L'écrivain Dany
Laferrière lors de la cérémonie de remise de l’épée à l’Hôtel de ville de Paris, le 26 mai 2015. |
Il
sera le deuxième Noir à siéger à l’Académie française, 32 ans après Léopold
Sédar Senghor (1906-2001), élu en 1983. A sa manière, Dany Laferrière,
écrivain et journaliste, est aussi un des illustres chantres de la
francophonie. Elu au premier tour de scrutin, en décembre 2013, pour
succéder à l’écrivain d’origine argentine Hector Bianciotti, dont il est chargé
de faire l’éloge, il est reçu, jeudi 28 mai, par l’écrivain
franco-libanais Amin Maalouf.
A
travers tous ces auteurs, tous nés sur des continents différents, c’est bien la
langue française, pierre angulaire de l’Académie française qui est mise à
l’honneur. « A un Franco-argentin d’origine italienne va succéder un
Québécois de Haïti, qui sera reçu par un Libanais. Voilà ce que c’est,
l’Académie française », a tenu a rappeler l’académicien
Jean d’Ormesson, lors de la cérémonie de remise de l’épée qui s’est tenue,
mardi 26 mai, à l’Hôtel de ville de Paris.
Ecrivains voyageurs
Depuis
trois décennies, l’Académie française s’est ouverte aux vents de la
francophonie et aux écrivains voyageurs, venus du monde entier. Né à Port-au-Prince,
il y a 62 ans, Dany Laferrière est le fils de l’ancien maire de la capitale
haïtienne, contraint à l’exil lorsque le dictateur Jean-Claude Duvalier prend
le pouvoir. Comme beaucoup d’Haïtiens, il trouve alors refuge au Québec
s’installant à Montréal où longtemps, il a vécu « comme un
clochard », travaillant au noir dans des tanneries, avant de connaître
un succès fulgurant avec son premier livre, Comment faire l’amour avec
un nègre sans se fatiguer, publié en 1985.
Dany Laferrière avec
Jean d'Ormesson lors de la cérémonie de remise de l’épée à l’Hôtel de ville de Paris, le 26 mai 2015 |
Jeudi,
Dany Laferrière sera, en effet, le premier écrivain québécois à être reçu sous
la coupole. Il occupera le fauteuil n° 2. Parmi ses illustres
prédécesseurs, figurent notamment Montesquieu, l’auteur de De l’Esprit
des lois et des Lettres persanes, mais aussi Alexandre
Dumas, le romancier le plus prolifique du XIXe siècle, entré
depuis au Panthéon et dont une grand-mère était une esclave mulâtre de
Saint-Domingue. Pourtant, pour l’auteur de Je suis un écrivain japonais (Grasset,
2008), cela serait une grave erreur de réduire un écrivain à son origine. Dany
Laferrière ne s’est jamais enfermé dans l’étiquette de « l’écrivain
noir ».
Un remarquable antidote à l’ennui
Auteur
d’une vingtaine d’ouvrages, Dany Laferrière est surtout un remarquable antidote
à l’ennui. Plusieurs de ses livres sont consacrés à sa terre natale. Dans L’Odeur
du café (1991), il rend un hommage vibrant à sa grand-mère, une femme
cultivée qui lui a inculqué l’amour de la littérature et de la poésie. Présent
sur place, le 12 janvier 2010, lors du terrible tremblement de terre qui a
frappé Haïti, il raconte dans Tout bouge autour de moi (Grasset,
2011) le silence qui suit la catastrophe humaine.
De
lui, son éditeur chez Grasset, Charles Dantzig, dit que ce qui le caractérise,
c’est « sa grande élégance de forme ». Son humour, sa
distance et sa poésie sont effet au cœur de sa manière d’écrire. Il a reçu le
prix Médicis 2009 pour L’Enigme du retour (Grasset), qui
raconte son retour en Haïti après la mort de son père. Ecrit en alternance en
prose et en vers libres – d’où une très grande musicalité –, c’est un roman à
la fois sur la famille, l’exil, l’identité et le temps qui passe.
Par Alain Beuve-Méry / Le Monde.fr
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