Par Max
Dorismond
Parnel Clédanor allias Malou |
Personnage
charismatique qui ne vivait que pour sa chanson, son micro et sa guitare, Malou
cultivait la joie de vivre. Un sourire enjôleur au coin des lèvres était sa
marque de prédilection, son empreinte d’artiste. Il était les mots, les
strophes de ses chansons. Il les respirait, les buvait à grande lampée et les
concrétisait grâce à la magie de l’électronique en une phrasée sonore qui venait
te chercher dans tes rêves les plus secrets. Nul n’aurait imaginé cette subite
disparition.
Pour
les Grand’Anselais, il était MALOU. Pour les
autres, c’était Parnel Clédanor. Nous, Jérémiens de la
diaspora, n’avons pas eu le temps de lui dire ce qu’il représentait à nos yeux.
Nous avons raté l’occasion de lui dire MERCI, deux fois MERCI. C’est très malheureux.
La plupart d’entre nous, commettons souvent cette malencontreuse et regrettable
erreur, de ne jamais faire part du vivant de nos
bienfaiteurs, de l’amour, du respect que nous leur vouons. Cette symbolique
déclaration arrive toujours trop tard, à leur disparition, lors de l’ultime
adieu.
Malou, aujourd’hui,
malgré les sanglots qui affluent dans nos gorges, malgré les larmes qui déboulent
en cascade sur nos visages et nos cœurs qui
sont en lambeau, nous avons l’insigne devoir de décrire au monde la place que
tu occupais dans notre album de famille.
Lorsqu’en
1964, la fureur aveugle et
inexprimable endeuillait nos rues, défigurait notre
cité, ta voix si singulière s’élevait derrière les portes closes dans des
ritournelles d’une telle tendresse qu’on en venait à chasser nos peines, à
éradiquer nos douleurs, nos chagrins et nos traumatismes. Tu nous avais redonné
goût à la vie et à l’espoir. On avait retrouvé un certain équilibre pour
continuer notre chemin, même cahoteux. Mais, devant l’horizon hermétique d’un
pays exangue et zombifié, où « l’inaptocratie »
et l’arbitraire avaient droit de cité, nous, de la jeunesse, avions opté pour
l’exil. Sans hésiter, tu nous avais suivi à la trace, même si nous avions
voyagé à l’envers du rêve de nos ancêtres, bâtisseurs de nation, même si émigrer,
c’était mourir un peu.
Au pays
d’accueil, quand nos rêves disputaient l’espace au cauchemar, tu étais
toujours là pour nous remonter les ailes. Face à la nostalgie chronique, tu
nous chantais nos heureux souvenirs :
Jérémie, Versailles, la Place Dumas, l’Anse-d’Azur, les flots bleus de la Grand’Anse et le sable
chaud des Antilles. Au cours de ces agapes fraternelles, tes chansons, à
l’image de la jeunesse de l’époque, à la mesure de ton personnage, charmaient
et interpellaient à la fois tes fans. Voilà comment je t’ai décrit dans l’un de
mes articles : « Chansonnier surdoué,
les structures musicales de tes poèmes sont d’une inventivité efficace chargée
de rythmes et d’émotions. On écoute tes premières chansons, les yeux embués, et
les secondes, un peu éberlué, la tête dans les nuages à la recherche d’un
premier amour perdu, d’un premier rêve laissé sur les contreforts de
« Versailles Night
Club ». À
t’entendre dans la chanson éponyme, « A Versailles ce soir »,
on ne cesse de retourner à ce rendez-vous manqué d’un amour imaginaire… ».
Pour
saisir l’impact, l’apport psychologique de ce célèbre jérémien sur ses
congénères souffreteux, en diaspora, veuillez visionner, juste pour l’histoire, une des vidéos des « Amis de la Place Dumas »
captée par Hervé Gilbert de Haïti-Connexion Network, à Palm Coast, en Floride
et vous comprendrez. À voir les convives se dandiner ou chanter en chœur, vous
aurez deviné le défoulement de ces femmes et de ces hommes qui oublient
l’espace d’un refrain les affres de l’exil pour retourner, par la magie du rêve,
dans le coin de pays qui avait tant bercé leur jeunesse.
J’avais
écrit encore « que tu étais notre chanteur
fétiche. De ta voix
sirupeuse, rappelant celle d’Elvis Presley ou le crooner Frank Sinatra, tu nous as entraînés vers
des sommets insoupçonnés. Ton talent nous a permis de nous évader dans des
excursions exotiques où la mélancolie a été détrônée et la tristesse désarçonnée.
En quatre langues, français, anglais, espagnole et créole, tu nous prenais par
la main pour nous entraîner avec toi au septième ciel ». En ces
moments de détente, le stress de l’exil, la pression de l’Amérique triomphante
étaient loin de nos préoccupations. Tu étais purement et simplement la pilule
apaisante qui masquait l’effroi de l’absence, le chagrin de l’isolement. Tu
étais le point d’intersection entre notre folie et notre soif du mieux-vivre.
Voilà !
Mon cher Malou. Comme les poètes sont éternels, il ne sera jamais trop tard
pour les remercier. Pour toi, notre artiste de prédilection, nous ne cesserons
jamais de te dire, mille fois : Merci !
Cher Ami, à la
place que tu occupes à la droite de Dieu, nous t’invitons à ne pas lâcher le
micro. Car au ciel aussi, nous aurons toujours besoin de ta superbe voix.
Bon voyage frérot ! Ce n’est qu’un au revoir ! Repose en paix !
Bon voyage frérot ! Ce n’est qu’un au revoir ! Repose en paix !
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