Le dernier jour de la campagne présidentielle
française dont le premier tour doit se dérouler ce dimanche 23 avril 2017
(j’écris ce texte le vendredi 21 et, comme on le sait, toute activité officielle
aussi bien dans l’Hexagone que dans les territoires ultramarins doit prendre
fin ce vendredi 21 avril à minuit) est bouleversé après l'attaque perpétrée sur
des policiers français, jeudi 20 avril, sur les Champs-Élysées. La
nouvelle a été relayée sur tous les médias américains et je ne m’attarderai
donc pas là-dessus. Je me concentrerai plutôt sur les questions de fond de
cette campagne présidentielle, les formidables enjeux qu’elle pose après le
choc du Brexit anglais et l’émergence brutale d’un certain Donald Trump de ce
côté-ci de l’Atlantique.
Le premier tour de l’élection présidentielle
française met en scène onze (11) candidats : Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), François Asselineau
(Union populaire républicaine), Jacques Cheminade (Solidarité et
progrès), Nicolas Dupont Aignan
(Debout la France), François Fillon (Les
Républicains), Benoît Hamon (Parti socialiste), Jean Lassalle (Résistons !), Marine Le Pen (Front national), Emmanuel Macron (En marche !),
Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise),
Philippe Poutou (Nouveau parti
anticapitaliste). Les deux premiers qui auront obtenu le plus
grand nombre de voix seront qualifiés pour disputer un second tour qui aura
lieu le dimanche 7 mai et qui désignera le futur président français.
Emmanuel Macron |
Plusieurs de ces onze candidats sont bien
connus du grand public français et dans les milieux traditionnels de la
politique internationale. Quelques-uns cependant peuvent
déconcerter soit par leur truculence (Jean Lassalle), soit par leur hardiesse
(Philippe Poutou). Les tendances idéologiques si importantes en France sont
bien représentées avec l’extrême-droite (Marine Le Pen), la Droite classique
(Nicolas Dupont-Aignant), la Droite libérale
dans la tradition française (François Fillon), la Gauche socialiste (Benoit
Hamon), l’extrême-gauche (Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud, Philippe
Poutou). Parmi ces onze candidats, il y en a un qui se détache de tous les
autres et qui apparait, à mon sens, difficilement classable dans le
paysage politique et idéologique français: c’est Emmanuel Macron. Énarque,
ancien conseiller économique du président François Hollande, ancien ministre de
l’économie dans le gouvernement socialiste de ce dernier, après avoir été aussi
banquier d’affaires pour le groupe Rothschild, il évite de se positionner
personnellement dans le traditionnel clivage droite-gauche français, mais son
alliance politique avec le ténor centriste François Bayrou semble indiquer
qu’il tend à se positionner au centre de l’échiquier politique français.
Marine Le Pen |
Les plus récents sondages (jeudi soir) pour
le premier tour placent Emmanuel Macron en tête avec 25%, suivi de Marine Le
Pen avec 22%, puis François Fillon et Jean-Luc Mélenchon côte à côte avec 19%.
Loin derrière, vient le candidat du PS, Benoit Hamon avec 7,5%. Au deuxième
tour cependant, ces mêmes sondages donnent Macron vainqueur de la
présidentielle avec 66% devant Le Pen 34%.
François Fillon |
Les enjeux principaux de la présidentielle
2017 consistent en la sortie de la France de l’Union européenne (Marine Le Pen,
François Asselineau), le totalitarisme islamique (François Fillon), les
inégalités sociales grandissantes (Benoit Hamon), la lutte contre le
nationalisme (Emmanuel Macron), la souveraineté de la France face à l’Union
européenne (Jean-Luc Mélenchon). D’une manière générale, la France n’est pas
épargnée par la déferlante des thématiques qui se discutent en Occident au
cours des quinze dernières années : le protectionnisme, le nationalisme,
et le populisme. On croyait que la droite et surtout l’extrême-droite
détenaient le monopole du nationalisme, de la xénophobie ou de l’autoritarisme,
mais la percée surprenante de Jean-Luc Mélenchon dans les intentions de vote
semble montrer que la gauche (ou du moins une certaine gauche) n’est pas
épargnée.
J-L Mélenchon |
Le cauchemar de la classe politique française pour cette
présidentielle semble être un second tour qui verrait s’affronter Marine Le Pen
et Jean-Luc Mélenchon. La première est fortement attachée à la sortie de la
France de l’Union européenne, le second prend soin de répéter qu’il est pour le
maintien de la France dans l’Union mais que les termes de son appartenance
doivent être renégociés. Dans
les deux cas, la France serait considérablement ébranlée. Elle semble moins
affectée que les États-Unis de Donald Trump par la tentation du repli mais sur
le plan de l’immigration, l’écho de la voix de Marine Le Pen ne le cède en rien
à la voix de Trump, obsédé par l’idée d’ériger le mur qui scellera
définitivement le rejet des immigrants hispanophones et d’éloigner autant que
possible les immigrants.
Et pourtant, malgré l’arrogance de certains
états et de leurs dirigeants (suivez mon regard !), l’autosuffisance reste
une illusion. Plus une économie est ample et diversifiée, plus elle ne peut se
passer d’apports extérieurs consistant en produits rares ou techniques
sophistiquées. La mondialisation n’est pas près de disparaitre. Qui seront les
deux rescapés du premier tour ? Macron et Le Pen ? Mélenchon et Le
Pen ? Macron et Mélenchon ? Dans l’histoire de la Vème République en
France, jamais une campagne présidentielle n’a été aussi serrée, aussi
indécise. Vivement dimanche !
Hugues Saint-Fort
New York, 21 avril 2017
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