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Friday, November 1, 2013

Fête des Guédés : Tradition Vaudou et Esprit d’Halloween

English Translation is available
Par:Herve Gilbert herve.gilbert@gmail.com

La Fête des Guédés, célébrée les 1er et 2 novembre en Haïti et dans la diaspora, est une manifestation emblématique de la religion vaudoue en Haïti. Dans la mythologie vaudoue, les Guédés incarnent les esprits de la mort et de la résurrection. À cette occasion, les fidèles organisent des cérémonies pour honorer les esprits représentés par divers « Barons » : Bawon Samedi, Bawon Cimetière, Bawon Lacroix, Bawon kriminel, ainsi que « Grann Brijit », épouse de Bawon et première femme enterrée au cimetière.

Scènes de guédés au cimetière
Les vaudouisants vénèrent un dieu créateur lointain et insaisissable nommé Bondyé. Comme Bondyé n’intervient pas directement dans les affaires humaines, les fidèles se tournent vers un panthéon d’esprits subordonnés, appelés * “lwa”, serviteurs de Bondyé. Chaque lwa veille sur un domaine spécifique de la vie, leurs personnalités diverses et changeantes incarnant les multiples facettes des aspects qu’ils régissent. Dans leur quotidien, les vaudouisants entretiennent des liens personnels avec les lwa par des offrandes, la création d’autels et d’objets de dévotion, et en participant à des cérémonies élaborées mêlant musique, danse, possession et autres rituels.

Le rituel d'un prêtre  du vaudou  devant
 le symbole  
Vèvè  
dessiné autour 
du  *poteau-mitan  du 
péristyle
.
  
Le vaudou présente une diversité de pratiques à travers Haïti et au sein de la diaspora haïtienne. Par exemple, dans le nord d’Haïti, le lave tèt (« laver la tête ») ou « kanzwe » peut constituer la seule forme d’initiation, comme c’est également le cas en République dominicaine et à Cuba. En revanche, à Port-au-Prince et dans le sud, les adeptes pratiquent les rites de « kanzo», qui comportent trois grades d’initiation : kanzo senp, si pwen, et asogwe, cette dernière forme étant la plus courante en dehors d’Haïti. En général, le vaudou conserve une orientation conservatrice, respectueuse de ses racines africaines, même si les informations provenant de livres ou d’internet peuvent parfois sembler contradictoires. Il n’existe aucune autorité centrale, aucun « pape » dans le vaudou haïtien ; comme le dit un adage populaire, « chaque mambo et houngan est à la tête de sa propre maison ».

La diversité du vaudou haïtien s'exprime aussi à travers les multiples sectes en dehors du Sèvi Ginen, telles que le Makaya, le Rara, et diverses sociétés secrètes, chacune possédant son propre panthéon d’esprits distinct.

Chaque guédé manifeste à leur façon
Le vaudou trouve ses origines au XVIIIe siècle dans la colonie d’esclaves française de Saint-Domingue, où les pratiques religieuses africaines étaient sévèrement réprimées, et les esclaves étaient forcés de se convertir au christianisme. Les pratiques du vaudou contemporain restent étroitement liées au vaudou ouest-africain tel qu’il est pratiqué par les peuples Fon et Ewe. Par ailleurs, le vaudou intègre des éléments et symboles d’autres cultures africaines, incluant ceux des Yorubas et des Bakongos, ainsi que des croyances des Taïnos. Enfin, il est enrichi par des influences spirituelles européennes, notamment le christianisme catholique, la mystique européenne, la franc-maçonnerie et diverses autres traditions religieuses.

Des pèlerins en transe à la cascade de Saut d'eau
 un 16 Juillet, jour de la fête de Mont-Carmel. 
   
Cette célébration traditionnelle donne lieu à des moments d’exaltation intense. Dans les rues, les vaudouisants exécutent des danses avec des gestes érotiques parfois provocants, consomment du vinaigre, mangent des piments et profèrent des paroles audacieuses et souvent crues. Ces comportements incarnent les caractéristiques de Guédé, une figure emblématique du panthéon vaudou que des ethnologues haïtiens considèrent comme héritée de la période précolombienne.

Les couleurs jouent un rôle important dans l’esthétique des manifestations en l’honneur des Guédés. Les teintes traditionnelles sont le noir et le violet, tandis que le costume de Guédé Nibo se distingue par le noir, le mauve et le blanc. Guédé Nibo est respecté en tant que protecteur des morts-vivants.

Des adeptes qui viennent manifester leur foi

Un temple vaudou haïtien, appelé «hounfò», est le lieu des cérémonies. Après une à deux journées de préparation durant lesquelles sont disposés des autels, les offrandes rituelles sont préparées, incluant notamment des volailles et d’autres mets. Un service vaudou commence par une série de prières et de chants en français, suivie d’une litanie en créole et en langaj (langue sacrée d’origine africaine), énumérant les saints européens, les esprits africains, et les lwa honorés par la maison. Cette séquence, nommée « Pryè Ginen »(prière africaine), est un hommage solennel à tous les grands esprits du hounfò. Après plusieurs chants introductifs saluant Hounto, l’esprit des tambours, viennent les chants dédiés aux esprits spécifiques, à commencer par la famille Legba et les esprits Rada. Le service marque ensuite une pause avant d’entamer la partie Petwo, qui se termine par les chants dédiés à la famille des Guédés.


Une prêtresse dessinant un vèvè de "Grann Brigitte
"
Le Vévé, ou Vèvè, est un symbole graphique que les prêtres et prêtresses du vaudou dessinent autour du poteau-mitan, en utilisant des poudres variées telles que farine, cendre, craie ou herbes broyées. Dessinés au sol, les Vévés forment des schémas complexes et harmonieux, constitués de figures géométriques énigmatiques dont seuls les initiés comprennent la signification. Art éphémère par essence, le Vévé s'efface au fil des offrandes et des danses rituelles. Chaque Vévé correspond à un lwa, intégrant les symboles stylisés associés à cet esprit spécifique. Par exemple :
Damballah Wèdo est représenté par deux serpents formant un triangle autour d’une croix.

Ogou Ferraille se manifeste par un sabre positionné au centre d’un triangle.

Papa Legba est symbolisé par une croix ornée d’une canne.

Baron Samedi est associé à une croix sur un autel ou une tombe, entourée de deux cercueils.

Feu Max Beauvoir lors d'un rituel,  est considéré
comme étant le chef suprème du Vaudou en Haiti.
 
Ainsi, l’apparition d’un Vévé signale la présence d’un lien vaudou spécifique. Cependant, ce graphisme sacré n’a pas de vocation purement illustrative ; sa nature éphémère implique sa disparition durant les offrandes et les danses du rituel.

Lors des chants rituels, les participants croient que les esprits viennent visiter la cérémonie en prenant possession des fidèles, s’exprimant et se manifestant à travers eux. Lors de ces cérémonies, la famille des individus possédés par les lwa est considérée comme bénéficiaire de leur présence. Dans ces moments, le mambo ou houngan peut renforcer le lien avec les esprits par des actions symboliques. Par exemple, si un esprit réclame du champagne, un participant averti peut toutefois choisir de décliner. La structure des cérémonies varie selon le style du prêtre ou de la prêtresse, oscillant entre des formes solennelles et d’autres plus spontanées.

Une chèvre est immolée en considération de certains motifs
Dans un rite solennel, chaque esprit est accueilli par les initiés, offrant des lectures, des conseils et des remèdes à ceux en quête d’aide. Plusieurs heures plus tard, à l’aube, les derniers chants se font entendre, les invités quittent les lieux et les hounsis, houngans et mambos épuisés peuvent enfin trouver le repos.

Les célébrations des Guédés rassemblent des participants de toutes origines sociales, des couches populaires aux classes moyennes. Certains pratiquants vivant à l’étranger sont résolus à ne pas manquer ce rendez-vous annuel. Cependant, la participation explicite des membres de la bourgeoisie haïtienne demeure incertaine. Une partie de cette classe préfère commémorer la Toussaint dans le respect strict des traditions catholiques.

 Un documentaire sur le vaudou haïtien
  


Lwa : dieux dans le panthéon vaudou
Autre regard sur le vaudou haïtien
  
Dans le vaudou, *le poteau-mitan ou potomitan constitue le cœur du hounfò, ce péristyle autour duquel dansent les initiés, ou hounsis (adeptes). Autour de ce pilier de bois, les fidèles déposent leurs offrandes, tandis que des vévés sont tracés à même le sol, marquant la présence sacrée de cet axe vertical qui symbolise la communion avec les esprits (lwa), les défunts et les divinités. Le poteau-mitan représente ainsi un pont entre le monde des vivants et celui des morts, une passerelle mystique reliant l’homme à l’invisible.

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