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Friday, March 14, 2025

Arly Larivière : Une plongée dans son génie musical

Arly Larivière,  figure emblématique du Kompa

Par : Hervé Gilbert

Depuis plus de deux décennies, Arly Larivière s’impose comme une figure emblématique du kompa 1 haïtien et un acteur clé de son évolution. Il incarne une synthèse rare entre innovation musicale et fidélité aux racines culturelles. Un équilibre qui a propulsé son œuvre bien au-delà des frontières haïtiennes. Son talent exceptionnel en tant qu’auteur-compositeur, chanteur et claviériste fait de lui l’un des artistes les plus influents de son époque.

Nu-Look : Une révolution musicale

Fondé en 2000 sous la direction visionnaire d’Arly Larivière, Nu-Look a redéfini le paysage du kompa. Le groupe est devenu un laboratoire sonore où tradition et modernité cohabitent harmonieusement. À travers des compositions soigneusement arrangées, Larivière propose une musique accessible et attachante, sans sacrifier la sophistication technique. Les ballades lentes du groupe, enrichies par des solos de clavier élégants et une section de cuivres impeccable sous la conduite du talentueux André Déjean, sont devenues une signature artistique admirée tant en Haïti que dans la diaspora.

Une écriture qui touche l’intime

L’essence du génie d’Arly  réside dans ses paroles, qui explorent avec finesse les nuances des relations humaines. Des morceaux comme "Why Do You Say You Love Me", "Cauchemar", "My feelings" ou encore "Wasn't to Meant to Be" dépeignent des histoires universelles avec une sincérité désarmante. Ses textes, empreints d’une mélancolie subtile et d’une sensibilité poétique, trouvent un écho profond chez des fans de tous horizons. Il réussit ainsi à créer un lien émotionnel entre le vécu haïtien et l’universalité des sentiments.

Un héritage familial et une discipline exemplaire

Fils du célèbre compositeur Daniel Larivière, Arly a grandi dans un univers musical qui a façonné sa vision artistique. Dès ses débuts au sein du groupe D-Zine, son talent s’est rapidement imposé, attirant l’attention du public et de ses pairs. La création de Nu-Look a marqué un tournant décisif, consolidant sa place en tant que leader et stratège musical. Sa discipline rigoureuse et son approche méthodique de la création expliquent en grande partie sa longévité et son succès.

Un style intemporel à la croisée des générations

La musique d’Arly  transcende les modes et parle à toutes les générations. Sous son impulsion, le kompa s’est imposé comme un langage universel, capable de traduire avec justesse la sensibilité du rêveur face à l’amour, à la résilience, en passant par la douleur et l’espoir. Les arrangements raffinés et les mélodies captivantes de ses chansons, notamment "My feelings", tirée de l’album Just for You, illustrent parfaitement son art : une musique qui allie profondeur, sensibilité et technicité.

"My feelings" de son dernier album Just for You


Une source d’inspiration universelle

Arly Larivière puise son inspiration dans les réalités sociales, les défis quotidiens et les expériences humaines. Son approche rappelle celle des grands noms de la chanson française et haïtienne, tels que Charles Aznavour ou Ansy Derose, qui ont su capturer l’essence de la condition humaine. Chaque chanson de Larivière invite à la réflexion et à l’introspection, offrant un espace où l’auditeur peut se reconnaître et puiser du réconfort.

Une légende vivante du kompa

Aujourd’hui, Arly est bien plus qu’un artiste : il est une institution, un pilier de la culture haïtienne et un ambassadeur de son patrimoine musical. Son influence dépasse le cadre du succès commercial, s’inscrivant dans une démarche artistique et culturelle qui inspire les générations actuelles et futures.

Conclusion : un monument musical

Maestro Arly Larivière n’est pas seulement une légende du konpa 2 ,Il en est un bâtisseur, un innovateur et un gardien. À travers son œuvre, il a su préserver l’essence du genre tout en l’élevant à des sommets inédits. Son héritage musical est une source de fierté pour Haïti et sa diaspora, un rappel constant de la richesse culturelle et de la résilience du peuple haïtien. Que cet artiste exceptionnel continue d'enchanter nos coeurs et d'illuminer nos âmes à travers sa musique éternelle.

Hervé Gilbert


Note

En Haïti, "konpa", "kompa", et "compas direct" désignent le même genre musical, mais avec des nuances :

3-Compas Direct : Nom original donné par Nemours Jean-Baptiste dans les années 1950 pour son style musical.  Aujourd’hui, "konpa" est le plus utilisé, tandis que "compas direct"reste un terme historique


Thursday, February 8, 2018

2 février 2018 : centenaire de la naissance de Nemours Jean-Baptiste

 HOMMAGE DE TRIBUNE DE LIBRE OPINION
Né le 2 février 1918 à Port-au-Prince et mort le 18 mai 1985,
Nemours Jean-Baptiste aurait eu 100 ans ce 2 février 2018.  
C'est une date qui rappelle la naissance d'un homme qui a apporté un changement capital dans la musique haitienne. Le rythme qu'il y a introduit a fait école en devenant le rythme national du pays et aussi en se propageant plusieurs années après sa mort à travers les Antilles et l'Amérique. Il était à la fois un novateur et un créateur et dans son domaine, il a apporté un changement phénoménal dans le rythme musical  haitien.

En ce mois de février 2018, mois de l'histoire des noirs, il n'est pas dérisoire d'inscrire dans notre pensée, Nemours Jean-Baptiste, cet homme sorti de nulle part, mais qui nous a laissé quelque chose qui représente aujourd'hui un joyau pour le pays.



JM
Biographie de Nemours Jean-Baptiste
Troisième d’une famille de quatre enfants, Nemours Jean-Baptiste est né le 2 février 1918 à Port-au-Prince. Ses parents Lucia Labissière, couturière et Clément Jean-Baptiste, cordonnier ont décédé prématurément. Nemours et ses frères et soeur André, Monfort et Altagrace furent confiés à des proches parents. Il fit de brèves études à Jean Marie Guilloux et chez les Frères de Saint Louis de Gonzague et a dû faire très tôt aux affres de la vie occupant de menus emplois pour survenir à ses besoins. Devenu coiffeur, Nemours a pu trouver, sans nul doute, en ses clients et le salon de coiffure, l’auditoire et l’endroit idéal pour discuter de son amour et don pour la musique. Ce don a reçu par hasard sa première sponsorisation à travers un ami, Antoine Duverger. Joueur et propriétaire de banjo, Duverger a décidé de confier son instrument à Nemours pour éviter les réprimandes parentales : « l’enfant de famille » des années 50 ne faisait pas de la musique. 
Nemours en a profité pour apprendre tout seul le banjo. La chance lui a sourit lorsque Duverger n’a pas pu respecter un de ses engagements auprès des frères Guignard. Nemours l’a remplacé. La performance fut un succès et lui a rapporté $30.00 et son recrutement par les frères Guignard. De cette date, Nemours s’était adonné complètement à la musique; une carrière qui allait durer environ vingt-cinq ans. Au cours d’une de ses performances, il a rencontré Marie Félicité C. Olivier. Ils se sont mariés le 28 Septembre 1946 et eurent trois enfants Marie Denise qui a vécut jusqu’à l’âge de deux (2) ans, Yvrose et Yves Nemours Jr.


Les débuts de Nemours consistaient surtout de tournées à travers le pays animant les fêtes patronales. C’est d’ailleurs un jour de la Sainte Anne, le 26 juillet 1955, qu’il a créé le rythme qui allait devenir le compas et son propre groupe musical, Conjunto International avec pour Membres fondateurs Julien Paul, Monfort Jean-Baptiste, frère de Nemours, Anilus Cadet, Mozart et Krutzer Duroseau et pour une courte durée Webert Sicot qui sera remplacé par Frank Brignol. Mais, ce n’était pas son premier coup d’essai de maestro. Il a dirigé auparavant, des groupes de l’époque tels que Anacaona, Jazz Atomique, Jazz atomique Junior.


En 1956, la carrière de l’artiste devait prendre une nouvelle direction lorsqu’il rencontra son premier promoteur, Jean Lumarque, propriétaire d’un Club à la mode, « Calebasses ». Ce dernier organisa la première tournée à l’étranger de Nemours et son groupe les accompagnant aux États Unis d’Amérique et au Mexique. Cependant, peu de temps après, Nemours devait quitter Lumarque pour Senatus Lafleur, propriétaire d’un autre Club, « Palladium ». Pourtant, c’était encore Jean Lumarque qui, en 1961, emmena aux États-unis le groupe et le 5 juillet, au cours d’une cérémonie au siège des Nations Unies, Nemours a reçu une plaque d’honneur. Après un autre aller-retour du Palladium au Calebasses, Nemours et son groupe successivement nommé « Ensemble aux Calebasses » et « Ensemble Nemours Jean Baptiste » ont été embauchés par René Martini, propriétaire de « Cabane Choucoune » où ils ont joué de 1962 à 1970. Au cours de cette période, en 1963, l’artiste a participé à son premier défilé carnavalesque, sur demande du public. A noter qu’il souffrait de glaucome. En juillet 1967, les médecins d’un hôpital de Port-au-Paix ont dû lui enlever son œil (droit ou gauche) au cours d’une intervention chirurgicale.

Nemours a également séjourné deux ans (1970-1972) aux États Unis d’Amérique et performé dans des clubs tels que Château Caribe (Manhattan) et Canne-à-Sucre (Corona, Queens). De retour sur la terre natale en 1972, il a pris en charge un dernier groupe, le Top Compas, rebaptisé « Super Combo de Nemours Jean-Baptiste » et a été en tournée en Guadeloupe de mai à Décembre 1973. En mai 1974, un promoteur de la Guadeloupe, Hubert Romain leur fit faire une tournée passant par la Guadeloupe, la Martinique, la France et la Guadeloupe pour revenir au pays en Novembre 1974. Leur passage en France, au mois de septembre, a été un immense succès provoqué par la chanson « Ti Carole », en tête du hit parade sur « Radio Télévision France Inter » pendant six mois. De retour au pays en Novembre 1974, le groupe élut domicile à « Cabane Choucoune » jusqu’à sa dissolution en 1979 avec le départ pour les États Unis de son fondateur, Wagner Lalane.

En 1980, environ un quart de siècle après le lancement de sa grande carrière, Nemours s’est retrouvé en musicien solitaire. Heureusement, Eddy Zamor, animateur de radio et présentateur durant les années 60 en Haïti, devenu promoteur de musique aux États-Unis, a pu venir à sa rescousse. Il sponsorisa une soirée de vingt-cinq ans d’anniversaire du compas et l’évènement a été célébré en grande pompe de concert avec le Skah Shah au club « Olympia Palace », New York. Cette soirée a été, en quelque sorte, un hommage couronnant la grande carrière de Nemours Jean-Baptiste. Sa prochaine tentative de jouer aux Etats-Unis en 1981, cette fois-ci accompagné de son rival musical de longue date, Webert Sicot, devait avorter. Nemours est tombé gravement malade et subit une intervention chirurgicale à New York (« Elmhurst Hospital », Queens). Il passera les quatre dernières années de sa vie en Haïti, luttant contre le cancer de la prostate et la cécité. En dépit de l’insistance de sa femme et enfants, il a préféré mourir dans son pays disant qu’à sa mort on reconnaîtra sa valeur.

*Nemours et le Compact Direct*
Jusqu’à la moitié du 20ième siècle, les besoins du public haïtien en animation musicale avaient été principalement satisfaits par les troubadours, et la cadence « tipico » venue de la République voisine et de Cuba. Cette cadence et/ou les groupes espagnols dominaient la majeure partie de nos festivités publiques ou/et privées. Les débuts de Nemours ont été marqués par cette cadence qui lui a permis de gagner le cœur du public. Cependant, Nemours n’a jamais apprécié cette colonisation du marché musical haïtien. Du côté haïtien de la frontière, le Dominicain et le Cubain vivaient de leur musique, de l’autre côté nos frères étaient humiliés par ces mêmes gens.
Nemours Jean-Baptiste,
Les 3 dangers


Inspiré en quelque sorte par ce nationalisme et aidé de son génie, Nemours a donné aux haïtiens leur propre cadence : le compas. Après le lancement de sa carrière, il ne s’était pas arrêté à l’apprentissage du banjo, il a su maîtriser le saxophone et la guitare.

Une autre facette attrayante du personnage Nemours a été sa verve prompte et légère. À l’apogée de sa carrière, il choyait son public régulièrement avec une nouvelle composition. Tous les samedis, ses fanatiques l’attendaient au Rex Théâtre et ils n’étaient jamais déçus ni par le fond ni par la forme. Les femmes haïtiennes, régulièrement l’objet de satyre de nos musiciens, étaient les chouchous de Nemours. En témoignent, les tubes « aprann renmen », « ròb antrav », « Solange » pour ne citer que cela. Quant au compas, son enfant chéri qu’il a mis au jour, il n’avait jamais cessé de prédire sa réussite et longévité. Des tubes comme : « Universal compas », « Vivre Compas », « La joie de vivre » en sont la preuve. Pour Nemours, la clé de ce succès ou cette longévité a été de garder la cadence aussi simple que possible.

Joueur de banjo, guitariste, saxophoniste, compositeur et chef d’orchestre, Nemours Jean-Baptiste, a été un artiste complet. Il a été pour la musique haïtienne ce que furent les Pères de la Patrie pour Haïti. A sa mort le 18 Mai 1985, il a légué un riche héritage au marché musical haïtien. Les premières bases posées par Nemours constituent une source inépuisable qui a inspiré et continue à guider les jeunes générations. Aujourd’hui encore, plus d'un demi-siècle siècle après la création du compas, le public haïtien ne s’est jamais lassé de danser et la musique de Nemours et le compas.

Contributeur: Jean Mathurin