Haïti
Connexion Culture ne sait comment s’excuser de cet impair commis avec la perte
d’un électrisant texte de Max Dorismond (soumis le 23 octobre 2019) commentant l’arrivée du livre du Dr Jean.
Mathurin, « De Jacmel à Montréal - Au gré des souvenirs du passé ». Le
texte a été retracé dans nos archives.
Les
vicissitudes de la vie, le hasard des choses, peuvent nous jouer des tours et
détours bien malgré nous. Quel impair avons-nous commis, face à ce
collaborateur hors du commun, qu’est le Dr Jean Mathurin, qui ne rate jamais l’occasion
de commenter presque toutes les meilleures nouvelles et trouvailles du Web,
avec passion, élégance et objectivité. Avec réalisme, notre « grand Max », le
bien nommé, a trouvé des mots justes et percutants pour résumer cet écrin de
souvenirs qu’est « De Jacmel à Montréal ».
Comme le
temps file à toute allure, demande-lui simplement de suspendre son envol pour
stopper l’aiguille sur le résumé annoncé tout en présentant l’ouvrage tant
attendu aux lecteurs.
Hervé
Gilbert
Souvenirs…
souvenirs… Jean Mathurin se dévoile.
Par Max
Dorismond
Partir pour
l’exil et jouer sa vie à pile ou face! On se souvient tous de ce dernier regard
jeté furtivement par-dessus l’épaule pour immortaliser, une dernière fois, ou
mieux, pour enregistrer sur la virtuelle pellicule de la mémoire, notre
histoire particulière et personnelle avec ses pointillés. Tous, dans la
diaspora, nous avons encore en tête cette ultime seconde, plaintive et muette,
impossible à traduire dans aucune langue, pour décrire notre état d’âme, à ce
moment précis de laisser définitivement, pour le meilleur ou pour le pire, la
terre qui nous a vu naître.
Au pays
d’accueil, une cassure s’opère et le temps commence à faire son œuvre de sape.
Les hivers s’accumulent, lentement les jours passent et repassent. On s’acharne
à butiner comme une abeille pour ériger la base de notre nouvelle vie quand,
soudain, notre progéniture née au pays d’adoption manifeste le désir de
découvrir le passé de leurs géniteurs.
En effet,
dans son innocence immaculée, le fils découvre qu’il lui manque un atome. Le
désir de combler ce vide sidéral ne fait qu’un tour dans sa tête. Il se
questionne inlassablement. Car, il existe un côté de ses parents qui demeure
dans l’ombre, soit leur antécédent vécu dans un ailleurs qu’il ignore
royalement. Une antériorité qu’il insiste à sortir, coûte que coûte, dans
l’angle mort du débat identitaire, pour sa plénitude émotionnelle, affective et
spirituelle. Et ses questions lancinantes nous interpellent profondément.
En fait,
nulle diaspora n’y échappe. C’est exactement, cette touchante requête de son
fils unique, Patrick, avocat de profession, qui a exhorté notre ami, le Dr Jean
Mathurin, à rédiger, malgré lui, ce livre tant désiré, cet opuscule intitulé « De Jacmel à Montréal – au gré des souvenirs du
passé », dans lequel il expose, pour la première fois, ses réminiscences
laissées sur les contreforts de Jacmel, en guise de cadeau au cher héritier.
C’est un
recueil élégamment élaboré, un pur délice, que le public attendait depuis un
certain temps. En commentateur avisé, Mathurin nous entretient quotidiennement,
sur son blogue, de tout sur l’actualité présente ou passée. Sa passion de dire
et de résumer nous apporte chaque jour un brin de fraîcheur dont on ne saurait
se passer. Nous le retrouvons aujourd’hui avec son livre, dans la description
et dans l’évocation d’une période révolue, à titre de marqueur identitaire.
Dans un
style d’une simplicité désarmante, on eût dit qu’il vit encore les évènements
décrits, tant son récit palpitant et vivant vient nous chercher dans notre
recoin le plus profond. De sa naissance accidentelle, de la vie quotidienne des
femmes qui l’ont élevé, de la division érigée en système, et des péripéties
idiotes de la microsociété jacmélienne, Mathurin n’a rien négligé. Il nous
prend par la main et nous emmène en promenade dans Jacmel et Port-au-Prince,
avec des mots d’une autre époque, qui rime avec le calme ambiant et la
curiosité d’un enfant surdoué. Rien n’est laissé au hasard, jusqu’à l’âge adulte
: ses études de médecine, ses lettres à Sylvie, sa chère moitié, partie étudier
au Canada, son exil, son mariage et la naissance de Patrick, etc. C’est un
ouvrage qui se lit d’une traite, presque comme un roman d’aventure. C’est un
pur délice. Du bon Mathurin!
Ce qui
émerge pour notre bonheur dans le récit de Mathurin, c’est le caractère
particulier de la vie provinciale. Ayant laissé Haïti à une époque où nous ne
pouvions même pas oser penser à jouer au touriste local, c’est à l’étranger que
la diaspora a pu découvrir le charme des provinces de chez nous. À bâtons
rompus, au hasard des rencontres, ou dans quelques écrits épars, certains
nostalgiques nous entraînent parfois dans les méandres de leurs souvenances les
plus chères, abandonnées çà et là dans leur coin de paradis. Vision idyllique,
certes, mais plaisante pour notre esprit orphelin qui n’en demande pas plus.
Mathurin nous l’offre à satiété, en nous faisant découvrir une destination
captivante qui nous était étrangère.
Certains
pensent que cette littérature provinciale serait très bienvenue en diaspora.
J’y souscris, car, sur tous les plans, elle serait utile par son côté
pittoresque, touristique, culinaire, coutumier et, plus encore, au niveau
politique, par exemple.
Pourquoi
politique? En effet, ayant l’histoire en partage, nous avons surtout connu les
crimes majeurs qui ont défiguré la capitale durant le règne des Duvalier. Mais
les abus dans ces provinces éparpillées, les petits crimes oubliés, ni vus, ni
connus, dans ces coins reculés, les gestes déshumanisants de certains macoutes
ou militaires imbéciles, seraient inscrits définitivement pour l’éternité et
pour l’histoire sur le Web afin que nul n’en ignore.
Docteur
Mathurin a brossé sincèrement et succinctement un pan de ce mal qui avait
endeuillé sa belle province. Rares sont ceux d’entre nous qui n’avaient pas
connaissance d’un camarade emportés durant cette angoissante époque, par cette
folie innommable de ce temps maudit et que l’histoire semble négliger. Face à
ce passé qui se perd et s’étiole, nous sommes condamnés au devoir de mémoire.
Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca
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