Par Mérès Weche
Mgr. Guire Poulard |
Cet humble prêtre, devenu évêque, puis archevêque, fut mon ``compère``, et c’est ainsi qu’on s’interpellait l’un l’autre, pour avoir été le parrain de mon premier enfant, en partage avec Eddy Louis-Jacques, au moment de la célébration du baptême dont il avait lui-même la charge de célébrant.
Nous nous sommes liés d’amitié au Grand-Séminaire Notre-Dame, à Port-au-Prince lorsque, lui, presque finissant en théologie, et moi, débutant en philosophie scolastique, devisions constamment sur le sens de la pastorale chrétienne en milieu paysan.
L’abbé Guire Poulard, d’alors, originaire de Delattes, dans les montagnes de Petit-Goâve, et moi le jeune séminariste, né à Beaumont en Grand-Anse, avions un parcours académique semblable, de la paysannerie au milieu urbain. Ainsi, notre conception de la société haïtienne n’était pas différente.
Ordonné prêtre, puis fait évêque, alors que j’avais déjà quitté le Grand-Séminaire pour réintégrer la vie laïque, comme peintre et enseignant, j’étais celui qui eut l’honneur de créer ses deux blasons épiscopaux, d’abord comme évêque de Jacmel, puis comme archevêque de Port-au-Prince. J’allais être aussi le créateur de l’armoirie archiépiscopale de son prédécesseur, Mgr l’archevêque Joseph Serge Miot.
L’ordination épiscopale de Mgr Poulard, à Jacmel, eut une belle couverture médiatique assurée par la Télévision Nationale d’Haïti, dont je fus le Directeur culturel. C’était pour lui une grande surprise, car il ne s’y attendait pas.
Quatre
ans plus tard, il m’aura surpris à son tour, en obtenant, à mon insu, de la
paroisse du Sacré-Cœur de Turgeau qu’il soit l’officiant principal aux
funérailles de ma mère. Dans cette église, remplie comme un œuf, grande fut ma
surprise de le voir sortir de la sacristie et investir solennellement le chœur.
Son choix pour lire la première Épitre, c’était moi, qu’il cherchait des yeux
dans l’assistance, pour enfin me désigner du doigt.
Deux mères entre deux mondes
Guire Poulard, né le 6 janvier 1942, est mort le 9 décembre 2018 à Port-au-Prince. |
Ce furent, en ce temps-là, les obsèques de deux mères à la fois, celle d’Hubert Deronceray et la mienne. M’ayant vu accéder au lutrin, ce corégionnaire de Mgr Poulard, natif de Petit-Goâve, voulut en faire de même, mais craignant un trop long discours politique, qui retarderait le transport de la dépouille de ma mère vers Beaumont, le prélat acquiesça volontiers, mais plaça cette intervention à la toute fin de la cérémonie. Ce qui, de toute évidence, vida l’église de moitié, car l’assistance était composée de militaires et d’hommes politiques, pour Deronceray, et de la gent scolaire, pour moi, déléguée par trois collèges, de la sixième à la philo, y compris des parents et amis. Je revois encore, côte à côte, les deux poètes Claude C. Pierre et René Bélance, venus pour moi.
Au
moment de me lever pour quitter l’enceinte de l’église, Mgr Poulard s’approcha
de moi pour me souffler ce qui suit à l’oreille ``Je suis venu spécialement
célébrer les funérailles de ma mère``. C’est ainsi que j’appelais aussi la
sienne, qui fut très affable avec moi au cours de ces vacances de Noël et de
Nouvel An que j’avais passées avec Guire dans son patelin de Delattes.
À la toute fin de la cérémonie funéraire, le prélat prononça les mots suivants ``Je demande à ceux et celles qui sont là pour Madame Weche de bien vouloir accompagner sa dépouille jusqu’au parvis de l’église, car le convoi mortuaire doit se mouvoir sans plus tarder vers Beaumont, en ce temps pluvieux``. Ainsi, le discours politique de Deronceray ne s’adressa qu’à ses partisans, dans une église vidée de moitié.
Les
inconvenances d’un journaliste
Revenu de Beaumont, au bout d’une semaine, Claude C. Pierre m’apprit que le très volubile Obelin Jolicoeur avait sorti un papier dans Le Nouvelliste, titré ``Les impressionnantes funérailles de Madame Deronceray``, alléguant la présence d’un évêque et la superbe voix de ma femme dans le sublime chant ``Plus près de toi``; le tout, pour Madame Deronceray. Me pointant au Nouvelliste, j’obtins d’Annaïse Chavenet un droit de rectification dans l’espace même de ``Choses et gens entendues`` d’Obelin Jolicoeur.
Quelques
années plus tard, à l’intronisation de Mgr Poulard comme archevêque de
Port-au-Prince, j’étais l’invité spécial de Liliane Pierre-Paul, sa parente, à
Radio Quisqueya, pour retracer la trajectoire de cet humble prêtre qui accéda,
en ce temps-là, à la plus haute dignité épiscopale haïtienne.
Mérès Weche |
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