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Tuesday, June 9, 2020

L’Amérique m’a donné le goût d’idolâtrer mes ancêtres nègres

George Floyd - Sculpture d'un Haïtien

Par Max Dorismond



L’Amérique! insolente Amérique! À chaque fois que je visionne une vidéo, une ancienne photo relatant tes scènes de violence ou de barbarie contre les Nègres, il me revient à l’esprit, la superbe ballade martiale chantée par notre célèbre Guy Durosier : « Nous », où il te décrit comme « la civilisée qui est morte deux fois de sa belle mort » etc.

En effet, chère Amérique, avec « L’agent orange » que tu as comme président, tu viens de faire la preuve par dix, une fois de plus de plus, que la fin de l’empire est proche. On prépare déjà ton requiem.

Plus de 400 ans se sont écoulés et ta haine immuable des Nègres, qui t’ont enrichie, n’a pas oscillé d’un iota vers le bas. À voir avec quelle aisance, le policier Derek Chauvin, la main dans les poches assassine George Flyod, on le croirait en safari, quelque part dans une brousse africaine, à la chasse au lion, un genou sur son trophée, le torse bombé et fier, dans une pose triomphante, exhibant l’animal vaincu. Ah, l’Amérique, toi, la civilisée, l’industrieuse, la progressiste!

Comment en est-on arrivé là en plein XXIe siècle?
Nous sommes en face du dernier relent du mépris du Nègre qui sévissait depuis le XVIIe siècle dans la psyché des ancêtres des suprémacistes blancs. Il faut remonter très loin pour retrouver la cause. Avec, par exenple, Montesquieu, se portant à la rescousse de la dégradation de la conscience européenne dans l’ascension esclavagiste, il a fallu déshumaniser le Nègre pour éviter les problèmes avec sa propre chrétienté. En fait, il soutient1 : « On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps si noir » et il renchérit, « Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes, parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens ».

Cette même théorie de désensibilisation, de déculpabilisation, cette inventivité au service de l’horreur, a été aussi utilisée par les Allemands contre les Juifs, pendant la 2e Grande Guerre. Elle avait enlevé tout sentiment humain aux soldats du 3e Reich dans l’assassinat inconscient de plus de 6 millions des descendants d’Abraham.

Déshumaniser, c’est faire de l’autre, un animal, un être incapable de s’imbiber d’aucun sentiment de probité. Donc, un être vivant, propriété d’un maître, un bien meuble, un élément voué à subir tous les crimes innommables, sans nulle responsabilité de l’auteur, d’où le plaisir de le lyncher en public, d’écrabouiller sa tête, d’écarteler son corps, de l’écraser comme on se débarrasse d’une punaise, sans aucun remords, à cette époque pas trop lointaine.

 Guy Durosier - Nous 

Dans leur psyché, les Nègres n’ont pas d’âme et l’idée de race devient une conception sociétale. La servitude s’est révélée un crime qui bafoue toutes les lois humaines, celles de la raison et toutes les lois naturelles et morales. Et cette race infortunée se trouva à tout jamais marquée du sceau du tragique.

Au fil du temps, les médias, les universités, les intellectuels ont caché l’histoire de l’esclavage pour ne pas révéler au monde, dit civilisé, les tares, les crimes répulsifs d’une société supposément avancée. Ainsi, les sous instruits, tels que ce policier, éprouvent toujours le désir de prouver à leurs admirateurs que nous sommes toujours au siècle révolu, que l’homme noir est un animal à abattre sans complexe.

Tout ce détour, c’était pour arriver à cette sublime pensée que la liberté, le respect humain ne se quémandent pas. Ça s’acquiert. Point final! Les familles noires américaines pleurent et pleureront toujours, parce qu’on leur avait fait don de cette liberté. Ils n’ont pas eu la chance des Haïtiens. En conséquence, rien ne changera la psychologie des « têtes carrées Yankees ». Elles pataugent encore dans les limbes de l’histoire des siècles antérieurs.

D’ailleurs, si Haïti ne s’était pas mis debout pour arracher, de leur gosier, son indépendance, aujourd’hui encore, bon nombre de nations seraient dans les fers. Par contre, les suprémacistes de l’Occident se sont ligués contre elle, en déployant tous les artifices possibles et imaginables pour lui faire payer son audace, aux fins de l’offrir en exemple à tous ceux qui rêvent à cette échappatoire.

Conséquemment, nous sommes pauvres, il est vrai, mais fiers de marcher, non pas à genoux, mais la tête haute. Un Derek Chauvin fou peut nous tuer chez nous, pour autre chose, mais pas à cause de notre couleur ni de notre classement dans le règne animal. Nos ancêtres avaient rayé cette vision de leur cerveau pour toujours et pour l’éternité.

Pour ce, mes chers et adorables libérateurs, J.J. Dessalines, Toussaint Louverture et les autres, étant loin, je dépose par la pensée, des pétales de roses écarlates sur vos tombes, à chaque jour qui passe, pour vous remercier de nous avoir évité de mourir sous les genoux des racistes à la façon de George Floyd. Mille fois merci!

Max Dorismond



NOTE

1 – Montesquieu ( 1689-1755 ) : « De l’esprit des lois » (1748). Livre xv, Chapitre v

4 comments:

  1. ​TRIBUNE DE LIBRE OPINION
    L'assassinat odieux de George Floyd a soulevé l'indignation de tout le monde et
    particulièrement les afro-descendants. Voici à cet effet un superbe article de Max
    Dorismond qui souligne les malheurs du racisme envers les noirs à travers les
    âges. JM

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  2. Bravo Max... Une fois de plus, l’éloquence intarissable de ta verve n’a d’égal que ton amour pour la liberté et ton désir ardent de justice social, et , tu ne cesses de le prouver depuis ton dernier ouvrage où, sous la cendre des MOTS se cachait cette haine de l’injustice sociale, cause principale de tous nos maux . Ton courage pour les dénoncer n’a d’égal que celui D’un Amiral Killick qui avait préféré faire sauter avec lui son navire plutôt que de se rendre. Bientôt il te faudra ,comme disait Boiron Tonnerre , « la peau d’un raciste pour parchemin, son crâne pour écritoire et pour baïonnette… » VAE VICTIS

    Ton Capitaine (Jean (John) Rouzier

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  3. Bonjour Max

    Oui je te dois cette fidélité comme je le dois a tous les Grands-Anselais qui se sont hissés à ce niveau pour faire Honneur à ce petit coin de terre ou ils ont vu le premier jour. Oui ENSEMBLE comme tu le dis, Nous leur montrerons LA LUMIERE qui ne cessera jamais de briller du plus profond de nous pour implanter chez cette nouvelle génération les Rayons ENERGETIQUES de La voie à suivre pour la survie de tous.

    Infatigablement USQUE AD SUMMUM Jn-A

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  4. Bonjour Max,

    J'espère que tu vas bien, encore une fois tu t'es surpassé, c'est un très beau texte, encore une fois merci. Mais j'ai des problèmes avec ton dernier avant paragraphe. En ce sens, nous, les Haïtiens et surtout nos gouvernements qu'avons-nous fait de cet ultime sacrifice de nos aïeux. Je suis tout à fait d'accord avec toi qu'il fallait se battre, plutôt mourir que vivre dans cette indignité.
    Tu n'es pas sans savoir, qu'il y a quelques années, certains intellectuels haïtiens, se posaient ouvertement la question: Fallait-il faire l'indépendance d'Haïti? Martinique, la Guadeloupe ne sont-ils pas aujourd'hui en meilleure position qu'Haïti?
    Je te remercie pour cette merveilleuse chanson de Guy Durosier que je viens d'entendre pour la première fois.
    Soit dit en passant, en France, il y a présentement un débat qui fait rage dans certains milieux, certains prétendent que ce qui se passe actuellement aux USA est un relent monstrueux de l'esclavagisme, à cela, une professeure française d'origine africaine, enseignante dans une grande université américaine a répondu, mais les américains ont tout appris des européens et qu'il ne fallait pas oublier le code noir de Colbert, le très puissant ministre du roi soleil.
    Bonne journée (Irma L.)

    7 - Ma chère Irma
    Les circonstances et le train-train quotidien, m’avaient privé de te répondre bien avant. Toutefois, il n’est jamais trop tard pour bien faire.
    Pour revenir au sujet de l’avant dernier paragraphe mentionné, on peut le résumer en créole: « Pito nou lèd, min nou maître lakay nou ». Pour saisir la portée de cette particularité et répondre à l’interrogation de quelques intellectuels haïtiens sur leur malaise par rapport à l’indépendance obtenue et le résultat présent, il faut intérioriser par l’image les souvenirs brutaux de l’esclavage qu’ils n’ont jamais vécu et ne vivront jamais, pour saisir leur hésitation.
    En fait, évoluant dans une société de consommation à outrance, où tout parait simple et facile, ils se sentent privés de certains conforts. Mais qu’ils aillent demander à un Martiniquais ou à un Guadeloupéen sincère, un Canaque authentique, qu’est-ce qu’ils pensent de cette dépendance à la France? Sont-ils vraiment libres? Plusieurs déshérités en souffrent à longueur de jour. Certains nous envient secrètement. Ce n’est pas seulement la richesse qui demeure l’objectif d’une vie. La dignité humaine en est un autre corollaire à ne jamais négliger.
    Merci de m’avoir lu, ma chère. Au plaisir du partage
    MaxD

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