel le Bénin, nous faire restituer nos biens culturels, notre histoire véridique, les restes de Toussaint, réhabiliter nos héros, exhiber les armes redoutables, reconstruire les villages de l’époque, et, exposer les preuves macabres des crimes innommables, tels que, les esclaves emmurés, les trous destinés à écrabouiller la tête du vassal fautif, une scène de tronçonnage d’une main, d’une jambe, une représentation d’étampage, de lynchage etc… En un mot, voyager à l’envers de l’histoire à l’eau de rose que nous a concoctée le colon,  montrer l’horreur avec son grand H, exposer le côté monstrueux de l’Européen assoiffé de richesses.

Ne rééditez pas l’erreur des Pharaons
À quoi ça rime toute cette fortune cachée dans les coffres à vous rapporter que des clous. Avant vous, dans la lointaine Égypte, il y avait des hommes qui pensaient se meubler d’or, de pied en cape,  au jour du grand départ. Dans des sarcophages hermétiques, ils se sont fait ensevelir avec l’or du peuple, dans des voûtes secrètes et imprenables avec l’intention de ressusciter plus riches que Crésus, un jour venu. Ignorant le côté non statique des choses, ils ne croyaient pas qu’on pouvait retracer cette richesse. C’est sans compter avec la cupidité humaine. Ils se sont fait rouler dans la farine. Cette fortune mal acquise n’a pas survécu au temps. Tout a été dérobé. Adieu or et vêtements de soie. Adieu meubles de bronze et artéfacts de valeur. Tout a été emporté pour enrichir les collections de douteux investisseurs et les musées du monde. Les richesses obscures ne traversent jamais le temps. Les prédateurs sont à l’affût et n’attendent que le vent de la chance tourne un jour en leur faveur.

Mille exemples jalonnent l’histoire des magots enfouis. Aux temps bénis des colonies, certains riches, surpris par une soudaine révolution, devaient laisser précipitamment leur région et partir. Ne pouvant emporter le pactole avec eux, ils décidaient de l’enterrer quelque part dans les forêts, près des côtes, avec l’intention d’y revenir. Mais, hélas, combien de ces jarres ont été retrouvées par chance ou grâce au détecteur de métal. Plusieurs romans et films ont été écrits à ce propos. Donc, veuillez écouter la voix de la raison en faisant d’une pierre deux coups, en allant exploiter ce filon d’or chez-vous. Pour la beauté du geste, Haïti vous réservera ses lauriers. Bonne chance!

Max Dorismond
Mx20005@yahoo.ca















Note
1 - Voir l’ouvrage de Yuval Noah Harari : 21 leçons pour le XXIéme  siècle. Éd : Albin Michel 2018.
2 – Élie Lescot : Voir Le coin de l’histoire, Tome 1 (2ème édition) de Charles Dupuis – page 41.
3 – « Discours sur l’origine des inégalités parmi les hommes » J.J.Rousseau (1712-1778)
4 -  Mais ce qui se détache le plus dans le Trésor est la grandiose Custode Processionnelle, commandée par le           Cardinal Cisneros à Enrique de Arfe en 1515, qui abrite l'ostensoir ou petite custode, dans son intérieur.               Celle-ci fut acquise par le Cardinal Cisneros d'un legs de la Reine Isabelle la Catholique et selon la croyance         populaire elle fut réalisée avec le premier or qui arriva d'Amérique. Source : Wikipédia. (La Cathédrale de           Ste-Marie de Tolède)
5 -  Kémi Seba en Haïti au Café Philo : https://youtu.be/G_X5eFF6pJE



NOTE SPÉCIALE
Haïti Connexion Culture profite de cette dernière heure de l’année 2018 pour vous présenter son dernier article. Espérons que les prédateurs de chez-nous, écoutent pour édifier dans la glaise du réel, le rêve de l’auteur, en l’occurrence,  Max Dorismond.

BONNE ET HEUREUSE ANNÉE  À TOUS


Réaction de la communauté haïtienne du Canada face aux déboires de Michaëlle Jean

TRIBUNE DE LIBRE OPINION
Enfin,il y a une voix de la communauté qui ose prendre la défense de Mme Michaelle Jean.  Quand on voit au petit écran des gens de notre communauté reprendre les mêmes arguments farfelus qui affublent l'ancienne gouverneure, cette réplique apporte un bouffée d'air frais dans ce monde peuplé de jaloux et de larbins. JM


A Denis Giasson:
Nadine Magloire
Michaëlle Jean, selon vous, se prend pour une réincarnation du pouvoir royal? L'avez-vous fréquentée pour porter ce jugement? Moi, je me contente d'admirer de loin son élégance, sa simplicité, son aisance en présence de royautés. Elle montre une image valorisante de la femme, de la femme noire. Je préfère la voir comme une personne, qui a peut-être eu de l'ambition quand elle était journaliste, comme tous ces collègues qui l'ont jalousée et insultée, mais qui a su apporter au rôle de Gouverneure Générale du Canada un peu plus que d'être un bibelot .Elle a fait ce qu'il était possible sans outrepasser ce rôle, toujours avec grâce. Les Québécois ont une tendance à vouloir que ceux et celles qu'ils accueillent dans leur pays restent d'humbles ''réfugiés'' pleins de reconnaissance envers eux pour leur avoir permis d'y vivre. . Que l'une de ces réfugiés politiques ou économiques réussissent au point d'être nommée Gouverneure Générale du Canada. Ça, c'est un peu fort. ÇA C'EST IN TOLÉRABLE!. M. Giasson, il faudra que vous en preniez votre parti. Les ''immigrants'' n'ont pas quitté leur pays pour accomplir les tâches que vous dédaignez. Lisez le livre: CES QUEBECOIS VENUS DHAITI - Contribution de la Communauté Haïtienne à l'édification du Québec Moderne, avec une préface de Jacques Parizeau. Des Haïtiens ont participé à votre Révolution Tranquille.

Jean-Luc Melanchon et Haiti: La seule limite dans l’oppression est la résistance à l’oppression


Vous pensez que les Français ne connaissaient pas l'histoire d'Haïti. Détrompez-vous.  Par hypocrisie, oui. Mais quand vient le temps de mijoter la sauce, Haïti devient l'ingrédient indispensable, "le dumbrey nan pwa". Écoutez le candidat Mélenchon parler de notre lutte avec véhémence et grandiloquence. C'est surprenant ! Max Dorismond

Quand Jean-Luc MELENCHON et la France nous rappellent notre humanité pour avoir été des esclaves insoumis : Souhaitons que les Haïtiens d’aujourd’hui s'indignent et se rappellent que l’avenir dépend de leur conscience agissante face à l’oppression d’ici et d’ailleurs…… Ghemps Desauguste

Nous vous proposons un transcript complet des propos tenus par le candidat aux présidentielles françaises,  Jean-Luc Mélenchon lors d’un meeting de campagne.Le candidat de la France insoumise…

].....« Une chose criminelle ne doit pas être nécessaire. Pensez  à votre plus grande chose criminelle que vous avez sous les yeux. Alors, d’où tout cela est-il venu ?  Jamais de rien d’autre que  deux de nos plus grandes révolutions. Et jamais de rien d’autres sans que les intéressés se soient insoumis. Car, si la convention doit connaitre de la question de l’esclavage c’est parce que les esclaves se sont eux-mêmes libérés à Haïti et Saint-Domingue, c’est parce qu’ils ont fait la pression qu’il fallait pour qu’alors la question soit posée parce qu’ils s’étaient emparés de leur liberté de vivre force.

Eh bien, qu’on en tire la leçon pour nous-mêmes. Rien n’est jamais acquis contre les privilèges que par la lutte.  La seule limite dans l’oppression est la résistance à l’oppression. Les esclaves n’ont jamais accepté leur condition abominable. A chaque occasion, ils se sont révoltés. Et la brutalité, le sadisme, des châtiments  qu’ils subissaient étaient destinés  à inspirer une terreur constante dans la servitude. Et malgré cela, sans cesse ils reprenaient leur insoumission, leur insurrection. Village de noir dit Marron parce qu’ils échappaient  à la servitude dans combien d’endroits en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à la Réunion, partout où l’on pensait que les esclaves pourraient finir par accepter leur sort. Jamais, ils ne l’acceptèrent. Et nous tous, quand nous y pensons, nous ne le devons jamais l’oublier. Ce qui se faisait alors, mesdames et messieurs, et même si nous savons tous que comparaison n’est pas raison, c’était une mondialisation. Le pétrole de l’époque c’était le sucre et un commerce était organisé sur trois continents où l’on distribua à un  bout de l’indigoterie pour récupérer  à l’autre, dehors. Et entre les deux, il y avait cette masse de souffrance et de servitude. C’était la mondialisation esclavagiste. Et ces principes, même s’ils ne peuvent être assimilés à ce que nous avons sous les yeux, néanmoins comportent autant de points communs qu’ils valent la peine d’être mentionnés. 

Je ne peux passer à  ma conclusion sans évoquer le visage du vainqueur de la lutte contre l’esclavage en Haïti, Toussaint Louverture. Toussaint Louverture, capturé et vaincu, est mort au Fort de Joux. Le hasard de la vie. Enfin, étant adjoint de la culture de la commune de Massy, il y a déjà quelques années, j’ai eu à choisir de l’installation d’une œuvre d’art et j’ai participé à l’érection d’un statut en bronze sur la place du marché à même le sol représentant Toussaint Louverture. Et nous Français, peu importe dans cette affaire  la nationalité, nous sommes autant de Toussaint Louverture  que nous sommes peut-être ici. Cet homme périt mais ne céda jamais. Sur place, quand on va leur faire la guerre et chaque fois qu’ils se sentirent à deux doigts d’être vaincus, les Haïtiens d’alors, résistèrent de toutes les façons possibles. Et on se souvient de cette scène extraordinaire "de Dessalines": préférant faire sauter le fort, lui et ses hommes, il était noir et officier français plutôt que de se rendre. 


Vous voyez ! Evidemment c’est une histoire résumée, mais j’ai voulu puisque me voici le candidat des insoumis, célébrer les insoumis les plus courageux qu’ils soient. C'est-à-dire ceux qui avaient le moins les moyens de leur insoumission. J’ai voulu célébrer avec vous, l’amour de l’esprit humain et de la liberté qui nous mènent tout droit à l’amour de l’égalité. Fanon dit quelque chose qui renvoie au mot le plus magnifique du texte que je vous ai lu tout à l’heure que vous pouvez voir dans le musée. Ce mot c’est  semblable. Car voyez-vous y compris dans la religion dominante de l’époque, on parle souvent d’autrui vis-à-vis desquels on a du devoir. Mais le mot semblable est beaucoup plus fort.  Il établit que nous ne sommes pas identiques,  cela va de soi. De toutes les façons possibles, nous ne le sommes pas ni physiquement, ni intellectuellement. Mais nous sommes tous unis par le fait que nous sommes semblables et mêmes identiques quant à nos besoins. C’est cette identité des besoins qui nous rend semblables dans la condition humaine. Et, si nous sommes semblables et que nous avons des besoins identiques, alors nous avons des droits en commun et en particulier, celui d’accéder librement aux moyens de notre subsistance et de la reproduction de notre existence et de celle de nos enfants. La similitude des êtres humains, l’identité de leurs besoins établit la nature de biens communs, de biens essentiels à leur survie tels que l’énergie, l’eau, la lumière, le logement et toutes ces choses sans lesquelles il n’y a pas de vie humaine possible. C’est la similitude qui nous appelle au combat pour la liberté. C’est la similitude qui fonde le devoir du combat pour l’égalité. Et Frantz Fanon, Peaux noires et masques blancs, dit : « Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme ». Il veut dire l’être humain. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve, le nègre n’est pas, le blanc n’est pas. Nous sommes juste tous des êtres humains ».

La vidéo viendra sous peu...

Qui sont les pays émergents ?

À propos de : Joël Ruet, Des capitalismes non alignés ; les pays émergents, ou la nouvelle relation industrielle du monde, Raisons d’Agir

Par François Ireton , le 17 septembre 2018

Chine, Inde, Brésil... Les « pays émergents » prennent une place toujours croissante sur la scène mondiale. Analysant leurs trajectoires, J. Ruet précise ce qui distingue et caractérise aujourd’hui ces puissances et la position cruciale qu’elles occupent dans l’économie mondialisée.

Cet ouvrage a été conçu par un économiste spécialiste des réalités et des politiques environnementales, énergétiques et industrielles des pays que l’on nomme communément « pays émergents », soit les nouvelles grandes puissances économiques du Sud, sur la définition desquels le livre revient plusieurs fois de manière critique. L’ouvrage dont on rendra compte – partiellement – ici est destiné non aux seuls économistes professionnels, mais aussi à ce qu’il est convenu d’appeler un « public cultivé », curieux des grandes tendances de l’économie politique internationale, et en particulier des processus de mondialisation et de globalisation envisagés sous l’angle de leurs nouvelles parties prenantes, les pays émergents des Suds. L’écriture est élégante, dense et travaillée, sans être ésotérique. Le plan est extrêmement clair, classique et équilibré : trois parties de trois chapitres chacune, précédés d’introductions et de conclusions.

Les pays émergents : une catégorie englobante et pertinente
L’auteur prend d’emblée le contre-pied d’une vulgate apparue et diffusée en Occident au tournant du siècle, selon laquelle de grands marchés nationaux auraient brusquement émergé au Sud à la fin du XXe siècle et seraient devenus très vite la cible de multinationales industrielles et financières du Nord avides de débouchés. On se mit alors à considérer que les économies émergentes du Sud allaient bientôt intégrer tout naturellement l’économie mondiale, en tant que potentielles grandes puissances industrielles offrant des opportunités de relocalisation aux firmes du Nord, le tout en suivant mimétiquement le modèle occidental d’organisation et de croissance, censé devoir se généraliser mécaniquement et irréversiblement à l’ensemble de la planète. En opposition à ce diffusionnisme plat, téléologique, occidentalo-centré et en fin de compte erroné, l’auteur énonce trois thèses, dont le développement constituera chacune des trois parties du livre : (1) les émergences, « foisonnantes », puisent à des racines endogènes riches et profondes  ; (2) ces économies émergentes, de périphériques qu’elles étaient, se sont très vite insérées au cœur même de la machine productive mondiale ; (3) viacette nouvelles relation industrielle à l’économie mondiale, elles transforment toute la mondialisation économique.

En préalable, l’auteur répond à une objection possible : si, comme il le montre dans la suite de l’ouvrage, chaque pays émergent a sa propre trajectoire d’émergence, peut-on englober l’ensemble des pays concernés dans une même catégorie ? La réponse est positive, pour deux raisons qui peuvent être discutées : (1) les théories du développement (dans leur diversité théorique et idéologique) et les outils d’influence qui les accompagnaient ont été réappropriés par les pays en développement, (2) les pays ultérieurement émergents ont connu sur la longue durée, sous des modalités fort diverses, des évolutions parallèles : des modernités historiques autonomes [élaborées] par leurs grands penseurs, incarnées dans des modernisations par leurs dirigeants d’alors (que ces modernisations aient été cachées ou contrariées par la colonisation ou pas, elles sont avérées), et aujourd’hui expression de ces pays toujours-déjà modernes par le détour de l’économie mondiale. Après la tentative de mise sous tutelle intellectuelle par le ‘(sous)-développement’ ce sont ces expressions propres qui nous paraissent être la narration commune des pays à économie émergente. (p. 10)

Cette subsumption sous une catégorie englobante s’appuie sur une thèse forte, qui permet de comprendre le titre et la visée déconstructive de l’ouvrage, Des capitalismes non alignés : Ces modernisations contemporaines plongent leurs racines dans des visions au moins autant nationales qu’empreintes d’un peu d’Occident qu’elles ont inévitablement fréquenté mais qui ne saurait oblitérer un fond ancien. [Ce dernier] n’est certes pas l’introuvable ‘tradition’, elle est aussi en large part un outil anthropologique de domination, mais à l’inverse les émergences n’ont guère à voir avec le capitalisme néolibéral (nous soulignons). Les systèmes économiques des ‘émergents’ sont non ‘alignés’ sur les systèmes capitalistes de l’Occident. (ibid.).

Pour l’auteur, l’émergence, processus commun et spécifique à quelques grands pays du Sud, est donc la rencontre d’un phénomène de longue portée historique – la transformation continue ou la modernisation de ces sociétés – et d’un processus aujourd’hui aux effets très rapide, mais qui s’est lui aussi progressivement mis en place : la globalisation industrielle, qui s’est traduite par le découpage et la refonte systématique des appareils de production. (…) Cette dialectique ‘modernisation sociétale-globalisation industrielle’ est le terreau commun de l’émergence. En son sein, chaque émergence est spécifique, fruit de la rencontre de modernisations sociales, de traditions industrielles propres, et d’un moment donné (nous soulignons) de la globalisation industrielle. (p. 11)

Originalité et endogénéité de la globalisation industrielle émergente
Par l’expression « globalisation industrielle », l’auteur entend le fait que les fondements productifs du commerce international, tendanciellement mondialisé (i.e. s’étendant à la quasi-totalité des pays de la planète), articulent de plus en plus des activités internes aux firmes, dont les segments de la chaîne de valeur se déploient sur différents territoires nationaux. Encore essentiellement confiné au Nord durant les dernières décennies du XXesiècle, ce processus de globalisation industrielle s’est très vite étendu à certains pays du Sud dès le début duXXIe, moins par le fait des seules dé-/relocalisations partielles des firmes du Nord, que par l’action endogène des multinationales du Sud, qui allaient « emboîter le pas, ouvrir de nouvelles directions et, dans certains secteurs, donner le la. En dix ans, ce sont la Chine, l’Inde, et déjà le Brésil, qui ont suscité la globalisation d’un nombre d’activités beaucoup plus important et ont porté cette globalisation dans la majorité des pays de la planète. Il faut donc chausser de nouvelles lunettes. » (p. 12).

Et l’auteur d’enfoncer le clou de l’originalité, des innovations multiples et de l’endogénéité de la globalisation industrielle émergente : Il faut (…) accepter que la diversité héritée qui fonde actuellement la réalité des tissus industriels émergents est une des sources de leur dynamisme, voilà le point d’entrée à la compréhension de la globalisation industrielle émergente. Le point moteur, les forces centrales en sont aujourd’hui ces originaux capitalismes non alignés. (p. 12)

Cette émergence produit de l’inédit, un « tout autre monde », dont l’auteur se donne comme but de décrire « le socle : sa relation industrielle », puisque décidément la plupart des experts occidentaux s’efforcent de ramener l’inconnu au connu et le potentiel là-bas à l’advenu ici (ou, inversement, à s’adonner à diverses prophéties sur des bases analytiques fort incertaines). Manifestement, cette émergence n’est donc pas « qu’un sous-développement un peu retapé par les transferts de technologie de base et dopé par les commandes du Nord » (p. 13) ; elle développe en grande partie par elle-même sa technologie grâce, en amont, à ses structures de recherche et développement, et accélère ainsi la mue de l’économie mondiale déjà en cours. Sous la co-impulsion des firmes émergentes, non seulement l’industrie, mais encore les services et la finance de divers endroits de la planète qui ne sont plus « périphériques », se diversifient, se recomposent et sont d’ores et déjà parfaitement articulés entre eux, et ceci « via des mécanismes appelés à devenir centraux », les émergents ne s’étant pas seulement appropriés les mécanismes de l’industrie globale, mais « les refondant ».

Déconstruire les fausses évidences de l’émergence
Bien évidemment, ces affirmations stimulantes, voire d’allure provocatrice, méritent d’être étayées, faute de quoi, elles risqueraient, dans leur geste même de déconstruction des notions à la fois trop englobantes et inadéquate de Sud, de périphérie ou de Tiers monde, de constituer une forme de crypto-néo-tiers-mondisme apologétique de la mondialisation néo-libérale. Or les développements, que l’on ne pourra que survoler ici, courant sur les trois grandes sections de l’ouvrage, apportent de façon convaincante de l’eau empirique et analytique au moulin de l’auteur.

Ce dernier s’emploie d’abord à déconstruire les fausses évidences de l’émergence. Fausses évidences historiques : contrairement à la vulgate reçue, les futures économies émergentes n’ont pas connu, dans la deuxième moitié du XXe siècle, un sous-développement généralisé, mais d’importantes différenciations socio-économiques et spatiales internes ; elles se sont d’abord concentrées sur leur intégration nationale par des politiques de substitution aux importations et cette phase a vu l’intégration de nombreux pauvres ruraux à une classe populaire salariée urbaine, voire à une petite classe moyenne, cependant que ces pays sortaient d’une civilisation agraire quasi hégémonique, et qu’une industrialisation se développait, y compris par la planification, le socialisme ou l’action de régimes militaires autoritaires, accompagnée d’une urbanisation significative et de forts taux de croissance économiques dans les années 1980-90.

Fausses évidences économiques : les futurs émergents n’auraient fait, durant ces années, que fournir une main d’œuvre bon marché (dumping social) à une industrie de biens de consommation exportables vers le Nord et, s’ils possédaient de la technologie dans ce secteur de production, ne jouaient que sur leur compétitivité-coût, « une dé-localisation-repoussoir faisant des cas de transfert d’usine la réalité structurante de l’émergence » (p. 28). La vision sous-jacente de l’avenir de ces pays était celle d’un rattrapage du Nord, à trajectoire identique. À l’aune de cette vision, les futurs émergents étaient perçus comme « tigres délocalisés » destinés à devenir, sous réserve de divers transferts opérés depuis le Nord, de potentiels « dragons rattrapeurs », vers lesquels se dé-localiseraient aussi les activités de recherche et développement issues des savoir-faire venus d’Occident (« mondialisation 2.0 »). L’auteur apporte, à l’aide de nombreux exemples, un démenti convaincant à cette vision caricaturale d’un « monde unidimensionnel pré-pensé comme plat » (p. 31), où le jeu sur la seule variable-coût, impulsé « en dernière instance » depuis le Nord, expliquerait miraculeusement l’émergence.

Il montre également que les ruses de la raison émergente font fi des dichotomies telles que socialisme/ (néo-)libéralisme, qui ne peuvent en rien capturer les spécificités des diverses politiques économiques suivies, ayant préludé à l’émergence. En Chine comme en Inde, dès les années 1990 (première étape), s’ajoutant aux débouchés internationaux en voie de conquête, le marché intérieur offrait des débouchés suffisant – et s’élargissant sans cesse – aux oligopoles étatiques impulsés par l’administration dite socialiste (Chine) ou aux oligopoles privés dont le lobbying s’assurait la protection de l’État libéral (Inde), des protections tarifaires et réglementaires existant dans les deux pays. Durant les années 2000 (deuxième étape), les industries des deux pays ont su tisser des relations économiques locales denses entre fournisseurs et assembleurs, pour s’insérer dans les chaînes de valeur tout en jouant de la flexibilité : les entreprises les plus exposées au marché mondial faisant absorber ses fluctuations par leur entourage, entraînant en échange des régions entières dans leur sillage. (p. 37).

Enfin, ultime « déconstruction » nécessaire, l’auteur montre que dès les années 2000, la notion de commerce international devint ambiguë : « Une exportation de la Chine vers les États-Unis représente-t-elle un échange entre une entreprise chinoise et une américaine, entre deux américaines, entre deux chinoises, au sein d’une même entreprise (…) ? Personne n’en sait plus rien. » (p. 39).

Historicité et trajectoires de l’émergence
L’émergence a une histoire dont, par-delà la diversité des trajectoires nationales, l’auteur cherche à repérer les régularités. Au-delà des stéréotypes du seul coût faible « cher au délocalisateurs » ou de l’extension d’une classe moyenne homogène devenue grande consommatrice, c’est la rencontre historique des modernisations industrielles [dans les futurs émergents] et de l’industrie globale qui fonde l’émergence, mais (…) le potentiel économique lié à la diversité interne des émergents, préexistant à l’ouverture économique, a été construit avant que celle-ci soit activée par la globalisation industrielle, et chaque pays émergent possède son modèle d’économie politique bien spécifique, original, créatif et tout à fait fonctionnel, indépendamment des prémices du capital anglo-saxon. (p. 19)

Les pays émergents sont : (a) des pays anciens qui, sur la longue durée, se sont modernisés et ont stabilisé un État national puissant et (b) « dont plusieurs régions ou acteurs économiques ont dépassé un seuil minimum dans le processus d’accumulation industrielle, technologique, sociale, et qui ont en général constitué des filières économiques au-delà d’une certaine taille critique qui assure leur diversité, leur propre reproduction et évolution (…). » (p. 42) Et l’auteur, au nom de ces traits communs, de donner une liste (ouverte) des émergents : Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud, Mexique, Vietnam, Indonésie, ceci pour le noyau dur de cet ensemble flou dont les marges restent incertaines : les cas de la Turquie, de la Thaïlande, du Nigeria, de la Colombie, du Chili, ainsi que ceux des rares pays pétroliers ou miniers reconvertissant avec succès leur modèle de rente, sont les moins discutables, alors que ceux du Pérou, du Maroc, de l’Égypte, de la Côte d’Ivoire le sont bien davantage....

L’auteur se penche en détail sur les paradoxes des trajectoires chinoise (« jeux de masques », (p. 45-48), avec l’articulation du « privé, du privé flou, du privé non libéralisé » et du secteur d’État, le tout dans un régime de croissance structuré par ce dernier), indienne (caractérisée par une libéralisation sans privatisation – p. 49-51) et brésilienne (où l’innovation est clairement d’origine étatique), trajectoires qu’aucune théorie du développement n’avait pu prévoir. Ces trajectoires invalident les thèses de la croissance mimétique et s’exonèrent des normes du capitalisme anglo-saxon ; leur analyse rend impérative la distinction entre mondialisation, variée (« la rencontre de systèmes d’organisation sociale et d’humains », p. 55) et globalisation industrielle, commune (« le découpage et la mise en commun de tâches productives ») ainsi que financière, quasi commune. Enfin, l’émergence commande aux entreprises, aux États et aux sociétés civiles de tenir étroitement compte de leurs liens réciproques plus complexes et plus contraignants que jamais, au-delà des slogans néo-libéraux, longtemps adeptes duretreating state, si peu d’actualité dans les émergents.

Un outillage conceptuel renouvelé
L’émergence, processus inédit, demande d’être analysée à l’aide d’outils conceptuels en partie renouvelés. Recourant d’une part au concept classique de segment (de la chaîne de valeur), l’auteur en propose un autre, celui de « strate », qui répond au fait que le monde a changé de mondialisation, passant d’un échange de produits, à un échange de composants, et aujourd’hui à un échange de tâches productives, de fonctions saisies dans une productioncommune entre économies développées et économies émergentes. (…) À présent, une firme multinationale ne maîtrise pas la chaîne complète de conception-fabrication d’un produit, mais accumule des positions commerciales, des techniques, des savoir-faire qu’elle considère comme clé. (p. 59)

Vu la diversité des combinaisons réalisées par les différentes firmes sur ces deux plans (entités échangées et aspects maîtrisés, au long du processus conception-fabrication-commercialisation) et vu leurs différents niveaux de technicités, de productivité, de modes organisationnel et d’encadrement socio-politique, chaque sous ensemble de firmes proches selon ces différents critères constitue une « strate », les différentes strates pouvant se superposer sur un même territoire et être ou non complémentaires.

On passe ainsi d’une vision en termes de division spatiale (ou horizontale) de la production (au sens large) à une division stratifiée (ou verticale) de cette dernière, l’empilage des strates, dans leurs spécificités et leurs relations, structurant à leur tour les territoires régionaux, nationaux et transnationaux ; ces strates ont elles-mêmes leur temporalité propre de mise en place et d’évolution. Dans cette perspective, l’auteur montre que les divisions spatiales nationales du type « Chine : atelier du monde et Inde : bureau du monde » ne tiennent pas, mais que dans chacun de ces pays émergents les différentes strates se composent et se recomposent, structurant des territoires connectés, ce qui n’empêche bien sûr ni que dessegments de la chaîne de valeur prédominent, de manière plus classique, dans certaines régions, ni que les territoires des firmes soient souvent à envisager à l’échelle de la planète toute entière.

Le lecteur tiendra donc en ses mains un ouvrage dense, salutaire, novateur et stimulant, dont on n’a fait ici que mettre en relief les thèses principales et qui comporte de forts riches développements analytiques et empiriques d’économie politique au plein sens du terme.

Tuesday, December 25, 2018

Un très Joyeux Noël 2018 et une très Bonne Année 2019.

La célébration de la vie, de l’amour et de grâce contribuent à faire de Noël, un moment très spécial de l’année. Alors, oublions toutes les vicissitudes de la vie, embrassons-nous et aimons-nous. Voici venu le moment pour vous souhaiter de joyeuses fête de Noël. 

Le temps est irréversible. Sans nous demander notre avis, il ne fait que passer avec son cortège de surprises, de joies, de regrets et parfois de quelques perles de larmes. C’est une vis sans fin. Alors profitons de cet instant de répit pour remercier tous ceux qui animent et décorent notre quotidien en le rendant agréable à vivre. Haïti Connexion Culture profite de l’occasion pour souhaiter à tous ses lecteurs un très Joyeux Noël 2018 et une très Bonne Année 2019.

Herve Gilbert

Pour le comité exécutif de la modération

« L’homme est devenu avide et vorace » : le pape plaide contre un consumérisme vide de sens



« Demandons-nous : est-ce que je partage mon pain avec celui qui n’en a pas ? », a dit François dans son homélie de Noël.

Le pape François, chef du 1,3 milliard de catholiques dans le monde, a appelé lundi 24 décembre les fidèles à laisser de côté leur « voracité » consumériste pour réfléchir au sens spirituel de leur vie et au partage avec les plus humbles, dans son homélie de la nuit de Noël. Devant une dizaine de milliers de fidèles rassemblés comme chaque année dans la majestueuse basilique Saint-Pierre de Rome, il a constaté :

« L’homme est devenu avide et vorace. Avoir, amasser des choses semble pour beaucoup de personnes le sens de la vie. Une insatiable voracité traverse l’histoire humaine, jusqu’aux paradoxes d’aujourd’hui ; ainsi quelques-uns se livrent à des banquets tandis que beaucoup d’autres n’ont pas de pain pour vivre. »

Le pape argentin, infatigable défenseur des pauvres, a appelé les fidèles à « ne pas glisser dans les ravins de la mondanité et du consumérisme ». « Le petit corps de l’Enfant de Bethléem lance un nouveau modèle de vie : non pas dévorer ni accaparer, mais partager et donner », a plaidé le pape lors de la messe de la nuit de Noël, qui commémore dans la tradition chrétienne la naissance de Jésus de Nazareth à Bethléem.

« Est-ce que j’arrive à me passer de tant de garnitures superflues, pour mener une vie plus simple ? Demandons-nous : à Noël, est-ce que je partage mon pain avec celui qui n’en a pas ? », a lancé François, s’exprimant sous le baldaquin dessiné par le Bernin, où seul le souverain pontife est autorisé à célébrer la messe.

Le pape, qui vient de fêter ses 82 ans, a adressé son sixième message de Noël Urbi et orbi (« à la ville et au monde ») mardi devant les fidèles massés sur la place Saint-Pierre.

Source: Le Monde

Monday, December 24, 2018

Au revoir Nicolas Decoste


Nicolas Decoste  (1948 - 2018)
Nicolas, aujourd’hui c’est ton tour d’aller te reposer loin de cette vie. Départ toujours difficile pour nous qui, inévitablement, te suivrons un jour où l’autre. Triste réalité, n’est-ce pas ?
Âme vive qui ne connaissait que la bonne humeur, indépendamment les circonstances et la situation. Tu aimais la vie et tu as su croquer à chaque seconde, le plaisir et le bonheur que la vie t’a offerts.
Je n’ai pas imaginé une seconde, lors de ma visite au 7e étage du CHUM, le lundi 10 décembre dernier, que je n’allais plus pouvoir m’entretenir avec toi et que tu ne me demanderas plus jamais des nouvelles de mes enfants et de t’entendre encore me dire, « Je savais que tu t’extrairais de ce mauvais pas, toi et tes enfants » et combien tu étais content d’apprendre qu’ils sont tous autonomes.
C’est maintenant le temps de ton mieux-être, hors de tout. Et moi qui avais eu tant de plaisir de te donner des nouvelles de chacun d’eux, de te montrer des photos et de te demander qui d’entre elles, mes filles, trouves-tu, ressemble à ma sœur Zette. La même allégorie chaque fois qu’on se rencontre. Et ton rire complice...
Nicolas, tu as été et seras un ami fidèle et loyal. Toujours prêt à aider. Quand tu ne pouvais pas, au moins tu nous montrais la bonne porte où aller cogner.

Tu as été l’un des premiers visages connus rencontrés à Montréal.
Tu as ordonné à ta fille #Marie Joseph Decosse# de venir me chercher là où j’étais logée afin de faciliter mon intégration au Québec. Je suis restée chez elle durant plusieurs mois. Marie Jo, je te dois une reconnaissance éternelle !
Tu as été l’instigateur de mon premier emploi en administration à Montréal, pour m’avoir présenté à ta charmante fille # Peggy Perrier # alors conseillère RH d’une agence de placement. Elle m’a prise par la main, m’a fait comprendre les dessous de l’emploi au Québec et m’a donné mon premier contrat. Peggy, je te dois une reconnaissance éternelle aussi !
J’ai eu un plaisir fou à côtoyer ta femme Josette lors de nos cours de cuisine créole que je dispensais l’année même de mon arrivée. Comment oublier une pareille empathie, une si pareille bonté ? Si j’ai su guider les pas de mes enfants dans ce vaste univers si différent du nôtre jusqu’à leur autonomie, tu as une grosse part dans leur réussite.
Je continue de faire mien ton modèle quand il s’agit d’aider les autres en leur montrant les bonnes portes où cogner.
Nicolas, ma famille et moi te disons MERCI. Repose-toi bien en attendant la voix du Seigneur Jésus qui t’ordonnera de sortir du shéol pour t’offrir une vie sans fin dans un monde nouveau plus juste et empreint de bonté et de bienveillance. 

Juste un instant, oublions nos maux et imaginons un monde nouveau !
Ma famille se joint à moi pour offrir nos sincères sympathies à ta femme Josette, à tes filles et leurs enfants: Marie Joseph Décoste, Peggy Perrier, Pascale et Marjorie Décoste.
À tes nombreux frères et sœurs : Jacques Janvier, Michel Decoste, Marc-Henry Syldort, Marie Christane, Myriam Alexandre, Esther, Jacqueline et Ginette Oriol et à tous les autres ainsi qu’à tes nombreux amis.
Mireille et famille


Mireille Jean-Louis



Thursday, December 13, 2018

Michael Cohen, l'ancien avocat personnel de Trump condamné à 3 ans de prison.

Michael Cohen

Michael Cohen, l'ancien avocat personnel de Donald Trump, a finalement écopé de trois années de prison ferme. Il a été condamné mercredi par un tribunal de Manhattan pour une série de délits commis lors de la campagne présidentielle américaine de 2016.

Le juge William Pauley l'a notamment reconnu coupable d'avoir acheté, pour le compte de Donald Trump, le silence de deux femmes qui affirmaient avoir eu une relation extraconjugale avec l'homme d'affaires. En août dernier, déjà, l'ancien homme de confiance du président avait plaidé coupable de ces chefs d'accusation, affirmant avoir agi à la demande de Donald Trump. Et ces versements d'argent, 130 000 dollars à l'actrice de films pornographiques Stormy Daniels et 150.000 dollars à Karen Mcdougal, un modèle qui posait pour le magazine Playboy, constituent des infractions aux règles de financement des campagnes électorales, selon le ministère public. 

«C'est ma faiblesse et ma loyauté aveugle à cet homme qui m'ont conduit à choisir le chemin de l'obscurité au détriment de la lumière», a déclaré Michael Cohen lors de l'audience, aujourd'hui. «Je pensais qu'il était de mon devoir de couvrir ses mauvais agissements», a-t-il ajouté, se référant à Donald Trump. Sa condamnation a été assortie d'une amende de 500.000 dollars et de la restitution de près de 1,4 million de dollars détournés des finances de la campagne de 2016 pour acheter le silence des deux femmes.

Un patron de presse avoue avoir versé de l'argent à Karen McDougal

Michael Cohen à sa sortie du tribunal de Manhattan
après son verdict ce mercredi 13 décembre.          
Mais la version de l'ancien soutien de Donald trump a été corroborée par l'éditeur du magazine National Enquirer David Pecker, qui a passé un accord avec la justice américaine fin septembre mais révélé ce mercredi. Ce dernier prévoyait sa coopération avec les enquêteurs et la reconnaissance du versement, lors de la campagne de 2016, de 150.000 dollars à l'ancienne mannequin Karen McDougal. L'éditeur American Media International (AMI) a ainsi reconnu que cette somme, officiellement pour s'assurer de l'exclusivité du récit de son aventure supposée avec Donald Trump, visait, en réalité «à dissimuler le témoignage du mannequin pour empêcher qu'il n'influence l'élection» présidentielle. Et David Pecker reconnaît avoir effectué ce paiement «de concert avec la campagne d'un candidat à l'élection présidentielle», a indiqué le bureau du procureur fédéral de Manhattan, Geoffrey Berman, dans un communiqué.

L'avocat personnel de Donald Trump et ancien maire de New York, Rudy Giuliani, affirme quant à lui, que ces versements ne constituent pas une violation des règles sur le financement des campagnes électorales. Il soutient que ces versements d'argent visaient à protéger la réputation de Donald Trump et qu'ils auraient été faits même si celui-ci n'avait pas été candidat à l'investiture républicaine.

Les avocats de Michael Cohen ont demandé dans leurs conclusions que leur client soit exonéré de toute peine d'emprisonnement. S'ils ont expliqué que les infractions qu'il avait commises s'expliquaient par «une farouche loyauté» à l'égard de Donald Trump, l'un d'eux a également insisté sur le courage de son client qui a accepté de coopérer avec le procureur Mueller. Michael Cohen a en effet accepté de coopérer avec le procureur spécial qui mène les investigations dans l'enquête sur l'ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016. «Bien que M. Cohen ait promis d'aider les investigations à venir, c'est une chose que le tribunal ne peut pas prendre en considération pour l'instant», a répondu le magistrat.

L'ex-conseil du président a également plaidé coupable de mensonge lors de son audition devant le Congrès dans le cadre de cette enquête, en novembre. Il avait notamment menti sur le projet de construction d'une tour Trump à Moscou, entreprise que le magnat de l'immobilier poursuivait depuis plusieurs années. Or les contacts avec des représentants russes concernant ce projet n'avaient pas cessé en janvier 2016 comme l'affirmait Donald Trump, mais s'étaient poursuivis jusqu'à l'été 2016 alors que le magnat avait remporté les primaires républicaines.

Sources combinées 

Saturday, December 8, 2018

La gangstérisation d’Haïti: A qui la faute?

Quand on vit en dehors du pays, il y a des paramètres que l’on prenne en compte dans ses analyses que nombre d’éléments qui vivent à l’interieur du pays ne considèrent pas. Certains croient que le phénomène du banditisme en Haïti est dû seulement à la précarité et à la pauvreté. Dans un certain sens, on peut dire oui, mais nous n’avons pas tout le tableau avec cette assertion. Faire partie d’un gang est un emploi, être gangster est un métier lucratif en Haïti. Les experts en sécurité publique en Haïti ne sont pas nombreux, mais il y a des hommes bien formés qui comprennent la dynamique de la gangstérisation qui est arrivée à son apogée aujourd’hui. Mes compatriotes parlent de banditisme, de gangs qui sèment la terreur dans certains quartiers de la capitale, mais ils oublient d’aborder les raisons d’existence de ces gangs armés. Ici dans ce texte, nous allons aborder cette question et éclairer la lanterne de nos compatriote sur la gangstérisation d’Haïti qui est une politique publique embrassée par des dirigeants de l’Etat et soutenue par la bourgeoisie. Pour bien cerner la question, nous pouvons dire que le processus de gangstérisation du pays a débuté immédiatement après le départ de Jean Claude Duvalier. Des groupes et des secteurs ont voulu avoir la mainmise sur les bidonvilles, ainsi, ils ont trouvé bon d’armer des jeunes et des chômeurs pour faire la répression au sein de ces bidonvilles. 

Certains croient que les bandits dans les quartiers populaires agissent seuls, mais ils ne comprennent pas la dynamique. Avec la démocratisation d’Haïti qui a été mal abordée puisque l’éducation de masse et l’éducation civique et morale du peuple qui devrait accompagnée ce processus n’a jamais été rendu possible, plusieurs individus très bien placés au sein de la société ont trouvé bon de fragmenter les bidonvilles pour les transformer en des zones de non-droit. Pour mieux appréhender la question de gangstérisation, c’est lors des élections qu’il faut observer. Ce sont ces mêmes bandits qui sèment la pagaille et intimident la population pour ne pas voter. Dans certaines communes quand il s’agit de voler les élections, ce sont ces bandits également qui interviennent. Là, nous sommes en plein dans le banditisme d’Etat. En deuxième année en travail social à la Faculté des Sciences Humaines, je savais fréquenter une association à Cité Soleil où j’ai eu la chance de travailler avec des jeunes qui faisaient partie des gangs de cette bidonville. J’ai pu comprendre comment fonctionnait les gangs et savoir de qui ils recevaient leurs armes et leurs munitions ainsi que l’argent pour faire rouler le gang. La plupart des soldats, comme on les appelle sont rémunérés et ils partagent entre eux les butins des braquages et des différents vols. 

En Haïti, le crime organisé existe et bien des rapports l’ont prouvé. Dans un rapport intitulé : Gang violence in Haiti publié par l’Université Catholique de Sao Polo du Brésil, il est dit que les gangs en Haïti sont armés et financés par la bourgeoisie d’affaire et les politiciens. Il est connu de tous que certains politiciens qui n’ont pas de profession établissent leurs gangs dans ces quartiers et les soldats rançonnent la population et ces politiciens vivent de ces actes de banditisme qui rapportent gros. En contrepartie, ils assurent la protection des bandits. Quand ils sont arrêtés par la police, ils interviennent pour les relâcher. Depuis la création de la Police Nationale d’Haïti, le service d’intelligence des commissariats se servent des chefs de gang dans les ghettos pour se renseigner sur les activités dans les bidonvilles. Chaque commissaire de police a un fond qui n’est pas budgétisé qu’il peut utiliser à volonté pour payer des bandits qui sont des informateurs liés au commissariat. Sur les gouvernements lavalas, les chefs d’Etat savaient intervenir en personne pour relâcher des bandits notoires. Les gangs qui font parler d’eux est un aspect du vaste phénomène de gangstérisation. Et on doit dire que le phénomène de gang n’est pas l’apanage des bidonvilles, même dans les quartiers huppés, il y a des gangs spécialisés. On retrouve des gangs de kidnappings, d’autres qui se lancent dans le trafic de la drogue, des gangs spécialisés dans l’exécution des gens. Vous vous souvenez bien du gang de Clifford Brand, Sonson Lafamilia et Renel Le Récif. 

C’est malheureux que certains partis politiques rentrent dans cette logique de s’associer à des gangs pour le gain électoral. Certains sénateurs et députés influents ont leur gang. Il arrive que des sénateurs et des députés soient des chefs de gang eux-mêmes. Ces faits sont connus de l’Ambassade Américaine, mais elle s’en fout puisque les victimes sont des Haïtiens. Les ambassades étrangères ne disent rien sur ce phénomène de gangstérisation parce qu’ils font leur affaire. Pour des raisons personnelles, je ne vais pas citer le nom de certains gangsters qui sont connus et qui arpentent des stations de radio de temps à autre pour faire leur sale besogne. D’après vous, pourquoi la bourgeoisie haïtienne ne se sent jamais inquiétée, malgré les revendications répétées du peuple haïtien. Tout simplement parce qu’ils arrivent à contrôler les chefs de gangs qui sont à leur service. Depuis plus d’un an, Cité Soleil est devenu une zone vivable grâce à l’effort de certains ONGs dont Viva Rio et des notables de la zone qui ont pu faciliter le dialogue. Aujourd’hui, les jeunes de Cité Soleil sont plus intéressés à apprendre un métier et à trouver un boulot. Les massacres répétés des chefs de gangs durant la transition 2004-2006 et durant l’administration de René Préval II les ont dissuadés également. 

Chers compatriotes, pensez-vous vraiment que la PNH n’a pas les moyens pour faire régner la paix à Village de Dieu, Ti Bois et Grand Ravine ? La Police Nationale d’Haïti peut neutraliser les bandits, mais elle ne le fera pas puisque le directeur général de la PNH reçoit ses ordres premièrement des ambassades, deuxièmement de la bourgeoisie d’affaires et ensuite des dirigeants au pouvoir. Tous ces groupes ont leur intérêt dans la gangstérisation. Imagine que ce peuple des bidonvilles pouvait penser et réfléchir sur ses conditions matérielles d’existence et qu’il n’y avait pas ces bandits pour semer la terreur, ne pensez-vous pas qu’ils se révolteraient. Le président de la République sait qu’il ne peut pas atterrir, alors il gagne du temps, il donne des distractions au peuple. Et l’opposition cherche à emmerder le gouvernement en poussant ces gangs à terroriser la population. Il y a un aspect lucratif de la gangstérisation qui est assez important. A la fin des années 90 et au début des années 2000, dans certaines zones comme la Plaine du Cul de Sac, des gangs étaient armés pour forcer certains propriétaires à laisser leurs maisons et pour vendre à vil prix leurs propriétés et leurs terrains. Il ne faut pas oublier que les bandits légaux au pouvoir veulent investir dans le centre-ville et tout le périmètre allant de la Saline à Martissant. A entretenir des gangs et semer la terreur, ils poussent la population à se réfugier ailleurs

Ce qui est lamentable dans tout cela, c’est qu’il y a des experts en sécurité publique qui détiennent ces informations, mais ils ne peuvent dire rien puisqu’ils ne veulent pas mettre leur vie en danger. Depuis une dizaine d’années, nous travaillons avec des policiers pour mieux appréhender le phénomène de gangstérisation. C’est triste de le dire, mais vous trouvez des policiers qui sont partie prenante des gangs également. Chaque jour, je reçois des vidéos de gangsters qui paradent avec des armes lourdes, d’après vous, où est-ce que ces jeunes trouvent ces armes de guerre ? Les munitions ne sont pas gratuites. Pour semer la terreur pendant toute une nuit de 6 à 8 heures de temps, il faut au moins 3 à 4 mille dollars américains pour les balles, d’où est-ce que les bandits trouvent cet argent ? Personne ne pipe mot sur les armes qui entrent en Haïti dans les wharfs privés en contrebande. Les responsables de sécurité publique n’ont jamais mené des enquêtes pour savoir qui achètent ces armes et à quelle fin. Voilà l’Haïti dans lequel nous vivons. Le crime et le banditisme sont très bien organisés au pays. Certains jeunes sont illusionnés et croient qu’ils peuvent changer le pays avec de beaux discours. Il y a assez d’armes dans le pays pour tuer tous les Haïtiens. Et ce climat de terreur que nous vivons un peu partout dans le pays, c’est un fait voulu, car les élites de ce pays vivent de sensation et de crimes. 

Quand vous avez des connaisseurs comme l’ancien gouverneur Fritz Jean, l’économiste Eddy Labossière, Philippe Vixamar, ancien cadre de la BNC, vous ne pensez pas que ces gens à eux seuls auraient pu proposer des idées pour revitaliser l’économie nationale ? Ce n’est pas sans raison que Fritz Jean qualifie l’économie haïtienne d’économie de rente et il sait pourquoi on ne peut pas transitionner vers un autre système économique où la compétition et l’innovation puissent régner en maitre. La classe d’affaire ne veut pas de la compétition et ils sont contre les investissements directs étrangers et les investissements de la diaspora. Alors, qu’est-ce qu’ils font pour dissuader les gens de venir investir en Haïti, ils arment des bandits, ils installent des gangs armés un peu partout et ils sèment la terreur. Ceux qui sont capables et qui ne veulent pas vivre dans ces conditions exécrables s’exilent, et d’autres qui sont attachés à la terre d’Haïti et qui ne veulent pas partir gardent le silence. Les gens sont terrorisés. On peut mourir à n’importe quel moment en Haïti du phénomène de banditisme et de ganstérisation généralisée. Je me garde de parler de révolution avec quiconque en Haïti, car je sais que c’est une utopie pour le moment. Il prendra du temps pour arriver à l’Haïti nouvelle, et ceci ne se fera pas sans heurts et sans casses. C’est dur de le dire, mais c’est une vérité de la palice. Je n’écris pas pour faire plaisir à des individus ; j’écris pour dire la vérité et porter les gens, surtout les jeunes à réfléchir. 

Depuis un bon bout de temps, on ne parle plus du trafic de la drogue, et pourtant il est florissant. A chaque fois que je vois un Haïtien qui vit en dehors du pays prendre la décision de faire une visite en Haïti, je me demande bien est-ce qu’il va retourner. Il y a des jeunes, fils et filles d’immigrants haïtiens qui s’intéressent au pays, mais comment vont-ils entrer dans ce pays pour investir leur argent quand il y a une mafia qui contrôle tout ? Nous ne devons pas être naïfs. J’apprécie la fougue de certains jeunes qui croient au changement et qui mettent tout leur poids dans la balance pour que ce changement arrive, mais des fois, ils oublient qui sont les véritables ennemis et comment fonctionne la société haïtienne. Même ceux qui établissent ce climat de terreur, ils ont peur parce qu’ils ne savent pas quand un gang rival va les attaquer. La bourgeoisie haïtienne elle-même qui a le monopole de la violence est fragmentée. C’est la guerre des gangs au sein même de cette bourgeoisie. Malheur à celui qui est naïf dans ce pays. Quand je pense à ces belles têtes qui faisaient partie de la PNH qui, aujourd’hui sont soit dans l’au-delà, soit à l’étranger, je me demande comment ce pays va-t-il se relever s’il n’y pas une force externe capable de bousculer les bandits légaux et de les neutraliser. Je sais qu’il y a des gens qui n’arrivent pas à saisir ce que j’écris, mais au fur et à mesure, ils finiront par comprendre. Tout jeune, j’avais le sens de l’observation. Je prends du temps pour apprendre et pour comprendre. Pour lutter en faveur des déshérités de ce pays, il faut bien avoir du fiel et de la résilience. 

Je vis avec l’idée qu’un jour tout ce que nous vivons comme terreur et comme situation exécrable ne seront plus. Il y aura une Haïti nouvelle. Les bien-pensants doivent lutter pour former la masse critique. Maintenant que nous avons les réseaux sociaux, nous pouvons former les jeunes et les moins jeunes qui devrons assumer la relève tôt ou tard. Ayiti nou vle a pap ka fèt ak blofè. Ayiti nou vle a pap ka fèt ak moun ki fè richès yo nan sistèm peze souse a. Quand un Haïtien te dit que tout va bien, il faut penser à deux choses, soit il est fou, soit il fait partie de ceux qui contrôlent les gangs armés. En attendant la gangstérisation continue. Ne crois pas aux interventions de saupoudrage de la Police Nationale d’Haïti à la recherche de bandits. Ils savent comment les appréhender ; la PNH sait comment protéger les vies et les biens même quand il y a un problème de ressources. Mais, les élites qui nous dirigent ne veulent pas la paix, ni la vie pour tous dans ce pays. Que c’est triste ! Les Haïtiens doivent apprendre à prendre en mains leur destin. Même quand les élections sont truquées, mais le vote est l’un des moyens de prendre contrôle de l’appareil politique pour structurer l’économique et le social. Nous ne baisserons pas les bras. Nous encourageons ceux qui s’investissent dans le futur de ce pays de rester vigilants et sur leur garde, car les prédateurs sont un peu partout. Il y en a même qui prennent la posture de mouton. Notre secours et notre espoir résident dans cette phrase, oh combien significative : l’union fait la force. Que vive Ayiti !

Kerlens Tilus 

Kerlens Tilus   11/04/2018
Futurologue/ Templier de Dieu/ Ecrivain
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