Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Friday, October 14, 2016

Plaidoyer pour que Jérémie ne demeure un dépotoir

Par:Max Dorismond Mx20005@yahoo.ca

Mausolée des 3 Grands de Jérémie:
 Jean Brierre, Emile Roumer et Etzer
  Vilaire.                                          
Le matin du 8 octobre 2016, je lisais un texte de Lemarec Destin sur L’électrification de la ville de Saint-Marc. J’étais surpris par la splendeur des photos de certaines institutions de cette ville qui enrichissent sa chronique : La place Philippe Guerrier, l’Hôtel de Ville, l’Hôtel La Colline, le Centre Cardinal Keeler, des merveilles architecturales, conçues par des ingénieurs visionnaires et amoureux de leur patelin. Connaissant l’état lamentable de certaines villes de mon pays, j’ai appelé l’auteur pour en avoir l’heure juste. En pensant à ma région natale, la positivité de sa réponse m’a chiffonné. Ces œuvres existent bel et bien à St-Marc et en plus, elles sont neuves, moins de trente ans.

L'ouragan Matthew laisse une image sombre après son
passage...                                                                
Immédiatement, une question occupe toute ma pensée. Quelqu’un s’est-il occupé de Jérémie ? Qu’avons-nous hérité entre temps ? Ne réfléchissons pas trop. Nous n’avons rien que du vent ! En définitif, le seul monument propre à la Cité, témoin de toutes les générations confondues, la mienne et celle de mes arrières grands-parents, demeure l’Église St-Louis aux briques rougeâtres. La Place aux multiples noms, tantôt Place d’armes, tantôt Place Alexandre Dumas, tantôt Place Goman, une insulte à l’intelligence, est à l’image de la division séculaire et ancestrale de la ville entre clans ennemis. L’électricité fut un très lointain souvenir d’enfance. La nuit venue, le « Black-out » élisait résidence dans le secteur.  

Le foyer culturel de Jérémie
La seule construction, digne de l’ère moderne, demeure le « Foyer Culturel », un complexe polyfonctionnel à 3 niveaux, œuvre privée de Mgr. Romulus, érigée par l’ingénieur Harry Dorismond. C’est là que s’étaient réfugiés plusieurs sinistrés, le jour du passage de Matthew. Il sert actuellement de sanctuaire pour les messes dominicales en raison des dommages subis par la Cathédrale. De l’Hôpital St-Antoine, ne serait-ce les efforts incommensurables de Jean-Marie Florestal et de  la diaspora jérémienne de Miami qui le portent à bout de bras depuis belle lurette, il ne subsisterait même pas que le nom. Matthew ne l’a pas épargné. Il n’en reste que les murs. J’ai encore en mémoire l’anecdote du Tribunal Civil de la ville. En 1972, la moitié du toit était tombée. Lorsqu’il pleut, le juge officiant, pour ne pas se noyer, était obligé de monter sur son bureau pour rendre justice debout.

 Centre  administratif de Jérémie à Bordes
En tout dernier lieu, un gouvernement miséricordieux, face à la vétusté des immeubles institutionnels, a doté la ville d’un Centre Administratif qui réunit tous les bureaux gouvernementaux en une seule place, comme des bestiaux dans un parc. Immeuble sans fard et sans âme, Jérémie ne méritait pas mieux. La Mairie, autrefois, une haute bâtisse de La rue St-Augustin a été remplacée par une « maison ratatouille », une « maison borlette » sans envergure, affublée du nom de Mairie de Jérémie. Avons-nous une ville ou un village ? Quelle tristesse !  
Le nouveau batiment de la commune de Jérémie a été   
construit par le maire Ronald Etienne.                           
La Grand-Anse a-t-elle signé un contrat avec la déveine ? Les cyclones Hazel, Flora, Cléo, Allan, Gordon etc…, qui se succèdent à un rythme effarant nous apportent sans nul doute la réponse. Dans le livre d’Eddy Cavé, « De Mémoire de Jérémien  », page 196, l’auteur rapporte un macabre événement qui était survenu lors du terrible ouragan d’octobre 1935, qui laissa dans son sillage un cortège de morts chiffrés à plusieurs milliers. Suite à ce déchaînement de la nature, toute  communication était coupée avec l’extérieur. Jérémie était rayée de la carte. Un bateau marchand croisant par hasard dans le canal, peut-être deux ou trois jours après, « tomba sur le spectacle atroce d’un troupeau de requins dévorant des milliers de cadavres. Son commandant alerta Guantanamo qui ordonna immédiatement une visite des lieux et informa le gouvernement haïtien du désastre ». Hélas ! Ce fut une sorte de festin pour les squales avec, au menu, des congénères morts noyés et emportés vers la mer par le fleuve Grand-Anse.
Vue partielle de la basse ville de Jérémie - Un champ de
ruines en photos.                                                           
Quelle leçon a été tirée de ce morbide souvenir ? Aucune ! C’est une région dédiée aux intempéries. Ce n’est un secret pour personne. Les autorités avaient-elles concocté un plan de sécurité publique, un quelconque projet d’urgence, après ce funeste constat? Rien ! À coté de nous, Cuba a traversé Matthew sans une égratignure, sans aucune perte de vie. Vive la différence entre crétinisme et civisme. Aujourd’hui encore, en octobre 2016, c’est le même refrain. Jean-Luc Poncelet, représentant de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en Haïti, explique à l’Agence France Presse (AFP) : « Quand vous n’avez aucun moyen de communication, pas de radio, ni de téléphone, pas de routes ni même un endroit où faire atterrir un hélicoptère, cela explique les retards de l’aide humanitaire ». À cela s’ajoutent les barricades dressées  par des individus mal intentionnés et affamés de surcroît. C’est la même situation que rencontre le Programme Alimentaire Mondial, (PAM), selon son porte-parole, Alexis Masciareli.
La ville de Jeremie (Haïti), vue du ciel, le 5 octobre.
Sous les gouvernements des Duvalier, ont régné sur la Cité de Jérémie des « Tontons macoutes », très puissants, des analphabètes fonctionnels pour la plupart, sans culture. Ils avaient l’oreille du maître de céans. Ces « cerveaux lents » avaient-ils envisagé ou même pensé à un plan d’urgence pour cette zone à haut risque? Non ! Qu’ont-ils laissé en héritage à Jérémie ?  Seulement un amoncellement de cadavres, de tristes tombes et des souvenirs macabres à nous faire dresser les cheveux sur la tête en y pensant encore aujourd’hui. Et quelle récompense l’Ogre du Palais leur a-t-il léguée en reconnaissance de leurs forfaits ? Nada, rien ! Ils ont hérité de la misère institutionnalisée, un endroit moribond, qui se désagrégeait année après année, si bien que plusieurs de ces anciens potentats ont laissé le dernier train de la vie, dans le désespoir et dans le dénuement le plus total. Des malveillants aux « gran dan » qui avaient un plan pour leurs basses œuvres : la destruction de leur propre patrimoine, riche en histoires politiques et littéraires ; l’effacement du berceau du père de l’un des plus célèbres écrivains de la France du XIXèm siècle, Alexandre Dumas ; la décadence d’une localité qui s’avère être le plus grand grenier alimentaire de Port-au-Prince, la seule région du pays où la verdure de ses paysages est encore en complète symbiose avec la nature etc… Ah ! Quand l’ignorance est la nuit de l’esprit.
L'une des anciennes constructions au  carrefour Jubilé
reflétant l'état de délabrement de la plupart des maisons
de la ville de Jérémie.                                                 
À regarder à la télé les images qui tournent en boucle sur la catastrophe du cyclone Matthew dans le Grand-Sud, connaissant l’insatiable avidité de mes concitoyens corrompus pour ces types de calamités, en quête d’un enrichissement, illicite et rapide, sur le dos des victimes, je ne cesse de penser au pire pour ce coin de terre malchanceux. J’appréhende au plus haut point la reconstruction de la ville des Cayes et l’abandon de Jérémie, sous prétexte d’éloignement et d’inaccessibilité pour mieux empocher l’argent de l’aide. Nos prédateurs n’ont aucune conscience. Si tel est le cas, les Jérémiens, cette fois, devraient montrer leurs griffes, sinon ils sont cuits. 
Un endroit littéralement ravagé par l'ouragan Matthew
Avant le cyclone, rien n’a été fait pour cette partie oubliée du pays, ce bout du monde, cet avant-poste de l’enfer sur terre. Si en 2015, les 90% du montant alloué (11 millions de $) au projet de réhabilitation du terrain de football de la ville n’ont pas été détournés, la municipalité aurait peut-être bénéficié d’un mieux être, d’un certain rafraîchissement. Malheureusement, les « grands mangeurs patentés » de la capitale avaient leur propre plan pour se mettre plein les poches. Maintenant, si les aides venues de l’extérieur pour l’après Matthew sont mal canalisées, si aucun projet de nettoyage, de reconstruction, ne figure dans le plan gouvernemental,  à quoi devrions-nous nous attendre ? À des amoncellements de déchets,  vecteurs de maladies destinées à contaminer en fin de compte la parcelle de vie de la région.
Adressons nos grâces au ciel pour que cette hypothétique situation appréhendée ne se matérialise et que la ville ne soit pas convertie en un véritable dépotoir à ciel ouvert !
Vue aérienne de la ville de Jérémie 
Une si belle agglomération, Jérémie, c’est la cité construite en amphithéâtre avec, pour scène, sa baie d’un bleu azur. Chantée par ses poètes, elle est, à elle seule, un spectacle matinal au lever du soleil. Il n’existe que deux sites en Haïti où on peut partager cet enchantement : au Cap et à Jérémie. Ses rivières aux eaux cristallines serpentent allègrement ses vallons paradisiaques et verdoyants tout en offrant à ses citadins un coin de rêverie que le monde entier leur envierait; une zone auto-suffisante au point de vue alimentaire que tout gouvernement aurait intérêt à valoriser. Mais, malheureusement, ils sont tous dénués d’esprit créatif pour avoir trop appris par mémorisation. 

Si nos dirigeants ne se réveillent pas plus aujourd’hui pour établir un plan d’urgence permanent pour la région, je ne leur tiendrai aucun grief car la bonne gouvernance ou le sens de la bonne gestion est leur faiblesse, l’enrichissement illicite est leur force. On comprend mieux pourquoi Haïti est la seule île de la Caraïbe où la plupart des politiciens et fonctionnaires sont plus riches que les hommes d’affaires de leur pays.

Max Dorismond
Mx20005@yahoo.ca



L’électrification de la ville de Saint-Marc (Par Lemarec Destin) 

J. F. Kennedy
Cavé a extrait ce macabre anecdote du Livre de Jean Desquiron « Je me souviens» édité en 1995.















Max Dorismond
Mx20005@yahoo.ca


L’électrification de la ville de Saint-Marc (Par Lemarec Destin)
J. F. Kennedy
Cavé a extrait ce macabre anecdote du Livre de Jean Desquiron « Je me souviens» édité en 1995.

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