« Plus rien ne
m’étonne –(De Tiken Jah Fakoly) – Ils ont partagé le monde »
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On se perd en conjectures, on s’interroge sur l’objet de cet ensauvagement de notre terre natale, sur la crise qui rapetisse l’île comme une peau de chagrin. Ceux qui sont en moyens partent pour l’exil en catastrophe. Haïti crie famine. Les gangs fédérés, mieux armés que les forces de l’ordre, grugent les territoires. Ils sont à la porte du pouvoir et ne pensent même pas à en bénéficier. Et pourtant, plusieurs jouissent déjà d’une certaine immunité. Pourquoi ???
À entendre quelques quidams déclarer que des mines de cobalt, de coltan, d’uranium, de plusieurs milliards de dollars, excitent les prédateurs internationaux ou les États malveillants, comme les définit un animateur du web, on se meurt de rire.
Vraiment, mes frangins ne saisissent pas la triste réalité. Si le territoire valait 10 centimes, certains fous du pouvoir l’auraient vendu « nan fè nwa », depuis des lustres, aux pays intéressés. La Reynolds Mining avait exploité la bauxite à Miragoâne pour des cacahuètes. « En l’espace d’environ 40 ans, plus de 14 millions de tonnes partent vers Corpus Christi au Texas. Le gouvernement “empochait” d’abord 20 cents US puis 1,29 dollar US par tonne métrique de bauxite1 ». Le jour où un ministre compétent avait tenté de redresser la barre, il fut traîné dans la boue par le même gouvernement qu’il servait.
La seule petite mine d’or de Grand-Bois, proche de la frontière dominicaine, à peine rentable, fut confiée pour exploitation à la compagnie canadienne Sainte-Geneviève pour des vétilles. Non, ne nous illusionnons point, il n’y a aucun gisement payant en Haïti. S’il y en avait, ces prédateurs auraient fait comme en 1885, à Munich, quand ils se sont partagés l’Afrique au gré de leur fantasme. Ce sera toujours le même scénario. Écoutez la chanson de cet artiste engagé, Tiken Jah Fakoly, magnifiée en 2024 : « Ils ont partagé le monde ». Ça vaut le détour.
Les hélicoptères américains débarquent dans tous les coins d’Haïti à longueur de journée. Leurs hommes fouillent et emportent leur butin en chantant. Personne n’ose poser de questions. Bouches cousues, ni vu, ni connu !
Depuis l’occupation de 1915, Haïti a complètement perdu sa souveraineté. Ces rapaces sont des hypocrites. C’est ce qu’ils font tous en Afrique et ailleurs. Tu possèdes quelques gouttes de pétrole, ton chien est mort. Coup d’État à répétition, attaques terroristes, etc. Souvenons-nous des plus sensas : Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi… Nos présidents ont toujours été choisis par l’Oncle Sam depuis lors, et ce jusqu’à nos jours. Tous ceux qui rêvent du pouvoir sont déjà candidats au jeu du « Pwen fè pa ». Si tu t’appelles Aristide, tu le deviendras plus tard.
Parlant d’Aristide, c’est là que tout a commencé. Ce dernier, sincère dans ses intentions de redresser la nation, croyant en la bonté des hommes, ignorant tout de la conjoncture macabre, se présenta tout feu tout flamme, en voulant changer l’ordre des choses. Il alla jusqu’à réclamer l’inénarrable réparation estimée à 22 milliards de dollars volés par la France. Démarche fielleuse que l’Amérique et l’Europe ne sauraient laisser tomber dans l’oreille des déshérités, pour ne pas réveiller les descendants des victimes encore endormis qui peuplent leur continent.
Par conséquent, les ambassadeurs des pays interpellés avaient reçu l’ordre de sauter en 4e vitesse pour dégommer l’ancien prêtre. Ce qui fut fait le temps de dire ouf ! D’ailleurs dans la présentation de Tiken Jah Fakolly, le cas d’Aristide a été mentionné : « Si tu ne quittes pas Haïti / Moi je t’embarque pour Bangui ».
Cette incartade ne passa point inaperçue. Avec le panafricanisme à la mode par les temps qui courent, avec les Kémi Séba, les Nathalie Yamb, les Franklin Nyamsi… et autres, l’Afrique, avec un contingent d’une nouvelle jeunesse instruite, s’éveille de son long cauchemar, menace de se libérer du joug de ses éternels pilleurs pour voler de ses propres ailes.
Les Afro-Américains, avec
les mouvements de type « Black Live Mater », sont sensibilisés
à l’idée de réparations pour les crimes de l’esclavage. Les Antilles, La
Guyane, Mayotte…, les 16 contrées francophones de l’Afrique, avec la
monnaie de singe imprimée à Paris, mieux connue sous l’appellation de Franc
CFA, qui fait la fortune de la France, ne devraient pas être influencées par
cette visée astronomique de sommes mirobolantes. La perte du Mali, du
Burkina-Fasso, du Sénégal, du Tchad, vient de sonner le glas pour la France.
Cette dernière, qui pousse plus loin que ses fesses, n’a nullement l’intention
de déchirer son décor de carton-pâte et de papier-mâché pour se convertir en
pays du tiers monde. Elle ne nous fera point de cadeaux. C’est une nation qui
vit sur du vent. Les ex-colonies françaises sont toutes, indistinctement, les
plus pauvres. C’est l’histoire de « la grenouille qui veut se faire
aussi grosse que le bœuf 3
».
En 2015, à la Martinique, le président français François Hollande, de bon cœur, pensant faire plaisir aux Antillais, leur annonça que la France allait rembourser sa dette à Haïti. Vite, on a failli fermer les micros. Martelly, un invité, a failli tomber de sa chaise. Michaëlle Jean y était. Selon Jean-François Lisée, « Les gens pleuraient. Les chefs d’État africains présents versaient des larmes. C’était immense ». « Un miracle, après tout ce temps2 ». Mais hélas, ce n’était qu’un mauvais rêve, une éructation ! Le Quai D’Orsay s’est empressé de déclarer qu’il s’agissait d’un lapsus, d’une erreur d’expression. Le président voulait dire : dette morale.
Cependant, tous les prédateurs savent qu’un jour viendra où ils devront faire face à la musique. Avec l’omniprésence des réseaux sociaux, les demandes de réparation seront plus lancinantes et ils ne pourront y échapper. En attendant, ils font flèche de tout bois pour discréditer Haïti, pour ralentir l’aiguille de l’horloge. Ils démontrent son ingouvernabilité, par la pression des gangs. Ces derniers ont leur droit d’entrée dans les ambassades. Nous ignorons la promesse qu’on leur a faite, mais ils sont en confiance et détruisent tout sur commande. Les institutions sont obsolètes. Rien ne fonctionne. Les jeunes quittent le pays par grappes. C’est le sauve-qui-peut !
En créant l’anarchie chez nous, ils veulent prouver à tout un chacun que les Nègres n’ont pas le sens de la gestion pour piloter un pays. Sous la direction de ce spécimen, c’est le chaos assuré. Il faut insérer dans leur esprit cet axiome que le blanc est le maître en qui ils doivent toujours avoir confiance. Pour cela, on doit radier, dans la tête du spectateur noir, l’idée que l’Haïtien s’était libéré du joug de l’esclavage de lui-même. Que ce fut un accident de l’Histoire ! Haïti est devenue la risée du monde. C’est le seul pays à être dirigé par 9 présidents en même temps.
Passant à la vitesse supérieure, avec l’accord tacite de certains « intelligents » de la région, Haïti est devenue le terrain préféré des dealers de drogue. Des armes de guerre ont été distribuées à des jeunes. Paradoxalement, il est interdit à l’État de s’en procurer. Stratégiquement, Port-au-Prince est encerclée. On assassine et on kidnappe les pauvres. On incendie à qui mieux mieux. Aucune institution ne fonctionne. La corruption gangrène la société. L’insalubrité a une île. C’est la crise omniprésente. C’est la galère, tandis qu’à côté la Dominicanie se la coule douce !
Dans les journaux, sur les réseaux sociaux, à la télé, etc, les nouvelles sont ahurissantes. À chaque fois qu’un référendum pour l’autodétermination se met en branle dans une des possessions pressurées par les nations malveillantes, le sempiternel et nébuleux avertissement se répète sous cape : « voulez-vous devenir comme Haïti ? ». Les néo-colonisés qui ne regardent que Tik-Tok se retrouvent encore piégés dans leur propre rêve ! Voilà pourquoi, tant qu’il existera des pays à détrousser, Haïti continuera à être dépeinte comme l’enfer sur terre. Toutefois, les exploiteurs ne paient rien pour attendre. La marche de la réparation est bien enclenchée. Ce n’est qu’une question de temps!
Max
Dorismond
- Note –
1
– Christine Mathurin
2
– Jean-François Lisée Journaliste – « L’étranglement
français d’Haïti » - Le Devoir.
3
– Une fable de La Fontaine.
Oui ce n est qu une question de temps .., l eternelle Chanson
ReplyDelete( oui Mais Comme disait Hugo
“Dieu mesure la Duree et nous laisse le temps”” Le temps de quoi?
De mourrir de faim .. etc
Non il est Deja trop tard .. le moment est a l action
L action de coupe tete .. boule kay
Mais en sachant bien quelle tete
Celle de nos oppresseurs de Toujours que nous connaisons Tous
Celle des vendeurs de Patrie
( si pa gain soutireur
Pas ta gain voleu
So , tete des soutireurs aussi
Mon cher Max,
ReplyDeleteTu nous a servi un magistral cour d'histoire politique contemporaine par ce texte. Keep going!
Lemarec
Mon cher Max
ReplyDeleteJ'aime bien ta façon de nous peindre la noirceur pour ensuite pointer vers une lumière au bout du tunnel. Lumière que tous nous recherchons avec une torche qui menace de s'éteindre au moindre souffle du vent. L'espoir fait vivre.
Merci Max pour cette note de plus ajoutée a la game notre connaissance tu es comme l’abeille qui a partir des butins amassés ça et là en arrivent à couler un miel original je te souhaite une 2025 de roses sans épine
ReplyDeleteArnold
Tu as tout dit , merci!
ReplyDeleteOui
DeleteOn a tout dit Maintenant passons a l action
Strategies
A - on apprend a mieux se connaitre
B -on prepare un plan
D action
C- on reunit les fonds necessaires
D- on passé a l Action
Bravo!
ReplyDeleteMon cher Max , merci pour ce beau texte. Tous les haitiens devraient prendre connaissance de ces faits historiques et de notre réalité agaçante. Dommage que la majorité de nos compatriotes sont à peine capables de lire et de comprendre la profondeur de ton texte.
ReplyDeleteToutes mes félicitations, mon
Ami!
Jean Rico Louis.
En lisant ton texte, je me suis rappelé de la “Servitude Volontaire”de La Boétie. En effet, pour l'auteur du Discours, la domination du tyran ne tient que par le consentement des individus. Sans ce consentement, la domination ne serait rien : « soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres ». Les hommes sont responsables de leur assujettissement au pouvoir.
ReplyDeleteTon texte expose aussi la structure dialectique de notre attachement passionné à l’assujettissement. Il me semble que nous sommes socialement contraint d’auto-effacement. Le retournement de la violence contre soi permettrait selon Butler d’expliquer l’attachement à la souffrance. Est-ce une prédisposition, inscrite dans la préhistoire de l’Ayisyen à se soumettre à la loi du plus fort?
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