Le président Trump accueillait son homologue chinois Xi dans son ranch de Mara-A-Lago en Floride |
Trump essaie de jouer à l’intelligent. Un rôle qui ne lui sied
guère. Je demeure avec l’impression que Xi Jinping sourie dans sa barbe à
écouter ce fanfaron bluffer jusqu’au bout. Or, les Chinois n’ont pas la culture
occidentale, c’est-à-dire le prédateur à tout prix qui convoite, accapare
brutalement, exploite et contrôle tout au point de laisser le vide là où il
passe. C’est la technique de la « Tabula rasa ».
Les Chinois sont très patients et réfléchissent et frappent sans
faire de bruit. À preuve, ils utilisent dans leur diplomatie « le langage
d’une seule Chine » pour ses contrats commerciaux. C’est à prendre ou à
laisser. Et Trump s’y est converti sans contrainte. Son audace avec le coup de
fil à Taïwan fut un coup d’épée dans la brume. La technique de la Chine, c’est
l’occupation économique en priorité. Elle te donne d’abord et prennent ensuite.
Tu es libre dans ta politique intérieure. Le risque de coup d’État est presque
nul avec elle. La coercition... connait pas. Cette technique a fait ses preuves
en Afrique, au point que l’Europe panique et même Mobutu fut surpris de
découvrir un colon gentil après avoir reçu un gros cadeau de ce peuple aux yeux
bridés. Les prêts sans intérêt de la Chine fait sourciller. De ce train, nous
pouvons prévoir la fin du siècle par l’hégémonie de cette dernière sur le tiers
monde et peut-être le monde en générale. Nous n’étions jamais habitués à ce
type de mains mises en douceur. Ce sera peut-être la fin du néo-colonialisme à
l’occidental avant la fin de ce siècle.
Bonne lecture
Max Dorismond.
Quels enseignements tirer de la rencontre entre
Donald Trump et Xi Jinping, les 7 et 8 avril dernier, en Floride ? Décryptage
par le sinologue François Godement.
Les deux
dirigeants les plus puissants de la planète dégustaient "le
meilleur gâteau au chocolat de tous les temps" quand Donald Trump a annoncé à Xi
Jinping qu'il venait d'ordonner le bombardement d'une base militaire
syrienne... Mais à part cette incroyable anecdote du président américain sur la
chaîne Fox, que faut-il retenir de la première
entrevue entre les grands rivaux de la mondialisation ? François Godement, directeur du
programme Asie et Chine au sein du think tank European Council on Foreign
Relations (ECFR), nous révèle les secrets des relations sino-américaines
marquées par l'imprévisibilité
de Trump, la grande méfiance de Pékin et une crise ouverte en Corée
du Nord...
Quel est le bilan de la rencontre
entre Donald Trump et Xi Jinping en Floride ? Tout
au long de sa campagne, Trump a promis un bras de fer avec la Chine. Or il a
arrondi les angles, évité les sujets qui fâchent, dans l’espoir dit-on
d’obtenir un beau « deal » commercial. Deal qui n’est pas venu...
On
ne sait pas vraiment comment cette rencontre s’est passée. D’habitude, un
sommet qui ne donne lieu à aucune conférence de presse, aucun communiqué
conjoint, est considéré comme un mauvais sommet. Les Chinois n’ont rien dit,
ils se sont contentés de laisser filtrer une offre commerciale particulièrement
modeste, alors que la rumeur avait fait miroiter une superbe proposition. De
leur côté, les Américains ont reconnu que cela avait été assez dur, et
spécialement après les frappes en Syrie qui se sont produites au beau milieu du
sommet. Xi Jinping a certes observé un calme olympien. Mais ce raid sur la
Syrie a totalement détourné l’attention médiatique, faisant passer le sommet au
second plan.
Alors ce sommet est un coup pour
rien ?
Je ne le
pense pas. Il a permis aux deux adversaires – je dis bien adversaires – de se
jauger. Je pense que Xi a compris que l’incertitude sera désormais la règle.
Trump est tellement changeant qu’il est impossible de le cerner. Qu’il joue de
cette imprévisibilité, ou qu’il en soit le jouet, cela importe au fond assez
peu. Ce qui importe, c’est la capacité qu’elle lui donne de bouleverser le
train-train des discussions, de déstabiliser les relations. Gros changement
pour la Chine, qui avait réussi, au fil des décennies, à formater à son
avantage les échanges diplomatiques avec les États-Unis comme avec tous ses
autres partenaires.
Quand vous dites
« formaté » à quoi pensez-vous ?
A
des choses tellement énormes qu’on ne les voit plus. La Chine est par exemple
la seconde économie mondiale. La valeur de sa production industrielle a dépassé
celle des États-Unis depuis trois ans. Son PIB évalué en parité de pouvoir
d’achat est supérieur aussi depuis 2016. Or elle continue d’être classée
« économie en développement » et profite des avantages induits. Il y
a des déséquilibres commerciaux très conséquents – 385 milliards de dollars
d’exportations chinoises vers les États-Unis, 85 milliards dans l’autre sens –
et pourtant la Chine continue à protéger son marché intérieur. Autre
exemple : elle fait signer à tout le monde des déclarations d’accord sur
la politique dite « d’une seule Chine », alors que dans la pratique
et à l’évidence, il y en a deux. Avec beaucoup de patience et de ténacité, elle
a obtenu du monde extérieur qu’il se plie à sa façon de dénommer les choses,
qu’il ostracise Taïwan.
Au cours de ce sommet, Trump n’a pas
abordé la question de Taïwan.
Certes,
il s’est abstenu de mentionner des thèmes gênants pour la Chine – Taïwan, la
liberté de navigation en Mer du Sud, etc. Mais il a lourdement insisté sur un
autre point de friction : la Corée
du Nord. Il semble avoir parfaitement cerné la priorité de Xi
Jinping, à savoir que la Chine a besoin avant tout de sa relation économique
avec les États-Unis. On voit donc Trump établir dans ses tweets un lien entre
affaires commerciales et dossier Nord-coréen. Si la Chine résoud ce problème,
écrit-il, elle peut espérer un accord de commerce « beaucoup plus
favorable ». Le tweet suivant est encore plus direct : « Ce
serait formidable si la Chine acceptait de nous aider. Sinon nous réglerons le
problème sans elle ». Sous-entendu : on en a les moyens, on n’a pas
besoin vous.
Je pense que Trump n’a à ce
jour rien lâché vis à vis de la Chine.
On a pourtant assisté à une reculade
retentissante : après avoir bravé les foudres chinoises en parlant
directement au téléphone avec la présidente taïwanaise, Trump et son
administration se sont rangés derrière la « politique d’une seule
Chine », ce qui revient à céder aux exigences de Pékin.
Les couples présidentiels à Mara-A-Lago en Floride |
Ce
n’est pas ainsi que je l’analyse. Quand Trump a fait ce geste vraiment
surprenant d’un coup de fil à la présidente de Taïwan, il a signifié qu’il ne
se plierait pas aux règles habituelles. Depuis, il y a eu ce revirement, et
beaucoup y voient une inconséquence. Je pense pour ma part que Trump a compris
que la Chine est une grande spécialiste des mots. Alors il lui donne ce qu’elle
veut entendre. Qu’est-ce que ça coûte ? Lisez ses tweets : tout est
« formidable », « extraordinaire », une « grande
réussite », etc. On voit bien que c’est du vent. Rien de ce qu’il dit ne
l’engage. Le coup de fil à Taïwan était un message en direction de la Chine,
lui signifiant qu’elle devait désormais s’attendre à des surprises. Alors, y
a-t-il eu vraiment une reculade ? On le découvrira quand on en saura plus
concernant la vente d’armes qui doit se conclure ce printemps. Il est question
que les États-Unis fournissent à Taïwan des avions de chasse les plus en
pointe, et on parle même d’un système anti-missile, le même que celui qui vient
d’être installé en Corée du Sud. Si cela s’avérait, ce serait un défi
considérable pour la Chine, et encore un coup de théâtre auquel elle sera
contrainte de faire face.
La question de la libre navigation
en Mer du Sud n’a pas non plus été mise sur le tapis pendant la rencontre en
Floride, alors que Trump n’a cessé d’en parler pendant sa campagne.
C’est
vrai. Mais vous noterez que, depuis deux ou trois mois, c’est à dire depuis les
déclarations américaines très fermes à propos de la Mer du Sud, les Chinois se
sont abstenus de toute avancée. Il n’y a pas eu de nouvelles poldérisations,
pas de militarisation de nouvelles îles. Vis à vis des Philippines, on voit
Pékin pratiquer le compromis dans le secteur du Scarborough Shoal pourtant
revendiqué par la Chine. On peut donc considérer que le message a été reçu cinq
sur cinq. La Chine prend Trump au sérieux et s’abstient de toute initiative.
C’est indéniable. Trump fait une remise à zéro du compteur. Toute la question
est de savoir s’il est capable du suivi stratégique. Capable d’entraîner
derrière lui les alliés asiatiques.
Est-ce que ces alliés asiatiques
hésitent ?
Énormément.
Regardez la campagne électorale en cours en Corée du Sud, dominée par la
volonté d’éviter tout conflit. Tous les « petits » pays de la région
sont pris dans la même contradiction : ils sont persuadés que la Chine est
devenue dangereuse, qu’elle adopte une posture menaçante, qu’elle applique la
loi du plus fort, qu’elle ne respecte plus le droit international. Ils
voudraient résister, être soutenus, mais ils sont atterrés par l’hypothèse d’un
conflit qui mettrait fin à des décennies de paix. D’autant plus que les
États-Unis, dont ils dépendent pour leur défense, ne sont pas rassurants.
Obama, déjà, avait créé bien des angoisses avec l’ambiguïté de sa stratégie
fondée sur la patience, le long terme, le refus de céder à la provocation. Ils
n’étaient pas sûrs qu’Obama interviendrait en cas d’agression chinoise. Et
d’ailleurs, il n’est pas intervenu aux Philippines.
Ses porte-paroles avaient pourtant affirmé qu’il ne resterait pas inerte si la
Chine empêchait les Philippins d’accéder aux îlots qui leur appartiennent. Il a
tracé une ligne rouge, un peu comme en Syrie, et comme en Syrie il l’a oubliée.
Et il a laissé la Chine boucler cette zone au mépris de ses engagements. Quant
à Trump, il a énormément inquiété ces pays en supprimant, dès son arrivée à la
Maison blanche, le TPP (Trans Pacific Partnership), un accord qui visait à
renforcer l’alliance régionale contre la poussée chinoise. Ils se demandent
donc toujours si leurs intérêts seront pris en compte.
Revenons au sommet Trump-Xi. Les
frappes en Syrie ont eu lieu au moment où les deux
hommes étaient en train de dîner ensemble. Pensez-vous que c’était
intentionnel ?
Bien
sûr. Quelle difficulté y avait-il à différer de quelques heures ces frappes,
même compte tenu du tempérament de Trump et de sa préférence pour la réaction
immédiate ? Il voulait éviter qu’on puisse dire « Finalement, il est
aussi faible qu’Obama », mais il pouvait attendre 24 heures. Ce choix
rappelle, en petit, Poutine déclenchant l’invasion de la Géorgie pendant qu’il
assistait à l’inauguration des JO à Pékin en 2008. Une façon de montrer au
monde toute l’envergure de sa stature.
Sans
doute. Les Chinois ont d’ailleurs été très avares de commentaires et font
preuve d’une grande prudence. Ainsi, ils se sont abstenus au vote du Conseil de
sécurité. Or, souvenez-vous, il y a quelques semaines, ils n’ont pas hésité à
se joindre à la Russie en mettant leur véto à une aide humanitaire à Alep.
C’était très peu de temps après le changement de position de Trump sur Taïwan,
un revirement qu’ils avaient interprété alors comme un aveu de faiblesse.
Est-ce que ces frappes auront un
impact sur la façon dont la Chine gère le dossier nord-coréen ?
Ce
n’est pas exclu. En montrant qu’il est à la fois prêt à coopérer et prêt à
passer à l’acte tout seul, Trump pourrait obtenir des Chinois quelque chose de
plus substantiel. Il ne faut toutefois pas oublier que ces derniers sont des
experts en bluff, et savent très bien le détecter. D’autre part, la situation
en Corée du Sud est telle qu’une intervention
américaine créerait un mouvement d’opinion et pourrait même décider des
élections. Trump a devant lui une voie plutôt étroite. Reste que 25 ans
d’« engagement » chinois aux côtés de la Corée du Nord n’ont produit que des résultats très
maigres, sinon inexistants.
Il serait donc temps de se montrer
plus ferme vis-à-vis de Pékin sur tous ces problèmes ?
Trump
bénéficie en tout cas d’un sentiment très répandu aux États-Unis. Il y a ses
électeurs qui sont persuadés d’avoir été « volés » par la Chine sur
le plan économique. Il y a aussi la coalition républicaine, moins modérée que
par le passé, ainsi que les stratèges, qui sont eux aussi persuadés d’avoir
perdu face à la Chine après des décennies d’engagement. Rappelons que
l’administration Obama s’était montrée très accommodante, ayant même débuté par
une politique de la main tendue – que la Chine a ignorée. Au lieu de quoi, on a
assisté à une attitude de plus en plus assertive et à des avancées militaires
en Mer du Sud… Un échec qu’Obama a d’ailleurs implicitement reconnu
dans une interview donnée à la veille de la passation de pouvoir. Interrogé sur
Trump et la Chine, il a répondu : « C’est parfois une bonne chose,
quand quelqu’un arrive avec une nouvelle approche ». Et il a ajouté :
« Je ne suis pas sûr que je referais la même chose… »
Le régime chinois a
malheureusement pris l’habitude de l’emporter sans guerre, d’avancer ses pions
sans buter sur un conflit.
Washington
ne peut plus se contenter de belles déclarations – sur le climat, sur la
« fructueuse » coopération avec les États-Unis, etc. La Chine est
clairement la question stratégique N°1. Comparée à la Russie, qui reste certes
une obligation défensive, mais sans grand impact économique, la Chine est au cœur de la zone principale d’échanges
des États-Unis, au cœur des grands flux économiques et de la maîtrise
technologique. Elle a un budget militaire de 200 milliards de dollars, quatre
fois plus que la Russie. On imagine mal que ce soit pour faire du sur place.
Journaliste
No comments:
Post a Comment