Pic Macaya est la deuxième plus haute montagne d'Haïti, s'élevant à une altitude de 2347 mètres au-dessus du niveau de la mer |
Je suis né dans le Plymouth, sur la montagne de la Hotte, au flanc Nord de Pic Macaya. Par son suffixe ``aya``, ma montagne de 2347 mètres semble dialoguer avec l’Himalaya, sur l’Everest, la plus haute chaine de montagnes au monde, d’une altitude de 8846 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Le Macaya et l’Himalaya, en dépit de la grande distance qui les sépare, et de ce fort décalage entre leur altitude, indiquent quelque chose de commun qui échappe à notre entendement. L’on sait que l’Himalaya partage, par rapprochement, un même écosystème avec plus d’une centaine de montagnes en Asie atteignant plus de 8000 mètres de hauteur. Cependant, il est à se demander s’il n’existe pas entre le Macaya et l’Himalaya un langage millénaire qu’elles seules connaissent, pour être dans un même groupe morphologique? Ce rapprochement dans leurs désinences m’a longtemps intrigué, et je n’en ai jusqu’ici nulle réponse.
Beaumont, la ville de la terre rouge |
Être né à Beaumont, dans le flanc Nord du Pic Macaya, à 647 mètres d’altitude, fait de moi un montagnard, mais je suis presque condamné à viser toujours plus haut, en dépit des vicissitudes de la vie. « Ad majorem natus sum », pour reprendre cette expression latine que j’ai lue un jour au frontispice du collège d’Henri Vixamar, aux Cayes. J’avais cette opportunité, parce que Beaumont est située non loin de là, presque à mi-chemin de Jérémie. Ainsi, je pourrais bien y avoir été aux études, comme nombre de mes corégionnaires qui n’ont pas reçu le pain de l’instruction dans la capitale de la Grand-Anse, « qui m’est une province et beaucoup davantage ».
Les marchandises sont transportées à dos d'âne dans le Pic Maca (Photo: Méres |
C’est à Jérémie que je
dois mes plus beaux souvenirs d’enfance et mes plus belles inspirations
poétiques, même si le paysage enchanteur, la plupart du temps brumeux, entre
Camp-Perrin et Beaumont, a nourri mon âme de sensations de fraîcheur et de
profonde méditation.
Ces images d’antan de la vie paysanne aux abords de la rivière Glace ne m’ont jamais quittées; des mules chargées de vivres alimentaires et de sacs de café, gravissant, suant, soufflant, ces mornes abrupts entre Ranp et Fanmpadra, poussées toujours plus en avant, d’un « Hi ! » ou d’un « Chi ! », par ces infatigables travailleurs et travailleuses de l’arrière-pays.
Une des tristes images d'un bus rempli de passagers chaviré dans la rivière Glace en crue pendant la traversée. Voir d'autres reportages |
Même si la rivière Glace recèle de tristes souvenirs de noyade par temps pluvieux, une escale sur son gué de fraîcheur en temps sec rendait moins éreintants ces voyages à pied entre Camp-Perrin et Beaumont, en l’absence d’un système de transport routier régulier. Mais rien ne vaut comme souvenir ces colonies de vacances, longeant sous un soleil de plomb la plaine des Gommiers, raflant au passage tout le contenu de ces chaudières de « riz-collé », pour quelques misérables piastres.
Ma campagne que voici
est toujours juchée sur le flanc Nord de pic Macaya, la tête dans les nuages,
et la partie basse bien plantée dans cette terre rouge qui fait pousser le café
et les vivres. Là se perpétue aussi tout le mystère de l’«Aya-bombé» des
Taïnos, qui contiendrait peut-être l’essence de ce dialogue éternel entre
le Macaya et l’Himalaya.
Mérès Weche
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