Carlier Guillard |
Alors c'est fini! La vie est fermée, l'avenir clos. Il
le fait le jour de la plus divine des fêtes chrétiennes, ce dimanche de Pâques.
Il le fait au beau milieu de ce spleen, ce marasme, ce confinement morbide qui
cloue tout le monde au foyer. La nouvelle, un coup soudain et effroyable,
circule librement comme une onde parmi les Jérémiens, les anciens du Collège
Saint-Louis où il a étudié de la 6e à la rhéto. Une vieille amitié, une longue
histoire défile tout à coup devant moi comme un film continu et incontrôlable.
Ce n'est pas le moment de remuer les cendres de cette amitié plus qu'à moitié
séculaire ni de garder complètement le silence quand on peut donner un peu de
lumière sur cet homme en qui cohabitent deux êtres distincts et complémentaires.
Dire que sa vie est composée de faiblesse et de force,
dire que ce n’est pas toujours un homme conformiste qui se laisse enchaîner par
des lois trop nombreuses, les rites, les normes et les codes; ce n'est pas lui
faire un procès, c'est le définir. Face à de fortes secousses, de fortes
souffrances, il a tendance à s’emporter comme gladiateur dans l’arène, aux
rétorques saccadées, lancées du tac au tac, tac-tac. D'une obstination têtue,
défensif, réactif, il passe dans certains milieux pour une personnalité
difficile ; ce qui aveugle sur la bienveillance de son cœur et sur la grandeur
de tant de menus actes accomplis sans profit au bénéfice d’autrui.
Sitôt le courriel du décès reçu, un désir instinctif,
irrésistible, me pousse à sauter sur le téléphone, joindre en Haïti un ami
commun pour décoder cet être original, singulier pour qui la famille, l'amitié,
la solidarité, la fraternité sont les seuls piliers du bonheur, une dimension
essentielle de son être. Un homme attentif aux joies, aux espoirs, aux
tristesses, aux angoisses de ceux qui l'entourent. Il est aussi estimé, aimé de
ceux qui le connaissent bien. Les amis l'aiment pour sa sincérité, son zèle,
son piquant, ce goût du zeste d'orange, ce bégaiement même qui lui confère
cette image de marque.
Quel vide abyssal!
Je perds ces heures, ces entretiens interminables
souvent tard le soir, cette complicité, cette connivence, cette émotion à deux;
ce frémissement heureux, ce charme pénétrant, indéfinissable. Notre pays perd
un homme exemplaire de générosité, de dévouement envers l'affamé, l’assoiffé,
les camarades avec de petites nécessités économiques, des tourments ou des
malheurs. Un amour d'humanité qui se transforme en gestes concrets, en gestes
qui servent d'exemple.
Mon cher Carlos, ta vie s’achève, ton histoire pas. Tu as donné à l'amitié, la parenté, à Jérémie tant aimée, le total de toi-même. Laisse-moi te redire toute mon affection et toute l'allégresse de t'avoir eu pour ami. Je te souhaite dans l'au-¬delà une vie meilleure, plus joyeuse, sans entrave; une autre vie de paix, de lumière et d'amour.
Pierre
Michel Smith
Montréal
Montréal
Sincères condoléances à sa famille et à ses amis. Nous n'étions pas amis, n'étant pas de la même promotion scolaire mais je le connaissais à Jérémie. Puisse-t-il reposer dans la paix de son Dieu!
ReplyDeleteJeremien jusqu'à la moelle des os. Il a depensé une bonne partie de sa vie de retraité dans sa ville natale à la recherche du paradis perdu.
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