Liliane Pierre-Paul |
L’ambiance est lourde dans la salle Catteleya de Karibe. Salves
d’applaudissements. Le générique de son emblématique édition de nouvelles frédonnée.
Emotions. Réminiscences. Robe marron, la tête nouée d'un foulard vert, Liliane,
fidèle à son style, s’amène derrière le pupitre. Elle cherche le mot juste,
elle qui s’est pourtant attelée sans succès à éluder tout ce concert de
louanges, toutes ces apothéoses. Entre des « sentiments confus » et l’envie de
dire un merci à la hauteur des hommages, la journaliste, icône de la presse
haïtienne, glisse : « C’est du baume sur mon cœur endolori ! »
Réapplaudissements nourris. Sourires. Ambiance plombée. Liliane Pierre Paul se
lâche. Elle parle de ses expériences, de son vécu, comme un retour aux sources.
Liliane très émue pendant que Jean Jean Roosevelt lui chante la chanson qu'il a composée pour elle. |
« Je partage ce moment avec mon confrère Jean Monard Métellus »,
dit Liliane, soulignant que Jean Monard et lui viennent de vivre cinq ans de
martyre sous le régime Tèt Kale. Et voilà, enchaîne-t-elle, pour boucler la
boucle, il s’en prend à nous via son « carnaval fatras ». « Ça a une
signification et la population réagit ». Justement, dans la méringue carnavalesque de
Michel Martelly, chanteur de Sweet Micky et président, celui-ci
s’attaque à la journaliste en des termes à connotation sexuelle. Liliane parle
d’« une agression sans nom de la part du plus puissant de la République avec
les moyens de l’Etat ». Le public retient son souffle. Elle fait des clins
d’œil à feu Jean Léopold Dominique, son ancien patron de Radio Haïti Inter,
celui qui lui a montré la voie dans le métier de journaliste vers les années
70-75.
Bien avant que Liliane ne revienne sur ses débuts, ses combats
pour la démocratie, la liberté d’expression, Jean Jean Roosevelt, qui s’est
fendu en début de semaine d’une chanson en son honneur, a chanté pour elle,
sous ses yeux émus. Le phrasé de JeanJean a enveloppé la salle. L’assistance
est émue. JeanJean chante, le sanglot dans la voix : « Reste debout,
n’abandonne pas, ne change pas surtout… » On fredonne. On répète avec lui cet
air qui cartonne sur la Toile. Liliane est émue.
Des filets de larmes coulent sur ses joues. Ils s’embrassent. S'ensuivent
encore des émotions...
Magalie Comeau Denis, ancienne ministre de la Culture, y est
allée, elle, de ses mots, de sa verve.« Liliane resplendit. Elle est belle. Elle
est belle de son engagement, de son indocilité, de ses combats pour la liberté,
de son amour pour Haïti […] », a insisté Magalie Comeau Denis avec une force de
caractère qui n’a d’équivalent qu’elle-même. A ses yeux, Liliane est « une
femme dont la vie entière est dédiée à chasser les ténèbres ». « Droiture, sens
de l’éthique, intégrité, tête haute. Alors elle fait peur, elle inquiète. Parce
qu’elle est mue par ses convictions, elle ne peut être que porteuse de victoire
», affirme-t-elle, avant de rappeler que « rendre cet hommage à Liliane c’est
aussi célébrer les acquis démocratiques pour lesquels elle a payé d’elle-même
». Elle croit que Liliane est une résistante, une amoureuse de la liberté et
ennemie du silence, qui a risqué sa vie et celle de sa famille.
Très en colère contre cette méringue qui, bizarrement, cartonne
sur la Toile, Magalie Comeau Denis ne fait pas dans les détails, dans
l’à-peu-près. « Ceux qui cultivent la haine, l’insulte, la vulgarité, la
souillure ne sont que de pauvres esclaves impuissants, prisonniers de leurs
passions tristes, totalement impuissants, entièrement dominés par des forces
qui naissent de l’ignorance, de la misère, de l’inculture […] », assène-t-elle,
avec emphase. Et d’ajouter : « Que peut un carnaval fatras ? Que retiendra
l’histoire de son auteur ? Qu’en raconteront les livres aux enfants de ses
enfants ? » Elle est applaudie. Silence. Comme une déclaration, une marque de
révérence à Liliane, elle rajoute à son adresse : « Tu fais partie de ceux et
celles qui contribuent à la beauté du monde… Quelle femme forte… Quel
humanisme. »
Un artiste remettant à Liliane son portrait peint sur toile (Photo: Le Nouvelliste) |
Danielle Magloire, sociologue, militante des droits humains,
indique que Liliane, par son souci de contextualiser les nouvelles, est une
éducatrice. « Elle est une éducatrice pour les jeunes, pour nous aussi les
personnes âgées, avec ses rappels, ses mises en contexte quand elle présente
les infos », explique-t-elle, insistant sur le fait que « Lili », malgré
l’exil, les turbulences, est un « cap toujours gardé et un engagement non atténué
». Danielle Magloire, elle qui a vécu la dictature dans toute sa férocité et
qui en a fait les frais, explique que quand « nous disons Lili, c’est avec
beaucoup d’affection, de respect ».
Danielle Magloire, qui estime que le travail de Liliane contribue à
améliorer l’image des femmes dans toute la société haïtienne, est persuadée que
le « carnaval fatras de Sweet Micky »,
comme elle l’appelle, ne peut aucunement ternir l’image de Liliane. « Pour
ternir l’image de quelqu’un, encore aurait-il fallu en avoir la capacité »,
soutient-elle avant que Lyonel Trouillot n’en
prenne le relais. Clope à portée de main, l’auteur de La belle amour humaine
n’est pas du tout verbeux. « Notre Liliane, c’est celle qui a vécu sous les
Duvalier. C’est celle qui a risqué sa jeunesse alors qu’elle aurait pu faire
autre chose comme d’autres jeunes de sa génération », dit-il de sa voix grave.
Liliane, croyant qu’avec ce carnaval le président Martelly s’est donné des «
funérailles internationales », regarde. Elle écoute, hoche la tête par moments
; elle qui a pris des risques et voilà qu’aujourd’hui toute la société en
bénéficie.
Jean Jean Roosevelt "RESTE
DEBOUT"
Hommage à Liliane Pierre Paul
Le chroniqueur sportif Patrice Dumont pense que le travail de tous
ceux qui s’engagent dans ce pays a un « sens philosophique parce que nous avons
à nous battre tout le temps contre l’ « animalité pure ». Philosophe, il a
plaidé pour l’émergence d’une autre personne humaine en Haïti. Pour y arriver,
il invite à suivre Liliane dans une véritable profession de foi pour que chaque
jour, «nou vi n pi moun jan nou te
toujou moun nan e pou moun gen 1% moun lakay yo, vin gen 99% moun. »
Pour Marvel Dandin, Lilianne est une personne très humble, très réservée, elle
ne se sent pas à l’aise avec tout ce concert d’hommages. Il parle de « crime
artistique » pour qualifier la méringue de Michel Martelly. Il a plaidé pour un
« engagement de tous », pour une autre société. « Si nou pè, nou bannann »,
dit-il, sous une salve d’applaudissements et de rires.
Liliane Pierre-Paul posant avec Maître Gérard Gougue (Photo Le Nouvelliste) |
Gérard Gourgue, 90 ans, avec son naturel humour, exhibe son amour
pour la femme haïtienne. « Je suis indigné et étonné de voir des gens, des
néophytes dans la politique, qui ne connaissent pas ce pays, son histoire, qui
ne connaissent que le tambour, se permettent d’opiner sur Liliane »,
s’exclame-t-il. Il croit que la femme haïtienne est une femme de courage, de
dignité… « Le carnaval dure trois jours mais la renommée de Liliane dure pour
l’éternité », soutient-il avec l’éloquence qu’on lui connaît avant que Liliane
ne reçoive des fleurs, des plaques d’honneur et un portrait signé d’un jeune
artiste haïtien qui a étalé toute son affection, tout son amour, à la
présentatrice vedette de la très populaire édition de nouvelles « jounal 4è »
Radio Kiskeya.
Yves Lafortune, l'organisateur de la journée d'hommage
saluant Liliane Pierre Paul.
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Source: Le Nouvelliste
Juno Jean Baptiste jjeanbaptiste@lenouvelliste.com
Hommage à Liliane
Pierre Paul
Havana GuitarNight - partie1
Poésie en background ( Jean L. Dominique )
Poésie en background ( Jean L. Dominique )
Hommage à Liliane Pierre Paul
Havana GuitarNight - partie 2
Un hommage bien mérité!
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