Tous les citoyens américains en âge de voter peuvent exercer
leur droit de vote lors de l'élection présidentielle, mais ils ne choisissent
pas directement le chef d'État et son colistier.
Un État a le droit d’obliger ses grands électeurs à respecter le
vote populaire de cet État lors de la désignation du président, a statué lundi
le plus haut tribunal américain.
La décision, l'une des rares prises à l'unanimité, vient ainsi
limiter l'indépendance des membres du Collège électoral, à quatre mois du
scrutin présidentiel.
Tranchant en faveur du Colorado et de l'État de Washington, qui
étaient au centre du litige, le tribunal a de plus statué qu'un État pouvait
punir les grands électeurs rebelles ou nommer quelqu'un d'autre à leur place.
Les tribunaux inférieurs qui avaient examiné le dossier étaient
arrivés à des conclusions contradictoires.
Plusieurs États voulaient que la Cour règle la question,
advenant la possibilité que les résultats de novembre soient suffisamment
serrés pour que l'issue de l'élection soit déterminée par ceux qui sont
surnommés les «grands électeurs déloyaux».
«Le texte de la Constitution et l'histoire de la nation
permettent tous deux à un État de faire respecter l'engagement d'un grand
électeur de soutenir le candidat à la présidence de son parti – et le
choix des électeurs de l'État», a écrit la juge Elena Kagan, qui a rédigé la
décision.
Un État qui oblige ses électeurs à respecter «le vote de
millions de citoyens [...] agit en conformité avec la Constitution et avec la
confiance d'une nation dans laquelle nous, le peuple, gouvernons»,
a-t-elle expliqué, faisant référence au préambule de la Constitution.
Le juge Clarence Thomas est parvenu à la même conclusion que ses
collègues, invoquant cependant les principes généraux du fédéralisme.
Les représentants du Collège électoral des États qui ne les
soumettent pas à une obligation légale demeurent cependant libres de voter
comme bon leur semble.
Dans l'histoire du pays, il est arrivé 180 fois que le vote
populaire dans un État ne soit pas respecté, soit pour la présidence, soit pour
la vice-présidence, a admis la juge Kagan, citant un argument de ceux qui
contestaient l'imposition du vote par un État en faveur du candidat gagnant
dans cet État.
Il s'agit cependant d'une pratique marginale qui n'a jamais
risqué d'avoir un impact sur les résultats, a-t-elle souligné, rappelant qu'il
y avait eu 23 000 votes de grands électeurs.
Plus du tiers des votes rebelles se rapportent en outre à un
seul événement, soit l'élection de 1872, marquée par la mort d'un candidat
après le scrutin, survenue avant que le Collège électoral n'ait pu se
rencontrer, a ajouté la magistrate.
La Cour a d'ailleurs reconnu que la perspective de la mort d'un
candidat soulevait des enjeux importants.
«Parce que la situation ne se présente pas devant nous, rien
dans l'opinion [de cette Cour] ne devrait être interprété comme une permission
accordée aux États pour lier les grands électeurs à un candidat décédé», a
averti la juge Kagan.
Une complexité du système
électoral
Le dossier portait sur une des complexités du système électoral
américain : l'élection du président par un collège de grands électeurs
désignés par chaque État en fonction du vote des citoyens.
Dans 48 des 50 États, le candidat ayant obtenu le plus de
votes dans cet État rafle toutes les voix des grands électeurs.
Trente-deux des 50 États ainsi que le District de Columbia ont
des lois obligeant les représentants du Collège électoral à voter en conformité
avec l'engagement qu'ils ont pris. Quinze d'entre eux prévoient des
dispositions supplémentaires à l'endroit des grands électeurs rebelles, soit le
fait de les remplacer ou de leur imposer des pénalités financières.
Le Nebraska et le Maine départagent leurs grands électeurs en se
fondant en partie sur le vote exprimé dans l'État et en partie sur celui
exprimé dans les districts.
En 2016, cinq grands électeurs sur 538 ont refusé de voter pour
la démocrate Hillary Clinton bien qu'elle ait remporté la majorité des
suffrages dans leur État, et deux se sont détournés du républicain Donald
Trump.
Certains avaient ensuite été punis par les États du Colorado et
de Washington et deux avaient contesté leur sanction – une amende de
1000 $ pour l'un, un retrait des fonctions de grand électeur pour
l'autre – au nom de leur «liberté de vote».
Même si ces défections n'ont jamais eu d'incidence directe sur
l'issue des scrutins, plusieurs magistrats de la Haute Cour s'étaient inquiétés
pendant l'audience du risque de «chaos» si les grands électeurs déloyaux
faisaient basculer une élection.
Si un vote populaire donne une très courte victoire à un
candidat, il pourrait y avoir des campagnes concertées pour changer le résultat
en influençant certains grands électeurs, avait notamment souligné le juge
conservateur.
Source: Samuel Alito/ Radio-Canada
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