Fidel Castro 1926-2016 |
Fidel
Castro, père de la Révolution cubaine et dirigeant du régime communiste pendant
près de cinq décennies, est mort vendredi 25 novembre à l’âge de 90 ans, a
annoncé son frère Raul à la télévision cubaine. Il avait été forcé par la
maladie à se mettre en retrait de la vie publique en 2006, puis à céder officiellement
la place à son frère cadet Raul Castro deux ans plus tard.
Fidel Castro et son armée pendant la marche vers La Havana |
Fidel Castro : « Autant détesté qu’aimé », pour la presse américaine
Les médias
américains le décrivent comme un « leader répressif » mais aussi
comme le « tourment » d’une dizaine de présidents des Etats-Unis
En 2006,
c’est par la télévision que les Cubains ont appris que Fidel Castro s’était
résigné à déléguer « provisoirement » ses pouvoirs à
un groupe de dirigeants emmenés par son frère Raul Castro. Un lundi soir, le 31
juillet, les téléspectateurs ont découvert le visage inexpressif de Carlos
Valenciaga, le secrétaire privé du père de la révolution cubaine, qui lisait
une « proclamation » signée du Lider Maximo lui-même.
« Des jours
et des nuits de travail continu, pratiquement sans sommeil, ont soumis ma
santé, qui avait pourtant résisté à toutes les épreuves, à un stress extrême,
disait le texte. Cela m’a provoqué une crise intestinale aiguë avec des
saignements continus, ce qui m’a obligé à affronter une opération
chirurgicale complexe. »
Le
diagnostic, tout comme l’évolution de la maladie et le traitement adopté, ainsi
que le lieu de l’hospitalisation, ont été d’emblée considérés comme « secret
d’Etat ». Il a fallu des mois pour apprendre que la première intervention
chirurgicale avait eu lieu le 27 juillet. La Havane a attendu quatre jours
avant de se décider à communiquer.
Les
déclarations rassurantes de son entourage, qui évoquaient son « rétablissement
», n’ont pas empêché les spéculations. Pas plus que les embarras
terminologiques du régime, déterminé à bannir les mots « succession » et «
transition ». Des photos, puis des vidéos, distillées au compte-gouttes,
étaient censées démontrer les progrès de la convalescence, alors qu’elles
prouvaient tout simplement que le malade, très affaibli, restait en vie.
Retour en images d’archives sur la vie du Líder Máximo, dernière figure de la Guerre Froide.
«
Irremplaçable »
La durée de
la passation de pouvoirs « provisoire » a fait l’objet d’ajustements
qui ont entretenu le suspense. La célébration de ses 80 ans, le 13 août 2006,
fut ainsi renvoyée au 2 décembre 2006, anniversaire du débarquement du
Granma, qui marque le début de la guérilla de la sierra Maestra. Lors du
sommet des pays non alignés, le 15 septembre 2006 à La Havane, Fidel
Castro reçut à son chevet le président vénézuélien, Hugo Chavez, et le
secrétaire général des Nations unies à l’époque, Kofi Annan.
La veille du
Nouvel An 2007, un message du Lider Maximo assurait toujours que sa
convalescence était « loin d’être une bataille perdue ». « Fidel est
irremplaçable », ne cesse de déclarer le successeur, dont le nom est inscrit
dans la Constitution, Raul Castro, le frère cadet, qui adopte un profil bas,
conforme à sa personnalité, et qui ne deviendra définitivement le chef de
l’Etat que le 24 février 2008. Quant au titre de premier secrétaire du parti
unique, il ne lui reviendra qu’en avril 2011.
Depuis mars
2007, la presse cubaine reproduisait en « une » les « Réflexions » du camarade
Fidel, qui semblait réduit à un simple commentateur de l’actualité. La réalité
était plus complexe. Transformé en statue du Commandeur de son vivant, Fidel
Castro pouvait encore faire tomber des têtes, et non des moindres, comme dans
les cas du vice-président Carlos Lage et du ministre des relations extérieures
Felipe Pérez Roque, limogés en 2009.
Mais, la
plupart du temps, l’ancien Lider Maximo se limitait à gloser sur les dépêches
d’agence narrant le cours du monde, sans prendre position sur les changements
introduits à Cuba par l’équipe de Raul Castro.
Le
patriarche avait troqué son treillis de combat pour le survêtement Adidas. Pour
la première fois, les Cubains apprennaient l’existence d’une épouse cachée,
Dalia Soto del Valle, avec laquelle il avait eu cinq enfants. Quant aux
visiteurs illustres de La Havane, aucun ne refusait de figurer dans l’album
photos d’une légende. Peu leur importait combien de sang elle avait versé.
A Cuba,
Fidel Castro a été, pendant presque cinq décennies de pouvoir absolu –
le plus long règne de l’histoire contemporaine –, la «
parole qui oriente ».
Le président François Hollande a réagi à la disparition de Fidel Castro, mort vendredi 25 novembre à l’âge de 90 ans. Depuis Madagascar où il se trouve dans le cadre du 16e sommet de la francophonie, le président français a rendu hommage à « une grande figure du XXe siècle », ajoutant souhaiter que l’embargo qui pèse toujours sur Cuba prenne fin.
Comment juger sereinement
un oracle qui
s’ingénia tant à brouiller les
pistes ? Il a toujours été attentif à protéger ses
vraies motivations, personnelles et politiques, tout en étalant complaisamment
en public, devant ses intimes ou les hôtes étrangers, ses passions, ses
curiosités innombrables, voire ses petites manies : la lecture, le sport,
les recettes de cuisine ou les méthodes
d’élevage, il était l’éclectisme poussé au paroxysme. Il avait un avis
définitif sur presque tout et aimait tenter de
l’imposer aux autres.
Etre le
premier, le meilleur, le plus ferme. « Fidel a toujours raison », disait
Celia Sanchez, la compagne très affectionnée dans le maquis de la
sierra Maestra, gouvernante efficace, puis secrétaire du gouvernement qui, plus
qu’aucun autre de l’entourage du monarque Fidel, a tenté d’ordonner l’emploi du
temps débridé du Lider Maximo. « Chef suprême » : ce titre résumait la
totalité des pouvoirs politiques et militaires qu’ il a exercés sans partage et
si longtemps.
On sait tout
de ce qui importait le moins. De ses performances à la pêche sous-marine, sport préféré
qu’il pratiquait à Cayo Piedra, un îlot préservé dans la baie de Guantanamo, où
il recevait parfois ses hôtes de marque. Du record de coupe de la canne à sucre
établi en un seul jour par Fidel, à la fin des années 1960, lorsqu’il
s’agissait d’inciter les macheteros à se surpasser :
anecdotes largement reproduites par la presse cubaine à la dévotion du numéro
un, depuis son arrivée à La Havane, en janvier 1959, jusqu’à la fin.
Médias
« aux ordres »
De façon peu
convaincante, Fidel n’a cessé de critiquer ces
médias « aux ordres », de réclamer formellement
une presse plus audacieuse… En vain, bien sûr. A moins que ce décalage étonnant
entre les injonctions du commandant en chef et des médias immuablement
monocordes n’ait illustré ce goût profond pour l’ambiguïté de Fidel.
Castro était
un disciple et admirateur de José Marti, héros des guerres d’indépendance, qui
recommandait de dissimuler le
plus longtemps possible le coup que l’on voulait porter. Un «
conspirateur dans l’âme », selon Tad Szulc, journaliste du New York Times,
reçu plusieurs mois à Cuba et autorisé exceptionnellement à consulter les
archives du gouvernement pour rédiger une
biographie du Lider Maximo. « Un maître dans l’art de se dissimuler aux
yeux des autres », ajoutait-il. Entre Machiavel et Marx.
En politique, comme dans l’action, dans la
lutte armée à Cuba comme à l’extérieur – en Angola,
en Ethiopie, en Amérique latine –, Fidel
s’est efforcé de dissimuler ses intentions et ses objectifs. Il est souvent
parvenu à transformer un
échec militaire en victoire politique. Quel meilleur exemple, dès
le début, que l’assaut manqué lamentablement contre la caserne Moncada, le
26juillet 1953 ? Ou que le débarquement raté du Granma – « un naufrage »,
disait Ernesto Che Guevara – sur la côte orientale de Cuba, en décembre1956 ?
Castro s’est
avancé masqué pendant la guérilla et dès son entrée en héros à La Havane,
triomphant de la dictature de Fulgencio Batista. « La révolution cubaine
est une démocratie humaniste », disait-il lors de son voyage de
vainqueur aux Etats- Unis, en avril 1959. Il a attendu deux ans pour se proclamer marxiste-léniniste
et plus encore pour créer, du jour au
lendemain, un « nouveau » Parti communiste cubain,
dont le comité central de cent membres – tous anciens compagnons de guérilla
dans la sierra Maestra, le massif montagneux du sud de l’île – a été composé
par ses soins.
Puis, il a
lâché des semi-confidences, des allusions qui embrouillaient plus qu’elles
n’explicitaient. « J’étais presque communiste » avant de prendre le
pouvoir, a-t-il ensuite assuré. Szulc a affirmé que Castro avait, dès son
arrivée au pouvoir, mis en place un gouvernement « parallèle » secret,
qu’il avait signé un pacte, également secret, avec les vieux communistes du Parti socialiste populaire
et rencontré, dès l’automne 1959, un émissaire soviétique. Le même auteur,
pourtant, a conclu que Castro avait « mis le grappin » sur les
communistes cubains, et non l’inverse.
Sources: Le Monde, l'Observateur
Sources: Le Monde, l'Observateur
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