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Saturday, March 10, 2018

Crime Organisé – Un permis d’escroquer à « visage d’État »


Par Max Dorismond

Lorsqu’on annonce un changement de gouvernement, chez-nous, comme des chiens fous, nos congénères se cherchent, se démènent et se découvrent pour ne pas rater, pour rien au monde, le prochain train. C’est le pire scénario qui puisse s’opérer sous leurs yeux s’ils ne  peuvent obtenir un billet pour le nirvana. Qu’il pleuve ou qu’il tonne, quel que soit leur passé ou l’épaisseur de leur dossier criminel dans la mémoire collective, il leur faut trouver le bon passeport, quitte à danser un dernier « konpa1 », direct avec le diable. En pastichant Voltaire, j’ajouterai que « La politique est l’unique moyen pour des hommes sans principes de diriger des hommes sans mémoire ».

Me Claudy Gassant
Ancien Commissaire du gouvernement de P-au-P
.Trouvant la clé du paradis, certains malfrats s’arrangent pour faire chanter une partie de la population, puisque le pouvoir procure des ailes et annihile tout sens moral. Les appétits croissent avec l’arrogance. Cependant, avec la curiosité débordante des réseaux sociaux, tout se sait et les exactions habillent les scoops. La vérité traverse le néant et distribue ses perles à tout vent. Dans une vidéo, extraite d’une émission de Télé-Métropole, j’ai eu l’opportunité d’entendre ou de voir un ancien commissaire du gouvernement, Me Claudy Gassant, dénoncer le Crime Organisé, domaine des grands manitous de la place.

Accompagnés d’officiers de justice, de police cagoulée munie d’armes de guerre, de huissiers, d’arpenteurs, de juges et d’un unique mandat de saisie en bonne et relative forme, les mafiosi font main basse sur plus de 200 terrains, en construction ou non, dans les zones de Tabarre, Frères, Trois-Mains, Caradeux,  jusqu’à Vivy-Mitchel. Cette soudaine attaque, selon Me Gassant, ne dévoile que la première partie du plan des escrocs. Le second qui consiste à saisir des maisons est à venir. Même si vous habitez votre immeuble depuis 50 ans, vous n’êtes à l’abri nulle part. Votre unique espoir d’y échapper, c’est de prier pour qu’aucun « chef » ne daigne poser un œil admiratif sur votre demeure. D’ailleurs, un notaire véreux, un agent de la DGI, désireux de passer leur fin de semaine à « Decameron », peuvent, pour le même terrain ou la même maison, pondre des « documents légaux » 10 fois pour 10 personnes différentes, avec des sceaux officiels. C’est une véritable bouillabaisse!

Étonné et frustré à la fois, ayant été victime dans les années 80 de semblables forfaits, comme beaucoup de mes camarades d’outre-mer, tels, les frères Gilbert de Haïti Connexion Network, dépossédés selon un stratagème similaire, à Port-au-Prince et même à Jérémie leur ville natalela vidéo est venue me chercher au point de l’écouter à deux reprises. Cette audition intéressée a été effectuée dans le seul but de mettre en garde ma famille et mes amis. Mais, en dernier lieu, J’ai décidé de la résumer ici pour tous ceux, en diaspora, qui  pensent finir leur jour agréablement là-bas, dans un cadre enchanteur au gré de leurs souvenirs ou pour d’autres qui y possèdent des biens immobiliers et rêvent encore en noir et blanc au temps de leurs grands-pères, sans nul désir de les liquider.

Résumons les faits.  C’est un abus sans commune mesure qu’ont enduré beaucoup d’individus dans le pays depuis plusieurs années. Mais, de novembre 2017 à janvier 2018, la situation a empiré.  Le tribunal de La Croix-des-Missions, relevant de La Croix-des-Bouquets, après jugement, remet une « décision légale », « un document authentique qui altère la vérité », un permis de déguerpissement à un individu pour un terrain supposé mal acquis par son propriétaire actuel. Le permis d’exécution livré à La Croix-des-Missions est supposé avoir effet sur une propriété dans la juridiction où opère le tribunal. Mais, voilà, sur le dit document, à part le nom de cinq associés à expulser, on n’y retrouve aucun titre, aucun département, ni ville, ni quartier, aucune description géographique et physique du bien en question. C’est un permis d’escroquer universel sous couverture légale où l’ambiguïté des phrases nourrit la confusion de l’esprit. Son détenteur, soutient l’interviewé, avec une mimique inquiétante, peut aller voler en Dominicanie, aux Antilles, n’importe où, si le cœur lui en dit. Tout patauge dans le vague et dans une obscure incompétence déguisée.

Pieuvre quisqueyenne
Me Claudy Gassant, un résident de Vivy-Mitchel, avec circonspection et hésitation2, nous énumère le modus operandi des « malfrendeng3 » : Imaginez quelqu’un en position d’autorité, un avocat, un directeur, un ministre, un préfet, un maire, un juge, un sénateur, un député… nommez-en, très ambitieux, et cleptomane de naissance, qui adore le terrain ou la superbe maison de Monsieur X. Cet envieux trouve un mandataire4, en un mot un prête-nom qui sera le maître-orchestre, la Pieuvre Quisqueyenne  chargée de mener à bien l’opération de décrêpage. Dans sa besace, cette dernière possède déjà une liste de gangsters dédiés qui vont jouer le jeu du « pwen fè pa ». Conséquemment, elle fait intervenir un faux vendeur à titre de propriétaire du terrain visé et un faux acheteur.  L’acteur-vendeur signe un acte de vente factice avec  le comédien-acheteur. Les documents légaux, en apparence « authentiques », seront délivrés et ratifiés par la DGI et par un arpenteur de la clique. Chez un notaire véreux, la transaction est légalement complétée.

A cette étape, le comédien-acheteur rentre en scène pour de bon. Il entame des démarches devant un juge pour faire déguerpir le vrai propriétaire surpris. Avec tous ces documents d’une authenticité, apparemment sans faille, un juge sérieux ne verra que du feu sans penser qu’il joue dans une scène Hollywoodienne, une sorte de théâtre à quatre sous. La saisie est alors consacrée.

Et le lendemain, Monsieur X se réveille  et  découvre  sur la clôture, protégeant son bien, l’expression fatidique que redoutent tous les Haïtiens : «  Jugement exécutoire ». Plus de 200 propriétaires ont trouvé cette fatale inscription dessinée sur leur façade, de novembre 2017 à aujourd’hui. Des barrières ont été brisées, des matériaux de construction jetés à la rue, des gardiens tabassés, ou arrêtés.

Le vrai propriétaire est dans l’eau chaude. Un jugement qu’il ne connait, ni d’Ève, ni d’Adam, vient hypothéquer son bien à son insu. C’est à provoquer un arrêt cardiaque ou un accident vasculaire cérébral (AVC). Voilà le lot de crimes que peuvent commettre des insignifiants sans scrupules, qui ne reculent devant rien pour financer leur vie de pachas au détriment d’honnêtes citoyens qui ont trimé dur pour assurer leurs vieux jours.

Haïti : le tableau de l'impunité
Personne ne voit rien, personne ne dit rien,
personne n'entend rien...                               
Exténuée par la répétition de ces écritures prémonitoires sur leur mur, esquintée par cet acharnement débridé de chenapans à cravate, lassée de voir l’effort de toute une vie s’envoler sous la signature de louches fonctionnaires, la population de Vivy-Mitchel et ses environs est sortie dans la rue pour crier son désarroi, interpeler la présidence, étaler ses frustrations suite à des actes d’une époque supposée révolue. Et les menaces pleuvent sous le trop plein de rage des propriétaires inquiets d’une éventuelle spoliation. Toutefois, ce vacarme n’ébranle nullement les bandits qui ont la force du pouvoir occulte de leur bord.

Quels sont les recours de la victime? En fait, si ce dernier, sous l’effet de l’émotion, va aller en « Référé » comme ils disent là-bas, une sorte de recours en Appel, il va se faire manger tout rond. Cette tentative, selon Me Gassant, est la pire des options, car le juge officiant, se contenterait de poser trois ou quatre questions. C’est tout!

Avec les documents « brassés à faux bétons », le parfum du dollar vert enivre déjà, puisque le « Référé » est une sorte de consolidation de la décision légale déjà obtenue. Par contre, le temps pour Monsieur X de chercher dans quelle instance où le jugement a été prononcé, la Pieuvre, accompagnée de ses acolytes, va se présenter en « Référé » à sa place. Tous les officiels, arpenteur, notaire… etc, s’apprêtent à prononcer le serment d’office : « Je le jure », devant le nouveau Juge et c’est le Ite Misa Es.  En conséquence, les coupe-jarrets heureux piaffent de bonheur, la distribution du magot peut commencer.

En fin de compte, si Monsieur X n’a aucune accointance pour intercéder en sa faveur au plus haut niveau, s’il n’a pas les moyens de négocier avec les chenapans qui n’attendent que ce moment de grâce, il n’a qu’à aller à l’église et prier Grann Sainte-Anne  pour lui trouver une tente où se loger en attendant d’acheter des billets pour le Chili. Car des policiers encagoulés et leurs acolytes ont déjà tout mis à la rue. Mieux vaut en rire que d’en pleurer dans notre « Haïti chez-rire ».

Pour en avoir le cœur net, vous qui espérez revoir le soleil et la mer bleue d’Haïti Thomas, vous qui êtes tannés du froid ou de la grosse canicule de la Floride, vous qui souhaitez saluer au lever du jour le voisin d’à côté dans la langue de Dessalines, veuillez écouter la vidéo ci-jointe en son entier avant d’investir vos billes qui, en apparence, devraient être bénéfiques à toute l’île. Les détenteurs du pouvoir dans ce paradis spécial n’entendent pas à rire. Que le petit peuple crêve, cela ne leur dresse pas un poil sur les bras.
LE POINT 2 Fevrier 2018 Claudy Gassant

Chers Amis, voici la nation qui brûle du désir de voir débarquer sa diaspora avec un carnaval de billets verts à donner le vertige aux vauriens. À part les beaux discours enrobés de sucre rose, les souhaits très intéressés et hypocritement chaleureux, ont-ils levé le petit doigt pour garantir la sécurité, les intérêts du potentiel investisseur? Je dirais que non! L’expression « le bien-être des autres » est absente de leur programme.


Maison de commerce des Sansaricq (au milieu),
 convertie en caserne des macoutes en 1966 à  

Jérémie.                                                             
Le vol des terres est un sport national depuis l’indépendance. Les Français vaincus ont obtenu 40 milliards en dollars d’aujourd’hui à titre d’indemnité sous le beau paravent d’un remboursement pour biens perdus. Sous Duvalier, avec le « permis de tuer » octroyé aux Tontons Macoutes, aucun bien n’était à l’abri. La spoliation et l’usurpation avaient une île. Et tous les macoutes étaient logés à bonne enseigne.  Juste à Jérémie,  nous pouvons citer en exemple de riches demeures volées : celles des Desquiron, des Sansaricq, des Guilbaud, des Drouin, des Villedrouin et les multitudes de terrains que possédaient ces victimes éventrés pour leurs biens immobiliers. Aujourd’hui, l’alibi du séisme est très utile pour promouvoir ce marché de dupes, vu qu’aucun cadastre ne semble devoir refaire surface, certains coquins en profitent pour spolier les vrais propriétaires comme au temps des macoutes. Néanmoins, Haïti est le seul coin du globe où certains prient chaque jour l’arrivée d’une prochaine catastrophe, pour vite s’enrichir.

Sous le fallacieux prétexte d’une spoliation antérieure, sans base sérieuse de réclamation, sinon des faux titres, plusieurs revendiquent la propriété de certains actifs. Il n’en demeure pas moins que le laisser faire du gouvernement se révèle suspect, tant que ce soit des gens en autorité qui exaspèrent les citoyens, là où terrains et maisons dégagent une valeur monétaire appréciable. C’est un casse-tête pour tout « dirigeant sérieux », si cette expression fait partie du vocabulaire de celui présentement en place. Il est impératif pour l’avenir d’Haïti, si on espère une reprise de confiance, d’abroger ce « Permis d’Escroquer » laissé sans entraves entre les mains de ces chevaliers de la corruption, cette mafia d’État qui opère à visière levée en l’absence de toute impunité.

Max Dorismond

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Note – 1 : Kompa : rythme national haïtien, un peu chaloupé et simple à danser en se balançant.

Note – 2 : L’hésitation de l’interviewé est naturel, car dans ce pays, la vie ne vaut rien. Tout est prétexte pour t’envoyer ad patres. C’est pourquoi, il tourne en rond et s’exprime avec circonspection.

Note – 3 : « Mafrendeng » expression dans le langage haïtien désignant un malfaiteur, une personne malhonnête. L’expression est composée du mot français « mal » et  du mot anglais « Friend », qu’on peut traduire littéralement par «  mauvais amis », mais en réalité on s’entend pour définir un être malfaisant.

Note – 4 : Le mot Mandataire est synonyme de « Met Dam ». En Haïti, selon Me Gassant, Mandataire est une profession. Tout le monde se dit mandataire. Dans la conjoncture haïtienne, les professions se créent en criant ciseau. Demande-leur le diplôme de Mandataire, le « Met Dam » va te le donner, signé d’une quelconque Université. C’est ça Haïti. « Dégagé pa péché ».

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