Jérémie, la cité des poètes |
Par Mérès Weche
Jérémie ne démérite pas d’être la ville des Dumas, car les Trois Mousquetairesː Athos, Portos et Aramis, y ont vraiment existé. Quand on dit que les vrais poètes et écrivains sont des mages, il y va de la magie de leur créativité, et non d´une quelconque science occulte qui les place dans une caste sacerdotale ou savante, comme celles de l´Orient ancien. Par “magie“, chez le poète et l´écrivain, il faut entendre cette portée souvent prémonitoire de son œuvre.
Par
filiation génétique, Thomas Rétoré Alexandre Dumas, communiqua dans le sang à
ses fils et petit-fils ce courant d’air de la Guinaudée qui, aujourd’hui
encore, souffle dans l´âme des Grand-Anselais qui jurent par tous les dieux du
Paradis des Indiens de perpétuer le destin poétique de leur mère-ville,
Jérémie.
Cependant, à
ce propos, chers lecteurs et lectrices, ne pensez pas que les trois
mousquetaires dont je parle, ce sontː Vilaire, Brierre et Roumer ; ça rime
bien, c’est vrai, et Lescouflair ferait aussi l’affaire. Mais non. Ces genres
d’oiseaux dont il est question ici ne portaient pas de “plumes“ ; pour bien
dire, ils n’étaient pas des écrivains. D’ailleurs, ceux d´Alexandre Dumas ne le
furent pas non plus. On les connaissait comme trois braves gars qui s’étaient
liés d’amitié avec le Gascon d’Artagnan pour former un corps de combat face à
l’aristocratie française de leur temps. Ces quatre hommes allaient s’opposer au
Premier ministre, le cardinal Richelieu, et à ses agents, dont le comte de
Rochefort et la puissante Milady de Winter, pour sauver l´honneur de la reine
de France Anne d’Autriche. Tout ça appartient au domaine de la fiction, et à un
passé très éloigné.
Mérès Weche, auteur |
Ces
mousquetaires dont je parle aujourd’hui étaient réels dans la ville de Jérémie
; ils n’appartiennent pas au monde des films
de cape et d'épée d´Hollywood, mais à celui du bec et des ongles
de la vie de tous les jours. Si dans l’imaginaire de l’écrivain Alexandre
Dumas, ses trois mousquetaires représentaient l’antithèse de la bourgeoisie
française du XIXe siècle, ceux réels de mon temps à Jérémie, qui avaient
pour noms Antoine Jean, Robert Bijoux et Stilien Dinac dit Titi, honoraient la
classe moyenne de leur ardeur au travail. J´ai vécu à l’ombre de Titi, mon
parrain, par alliance, dans cette maison de bois au Carré-Marché, d´où je
regardais rouler le patin les deux amis, Syto
Cavé et Bobisson
Large, par temps de congé scolaire ou en week-end. Ils sont tous deux
devenus poètes, ayant converti tous deux leur patin à roulettes en tablette
d’écriture. Je dis hourra pour ces deux éminents créateurs nés à Jérémie.
En effet,
tous les personnages de la société parisienne auxquels s’opposaient en fiction
d’Artagnan, Athos, Porthos et Aramis, existaient en vrai à Jérémie, de mon
temps. Si le Père Dodo incarnait Richelieu, comme l’éminence grise, en soutane
et au “borling“, du duvaliérisme régnant, le Saint-Ange, à Rochasse, c’était le
comte de Rochefort, qui n’avait de compte à rendre à personne dans la ville.
Quant à la très puissante Sanette Balmir de "Kòtfè",
c’était l’incarnation de Milady de Winter; tous trois rendaient réelle cette
part de prémonition dans l´œuvre d’Alexandre
Dumas. J’allais oublier Ti-Amélie,
la statue-égérie de la ville, à laquelle les trois mousquetaires, Robert,
Stilien et Antoine, vouaient un culte sacré, comme le faisaient Athos, Portos
et Aramis, à l’endroit d’Anne d’Autriche. Le quatrième personnage qui, lui,
symbolisait d’Artagnan, c’était Prosper Auguste, déjoÏste comme eux, qui se
servait de l´arme de la dialectique, dans les rangs de ses trois confrères,
luttant, bec et ongles, pour ´honneur de la classe moyenne jérémienne.
Mérès Weche
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