Par Mérès Weche
L'historien Roger Gaillard (1923-2000) |
Depuis une centaine d'années, il y a
toujours débâcle, quand les Blancs débarquent. L'éminent historien Roger
Gaillard avait fait de cette macabre réalité le leitmotiv de ses nombreuses
publications sur cette période sombre de notre histoire nationale. Par débâcle,
j'entends la déroute en matière sociopolitique, c'est-à-dire une situation
catastrophique, en termes de gouvernance et de politique publique, d'une part,
et d'autre part, en raison de l'inconséquence des diffférents acteurs en lice
. Pour s'en convaincre, il suffit de se
reporter à la situation du pays en 1914-1915 où des tensions sociales exacerbées
nous valurent dix-neuf ans d'occupation; tout cela parce que d'anciens alliés politiques, tels que Oreste Zamor et Davilmar Théodore, s'étaient désolidarisés
dans la lutte populaire commune, pour défendre des intérets personnels, plutôt
mesquins, comme par exemple l'accession au pouvoir à titre de président
fantoche sous protectorat américain.
Rosalvo Bobo |
Les mêmes causes produisent toujours les mêmes
effets
Parlant d'analogie, on
compare fort souvent la plupart de nos politiciens à des comédiens, faisant du
pays la risée du monde. Le fauteil présidentiel haïtien, vraie chaise musicale,
a fait danser plus d'une cinquantaine de prétendants, au cours des dernières
joutes électorales, pour la simple et bonne raison que la fonction de Président
n'est plus l'apanage des plus capables,
comme l'entendaient les tenants du parti libéral dont Anténor Firmin, Boyer
Bazelais, Boisrond Canal, Edmond Paul, etc.
Même s'il y avait quelques têtes
bien faites dans cette brochette de candidats, beaucoup d'entre-eux ne
voyaient pas plus loin que le bout de leur nez, et on se demande même, dans
notre savoureuse langue créole, « si yo te menm gen nen lan figi yo».
Le distingué Professeur Lesly François
Manigat, de regrettée mémoire, avait
utilisé cette imagerie rocambolesque de
la «chaise musicale» pour parler de cette ruée vers le présidence
haitienne. Frédéric Marcelin et Fernand Hibbert, doués d'un génie peu commun,
savaient peindre avec un réalisme cru de tels individus. Thémistocle-Épaminondas
Labasterre, le personnage le plus haut en couleurs de Marcelin, avait pourtant
beaucoup plus de scrupules que ces acheteurs et vendeurs de suffrages. Que diraient aujourd'hui ces fins analystes
de la société haitienne du XIXe siècle de cette boite de Pandore, ou mieux de
ce miroir aux allouettes, qui fait que chez nous le mot «tabulation» rime avec
malversation, tribulation, manipulation, machination, au lieu d'«Élection»?
Un marine américain (Haïti 1916) |
Pour
le parti mational, ayant pour slogan « Le plus grand bien au plus grand
nombre», il s'agissait de passer par l'agriculture pour conduire le pays vers
le développement. Cependant, des guerres fratricides ont eu raison de cette
chance unique de dépassement de soi et d'entente historique pour changer le
destin du pays.
Pour reprendre une expression très courante dans le jargon politique
haitien:« Plus ça change, plus c'est la même chose». Et le pire c'est que, de jour en jour, c'est la sous-culture importée,
charriant des anti-valeurs, qui rime la vie nationale, et cela a des impacts négatifs
sur l'avenir d'une jeunesse livrée désespérément à elle-même. Le pays est en
constante régression, non seulement avec la décote de la gourde, mais surtout avec
le déclin de la classe moyenne et la nouvelle géographie de la faim à travers
toute l'étendue du territoire national.
Par :Meres Weche
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