Par:
Savannah Savary
Ayiti lentement s'effrite
sous les griffes d’un mauvais vent
elle a modelé sa patine
les larmes venues d'en haut
ruissellent sur ses parois
travaillent ses graffiti
la fournaise dévorant ses entrailles
l'homme refuse de
contempler l’azur
il est là
il attend
il souffre
fasciné par l’abîme
le cœur gonflé de rage
la bouche enflée d’orage
la conscience pleine de
sable
la mémoire naufragée
il n’est plus responsable
Ayiti lentement s’effrite
Sous les griffes d’un
silence atroce.
Photo:Savannah Savary |
Serait-il
pénible pour le lecteur d’accuser qu’un peu plus d’un demi-millénaire après
1492 (ne citons surtout pas Cristobal Colón pour ne pas le détourner), Ayiti,
paradis venu de millions d’années de bouleversements telluriques, est réduite à
une géhenne par les sacrilèges, la destruction des Hommes. Les exploitations à
outrance de toutes ses richesses ont commencé depuis l’installation de la
colonie française de Saint-Domingue. Forêts. Mangroves. Rak bwa. Terres
cultivables. L’éclair de 1804 n’aura pas porté de fruits, car négriers et
esclaves de nous-mêmes, nous avons emboîté le pas aux anciens colons. Notre
histoire est unique et extrême. Grandeur et décadence. Toutes les énergies
convoquées, exploitées, construites, entretenues, depuis la naissance de la
nation, se sont agglutinées pour la destruction. Honte aux successeurs des
premiers Noirs ! Ils ont failli d’avoir dévoyé la cause des marrons
libertaires. Une main puissante, malfaisante, semble orchestrer la destruction.
Puisqu’il est de bon ton, pour continuer notre marronnage séculaire, de
s’appuyer sur d’invisibles et omniscients complices du mal dont nous souffrons,
nous dirons que l’une des causes annihilant le souffle haïtien serait le
non-renvoi de l’égrégore de 1804. Les chefs ginen des marrons libertaires ne
purent assister à l’aboutissement de la lutte pour l’indépendance et les chefs
makaya créèrent un égrégore purement Makaya, affamé de sang. La cérémonie
d’action de grâces prévue aux lendemains de l’Indépendance, pour renvoyer le
dit égrégore, n’a jamais eu lieu. L’égrégore continue donc d’évoluer dans son
travail de destruction. Nos gouvernements successifs seraient comparables aux
anciens libres, chefs makaya, préoccupés d’accumuler richesses et biens.
Lorsque ces pilleurs sentent leurs intérêts en passe d’être lésés, ils
massacrent Haïti à l’instar de leurs prédécesseurs qui assassinèrent
Dessalines. L’empereur, malgré une sagesse occultée par l’Histoire, une
tolérance des travers, la gourmandise de ses contemporains, ‘’Yo te mèt plimen
poul la, pa fèl rele !’’, n’a pas survécu à la corruption naissante. Sa mort
est venue accélérer la déglingue, le chamboulement, le chambardement, la
débâcle.
Depuis la
naissance de notre République, au timon des affaires, rares sont les dirigeants
qui se sont inquiétés du sort de ce peuple bon enfant. Le roi Henry Christophe.
Les présidents Antoine Simon et Dumarsais Estimé. Les seuls visionnaires à
accomplir des avancées propices à la construction d’un pays. Les
caractéristiques des gouvernements haïtiens n’ont pas changé depuis l’empereur.
Pratiques despotiques traditionnelles. Ensemble de structures archaïques
gangrenées d’ambition personnelle. Égocentrisme. Absence de vision.
Incompétence permanente. Pillage des fonds publics. Destruction systématique de
toutes les ressources du pays. Absolu mépris de nos racines, de l’être haïtien.
Rejet de toutes les valeurs spécifiquement indigènes. Nos machines
gouvernementales réinventent l’infecte gouvernance traditionnelle, maquillée,
mise à point grâce à l’expérience des prédécesseurs. Le modèle régnant à la
cour impériale de Soulouque a été repris au fil des temps par des marionnettes
s’esquintant à l’imiter dans un raffinement venu de la pratique. Barons,
marmitons, boutiquiers, transbordés des derniers régimes et nouveaux valets se
repaissent d’Haïti, baptisée destination touristique, tant la récolte est belle
et promet encore. Éléments anciens et nouveaux dans la course au pouvoir
s’appliquent, se réinventent, pour jeter la poudre à l’œil de la masse.
L’étendard de la couleur, symbole de l’appartenance à une élite pourrie, est
certainement utilisé dans les fausses luttes et brandi par tous les acteurs
d’un théâtre morbide. Comme au temps du Bonhomme Coachi, il sert à régler des
différends n’ayant aucun rapport avec une avancée quelconque du peuple. L’État
est bon payeur, client anonyme et on s’arrangera pour déchirer les pages des livres
de compte d’une manière ou d’une autre, car l’argent qui devait envoyer le
petit haïtien à l’école aura servi à lui écrire des histoires farcies de
mensonges.
Le
développement économique d’un pays est le reflet de la mentalité de ses élites.
La République d’Haïti a accompli en 1804, le miracle d’une liberté arrachée aux
plus grandes puissances d’Europe. Rebelle. Incorrigible. Indomptable. Bercée de
rêves impensables. Aiguillonnée par d’incessantes luttes intestines. Haïti n’a
jamais pris son élan depuis 1804 …
Le dernier quart du XIXe siècle est marqué par l’incompétence de nombreux gouvernements éphémères, l’accroissement des investissements étrangers, le contrôle de larges secteurs de l’économie par des non-nationaux, les immixions des marchands allemands dans la politique intérieure, l’intervention politique et militaire des gouvernements européens.
Rien n’a
changé depuis un siècle. Depuis la démission de Davilmar Théodore, le général
Vilbrun Guillaume Sam s’est fait élire président par l'Assemblée nationale le 4
mars 1915. Ses exactions, ses crimes, ses abus de pouvoir et ceux de son chef
de police Charles Oscar suscitèrent dégoût et insurrection de la population.
Ils furent assassinés à la légation française. Dans une stratégie d’ensemble
visant à contrôler toute la région, l’Aigle présidé par Woodrow Wilson, décida
d'occuper militairement Haïti, notamment pour défendre les intérêts de la
banque d'affaires américaine Kuhn, Loeb & Co. Les blancs débarquèrent le 28
juillet 1915. Philippe Sudre Dartiguenave accèda à la présidence d’Haïti sous
la coupe réglée de l'occupant. Un traité, base légale de l’occupation, permit
la mise sous tutelle. Système de corvée pour construction de routes. Réactions
populaires violentes. Insurrection.
Dépossession des paysans de leurs terres.
Près de 40 000 paysans devinrent cacos sous leurs chefs Charlemagne Péralte,
Benoît Batraville. La capitale fut attaquée en octobre 1919. Racisme des
occupants américains. Consternation de l'élite mulâtre. Indignation. Les
Marines américains matèrent la révolte des cacos. La longue guérilla menée
contre les rebelles fit plus de victimes que les incessantes révolutions et
prises d'armes ayant servies de prétexte à l'intervention américaine. 1920.
Cinq ans depuis que le gouvernement Dartiguenave accumule échecs et déceptions.
Le seul avantage retiré de l'occupation semble la paix publique. La stabilité
des institutions dissimule un pillage systématique des caisses de l’État par
l’Étranger. Qu’est-ce-qui a changé aujourd’hui dans ce scénario écœurant ?
Haïti a
changé vers le pire. Des espaces jonchés de plaies béantes, puantes.
Tribulations et désolation d’une nature écharpillée. La grande masse du peuple
est victime de l’égoïsme de toutes nos élites. Notre société repue
d'égocentrisme n’a jamais su s’ériger en nation. La renaissance nationale ne
saurait se réaliser dans un abîme d’irresponsabilités. La culture du
nombrilisme ne mène qu’au néant. La démission s’est infiltrée dans nos artères,
jusqu’aux plus profondes strates de l’esprit. À penser que nous sommes
impuissants à gérer 27 750 kilomètres carrés ! Au terme d’une succession
d’échecs, de ratages, la nullité est devenue notre seconde nature. La litanie
de nos innombrables malheurs est devenue nouvelle liturgie pour le règne d’une
religion-Misère. Misères singulières. Misères collectives. Misères plurielles.
Misères quotidiennes. Misères perpétuelles. Misères mentales. Misères hideuses,
anéantissantes, envahissant toutes les cellules de l’organisme haïtien.
La forme
d’occupation a changé. Plus subtile. Avec des pratiques agressives déguisées.
Toutes les bottes sont devenues bleues, teintes d’un ciel coulé de plusieurs
types de nuages avec prépondérance du puissant Cumulonimbus qui dicte
sécheresse ou pluies. Les cacos sont morts. Les armes de destruction massives
sont imbattables. Il ne reste que les marches pacifiques et la voix
contestatrice souvent noyée dans les vociférations…
Honte à vous
! Honte à nous !
Plus on
s’enfonce dans la bêtise, plus on beugle contre les autres. Organisations non
gouvernementales transformant la population en assistée. Pays maltraitant nos
ressortissants tout en utilisant leur force de travail. Puissances à l’affût de
nos richesses minières. Nations supposément sœurs abritant nos pauvres hères
sans papiers. Patrons étrangers nous dictant leur volonté puisqu’ils font
encore les frais de notre démocratie. Quel pays au monde a amélioré son sort et
le devenu de ses enfants grâce aux apports d’un autre pays ? «Depi ki lè pèp
konn ede pèp ?» La loi ‘’chak koukouy klere pou je yo’’ se traduirait ainsi :
‘’chak peyi defann zafè yo’’. Haïti de toutes les miséricordes n’a toujours pas
dansé le dernier carnaval sur les bords du volcan habité par nos perpétuelles
chimères. Abêtie, elle traîne encore le pas, comme une vieille attardée à se
farder les joues alors que la mort travestie attend à sa porte. La mort d’un
système pourri dont la robe délétère a été moult fois reprisée des mêmes fils
trempés de corruption, imbibée de malversations par les apatrides, rapiécée de
gouvernements noyés dans la délinquance et la corruption !
Conzé
anarcho-populistes se réclamant de Dessalines à la moindre occasion. Sangsues
exploiteurs se disant héritiers de Pétion. Patriotards démagogues louant à
longueur de discours le sens dialectique de Toussaint. Finalement, le peuple
haïtien ne serait qu’une flopée de zombis embrigadés comme figurants dans la
répugnante mise en scène des mardigratures électorales.
Le carnaval
à la mode haïtienne, sous des formes plus rocambolesques que l’habituel, est venu
s’imposer dans toute sa splendeur agaçante. On l’a dansé politiquement jusqu’à
l’indigestion. On s’est prosterné diplomatiquement devant ses bouffons. On a
pataugé dans les vases de la concupiscence. On a gesticulé dans l’arène des
maudits jusqu’à noyer notre mauvaise conscience. On a salivé pour prétendre
être encore citoyens d’un pays perdu aux yeux des dieux tutélaires, sans autre
inquiétude que la satisfaction vénielle de l’intérêt personnel. L’absence de
l’État dans ce moment de grand bouleversement planétaire et la faillite des
élites ont permis une prise en charge systématique par la communauté
internationale du devenir haïtien. Pillage recyclé, recalibré, réactualisé.
Cupidité effrénée. Accaparement agressif. On ne se préoccupe même plus de la cohorte
des pays amis qui auront presque tout vu, tout entendu, sans pourtant arriver à
comprendre notre peuple bizarroïde au comportement stérilement surréaliste. Nos
pays amis se contentent de jouer avec nous aux osselets. De temps à autre, on
ramasse un os. Dans ces parties d’osselet, planant au-dessus de nos discussions
byzantines, la communauté internationale s’assure sous couvert de toutes les
humanités, de négocier sous la table, avec ses valets locaux, les avantages et
richesses de la Cendrillon emmerdeuse.
Négociations
tout à fait faciles puisque les gardiens et défenseurs de l’intérêt national,
arrivés, propulsés au pouvoir, ne sont nullement concernés par le bien-être
haïtien. Ils n’ont rien à tirer d’un redressement pour un changement de statu
quo. Ils ne sont investis d’aucune mission corrective, car la déchéance a été
léguée par leurs prédécesseurs. Les autres acteurs ne méritent pas mieux que
d’être ficelés dans un même paquet pourri avec étiquettes. Moins voleur. Plus
apatride. Vendeur de pays. Traitre à la nation. Sanguinaire. Négociant
d’Haïtiens. Les épithètes et leurs variations semblent évoluer avec le temps et
en intensité, mais les mathématiques sont une science exacte et le calcul se
révèle toujours négatif à la fin du mandat. Nous sommes tragiquement réduits à
présenter le moins mauvais locataire du palais national comme une affaire
exceptionnelle, un magicien capable de transformer nos savanes de pierres en
plaines cultivées, nos villes en zones rurales, nos angoisses en liesses, pour
une avancée remarquable dans ce tunnel d’incompétence. Au fait, combien se
soucient encore d’Haïti ? Nos enfants savent-ils qu’en 2025 nous importerons de
l’eau potable ? La mosaïque de notre population persiste dans son refus de
s’imbriquer pour un front commun contre la misère et l’exploitation sous toutes
ses formes. Chacun s’occupe uniquement de son nombril. La descente aux enfers
est malicieusement rallongée, grâce aux astuces novatrices de citoyens
soi-disant bien intentionnés. Canaan sous le Morne-à-Cabrit, l’exemple le plus
récent, flagrant, d'une culture-misère étalée, entretenue sous forme de
camps-bidonvilles. La route Nationale #1 passe devant cette plaie ouverte de
notre société, l’expose aux regards. Les gouvernements n’ont pas semblé se
préoccuper assez des déplacés du séisme pour prévoir l’anarchie des
constructions, prévenir les problèmes structurels, installer les
infrastructures nécessaires. La mer, toute proche, se prélasse dans un apparent
bien-être, s’étourdit de soleil, déroule ses vagues indolentes ou maussades,
comme dans un monde normal. Témoin éternel de nos calamités, elle observe les
ébats du peuple pour vivre, survivre et mourir dans la solitude crasseuse. Dans
sa totale débâcle, l’Haïtien arrive encore à transformer une situation quasi
impossible en page d’histoire d’une mordante ironie. Sans-maîtres.
Sans-gouvernants. Matériel encombrant. Pitimi san gadò livré au degaje pa
peche. D’aucuns se pensent plus intelligents que le reste de la nation. À
l’abri de la misère. Certains laissent aux autres le soin de penser à leur
place. Pratiquants de yon pye anndan, yon pye deyò. Éternels ‘’de passage’’.
Tous devraient rechercher, dans les brumes abêtissantes de l’égarement
collectif, une dose de conscience pour reconnaître que, riches ou pauvres,
Haïtiens sans distinction aucune, Notre Dieu et ses lwa, se baignent
immanquablement dans la même mer polluée, boueuse des terres arables lavées par
nos mains assassines.
Rien n’a vraiment changé
le fleuve charrie encore
ses cargaisons de pourritures
son carrousel de boue
purulente
ses provisions de pestilence
rien n’a vraiment changé.
La Terre n’a guère changé de ciel
les prédateurs continuent encore
à brasser immondices et souillures
ordures débris et rancitude
en pataugeant dans la gluance des miasmes
la pâte huileuse des tonneaux infects
il ont anéanti l’arbre fondamental.
Le Soleil a perdu sa
boussole
la source figée sans réveil
le bourgeon asphyxié sans
élan
et le chemin s’efface en
léthargie
dans l’égarement des
jambes mortes
l’ankylose des reins
nuages ténèbres fiel
d’amertume
tel un œil crevé de
gangrène.
Vraiment sans fusion
sans diapason
sans raison
sans vision
les hommes ont labouré
le temps le vide et le
rien.
La Terre le Soleil et la
Lune
les étoiles n’ont guère
changé de quartier
rien n’a vraiment bougé
hormis la défloration des
horizons ensanglantés.
Continuerons-nous
à chercher ailleurs les causes de nos piétinements et de nos retards ? En bons
clients de la misère, nous nous enfonçons dans des conditions infrahumaines
sans penser à être acteurs d’une éventuelle renaissance. Les classes
défavorisées sont le miroir des élites intellectuelles, économiques et
politiques. Porteurs du savoir venu de la souffrance, jeunes, universitaires,
habitants des zones rurales, déplacés du séisme, la majorité nationale pense en
orphelin. Orphelins livrés à eux-mêmes, aux saints et lwa. Orphelins d’une
nation sans état d’âme. Ils pensent pour eux seuls, suivent l’exemple des
élites méprisantes et méprisables. Sans attendre du gouvernement autre chose
qu’un carnaval. À l’image de la récente Carifesta XII préparée au rabais,
réalisée piètrement. On vit dans l’à-peu-près, loin derrière nous l’époque
vertigineuse de la commémoration du bicentenaire de la fondation de la ville de
Port-au-Prince, en l’année 1949, lorsque Haïti représentait le cœur de l’art
caribéen. Absence de vision du pouvoir. Implémentation de politiques de grenn
gòch. Précarité des relations entre les pouvoirs. Débâcle institutionnelle.
Éparpillement stérile et détournement des fonds petrocaribe, pour un
remboursement ardu des générations montantes comparable financièrement au
remboursement de la dette de l’indépendance. Aboutissement à une crise
économique sans précédent. Crise politico-électorale tout à fait délétère
orchestrée par le pouvoir et alimentée par la race politicienne. Crise
humanitaire avec déportation de nos ressortissants par l’autre République de
Kiskeya. Crise sociale avec ses corollaires d’insécurité. Mort de la lumière.
Agonie de la liberté. Liberté, égalité, fraternité. Vains mots qui n’ont pu se
fondre pour les fondations d’une République. Société hypocrite et haineuse depi
nan Guinen. Trahisons fratricides. Pratiques destructrices et anéantissantes.
Horreurs séculaires faites d’injustices, de rapines, se révélant au bout du
compte un lourd héritage difficile à extirper de nos structures individuelles,
collectives. Il n’y a plus de termes pour décrire la déchéance de notre genre.
Premier rassemblement nègre à conquérir sa liberté, proclamer sa République et
damer leson pion aux grandes puissances colonialistes, devenu lamentablement
pays mendiant au bol tendu devant la communauté internationale.
Comment ce
peuple peut-il lever la tête lorsque le premier mandataire de la nation revient
de voyage avec ses malles remplies d’oboles, promesses dérisoires, projets
bidon, et… crâneur, se targue des plus belles réussites, s’égosille fièrement à
les énumérer ? Mendicité chronique, infructueuse, honteuse. L’Étranger laisse
tomber milliards de lions rugissants, fantomatiques. Écœurement ! Au fond du
gouffre, nous oublions que nous sommes complets et avons la pleine capacité de
travailler pour manger. Katchouboumbe ! Nou pran nan mera san di petèt !
Ayisyen pa gen san nan venn yo !
L’euphorie
folklorique, générée par la chute de la dictature de 1957, aurait accouché
d’une race d’avortons, les politiciens affairistes, magouillards et comédiens
médiocres. Cette pléthore de terroristes locaux formant la classe putride des
hommes politiques véreux se targue à croire en décembre 2015 qu’ils ont capacité
et légitimité pour représenter la grande masse des laissés-pour-compte. À
défaut d’idéologie militante et d’ancrage politique, avec des partis politiques
sans leadership, les élections deviennent une dangereuse farce à grand renfort
de billets verts, flottes de motocyclettes, pancartes géantes, camions truffés
de haut-parleurs, bandes de rara, maillots, posters, billets de mille gourdes…
Des élections de 1990 à nos jours, les protagonistes lorgnant le pouvoir n’ont
offert aucune solution viable, manifestant rien de plus que des vœux
mensongers, une creuse déclaration d’amour au peuple. Nou pran nan mera pi rèd.
La crise permanente haïtienne alimente discours politiques, articles sulfureux
des journaux étrangers s’ajustant au fur et à mesure des retombées dramatiques
de nos inconséquences.
Arrêtons nos
déhanchements ! Les prétendues élections et les résultats vomis par le Conseil
électoral d’Opont ne sont pas le vrai problème à résoudre aujourd’hui. La
société haïtienne serait comparable à une machine au moteur «déconstombré»,
sans carburateur, sans distributeur, bougies fondues, une bogota guagua. Aucun
chauffeur ne peut, malgré audaces et je chèch, prétendre la faire démarrer. Une
machine sociétale qui n’a jamais démarré depuis 1804, grippée au XIXe siècle,
toussant au XX e, raclant à travers tous les chemins de l’Histoire et
agonisante en ce début du XXIe siècle. La panne de cette machine ne peut être
surmontée. La structure surannée et obsolète, moribonde et expirante, est
arrivée à ses derniers instants. Quelle différence vraiment entre ces paquets
de candidats, les uns plus matois que les autres, certains plus démagogues,
d’autres descendus d’un char carnavalesque… ? Qu’ils payent des votes, se
gaspillent en courbettes devant Papablan, crient, piaillent, ils demeurent des
prédateurs de Haïti et les futurs chauffeurs de la machine madichonne à la
remorque de l’Internationale. Se pa afè kandida pou nou defann ! Ce n’est pas
une affaire de candidats que nou vle ou pa vle ! C’est le système que nous devons
démanteler et foutre aux poubelles de l’Histoire.
«La vieille
machine madichonne doit être démantelée et rejetée dans le dépotoir des déchets
nocifs, car elle est responsable non seulement de nos désastres matériels, mais
aussi de nos distorsions mentales et de nos tares séculaires. Il s'agit de
sortir de notre léthargie chronique. De transcender la peur, la torpeur, la
rancœur, la haine, le ressentiment, les aliénations zombificatrices. De nous
engager dans une exaltante et sublime quête de lumière. Pour nous-mêmes. Pour
les autres. Avec nous-mêmes. Avec les autres. Pour le salut global d'une terre
menacée.» Tiré de Le Nouvelliste, National, 22 Septembre 2010. Haïti: O Sainte
Misère Miséréré ! Délivrez-nous !
Épées de Dessalines le
Grand, Lakou Badjo nan
Gonaïves. Crédit photo Savannah Savary
|
Le terrorisme a plusieurs visages. Nous avons
ouvert le flanc pour que l’étranger s’impose et prescrive l’inadmissible qu’il
n’accepterait pas chez lui. Sans évacuer l’aspect humanitaire des interventions
chez nous sous couvert de missions philanthropiques de l’international, nous
soulignons qu’il existe plusieurs formes de terrorismes, toutes condamnables.
Nous désapprouvons le terrorisme axé sur la haine destructive et la violence
sanglante n’épargnant même pas les innocents. Le terrorisme à dimension religieuse
nourri par l’intégrisme et le fondamentalisme. Une autre forme de terrorisme
consiste pour les puissants de la planète à bloquer l’élan et le développement
d’un autre pays, en investissant dans le désespoir de certaines communautés
démunies qui vivent alors avec le sentiment horrible d’être écrasées et de
mourir vivantes.
«Sainte
Marie des Misères, béatifiée coiffée, couronnée, Miséréré Nobis, après la
Vierge de Saut-d’Eau, la Vièj Mirak, vous êtes la plus adulée des saintes qui
protègent Haïti et toute la cohorte de nos bienfaiteurs qui ont investi leur
humanisme dans notre perpétuelle déchéance!»
Ce néo colonialisme déguisé, intervenant au
nom d’un développement jamais défini selon les vrais besoins des populations,
maquille en fait la présence et les agissements de l’étranger toujours à
l’affût. Ces pratiques aliénatrices et déshumanisantes sont une forme de
terrorisme. Un terrorisme travesti en bienfaisance. Un terrorisme tuant
lentement pays et peuple, car l’aide de Gargantua est un investissement, une
avance sur bénéfices inévaluables tant ils sont immenses. Prélèvement sous des
tables obscures de nos ressources avec la complicité de nos corrompus. Yo banou
manje grenn diri, men se pwazon l ap tounen pou generasyon k ap monte yo ! Un
peuple asphyxié par la faim ne peut plus rêver, car ses forces suffisent
seulement à satisfaire les pulsions du ventre. Une nation à genoux ne sera
jamais en mesure d’assimiler, d’intérioriser l’idéologie libératrice. Un pays
se construit à partir des rêves d’hommes et de femmes menés par une idéologie.
Quant à ceux qui mangent encore à leur faim, la majorité évolue en dehors de la
réalité du pays dans un jemenfoutisme brutalement nourri d’indifférence et
d’irresponsabilité. Intellectuels. Professionnels de haut niveau. Directeurs de
conscience et d’opinion. La plupart d’entre eux vivotent dans une étrange crise
d’impuissance amalgamée d’un sentiment de culpabilité. Quant aux flatteurs
traditionnels, ils nagent et pataugent joyeusement dans un lac pestilentiel.
Le momentum est précis. C’est le temps de passer à la caisse !
Les élections chez nous sont un commerce de votes. Ventes d’immunités parlementaires avec des bénéfices financiers. Le soi-disant intouchable Conseil électoral provisoire tout-puissant détient le monopole de la marchandise. La crise politique électorale, insolvable et inextricable, constitue son plus insignifiant souci. Au contraire, les démenés des kyrielles de candidats dont l’accession au pouvoir dépend du bon vouloir du CEP font l’affaire du Conseil. Il n’existe qu’une unique porte de sortie aux maux qui rongent notre société : TABULA RASA.
Le momentum est précis. C’est le temps de passer à la caisse !
Les élections chez nous sont un commerce de votes. Ventes d’immunités parlementaires avec des bénéfices financiers. Le soi-disant intouchable Conseil électoral provisoire tout-puissant détient le monopole de la marchandise. La crise politique électorale, insolvable et inextricable, constitue son plus insignifiant souci. Au contraire, les démenés des kyrielles de candidats dont l’accession au pouvoir dépend du bon vouloir du CEP font l’affaire du Conseil. Il n’existe qu’une unique porte de sortie aux maux qui rongent notre société : TABULA RASA.
La cire
sociétale haïtienne a fondu totalement. Il suffit maintenant de la débarrasser
des gangues du moule fissuré, l’élaguer de la corruption, l’écarter du terrorisme
d’État soutenu par les interventions étrangères camouflées, pour que les
racines haïtiennes glorieuses, profondes et nombreuses puissent faire éclore la
liberté du ventre, de penser, de grandir en nation. Aujourd'hui, en faisant
tabula rasa de la machine madichonne, nous avons l'occasion exceptionnelle de
poursuivre la construction d’Haïti en approchant de manière positive,
rationnelle, les questions primordiales et fondamentales touchant
l’infrastructure, l'agriculture, l'éducation, la santé, la relocalisation des
populations déplacées, la réhabilitation de l'environnement et la valorisation
de notre patrimoine culturel. Alors, trempé d’une conscience collective
constructive, regroupé en organisations, associations, mouvements tèt ansanm,
coopératives, le peuple éduqué, investi d’un sentiment d’appartenance à cette
terre et convaincu de sa fierté légendaire, arrivera, avec une saine mentalité,
à jeter les structures d’une nouvelle société, pour une vraie République.
L’ère du
Verseau, suivant les prophéties, amène une nouvelle conscience lumineuse. Le
cheminement infructueux de notre peuple sans guide, dans un système
dévastateur, rive nan tobout li.
Nous avons
besoin d’un rassembleur prométhéen. Actions et paroles positives se
fusionneront dans le choc des énergies remembreuses et vitalisantes. Du chaos
viendra la lumière.
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