« Sans la patrie, l’homme est un point perdu dans les
hasards du temps et de l’espace1».
Sommes-nous des sans patrie ?
Par Janine-Renaud
Murat
Mme J,R Murat |
L’auteur, Des mots pour conjurer nos
maux nous invite sans doute à cette
réflexion. L’exil apprend à ses victimes à mieux aimer leur patrie. Tous ceux
qui ont dû partir pour des raisons différentes ne cessent de penser à ce pays
qu’ils ont dû quitter malgré eux : Haïti.
Après
avoir lu avec beaucoup d’intérêt, les articles de nombreux chroniqueurs de la
Diaspora haïtienne, sur la politique boiteuse des différents gouvernements qui
se sont succédé depuis plus de 60 ans, voici que monsieur Max Dorismond retrace
pour le lecteur les problèmes cruciaux de la nation haïtienne où se joue la
plus grande tragédie dans la mer des Caraïbes.
C’est un
cri du cœur que lance l’auteur dans un style parfois acerbe et bouleversant
par Des mots pour conjurer nos maux. Ce titre accrocheur ne laisse
aucun lecteur indifférent. Ne pouvant lutter à main nue contre une telle
tragédie, monsieur Dorismond se joint par ses écrits à ceux qui luttent et
dénoncent les faits par leur plume. L’auteur connait la force des mots qu’il
utilise de façon claire et concise pour dénoncer la bêtise de ses gens qui
portent des œillères pour ne pas voir et des bouchons pour ne pas entendre.
Essayez donc de briser le béton armé qui plombe un cœur.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux / Et j’en sais
d’immortels qui sont de purs sanglots2,
a écrit A. de Musset. Pour notre peuple, ces
chants sont ceux de la misère toujours tragiques et tellement tristes, sanglots
d’un peuple fatigué de souffrir. Si l’expérience est la somme des erreurs, la
somme des bêtises des hommes de ce pays est devenue une montagne
infranchissable avec le temps. Le lecteur qui parcourt ces pages le fait avec
la même passion, la même lucidité que celui qui nous plonge dans l’histoire et
dénonce les dérives humaines de ces incompétents qui nous mènent : les
dérives vaticanes, la colonisation, la libération, l’illusion du bonheur, la dictature
et toutes les tragédies qui en découlent…
Certes,
il y a les inconscients, les insouciants qui trouvent parfois que l’herbe est plus
verte et plus accueillante là où les mène le destin. Ce sont ceux qui se
sentent bien partout où ils n’ont aucun ennui, là où ils mangent et dorment
sans s’inquiéter des ravages d’un cyclone, d’un tremblement de terre, en un
mot, pour qui seule compte leur sécurité psychologique ou matérielle. Mais à côté d’eux, se trouvent des gens
qui n’oublient pas leur terre natale et souffrent d’entendre ce genre de
réflexion : Avec tout ce qui se passe chez vous, vous êtes chanceux de vivre
ici.
Quelle
gifle ! Comment peut-on se sentir bien alors que nos frères et sœurs, des
enfants innocents souffrent le martyr? Pas de nourriture, pas d’eau potable,
pas de médicaments, absence de soins de santé, pas d’électricité, pas de
sécurité… Une Somalie dans la Mer des Antilles !
Mais les
exilés, ne l’entendent pas ainsi. Bien-être ou pas ils refusent de fermer les
yeux, de baisser les bras et n’acceptent pas de voir mourir leur patrie si
chère à leur cœur, à leurs âmes. Le lecteur est parfois impressionné devant
l’exposé que lui fait l’auteur sur la situation dramatique du pays. La
négligence des gouvernements est une des causes des plus grandes qui gangrènent
ce pays, car comme l’a souligné l’auteur, de nombreux membres de la diaspora
seraient en mesure de mettre leurs connaissances au service de leur patrie.
Les
gouvernants, les corrupteurs manquent de confiance envers les exilés haïtiens.
Ils craignent de perdre leur prépondérance sur le pays, préférant le voir périr
que de le sauver. Aussi les exilés s’acharnent-ils par les moyens en leur
possession, de crier leur douleur, leur indignation contre la tragédie qui se
joue sous le regard impassible de la Communauté internationale supposée
protéger les pays dits en voie de développement.
Monsieur
Dorismond se fait dans son ouvrage, le chantre du petit peuple qui ne vit que
de malnutrition et d’analphabétisme. La Diaspora haïtienne très sensible à
cette lamentable situation, s’efforce de palier à cette carence en faisant parvenir
à leurs proches ou aux différentes Fondations qui soutiennent ce pays, leurs
contributions financières.
On
comprend donc les révoltes de ceux qui n’ont qu’une plume pour baïonnette,
seule arme à leur disposition. Les mots confiés au papier peuvent être très
percutants. Il faudrait parfois s’en méfier.
Nous
disons merci à l’auteur pour ces pages très inspirantes remplies de mots qui
aideront sans doute, à conjurer nos maux.
J-RM
Note –
1 : Henri de Lacordaire : Le discours sur le droit et le devoir de la
propriété (1958)
Note –
2 : Alfred de Musset dans « La nuit de mai ».
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