Par Mérès
Weche
En dehors de mon cercle familial
restreint, il n'y avait que deux amis à Jérémie à connaître
le nom fétiche que m'avait donné, enfant, mon frère ainé de deux ans qui, en
balbutiant naïvement mon prénom, m'appelait Miyette au lieu de Mérès. Marie-Alice Bourdeau, Yaye pour les intimes,
ainsi que son jeune frère Jean-Claude Bourdeau le
savaient, et c'est ainsi qu'ils m'appelaient dans un profond sentiment
d'amitié. Comment ne pas remémorer ces conciliabules entre Ady Gilbert et moi,
lui qui jouait souvent au dandy mort,
pour accroître la faiblesse de sa dulcinée, sans jamais avoir pour autant la dent
dure.
Ady (Yves-Marie) Gilbert est parti, il y a longtemps déjà, et Jean-Claude Bourdeau, tout récemment. Aujourd'hui, c'est au tour de Yaye de faire la
grande culbute, dans l'éventualité, que sais-je, de les rejoindre dans cet
autre monde dont parlent les livres saints.
Marie-Alice fut une Guide
toujours prête à faire une Bonne Action (BA). Qui eut dit qu'elle transiterait
à l'orée du 22 février, ce jour béni ou naquit le fondateur du scoutisme, Lord
Robert Baden Powell. Comme le veut la loi scoute, Yaye, pour les intimes, mettait
son honneur à mériter confiance, souriait et chantait dans les difficultés.
Elle doit mal se reconnaître dans le sérieux d'un cadavre, pour n'avoir jamais
connu la morgue de ces faces sans expression et surtout sans l'ombre d'aucune
forme de sincérité.
Je me rappelle avec émotion d'une
matinée de la Saint-Louis des
années 2000 où nous nous sommes croisés inopinément devant le presbytère; cela
faisait une quarantaine d'années qu'on ne s'était jamais revus. Fous de joie, nous nous sommes retrouvés
subitement sur l'asphalte, propulsés par une accolade trop intense, faite de
purs sentiments d'amitié renouvelés. J'étais redevenu le Miyette de ces folles
années de rêves en compagnie de Gej, de Gladys et d'Ady, dans une ville qui
n'avait rien de vil à nos yeux, car il suffisait de se regarder pour
s'aimer. On s'abreuvait à cœur joie des
plus belles chansons de Charles Aznavour dont on se croyait les réelles
illustrations; deux à deux, on était ces pigeons qui s'aimaient d'amour tendre,
et Bohème, il en était un, cet Ady, très
hardi, qui ne jurait que par Yaye.
Le temps a fait son œuvre de
remise en question; on était là pour s'aimer, se quitter et s'en aller un jour.
L'exil impie, ayant longtemps fait de nous des morts en congé, nous a appris à
vivre intensément chaque minute de notre existence et à nous engager sans
regret dans ce voyage sans retour. Pars en paix
Yaye retrouver tant d'êtres chers qui t'ont précédée.
Mérès Weche
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