Les derniers Mohicans du Haut Etat-Major des FAD'H avant leur abolition en 1995 |
Par Max Dorismond
La plupart des Haïtiens ont le cœur à la base
de l’espoir pour sauver coûte que coûte le malade à l’agonie. Souvent par carence
de vision, par une naïveté toute puérile ou par un certain enthousiasme débridé, certains
proposent des solutions sans envergure pour se retrouver plus tard au même
point de départ. D’autres encore, par un
nationalisme identitaire
défensif et inquiet qui puise sa justification dans la peur du voisin dominicain,
accouchent de projets générateurs de perturbations et d’anarchie. Encore faut-il,
pour comprendre ces choix, ne pas
sous-estimer la culture de violence, héritée des années d’enfer passées sous le
joug de gouvernements dictatoriaux,
supportés par une armée malfaisante ou, de préférence, une coalition de bourreaux
décorés, animés par le seul désir de lucre. Cette sous-culture a laissé des
traces indélébiles dans la psyché de la nation, d’où la propension de tout un
chacun à proposer pour chaque problème à résoudre une solution simpliste,
réalisable en un tour de mains. La théorie de Maslow, une tournure propre à la
psychologie, est en fait, une métaphore qui dépeint assez bien notre situation.
Ce qui, dans la réalité, nous empêche de faire le tri entre l’accessoire et
l’essentiel.
Rien n’est simple sur ce bout d’île flottant
avec plus de dix millions de bouches affamées, sur ce vaisseau à la dérive se dirigeant
tout droit vers une catastrophe appréhendée. Dans notre hâte de détourner cet
astéroïde de sa dangereuse trajectoire, aiguillonnés par cette peur
outrancière, nous avons choisi de ressusciter l’armée nationale, la
cause antérieure de notre mal-être collectif, l’objet primordial de notre dérive éternelle,
bien avant 1915. Nous n’avons
rien retenu du passé. Tout indique que la misère dégradante nous a tous
infantilisés.
Les Tontons Macoutes en formation aux Abricots (1977) |
En remettant des fusils aux esclaves, rapporte
l’histoire, Sonthonax
leur avait déclaré : « voici
votre liberté … ». En procurant à chaque Tonton Macoute un révolver,
Duvalier leur avait murmuré à l’oreille : « C’est votre salaire ». C’était le début de nos malheurs. En
armant ces nouveaux militaires, nous semblerons dire à chacun d’eux : « Voici la clé des portes de l’enfer ». Ce sera notre fin ! À renouveler cette inopportune
erreur, c’est apporter la preuve que nous sommes tous à court d’idées et
d’arguments. Dans notre précipitation, après la chute de Baby Doc en 1986, nous
avons opéré de même en faisant preuve d’une myopie politique évidente pour avoir
concocté une Constitution absurde qui nous a gratifiés de ces présidences à « fermeture éclair », dont
l’aboutissement se résume à l’enrichissement illicite des petits copains sans
aucune imputabilité.
Les
sempiternelles questions !
BOID ou Brigade d'Opération
et d'Intervention Départementale, qui a fait parler d'elle en Haïti. |
Une armée, va-t-elle résoudre le problème du
chômage endémique, assurer la compétence de nos juges, suppléer aux
limitations de nos parlementaires,
restreindre le nombre de candidats à la présidence, forcer les commerçants délinquants
à payer leur impôt, contribuer à la diminution de la démographie galopante,
collecter les millions de Petro-Caribe perdus dans la brume, se faire payer en
monnaie de singe ou en dollar des narcos, redonner une âme à nos éléphants
blancs (les hôpitaux construits par le Canada) ?
Même si c’est loin de ses attributions, j’appréhende
déjà les réponses à ces brûlantes interpellations. Comme une nuée de
sauterelles aux dents aiguisées, cette armée, blindée de son pouvoir coercitif,
à l’instar des satrapes du passé, va se subdiviser en de multiples petits clans
mafieux pour dévaliser ce qui reste de pays, tout en accroissant la somme de
ces épineuses controverses. La corruption aidant,
ce sera une armée de cordes et de sacs. L’acronyme « FAD'H »
sera, comme par le passé, synonyme de coups fourrés, de comploteurs
aguerris, de magouilleurs
professionnels. Nous en avons suffisamment
soupé pour bien jouer au devin.
L’insoutenable
paradoxe.
Haïti est constitué de groupes intouchables,
tels que des parlementaires voraces
dédiés aux vices, inconscients de leur rôle de gestionnaire de nation, de
puissants hommes d’affaires dénués de tout scrupule, des hommes de pouvoir très
riches à faire pâlir Crésus, des juges corrompus,
achetables et malléables à souhait, des gangs criminels roulant carrosses dorés,
des vendeurs de drogue avec des
ramifications internationales, des tireurs de ficelle ou jongleurs invétérés de
tout acabit, etc …
Voici les derniers des putchistes de l'armée d'Haïti qui a été démobilisée, il y a 18 ans, en 1995 par Jean-Bertrand Aristide après son retour au pouvoir.
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Face à cette élite de malfaiteurs aux dents acérées,
toujours au dessus des lois, quelle sera l’attitude des « FAD'H » ?
Seuls les irrationnels ne verront pas venir la réponse à cent mille à l’heure. Quand
le poids des traditions corsète les esprits, ne nous attendons pas à un sursaut
de conscience pour sauver cette malchanceuse nation. Tant que ces barons inattaquables
occupent le haut du pavé, l’armée serait justifiée à utiliser sa puissance pour
jouer le jeu et s’enrichir à son tour. Nous ne paierons rien pour attendre.
Haïti sera une fois de plus métamorphosé en une nation de « bandits légaux ».
Car, créer les « FAD'H »,
c’est consolider l’équation de la bêtise en ajoutant d’autres requins à la
marre aux crocodiles.
Certaines
pistes de solutions
Haïti ne serait pas le premier pays à
fonctionner sans une armée. Des exemples pullulent de par le monde. Pourquoi ne
pas nous asseoir et méditer sur deux ou trois de ces trouvailles pour une
démarche comparative, pour un investissement rationnel du budget. Le risque
d’une guerre s’avère totalement improbable pour Haïti. Si la création de
l’armée, dites-vous, est une façon de créer des emplois pour nos jeunes, je
n’en disconviens pas. On obtiendra le même résultat en pensant, de préférence, à
mettre sur pied un service de pompiers professionnels, un service de police
efficace, un service d’inspecteurs maritimes pour la sécurité de nos côtes en
vue de contrecarrer les projets des contrebandiers, moyennant un salaire
adéquat pour tous aux fins d’éviter les tentations. Les heureux élus recevront
une formation universitaire adéquate à
la hauteur de leurs tâches respectives.
La Police actuelle - Ce corps doit être composé de professionnels instruits, dédié au service de la population et non aux intérêts d'un gouvernement ou d'une élite de malfaiteurs.
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Tout prêt de nous, dans les Caraïbes, existe
le « système de sécurité
régionale » qui regroupe plusieurs îles aux alentours. Elles
ont fusionné leurs forces à titre d’une défense commune. Pourquoi ne pas tenter
de suivre ce trait de génie ?
J’ai fourni ci-dessous, pour votre gouverne, un
succinct résumé de quelques pays sans armée et des solutions alternatives
adoptées par chacun d’eux.1 Il y en a plus d’une vingtaine de par le
monde. Toutefois, dans cette nomenclature, il faut prendre en compte la population
relative de chacun avant de faire un choix. Ayez l’intelligence de vos moyens. Ne vous précipitez pas. Il faut savoir
résister aux chants des sirènes et aux grimaces des macaques.
•
1 - Costa Rica :
Le pays possède une force de sécurité de 8 000 hommes. Sans armée depuis
1948, il tient toujours la route et a investi ce budget dans l’éducation de son
peuple et ça marche. Il se révèle l’un des pays les plus calmes de sa zone.
•
2
- La Dominique :
Très proche de nous, la défense du pays est assurée par le système de sécurité
régionale regroupant
divers pays des Caraïbes. Une solution que Haïti aurait intérêt à envisager.
•
3 - Grenade :
Depuis l'invasion par les États-Unis
en 1983, le pays n'a plus d'armée. La défense du pays est assurée par le système de sécurité
régionale regroupant
divers pays des Caraïbes. La police possède une petite unité paramilitaire pour
les interventions internationales.
• 5- Panamá :
Le pays a dissous son armée en 1990, une décision unanimement confirmée par un
vote parlementaire en 1994. Les forces publiques panaméennes comprennent la
police nationale, le service national des frontières, le service national
aéronaval et le service de protection institutionnel qui possède quelques
capacités militaires.
•
6 - Sainte-Lucie :
La défense du pays est assurée par le système de sécurité régionale regroupant
divers pays des Caraïbes. La police royale de Sainte-Lucie comprend deux unités
paramilitaires de 116 hommes : une unité de garde-côtes et le Special
Service Unit qui sont responsables de la sécurité interne.
•
7 - Saint-Vincent-et-les Grenadines :
La défense du pays est assurée par le système de sécurité
régionale regroupant
divers pays des Caraïbes. Le pays possède une unité d'intervention.
Voilà ! Ce fut mon grain de sable dans le débat
en vue de conjurer la catastrophe annoncée.
Max Dorismond
Note 1 : Sources : Wikipédia. Pour
approfondir les détails, cliquer sur les liens en bleu et attendre 60 secondes.
Restropective sur les Forces Armées d'Haïti (FAD'H)
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