Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Monday, November 11, 2013

Haïti 1937 ou la mémoire d'un massacre (Part 1)

Haïti à l'ère de Rafael Trujillo
Par: Herve Gilbert herve.gilbert@gmail.com
Dans cet article nous allons faire un bref compte rendu de ce qui était autrefois appelé en République Dominicaine, « l'ère Trujillo », ce dictateur dominicain qui avait ordonné le massacre de plus de 35,000 Haïtiens en 1937 dans ce pays. Nous commençons par une courte biographie de Trujillo et nous parlerons par la suite des causes et conséquences du génocide: cet événement honteux et brutal qui  lui a enlevé tout prestige dans le monde entier. 
Brève biographie de Rafael Leonidas Trujillo
Rafael Leonidas Trujillo
Rafael Leonidas Trujillo (1891-1961)fut un militaire et homme politique devenu Président dominicain (1930-1938 , 1942-1952) et véritable chef d'Etat de 1930-1961. Nous pouvons dire que le président Rafael Leonidas Trujillo, devint président après le coup d'Etat militaire qui a renversé le président Horacio Vasquez suite  au soulèvement populaire ayant eu  lieu à Santiago , le 23 Février 1930, dirigé par M. Rafael Estrella Ureña son allié et opposant de Vasquez. Trujillo subtilisa  l’héritage politique de  Rafael Estrella Ureña  et devint deux mois plus tard le militaire et homme politique devant prendre les rênes du pouvoir exécutif.
A 39 ans, Rafael Leonidas Trujillo était donc devenu le président de la République Dominicaine le 16 Août 1930, et d’un coup s'était avéré le véritable héritier de l'intervention militaire américaine. L'armée dominicaine était le mécanisme par excellence de sa répression et de ses assassinats dans le but  de maintenir la population sous son joug. Il avait un mauvais caractère et son sourire ressemblait plus à une grimace rarement imitée. Trujillo aimait la bonne chair, et quoique non friand de plats étrangers, il préférait la cuisine créole de première qualité. Il aimait danser aux sons de la musique folklorique. Il buvait beaucoup et souvent s’enivrait avec ses amis proches.
Causes et conséquences - Massacre des Haïtiens de 1937
Massacre des Haïtiens en 1937
Oui, c'est vrai, ça s'annonce très mal et se présente comme du déjà-vu: un plan nationaliste dans lequel une race ou un groupe doit achever  par la force  ou procéder  à l’extermination d'un autre groupe ethnique. cela a pour nom: la purification ethnique par des contingents armés. Il en résulta  des déportations, des exécutions et à la fin un épilogue écrit en petits caractères parlant du nombre impressionnant de 35.000 morts en seulement deux semaines.
Les causes du génocide commis par Trujillo le 2 Octobre, 1937 ont été expliquées de différentes manières par différents historiens , dont la plupart ont fait allusion  aux conflits frontaliers qui se sont produits dans le passé et qui pourtant apparemment avaient pris fin le 21 Janvier 1929 suite à la ratification  d'un traité fixant des limites conventionnelles entre les deux pays.
Le calvaire des haïtiens dans les bateys dominicains
Depuis plus d'un siècle les Haïtiens  pénétraient sur les terres agricoles abandonnées par les Dominicains au temps de la Première République. Beaucoup d' efforts ont été déployés dans le XIXe siècle pour parvenir à un accord avec Haïti. Il n'a jamais été possible de clarifier la question des limites frontalières. Au cours du  traité de 1874, suite aux négociations, certains droits avaient été accordés aux Haïtiens vivant sur des terres précédemment revendiquées par les Dominicains . Entretemps, au début du XXe siècle , une tentative avait été faite pour parvenir à un règlement sur ​​les limites de la frontière, ce qui a pu  être finalisé en  1929, sous le gouvernement de Horacio Vásquez . Mais bien qu'ayant signé le 21 Janvier de cette année, ce traité sur les limites frontalières ne portait pas sur des dizaines de milliers d'Haïtiens qui y vivaient et qui travaillaient comme ouvriers dans l'industrie sucrière ou comme domestiques dans les maisons de la famille ou les agriculteurs et les petits commerçants dans le sud et dans le nord-ouest près de la Frontière.
Ces difficultés s’ajoutaient  à d'autres causes politiques : le président dominicain Vasquez  avait été renversé en 1930, et du côté haïtien , la révolte étudiante devenue  un mouvement puissant  avait chassé du pouvoir le 15 mai de la même année le  Président Louis Borno. 
Parmi les différents facteurs qui avaient conduit au massacre de 1937, on peut citer une aspiration majeure de Trujillo de "blanchir la frontière". Il voulait aussi annihiler des bastions de l'opposition qu'il croyait être dans les zones frontalières et qui, selon lui, cherchaient aussi à s'accaparer de la République Dominicaine.
Le président Vincent  accompagné du ministre E.Lescot
visitant Trujillo en 1935.
En Novembre 1934, Trujillo avait visité Port -au-Prince , et en Février 1935, Vincent lui rendait la visite en République Dominicaine. Durant cette dernière visite un accord avait été conclu en rapport avec ces conflits. Dans cette même alliance avec le président Lescot,  Trujillo avait pris la décision de ne pas publier ou de diffuser à travers des  médias dominicains  dans le pays, des commentaires racistes pouvant offenser Haïti  et son gouvernement. Entre autres, il avait été décidé que la République Dominicaine céderait  les régions que les Haïtiens avaient occupées pendant de nombreuses années , et pour consolider cet accord  il était conclu que la façon de résoudre  ce problème une fois pour toutes était de construire une route internationale dont l'axe  " servira de démarcation entre les deux Etats. "
Président Sténio Vincent et
Président Trujillo en 1934
.
Cependant , Trujillo signa le 9 Mars 1935 un autre traité avec le président haïtien Sténio Vincent dans lequel certaines clauses signées en 1929 avaient été abrogées. Cependant les accords signés au cours du siècle, comme dans le passé,  n'ont pas empêché la pénétration des Haïtiens en République Dominicaine où même leur monnaie circulait, comme  dans le Cibao et au sud de Azua. Mais il y a de ceux qui veulent faire croire que Trujillo  a commis le génocide haitien en vue  de «purifier» la race Dominicaine près de la frontière  dominicaine .
Cependant, il y a de bonnes raisons de croire que les causes étaient dûs à des revendications du tyran de mettre sous sa domination la République d'Haïti comme en témoignait sa tentative de corrompre à ces fins le général Calixte, commandant de la Garde d’Haïti d’alors,  ainsi qu’ Elie Lescot  le président d’Haiti. Mais on ne doit pas oublier un autre facteur: la pulsion xénophobe envers les Haïtiens entretenue  par l’extrème droite dominicaine qui prônait la haine contre les immigrés haïtiens et voulait aussi se venger de l’occupation de la Dominicanie par le gouvernement de Boyer.
Le massacre avait formellement commencé dans la nuit du 2 Octobre 1937, quand le tyran arriva à Montecristi  où il avait  été informé d’une rumeur  qui laissait croire que d’ imminentes arrestations et exécutions de ses alliés en Haïti  allaient se produire.
Un camion militaire dominicain transportant un groupe de réfugiés
 haïtiens.                                                                                            
A noter que ce génocide est aussi connu  aussi sous le nom de  massacre de *Persil , un terme que les massacreurs demandaient aux victimes de prononcer pour savoir si elles pouvaient le faire avec un accent créole ou un accent dominicain, une astuce qui aurait été conseillée par le président dominicain Rafael Trujillo lui-même. Ce dernier a ordonné à ses troupes de procéder à l'extermination de masses de gens d’origine haïtienne résidant sur le territoire dominicain, en particulier dans les exploitations agricoles situées le long de la frontière entre la République dominicaine et Haïti. Le massacre s’est propagé à Samana et dans la zone occidentale de Cibao et était réalisé avec des couteaux, plus précisément des machettes,  pour donner ainsi l'impression qu'il s’agissait d’une émeute entre les Haïtiens et les paysans dominicains. L’acte de Trujillo paraissait  inexplicable aux yeux des observateurs,  puisqu’il entretenait  des relations apparemment cordiales avec Haiti depuis 1933. Notons en passant que Trujillio facilitait l’immigration d’Europe de populations à peau blanche en Dominicanie, particulièrement des émigrés juifs dan le cadre de ses tentatives de blanchissement de la population dominicaine, allant même jusqu’à  chercher à expatrier des dominicains de race noire.
Le génocide avait été exécuté par l'armée avec des criminels de droit commun libérés à ces fins, avait débuté dans les derniers jours de Septembre 1937, et s’était poursuivi avec force jusqu’au mois d’Octobre .Pendant près de deux semaines, ils  avaient tué plus de 30 mille personnes , hommes, femmes , personnes âgées et enfants de tous ages.
Trujillo et les élections 1938
Cependant , le génocide commis contre les Haïtiens  avait  reçu une condamnation internationale qui a empêché Trujillo  de se présenter comme candidat  à l'élection générale de 1938. Le massacre des Haïtiens, populairement connu comme « la coupe »provoqua un scandale international qui obligea Trujillo à négocier avec le gouvernement d'Haïti  un accord par lequel le gouvernement dominicain  s’engagea à  payer à l’Etat haïtien une indemnisation pour les victimes. Mais cette action a permis aussi au régime de Trujillo de consolider son maintien au pouvoir avec un gouvernement  basé sur la terreur.
La dictature de Rafael Trujillo était considérée comme
l'une des plus sanglantes  en  Amérique.

Le tyran  a fait comprendre qu’il démissionnait le 8 Janvier 1938 de ses fonctions et ne pouvait pas se  porter candidat à la présidentielle de 1938, mais a soutenu Jacinto B. Peynado et Manuel de Jesus Troncoso, respectivement comme président et vice-président . Et le Parti dominicain corrobora cette décision dans le même sens par la suite en annonçant au  public que durant la convention du parti le 28 Février  1938 il avait choisi le binôme Peynado -Troncoso. La farce électorale a été montée et le Parti dominicain, comme prévu obtint une deuxième victoire " écrasante "  Mais en 1942, Trujillo reviendra au pouvoir qu’il occucupera jusqu’à la date du 31 mai 1961, jour de son assassinat commis avec la participation directe ou indirecte de la CIA, selon des informations ayant par la suite circulé dans les médias. Car, le dictateur devenait un embarras pour les Etats-unis surtout après l’assassinat manqué du président  vénézuelien Romulo Betancourt.
La consolidation du pouvoir
Le massacre des haitiens, en termes économiques, était avantageux  pour le gouvernement dominicain, car il avait provoqué la hausse des prix des produits de base dans le pays. Ce qui  avait permis à Trujillo de faire une bonne réserve d'argent pour prendre des mesures importantes.
En 1946, il fit face de nouveau à des mouvements d’oppostion dirigés par le Parti socialiste et la Jeunesse démocratique populaire , mais ces mouvements ont été écrasés plus tard avec ses méthodes habituelles de terreur à travers le pays. En Juillet 1947,  Trujillo paya aux Etats-Unis le montant de la dette extérieure s'élevant à la somme de $ 9. 271.855,55 cents. Il créa ensuite la monnaie nationale portant les effigies des  fondateurs de la nation  Duarte, Sanchez et Mella .
La croissance économique et la monopolisation 
La dictature de Trujillo connut une croissance économique en raison de la politique de change dans les importations et le processus d'industrialisation ayant augmenté après la Seconde Guerre mondiale avec l'installation des industries des aliments, du ciment , des boissons et autres.
Trujillo  accueillant le nouveau
président haïtien Paul Magloire
à Santo Domingo en Février 1951
L'industrie sucrière fut également développée en vertu des bons prix acquis  depuis 1947, ce qui poussa Trujillo à créer avec intelligence des usines sucrières dans le pays, telles :la centrale de Catarey à Villa Altagracia en 1948, et quatre ans plus tard, en 1952, a acheté l’usine Edwin Kilbourne Monte Llano, à Puerto Plata.
Trujillo a poursuivi sa politique de monopolisation du sucre à partir des entreprises étrangères. En 1953 il acheta l’usine Ozama détenue par des Canadiens , l’Amistad” qui appartenait à des  Portoricains et  “Porvenir” à la famille Kelly.
La situation de la République dominicaine vers l’année 1954 était assez bonne, les exportations avaient augmenté et les importations considérablement diminué . En effet, les importations s’étaient élevées à 79 millions de dollars, tandis que les exportations furent dans les 112 millions d'euros.
Trujillo a réalisé ses désirs en prenant en charge la quasi-totalité des usines en 1955 quand il acquit Barahona , (consuelo), Quisqueya , Boca Chica, Las Payas, et le Santa Fe pour un total de 39 millions de dollars .
En 1947, quand Trujillo paya la dette nationale et créa la monnaie nationale, il  était l'homme le plus riche du pays. Propriétaire des entreprises , des usines , des fermes et autres entreprises , son pouvoir sur la population dominicaine était totale. Et il représentait aussi l'armée de la nation. Jamais auparavant dans l' histoire du  pays - et sur le continent américain - un homme avait concentré entre ses mains autant de pouvoir que Trujillo.
Général Antonio Imbert, 90 ans, était l’un des 7 hommes qui
ont tendu une embuscade et tué Rafael Trujillo le 30 Mai 1961.
 50 ans après, en se rhabillant de son costume  militaire            
 déclarait: J'ai tiré le plus cruel dictateur en Amérique...        
Il prônait le culte de sa personnalité.  La capitale de la République portait son nom, ainsi que des rues, des routes, des écoles, des navires de guerre, des ponts, des canaux d'irrigation , les provinces , les avenues et des bustes à son image ornaient tous les lieux publics et les édifices gouvernementaux . Son égoïsme avait grandi sans limites et il s’affubla du titres de généralissime, Bienfaiteur et père de la nouvelle patrie.
Les forces armées composées de l'armée, de la marine et la force aérienne , efficace et disciplinée , avaient considérablement augmenté, et leurs rangs ont été intégrés par des jeunes gens de tous les secteurs sociaux du pays, mais aussi de jeunes venus principalement de villages de l'intérieur ayant fini leurs études au lycée.
A suivre ….
*Le nom  "Perejil"  constituait à identifier des dominicains d’origine haïtienne  ou des Haïtiens dans la population noire et mulâtre dominicaine dans la région frontalière où la police de Trujillo  les exigaient à prononcer le nom de la plante persil en espagnol (perejil). Comme la langue créole parlée par ces derniers  ne considéraient pas la prononciation douce de la lettre "R" (en haïtienne mot de persil créole traduit par « pèsil» et en français « persil ») , ainsi la police dominicaine avait-elle une méthode apparemment facile pour cibler les victimes haitiennes aux fins d’exécution.

J'ai rédigé cet article en me référant à plusieurs sources médiatiques crédibles en provenance de la République Dominicaine et avec l'aide de Carl Gilbert à l'édition.
Cet article peut-être partagé, recopié ou reproduit dans son entier sur votre site, votre page des médias sociaux ou autres médias disponibles, mais crédit doit être donné en plein à Haiti Connexion Network, à l’auteur, à l’éditeur avec leurs noms et courriels tel que publiés au bas de cet article.

Rédaction : Herve Gilbert herve.gilbert@gmail.com
Edition : Dr Carl Gilbert cggilb@yahoo.com 


5 comments:

  1. Les dominicains ne sont et ne seront jamais nos amis. S'ils pouvaient détacher physiquement leur partie orientale de l'île, ils seraient prêts à payer n'importe quel prix.

    ReplyDelete
  2. Haïti qui grogne souvent contre la colonisation et l'esclavage se trouve présentement dans la situation de l'ancien occupant. Complètement enfermés dans leur logique victimaire, les Haïtiens ne comprennent pas que leurs voisins puissent leurs reprocher d'avoir été des bourreaux. Je trouve cela assez cocasse d'un point de vue

    ReplyDelete
  3. Le massacre de1937 a eu lieu dans les parages de la rivière Massacre.La rivière Massacre, appelée aussi rivière Dajabón par les Dominicains, est un cours d’eau international, c’est-à-dire un cours d’eau « dont les parties se trouvent dans des États différents », selon la définition de la Convention des Nations unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation de 1997.
    Effectivement, si la rivière Massacre prend sa source dans le Pico del Gallo, dans la Cordillère centrale dominicaine à 1 205 mètres d’altitude, elle sert de frontière entre les deux pays peu avant d’arriver à Dajabón (en face de Ouanaminthe). Elle atteint la mer dans l’embouchure de la baie de Mancenille après avoir parcouru une distance de 55 kilomètres. Son débit moyen est de 5,34m3 par seconde selon une étude de l’armée américaine en 1999. Son bassin couvre une superficie de 380 km2, desquels 150 km2 dans le territoire haïtien et 230 km2 dans le territoire dominicain. Ses principaux affluents du côté haïtien sont la rivière de Capotille et la rivière Gens de Nantes
    PDeliscar

    ReplyDelete
  4. Good job ! Very informative!👍

    ReplyDelete