Emmanuel Macron Marine Le Pen |
Hugues Saint-Fort
Ce cri de ralliement de SOS Racisme dans sa campagne de lutte contre le
Front National de Marine Le Pen semble avoir porté ses fruits si l’on en juge
par la première place obtenue par Emmanuel Macron au premier tour de la
présidentielle française qui s’est déroulée hier dimanche 23 avril. Pendant
longtemps, la candidate du FN a été créditée d’une large avance sur les autres
candidats (atteignant jusqu’à 30% pendant un certain temps). A l’arrivée
cependant, c’est Emmanuel Macron qui s’est placé en tête avec 23.9%, devant
Marine Le Pen avec 21.9%. Le second tour se jouera donc le dimanche 7 mai 2017
entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Quels sont les enseignements de ce
premier tour et les enjeux du second tour ?
Une première leçon à tirer de ce premier tour est l’effritement des deux
grands partis politiques qui ont gouverné la France durant la Vème
République (entre 1958 et maintenant): le Parti socialiste (PS) et le
parti Les Républicains (LR), qui relève de la lignée des grands partis conservateurs
français (l’Union de la Droite Républicaine, UDR et le Rassemblement pour la
République, RPR). Leurs représentants officiels, Benoit Hamon pour le PS et
François Fillon pour le LR ont obtenu des scores très bas : 19.7% pour
François Fillon ou carrément ridicules, moins de 7% pour Benoit Hamon.
Conséquemment, ces deux partis ne seront pas présents au second tour. C’est la première fois qu’une telle aventure arrive à un parti de
droite en France, mais c’est la deuxième fois que la gauche subit un tel affront.
Rappelons-nous le 21 avril 2002 quand Jean-Marie Le Pen avait privé Lionel
Jospin de second tour.
Une deuxième leçon à tirer de ce premier tour réside dans l’erreur des
instituts de sondage qui avaient prédit un taux d’abstention de près de 35%.
Généralement, les taux d’abstention élevés favorisent
la progression du parti d’extrême droite. En avril 2002, quand Jean-Marie Le
Pen avait battu Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle, le taux
d’abstention avait frôlé les 30%. Aujourd’hui, le taux d’abstention a atteint
moins de 23%, grâce à une forte mobilisation dans les grandes villes, comme
Paris, Marseille, Lyon… Cette sortie des électeurs français a fait mentir une
bonne partie de la presse internationale et même Donald Trump qui, sans la nommer,
s’attendait à une victoire de la candidate de l’extrême droite. Bien sûr, elle
n’a pas perdu mais elle s’est placée derrière Emmanuel Macron et elle n’est pas
bien placée stratégiquement pour gagner le second tour.
Une troisième leçon à tirer de ce premier tour concerne l’avenir des partis
et du système politique français en général. Avec l’explosion des deux grands
partis de gouvernement, le PS et le LR, et l’entrée en scène le mois prochain,
ou bien d’un parti politique qui n’avait jamais exercé de pouvoir politique
(FN), ou bien d’un mouvement politique (EM) qui ne s’est pas encore constitué
en parti politique, et qui est dirigé par une personnalité complètement
inexpérimentée sur le plan politique, la France semble entrer de plain-pied
dans l’inconnu. De plus, qui va constituer l’opposition ? La Droite, qui
est de toute façon, mal partie et qui semble être privée de chef, à l’heure
qu’il est pourra –t-elle se constituer majoritaire aux prochaines
législatives ? L’extrême droite, dont on voit mal comment elle pourrait
gagner les Législatives en juin prochain, peut-elle constituer une opposition
politique sérieuse et compétente ? Rachida Dati, l’ancienne ministre de la
Justice de Nicolas Sarkozy a déclaré que la défaite aujourd’hui de François Fillon
est « une défaite morale pour la Droite ». Il reste à savoir si elle
pourra s’en relever. Cependant, tous ses ténors, Fillon, Juppé, Éric Woerth,
François Baroin, ont déjà appelé à voter pour Emmanuel Macron. Seront-ils
entendus par les électeurs ? François Fillon lui-même a dit explicitement
« Contre l’extrême droite, je voterai en faveur d’Emmanuel Macron ».
Mais la gauche également par l’intermédiaire de Benoit Hamon et Manuel
Valls, demande à ses électeurs de faire barrage au Front National. L’enjeu,
selon Benoit Hamon, c’est que Le Pen soit battu largement au second tour. Car,
la candidate du FN après avoir clamé que sa qualification pour le second tour
relevait d’un « résultat historique » a laissé entrevoir les
thématiques sur lesquelles elle va axer sa campagne du second tour : une
mondialisation sauvage dont elle veut épargner les effets sur la France, une
émigration de masse contre laquelle elle veut préserver la France, et surtout
ce qu’elle appelle la préservation de l’identité de la France. Selon Marine Le
Pen, « il est temps de libérer le peuple français. Il y va de l’intérêt
supérieur de la France » Manifestement, elle a bien appris sa leçon de
Donald Trump. Mais, il faudra tout de même se demander qui a appris de qui.
Car, cela fait déjà un bout de temps que Marine Le Pen, reprenant le discours
de son père Jean-Marie, déverse l’idéologie raciste, haineuse, xénophobe de
l’extrême droite française.
Les enjeux du second tour sont clairs et extrêmement importants :
d’une part, il y aura avec Marine Le Pen les sirènes d’une France qui se replie
sur elle-même, qui veut se couper de l’Europe et suivre la Grande Bretagne,
c’est-à-dire rompre avec l’Union européenne (UE) et sortir de l’euro ;
d’autre part, il y aura avec Emmanuel Macron, ainsi qu’il l’a déclaré, la
défense et la proclamation d’une France libre, tolérante, ouverte, faisant face
aux défis écologiques et à la souffrance sociale. Un sondage du groupe IPSOS
sorti jeudi dernier donne 62% à Emmanuel Macron et 38% à Marine Le Pen. Venant
après un précédent qui donnait 66% à Macron et 34% à Le Pen, il confirme
néanmoins que le leader du mouvement En Marche ! semble être bien placé
pour remporter une victoire spectaculaire et inédite dans l’histoire politique
française : un tout jeune homme de 39 ans qui n’a jamais été élu
auparavant et qui était un parfait inconnu de l’immense majorité des Français,
il y a trois ans environ, devenir le président de la cinquième puissance
militaire et économique du monde.
Hugues Saint-Fort
New York, avril 2017
No comments:
Post a Comment