Une partie d'un container d'armes saisies à Port Lafito à Port-au-Prince ce mois de Juin 2020. |
Par
Max Dorismond
Je ne suis pas devin, mais
je demeure avec une impression de déjà vécu. Un relent du passé m’interpelle et
me chicote. Je revis par transposition, comme dans un rêve, les révoltes
passées qui avaient conduit à notre délivrance, en 1804.
Un peuple affamé, qui patauge
jusqu’au cou dans une misère innommable, vit quotidiennement à la merci
d’éventuels samaritains miséricordieux. Il lui manque l’abécédaire de la
survivance : l’école, les soins médicaux, la nourriture, l’habitat,
l’affection. Nu et misérable, la rue est son royaume et il n’a que l’air et le
soleil comme toutes richesses.
Étant démuni, point de
fine bouche avec le premier emploi offert. C’est ainsi qu’il se métamorphose,
du jour au lendemain, tantôt en garde du corps, tantôt en agent de sécurité
pour les nantis, pour les politiciens malfaisants1 du pays, et autres barons de la place. Aujourd’hui,
on l’a transmué en homme de main au bénéfice des voleurs à cravate, des bandits
en Mercedes-Benz, des politiciens opportunistes, ou des crapules aux 400 coups.
L'ex policier de la PNH Jimmy Chérizier alias Barbecue con
verti en Chef de gang montre son hablité à dégainer deux armes
automatiques.
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Pour qui sonne le glas?
Un jeune Haïtien inquiet a écrit sur Twitter le
24 janvier 2020 : « J’hésite entre acheter un cercueil ou un
visa. Je ne vois aucun espoir : voir le soleil se lever est un rêve
et, lorsqu’il se lève, le voir se coucher est un exploit2. »
Sacré dilemme! Des armes
de tout calibre sont en circulation. Le dernier container rempli d’équipements
de guerre jusqu’au plafond, saisi à Port-Lafito, en cette fin de juin 2020, en
dit long sur le futur d’Haïti. Qui prépare quoi? C’est la question qui enlève
le sommeil.
Pour impressionner le
contractant, marketing et concurrence obligent, les chefs, par orgueil
identitaire, s’affublent de noms à faire tressaillir l’étranger. Des titres,
propres à défriser les cheveux crépus, stigmatisent. Citons : Gang Ti Gé, Gang
Pôt-Lenfè, Gang Ti Lapli, Gang Kokorat, Gang Barbecue, Gang Kilicou, Gang
Koupésec, Gang Innbal-Alatèt, Gang Pesé-Soucé, Gang FRAPH, Gang Grainn-Sonnin, etc. Cette dernière nomination
a été traduite en français par les loustics en « Testicules Sonnants ».
Leurs atrocités immortalisées sur vidéos ne prêtent point à équivoque.
Messieurs, les tireurs de
ficelles, les marionnettistes de tout acabit, je vous l’annonce, le carillon de
ces testicules musicaux vous fera fêter Noël en juillet, le jour venu. En
attendant, la nation se croise les doigts.
Un danger insoupçonné
guette la nation entière.
Du temps de l’esclavage, quand
le statut du Nègre n’était pas différent de celui d’un animal, certains
intérêts avaient armé plusieurs d’entre eux à des desseins autres que de les
libérer. Ainsi, possesseur d’un fusil, l’esclave a développé des réflexes de
survie. En formant sa propre bande, il déferla sur ses exploiteurs et commença à
se venger. Plus tard, mieux entouré et mieux organisé, l’Angleterre l’a utilisé.
Ensuite vint le tour de l’Espagne et, plus tard, celui de la France.
Rusé et intelligent, aguerri
et expérimenté, il a joué le jeu de l’idiotie, et parvint à flanquer à la porte
du pays les trois meilleures armées du monde de l’époque, pour diriger
Saint-Domingue en maître et seigneur. Le temps pour les trois puissances coloniales de dire ouf,
il était trop tard. Cela leur a appris, du haut de leur arrogance, à
sous-estimer la force, l’intelligence et la perspicacité des miséreux sous le
poids de l’injustice.En réalité "chen grangou pa jwe"
Ce résidu d’archaïsme,
historico-social, a été souligné pour écarquiller les yeux de certains prédateurs
de chez nous, pour leur demander simplement : Et si, par hasard, vous
vous étiez trompés d’histoire! Têtus, fantaisistes et avares, vous jouez
avec le feu, pensant que vous aurez toujours le dernier mot. Car, dans votre insolence
crasseuse, vous vous faites à l’idée que ces jeunes affamés, pauvres, ignorants
et sans avenir, seront toujours à vos ordres, tant le parfum du dollar vert excite.
Vous avez perdu le nord, Amis! Anglais, Espagnols et Français se berçaient de
cette même illusion. Ils ont été déculottés, humiliés, et retournés à leurs rois.
Pour être plus concis,
vous n’avez jamais pensé qu’un de ces quatre, un Ti Gé, un Kilikou, un Arnel
pourraient s’unir et monter à l’assaut du Palais, l’objet de votre obsession, en
s’emparant de la présidence du pays, avec leur clique? Et un certain lendemain,
vous vous réveillerez avec un président Koupésec, un Premier ministre Kilicou,
en plus d’un général Testicule-Sonnant. Des analphabètes nullement bêtes! Vous
n’y avez jamais pensé ?
Hier, au XVIIIÈme
siècle, les chefs de bande ou insurgés, tels les Sans-Souci, les Sylla, les Macaya, les Madougou, les
Va-Malheureux, les
Petit-Noël Prieur3,
et plus tard, au XXÉme siècle,
les chefs des Cacos, des Piquets, victorieux, remettaient toujours la clé du
pouvoir à leur commanditaire, le plus souvent, un gradé de l’armée. Aujourd’hui,
en 2020, la donne a changé. Adieu marionnettistes! L’heure est venue, pour les
nouveaux dieux, de se servir eux-mêmes à l’hydromel national qui fait tourner
toutes les têtes.
Eh bien, ce jour n’est pas
trop loin. Le Kokorat est né ange. C’est l’autre qui l’a métamorphosé en monstre.
Au crépuscule du jour choisi, quand il en aura marre de vivre sur le fil du
rasoir, avec le sifflement de la mort à ses oreilles, il changera son nom, son
titre, et la nation le saluera.
Dans votre aveuglement et dans
votre présomption maladive, vous allez, comme toujours, compter sur le concours
de la communauté internationale pour votre protection. Vous vous êtes trompés de
romance. Cette dernière, pour une fois, vous laissera en plan. Car, elle en a
marre de votre attitude de prédateurs indomptables dans l’exploitation maximale
des plus pauvres et de la déstabilisation du pays où chacun tape sur la
margoulette de son frère pour un morceau de Palais.
Un bandit opérant son M50 , une mitraillette de longue portée
D’ailleurs, l’unique
raison qui l’associe encore à Haïti, c’est l’orgueil de tenir les communistes
et les socialistes à distance de son arrière-cour. Elle n’en a cure de son
développement et de sa sérénité. Mais, bêtement, vous avez confondu désir et gloutonnerie.
Par dépit, elle reconnaîtra la présidence d’un « bandit légal »,
juste pour qu’on vous immole sur le bûcher de l’avarice et de la vanité. Car
vous êtes la disgrâce personnifiée, qui a perdu la tête devant les espèces
sonnantes et trébuchantes, en évoluant sans une once d’humanité, vous emparant
de tout pour vous et votre clan, sans penser aux éternels damnés de la terre
d’Haïti.
Par réflexe stratégique,
vous allez procéder, comme les anciens colons, jusqu’à corrompre vos bourreaux.
Il sera déjà trop tard. Ils n’auront point besoin de votre fric. Leur
satisfaction, c’est de voir votre tête rouler à leurs pieds. Ce sera la
revanche des déshérités devant le tribunal de l’histoire pour avoir trop
souffert de vos malversations. La présidence sera leur. Inscrivez cela dans
votre agenda!
Note
1
– Il y a des politiciens qui n’en ont cure de cette protection. Ils vivent
aisément en remplissant les devoirs relatifs à leur charge. Il y en d’autres
qui se déplacent comme le Pape à Rome.
2 - Source : Journal La presse (Montréal)
– Haïti pays de gangs (Nancy Roc). (1er Fév.2020)
3
– Source : Ardouin – Étude sur l’histoire d’Haïti. Tome 5. Page 257
Max...souhaitons que votre prophétie ne se réalise point.
ReplyDeleteMais j'avoue que c'est le propre de l'histoire de se rééditer.
Déjà ...je vois les colons de toujours pécher par excès d'optimisme, à l'idée qu'ils seront les éternels gagnants. Mais qu'à cela ne tienne. Connaissez-vous un seul esclave qui ne rêve de devenir à son tour le maître du grand jeu ? Tel est pris qui croyait prendre, écrivait Merlin. Malheur aux vaincus ,disaient les Romains.
tienne ( Jean Rico Louis ) 3 juillet 2020.
ReplyDeleteAlors Max, on aura 3 bandits de suite comme président.
ReplyDeleteExcellente réflexion, ce regard aérien ne saurait tenir compte du relief accidenté de ce terrain justement miné depuis la colonie avec des techniques de domination et des explosifs invisibles le rendant imprévisible par la futurologie. Certaines actions organisees des captifs et des subalternises sont souvent patronnees ou manipulées par des forces réactionnaires qui jouent la carte de la survie. Ce ne sont pas des faits naturels, pagen la fimen San dife, la fragilité de telles structures les rend éphémère et elles vont éclater par leurs propres chefs dans un proche avenir. N'ayez pas peur, aucune chance pour que cette prophétie soit accomplie.
ReplyDeleteTRIBUNE DE LIBRE OPINION
ReplyDeleteLe pays a déjà eu un bandit légal à sa direction et alors pourquoi un chef de gang ne peut pas aussi avoir sa chance ? D'autant plus dans ce pays, ce sont les gangs qui continuent à mener le bal. Quel triste destin pour Haïti, qui malgré son illustre et brillant passé, est traitée aujourd'hui comme un pays paria ! JM
Mon cher JM
DeleteVous êtes le troisième à voir le pays sous cet angle. Un commentaire inscrit par un lecteur en dessous du texte en fait mention aussi. Une vision qui m’avait totalement échappé, oubliant, par naïveté, que l’habit cache parfois le moine et le monastère. Et moi qui pensais mettre en garde la nation contre de telles velléités. Malheureusement, le ver était déjà dans la mangue. Ce qui signifie: Il est presque trop tard. Quelle tristesse pour notre pauvre pays!
Merci de m’avoir ouvert les yeux
MaxD
LA RÉCIPROQUE POURRAIT-ÊTRE AUSSI VRAIE QUE :
ReplyDelete"Il n’est pas loin le jour où un Citoyen, une citoyenne patriote ou un Groupe de Citoyens/citoyennes concernés et déterminé offrira ailleurs que Port-au-Prince, un modèle de développement qui donnera l'espoir à la nation et montrera la voie à suivre à notre population en quête d'un lendemain meilleur, d'une façon de faire et d'une façon de vivre décente et moderne fonctionnant à l'instar des pays développés et fonctionnels de la planète "Terre".
Nous pouvons changer nous-mêmes le cour de l'histoire à notre avantage collectif.
Serge (SPP pour les intimes et fanatiques).