Par:Meres Weche
Louis Dejoie Candidat à la présidence en 1957 |
En 1957, il y eut dans la campagne présidentielle
haitienne deux slogans majeurs, assez forts pour solliciter les bienveillants
suffrages des électeurs: celui de François Duvalier (Tout pour une nouvelle
Haiti, dans l'unité nationale) et celui de Louis Dejoie (La politique de
la terre, la seule, la vraie). Si le premier contenait 43 lettres, le
second en avait 34; des caractères qui ne veulent pas dire pour autant que le
pays fut une borlette.
À la chute de Paul Magloire, il est vrai,
cinq gouvernements provisoires se succédèrent au pouvoir - à peu près ce qu'on
entend aujourd'hui par gouvernements de transition - , mais la «chose politique»
n'a jamais été aussi vilipandée qu'aujourd'hui, compte tenu que les valeurs républicaines
avaient encore un sens, que les partis politiques tels que le PAIN, le MOP et
l'UN furent de grandes institutions idéologiques, et que, hormis les Jésuites
qui furent considérés comme des tombeurs de gouvernements, un peu partout dans
le monde, l'Église s'occupait davantage de sa chapelle évangélique, au détriment,
bien sûr, de l'idéologie religieuse
proprement haitienne: le Vodou. Qu'on songe à la fameuse campagne
anti-superstituese de 1942, sous la présidence d'Elie Lescot, qui causa des
torts irréparables au patrimoine culturel haitien.
La force des slogans politiques
François Duvalier Président élu en 1957 |
Par malice ou calcul politique,
l'expression «unité nationale» utilisée par François Duvalier avait un
contenu à la fois historique, politique et sémantique. Son rapport à l'histoire
semblait remonter à notre devise nationale, «l'union fait la force», mais
le vocable «Unité», du latin unitas; caractère de ce qui est Un,
unique ( par opposition à pluralité), montrait déjà une option politique
totalitaire, qui allait déboucher sur une féroce dictature. Cependant, l'avènement
de Francois Duvalier au pouvoir trainait des revendications populaires
authentiques, compte tenu de toutes les formes d'exclusions sociales à la base
de cet État-Nation, basées sur l'idéologie de couleur et la mauvaise répartition
des biens nationaux.
Tenant compte de cette rengaine, devenue
obsolète aujourd'ui, à savoir « Haiti est un pays essentiellement agricole»,
l'agronome Louis Dejoie avait la possibilité d'asseoir sa campagne sur la
nécessité, non seulement de mettre
l'accent sur la question agraire, qui
fut si chère à Toussaint et Dessalines, mais aussi sur le remembrement des
terres cultivables en milieu rural.
En dépit
de la cuisante question de couleur, qui n'a jamais été épuisée jusqu'ici, et
qui opposa farouchement les partisans de ces deux candidats, la politique de la
terre prônée par Louis Dejoie lui valut la faveur d'une bonne partie de la
paysannerie, dans l'Artibonite et le Sud du pays, particulièrement à St-Michel
de Latalaye, les Cayes, Ile-à-Vaches et
Miragoâne. La vision largement verte de ce candidat mulâtre a été motivée par
ses différentes capacités en matière d'agriculture: vétérinaire, spécialiste en
génie rural et en chimie agricole, ingénieur-agronome, agro-industriel
dirigeant plusieurs usines, et promoteur de la modernisation de l'économie
nationale, par le biais de sa société anonyme ETAGILD (Établissements agricoles
et industriels Louis Dejoie).
C'est dommage que la banane soit aujourd'ui
la seule offre électorale en matière de production agricole, pendant que le café
perd de plus en plus pied dans la balance économique nationale. Des produits
comme le palma-christi, le sisal, le vétiver, l'hévéa, pour ne citer que ceux-là, furent traités dans 17 usines
agro-industrielles de Louis Dejoie, réparties
dans plusieurs régions du pays.
Tout compte fait, en cette ère de banalisation de l'environnement par
nos gouvernements successifs, l'agriculture a très peu de chance de redevenir
une motivation électorale majeure, à moins de mesures drastiques pertinentes,
car les terres arables ont longtemps pris la route de la mer, comme d'ailleurs
les cultivateurs eux-mêmes.
Par:Meres Weche
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