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Monday, December 1, 2014
La seconde édition du Dîner en Blanc d’Haïti telle que vue par un observateur :La bourgeoisie haitienne s’amuse...
Par:Herve Gilbert herve.gilbert@gmail.com
Participantes au Dîner en Blanc 2014
La seconde édition du Dîner en blanc d'Haïti a eu lieu le samedi 15 Novembre 2014 au Ranch le Montcel, perché à plus de 1500 mètres d'altitude de Port-au-Prince. Niché en altitude dans les hauteurs de Kenscoff, ce coin paradisiaque d'une remarquable biodiversité ou (diversité biologique), offrait un cadre enchanteur à plus de 700 convives de tous âges qui y prenaient part.
Des hôtes habillés de
blanc de la tête aux pieds, à qui l’on n’avait pas révélé au préalable
l'emplacement de la fête tenu confidentiel jusqu'à la toute dernière
minute, avaient été embarqués dans
l’après-midi dans 28 autobus répartis
dans différents points de la capitale. Aux environs de 2 heures, ils ont grimpé les
voies raboteuses menant à Kenscoff pour créer, en un laps de temps, une aire de
repas sur herbe à ce rendez-vous de la gastronomie de renommée internationale.
Panorama de Kenscoff - Cliquez pour agrandir
Inspirés par l’élégance de
la forêt au coeur du village alpin de Kenscoff, les participants d’Haiti et de
l’étranger ont
dressé des dizaines de tables qu'ils se sont ensuite amusés à décorer à leur goût.
Au cours de ce festin d’apparat, la plus importante raison était de faire
ressortir apparemment la pureté du blanc dans toute sa splendeur. Ce
pique-nique s’était, en bref, transformé selon une expression
anglo-américaine en un véritable “Melting pot” où des participants du Canada, de la Guadeloupe, des
États-Unis, de la Martinique et de la France
ont formé qu’un seul et même ensemble.
Le
groupemusical de la zone et le DJ
Rocksteady ont mis des fourmis dans les jambes des fêtardsdurant la soirée.Les feux d'artifice et les lanternes
illuminées créaient un spectacle féeriquedans le ciel de Port-au-Prince : une fascination qui a
définitivement opéré en synergie – paradoxalement-- entre Haïti et le Dîner en
blanc.
Les photos sont superbes !
Comparativement à la première édition de l’année
dernière tenue au Musée Ogier-Fombrun de Moulin-sur-Mer, sur
la Côte des Arcadins et qui comptait 450 invités, cette seconde édition était un
succès immaculé et un atout majeur pour le développement du tourisme en
Haïti,selon certains amoureux de la culture et de style. Parce que, disent-ils, le Dîner en Blanc va changer la perception, le discours, les mots clés ou
stéréotypes dont on fait usage quand on évoque le nom d’Haïti.
Les quatre organisatrices
Pour les organisatrices, ce
fut un moment magique. « Carla, Chilandre, Ingrid et moi n'avions
jamais mis les pieds en Haïti, même si nos parents en sont originaires, alors
la destination s'est imposée d'elle-même… »
Cependant,
cette activité mondaine n’a pas rencontré l’unanimité des opinions. Certains
compatriotes l’ont vue d’un autre oeil, comme
Eddy Cavé, qui s’explique
dans un commentaire publié en bas.
HG
Très cher Hervé,
Depuis le début de la semaine, je reçois
chaque jour au moins deux courriels d'amis me transmettant les superbes photos
du fameux Dîner en blanc de l'automne 2014 donné dans les hauteurs de
Port-au-Prince. Avec une fois sur cinq, un bref commentaire : «La bourgeoisie
haïtienne s'amuse. »
En aucun cas, le démocrate que je
suis, ou que je crois être, ne saurait contester à quiconque le droit de
disposer à son gré de son temps, de sa fortune, de ses ressources matérielles,
intellectuels ou autres. Dans le même temps, je suis également persuadé que des
considérations élémentaires de morale, de décence et de solidarité avec les
fils moins nantis d'une même nation interdisent d'afficher dans un pays aussi
pauvre que le nôtre le type d'opulence qu'illustrent les photos de cette
version haïtienne de la comédie désopilante de Francis Veber « Le dîner de cons
». Avec la différence que chaque photo donne envie de pleurer quand on pense
aux tribulations que vivent au quotidien les millions de gens, sans-abri, paysans
sans terre et chômeurs, artisans, qui vivent en Haïti sous le seuil de la
pauvreté.
La seule idée d'imaginer ce cortège
d'autocars bondés de fêtards endimanchés traversant les bidonvilles de
Port-au-Prince avec leurs corbeilles de mets raffinés et les poches pleines de
fric me donne la chair de poule. J'allais dire la nausée, mais ce serait faux.
J'éprouve plutôt un sentiment de pitié pour cette tranche de la population qui
refuse de comprendre qu'en affichant leur opulence avec cette désinvolture devenue
proverbiale, elle contribue à détruire ce qui reste, dans ce pays, de
sentiment d'appartenance à une même nation.
On a pourtant vu dans un passé pas très
lointain des manifestations admirables de solidarité entre les divers groupes
sociaux du pays. On se souviendra à cet égard du nouveau contrat social que
proposait en 2003 le « Groupe des 184 » et les multiples manifestations de
solidarité observées durant le séisme. C'était il y a moins de cinq ans. La
première fois, c'était pour faire front commun contre les dérives de la
présidence d'Aristide. La deuxième, c'était en réaction aux ravages des forces
déchaînés de la nature. Faut-il en conclure que seule l’imminence ou la réalité
d'une catastrophe peut inciter certains à la réflexion et à une certaine
modération? Qu'est-ce qui a pu donc se passer dans l'esprit de ces compatriotes
pour qu'ils perdent à ce point toute notion de réserve et de décence ? Ce, au
point d'offrir deux fois par année ce spectacle révoltant d'une minorité de
nantis affichant ce train de vie opulent face à la misère extrême d'une
population d'affamés...
Si Marie Chauvet vivait encore, elle aurait sans doute trouvé dans ces
photos et les loisirs de la nouvelle bourgeoise en gestation le sujet d'une
version 21e siècle d'un de ses premiers livres, La Danse sur le volcan, paru
l'année de la campagne électorale de 1957... Au moment où la société haïtienne
entre à reculons dans une période pré-électorale cruciale, peut-être que les
bénéficiaires n'auraient pu rien faire de « mieux » pour attiser les tensions
sociales et s'amuser à jeter de l'huile sur le feu. Dîner de cons? Danse
sur le volcan? La bourgeoise haïtienne s'amuse? N'exagérons rien,
vient de me dire une petite voix intérieure. Et pourquoi pas tout simplement
Plaisirs d'automne? Innocent, réaliste, bon enfant, tout ce
qu'il faut pour rassurer les uns et apaiser les autres...
Eddy Cavé,
Conseiller en édition, écrivain
Dîner en Blanc - Haiti 2014, Vidéo Officielle
Quelques photos de la seconde édition du Dîner en Blanc d’Haïti 2014
Merci pour le reportage! Les jolies photos ont fait les délices de mes yeux ! GérardH
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