Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Friday, February 28, 2025

Roberta Flack, l’icône romantique de la musique soul, jazz et folk s’éteint

Le décès de Roberta Flack est une perte énorme pour le monde de la musique

Par Hervé Gilbert

Certaines voix ont le pouvoir de transcender le temps, de s’infiltrer dans l’âme et d’y laisser une empreinte indélébile. Roberta Flack, avec son timbre suave et sa sensibilité à fleur de peau, appartenait à cette catégorie rare d’artistes capables de capturer l’essence même de l’émotion. De la soul au jazz en passant par le folk, elle a bercé des générations entières de ses ballades poignantes, insufflant à la musique romantique une profondeur inégalée.  Elle était tout simplement, une véritable storyteller, une conteuse d'émotion dont chaque note portait en elle une histoire. Aujourd’hui disparue, Roberta Flack laisse derrière elle un héritage musical intemporel.

Roberta Flack, une étoile de la musique romantique

Née le 10 février 1937 à Black Mountain, en Caroline du Nord, Roberta Flack s’est imposée comme une chanteuse et pianiste d’exception. Elle a marqué de son empreinte la soul, le jazz et le folk, se distinguant par des ballades bouleversantes et éternelles  qui continuent de toucher des générations d’auditeurs.

Un destin musical précoce

Roberta Flack
(1969)
Dès son enfance, Roberta Flack évolue dans un univers où la musique occupe une place centrale, bercée par les chants d’église de sa communauté. Dotée d’un talent prodigieux, elle se révèle rapidement comme une virtuose et, à seulement 15 ans, obtient une bourse complète pour étudier la musique classique à l’Université Howard. Cette formation exigeante lui confère une maîtrise exceptionnelle du piano et une sensibilité artistique raffinée. Après ses études, elle enseigne la musique tout en se produisant dans des clubs de jazz à Washington D.C., où son génie musical ne tarde pas à être repéré par des figures influentes du milieu.

L’ascension vers la célébrité

Roberta Flack
(1975)
Le véritable tournant de sa carrière survient en 1971 lorsqu’elle livre une interprétation émouvante de The First Time Ever I Saw your face, choisie par Clint Eastwood pour son film Play Misty for Me. Ce morceau, empreint d’une émotion profonde et d’une exécution subtile, connaît un triomphe retentissant, culminant en tête des classements en 1972 et lui valant le prestigieux Grammy Award de l’Enregistrement de l’année en 1973.

Flack renouvelle cet exploit l’année suivante avec Killing me Softly with His Song, consolidant ainsi son statut d’icône musicale et devenant la première artiste à remporter ce prix deux années consécutives. Son répertoire s’enrichit de nombreux autres triomphes, notamment Feel Like Makin' Love, illustrant son talent unique pour allier sensualité et sophistication harmonique.

Ses duos avec Donny Hathaway restent parmi les plus emblématiques de la musique soul. Ensemble, ils livrent des interprétations magistrales telles que Where Is the Love et The Closer I get to You, captivant le public par la symbiose envoûtante de leurs voix et la profondeur de leur expressivité. Ces titres, empreints d’une douceur infinie, incarnent avec justesse l’essence du romantisme musical des années 1970.

Un legs musical indélébile

Roberta Flack
(1990)
Sa musique, omniprésente dans les foyers, faisait partie de ces trésors que l’on chérissait. Parmi mes premiers vinyles de musique américaine, celui de Roberta Flack occupait une place particulière aux côtés d’icônes telles qu’Ella Fitzgerald, Marvin Gaye, Donny Hathaway, Donna Summer et Nat King Cole. Toutefois, c’est sa voix envoûtante et son interprétation poignante qui m’ont profondément marqué. The First Time Ever I Saw Your Face et The Closer I Get to You résonnaient avec une intensité rare, tandis que Killing Me Softly with His Song restait l’un de mes morceaux favoris.

L’héritage de Roberta Flack est jalonné de compositions intemporelles qui ont marqué les époques et continuent d’accompagner les moments les plus précieux  de nombreux mélomanes. En 1983, son duo avec Peabo Bryson, Tonight I celebrate My Love for You, extrait de l’album Born to Love, s’est imposé comme une mélodie incontournable des mariages et des déclarations amoureuses. Véritble hymne à l'amour, cette chanson distille une émotion pure et sincère. Son refrain, empreint d’une tendresse infinie, résonne encore aujourd’hui dans l’imaginaire collectif, témoin éternel de la magie de leur voix entremêlées.

Tonight I celebrate my Love for you

Roberta Flack en duo avec Peabo Bryson (1983)

Tonight I celebrate my love for you

Ce soir, je célèbre mon amour pour toi.

It seems the natural things to do

Cela semble être la chose la plus naturelle à faire.

Tonight no one's gonna find us

Personne ne nous trouvera,

We'll leave the world behind us...

Nous laisserons le monde derrière nous.

Malgré la maladie qui l’a contrainte au silence, son influence n’a jamais cessé de se faire sentir. En 2016, elle a subi un AVC qui a affecté sa capacité à se produire sur scène. En 2022, elle a été diagnostiquée avec la sclérose latérale amyotrophique (SLA), ce qui l’a contrainte à cesser de chanter. Elle s’est éteinte paisiblement le 24 février 2025, entourée de sa famille.

Roberta Flack n’est plus, mais son souffle musical, lui, ne s’éteindra jamais. Chaque note qu’elle a chantée, chaque mélodie qu’elle a façonnée demeure gravée dans l’histoire de la musique et dans le cœur de ceux qui l’ont écoutée. Sa voix continue de flotter, douce et inaltérable, comme un murmure venu du passé pour enchanter le présent. Et si ses chansons ont su capturer l’amour et l’émerveillement, alors elles continueront, à travers les voix et les cœurs qu’elles ont touchés, à vibrer éternellement.

Hervé Gilbert


Monday, February 24, 2025

MEDJY – Un spectacle du tonnerre à la Place Bell

Medjy - Un spectacle du tonnerre à la Place Bell
 

Par Max Dorismond

Je ne connaissais rien de l’artiste. Un article chaleureux sur Medjy dans un journal prestigieux, «Le Devoir» de Montréal, m’avait mis les fourmis dans la tête. L’hiver, est à nos portes, il faut se relaxer. Fermons ordi et téléphone, allons voir ce spectacle tant annoncé!

Le défilement des voitures dans les entrées souterraines de la Place Bell à Laval, en banlieue de Montréal, laisse présager l’assistance à venir. Les queues très longues devant les ascenseurs n’augurent rien de satisfaisant;  la patience sera mise à dure épreuve.

Enfin à l’intérieur, une jeunesse bon enfant se laisse réchauffer par un DJ professionnel. Ce fut pour moi un bain de jouvence, car on peut compter sur les doigts de la main les rares têtes grises dans le décor.

Et puis, à 21 heures précises, sous une pluie de flashs des projecteurs et des jets de feux d’artifice, un roulement de batteries, des salves de guitares et un grondement assourdissant des basses accompagnent une ovation monstre de la foule extasiée, qui se leva d’un trait pour saluer l’entrée en scène de Djy-Djy, dit M-E-D-J-Y.

Le voilà en chair et en os, sous l’acclamation prolongée d’un public arc-en-ciel, qui semble entrer en transe sous les décibels qui font trembler la Place Bell. Il y a belle lurette que je n’ai pas vécu une pareille ambiance. Il y a de l’électricité dans l’air, au point de recevoir un avertissement sur mon iPhone, à savoir qu’à 90 dB (décibels), le risque de perturbation des tympans est à considérer. La foule subjuguée n’en a cure. Il y a de l’amour dans l’amphithéâtre. La jeunesse est tombée en pâmoison devant l’artiste.

Tout de blanc vêtu, Medjy, le dieu de l’arène, envoûte les 15000spectateurs et plus, présents. Personne ne tient plus en place. Le public chante et danse, les flashs des cellulaires crépitent dans la grisaille pour conserver dans l’éternité cet instant de bonheur unique dans l’hiver québécois. La foule nous laisse l’impression de connaître chaque virgule des chansons divulguées. Tout en fredonnant les paroles, elle l’imite dans chaque geste, dans chaque pas de danse, dans chaque onomatopée pour l’accompagner dans son interprétation métissée de nouvelles sonorités. Personne ne tient plus en place.

Pour ma génération, cela nous ramène au temps de notre jeunesse pertubée à l’époque des «mini-jazz» à Port-au-Prince,  tels les Tabous Combos au Paramount, les Ambassadeurs au Magic-Ciné, les Fantaisistes de Carrefour au ciné Sénégal. Ah, que d’eau a coulé sous les ponts! L’enthousiasme était identique, sauf que la puissance et les décibels du terroir n’étaient pas à leur paroxysme à la dimension du son de la Place Bell.

Étant un Canado-Haïtien, Medjy est le Fils d’un couple d’amis, Jean Toussaint, originaire de Jérémie (Haïti) et de Yanick Nazon.  J’avais eu à faire sa connaissance au cours d’une agape familiale à la maison de ses parents, à Fontainebleau, au nord de Laval, un quartier huppé de Blainville. Timide et réservé, sa ressemblance avec son père quand ce dernier était dans la vingtaine, ne m’avait pas laissé indifférent, quant à mes remarques à son paternel.

Un aperçu de sa prestation sur scène le samedi 22 février 2025


Sa musique est éclectique, à en croire le journal «Le Devoir» de Montréal. Avec son groupe «Kompa-Zouk Enposib», ce fut le succès instantané avec une chanson titre «Sa Pa lov » qui a été visionnée sur YouTube plus de 34 millions de fois depuis 3 ans. C’était un phénomène à découvrir.

Medjy a exploré tous les styles pour imposer ses créations. Du Reggae au R&B, du Hip-hop à l’Afrobeat, du Soul au Gospel, du Kompa au Zouk, du Rap au Jazz… etc. Rien ne lui est étranger. Je me permets d’ajouter qu’il est finalement un bâtisseur de ponts. Il rejoint toutes les communautés. Toutes les races y étaient. Et ce fut le délire assuré. Il a gagné son pari sur toute la ligne. L’Hiver canadien peut aller se rhabiller. Le chauffage Medjy en prend la relève. Tout est Ketchup!

Max Dorismond

Thursday, February 20, 2025

Frankétienne, le mapou de la culture haïtienne s’éteint

Frankétienne
12 mars 1936 - 20 février 2025

Par Hervé Gilbert

Haïti et ses fils de tous horizons pleurent aujourd’hui la disparition de l’un de ses plus illustres penseurs, Frankétienne. Véritable mapou de la culture nationale et figure incontournable de la littérature haïtienne, il s’est éteint ce 20 février 2025 à l’âge de 88 ans, laissant en héritage une œuvre d’une richesse inestimable.

Né Jean-Pierre Basilic Dantor Franck Étienne d'Argent le 12 avril 1936 à Ravine-Sèche, il s'est imposé comme une référence majeure, explorant avec brio les domaines de l’enseignement, de la poésie, du roman, du théâtre, de la peinture et de la musique. Frankétienne était bien plus qu'un écrivain : il était une conscience nationale, un phare de la pensée critique et un défenseur infatigable de la langue créole.

Fondateur du spiralisme aux côtés de Jean-Claude Fignolé et René Philoctète, il a révolutionné la littérature haïtienne par une écriture polyphonique, déconstruite et dynamique, capturant ainsi les tourments et les résiliences du peuple haïtien. Son chef-d'œuvre Dézafi (1975), premier roman entièrement écrit en créole, demeure une pierre angulaire de la littérature caribéenne. Cette œuvre, qui dépeint l'oppression et la quête de liberté au sein d'une plantation dominée par le zombisme, résonne comme une métaphore puissante de l'histoire haïtienne.

Le théâtre de Frankétienne, notamment avec Pèlin-Tèt (1975) et Troufobon (1979), dénonce avec audace les absurdités du pouvoir durant la dictature des Duvalier et les contradictions sociopolitiques du pays. Sa créativité dépassait le cadre de l'écriture : en tant que peintre, il traduisait le chaos et les espoirs de son peuple à travers une palette de couleurs vibrantes et tourmentées.

Largement reconnu sur la scène internationale, il a été nommé Artiste de l'UNESCO pour la paix en 2010 et a figuré parmi les candidats potentiels au prix Nobel de littérature. Son influence dépasse les frontières haïtiennes, inspirant toute une génération d'écrivains, de penseurs et d'artistes.

Malgré l’instabilité chronique de son pays, Frankétienne a fait le choix de demeurer en Haïti jusqu’à son dernier souffle, affirmant ainsi son attachement inébranlable à sa terre natale.

Bien que fils d’un étranger de passage en Haïti ayant courtisé sa mère, Frankétienne incarnait, mieux que quiconque, l’essence même de l’identité haïtienne. Sa profonde empathie pour son peuple et son engagement envers sa terre natale faisaient de lui une figure unique, un homme dont l'humanité transparaissait aussi bien dans son œuvre que dans sa vie quotidienne.

Avec la disparition de Frankétienne, Haïti ne pleure pas seulement la disparition d’un arbre sacré et emblématique de sa culture, mais l’éclipse d’une étoile qui éclairait ses nuits les plus sombres. Visionnaire, il était l’écho d’un peuple en quête de renouveau, le gardien d’une mémoire palpitante, suspendue entre le chaos et la beauté. Pourtant, son souffle demeure, suspendu entre les lignes de ses mots, vibrant dans les silences du temps. Son œuvre, telle une source intarissable, continue de murmurer à l’oreille du temps. Mais qui désormais saura en capter l’écho et en raviver la flamme, avant qu’elle ne vacille dans l’oubli. 

HCC exprime ses plus sincères condoléances à la famille de Frankétienne. Que son âme repose en paix et que nous trouvions tous réconfort et force dans l'amour et les beaux souvenirs qu'il nous a légués à travers ses œuvres."

Hervé Gilbert






Voix de Frankétienne dans Foukifoura, un monologue théâtral publié en 2000

Wednesday, February 19, 2025

Haïti en larmes : Le cri silencieux d’un peuple brisé



Par Hervé Gilbert

Haïti pleure, son sol tremble sous le poids de la douleur et de l’injustice. Pourquoi tant de souffrances ? Pourquoi tant de violences ? Chaque jour, le vent porte des cris de détresse, des supplications noyées dans le fracas des balles et les flammes qui consument l’innocence. Les enfants périssent sous les yeux de leur mère impuissante, spectatrices brisées d’une tragédie sans fin. Qui entendra ces appels déchirants ? Qui viendra éteindre l’incendie qui ravage l’âme d’un peuple ?

Sous ces regards éteints, la terre d’Haïti saigne, abreuvée de larmes, de deuils et de promesses trahies. Chaque matin, le soleil se lève sur un pays meurtri où l’espoir s’amenuise sous les cendres d’un avenir incertain. Quand viendra enfin le jour où la lumière dissipera ces ténèbres oppressantes ? Sommes-nous condamnés à errer dans cette nuit sans fin, à vivre et à mourir dans la discorde, la misère et l’indifférence ?

Autrefois sanctuaire de solidarité, même la famille n’est plus un refuge. Désormais, elle se disloque sous le poids de la violence, rongée par la méfiance et asphyxiée par la peur. Haïti, jadis terre de fierté et de résilience, ploie sous le fardeau d’un destin brisé. Un peuple prisonnier de son propre tourment, une nation qui vacille entre la survie et l’oubli. Combien de sacrifices faudra-t-il encore avant que l’unité et l’amour ne reprennent leurs droits ?

Pourtant, au milieu des ruines, une voix s’élève. Un murmure fragile mais persistant, un chant où se mêlent douleur et espoir. Écoute cette voix, celle d’un cœur déchiré, d’un peuple en quête de justice. Écoute ce chant, ce cri venu du plus profond de l’âme haïtienne. Peut-être, à travers ses notes, entendras-tu l’appel d’une nation qui refuse de sombrer.

Cri profond d'une âme haïtienne

Friday, February 14, 2025

Lorsque les mots célèbrent l’amour et l’éternité

 Par Hervé Gilbert

Au cœur de la bibliothèque de Haïti Connexion Culture, gardienne de précieux articles et de documents érudits depuis 2007, j’ai entrepris une quête : exhumer, en ce 14 février, un texte vibrant d’amour et de mémoire, digne d'honorer l'esprit de la Saint-Valentin. C’est alors que mes pas, guidés par le hasard ou une providence littéraire, m’ont mené vers une œuvre lumineuse, signée de la plume élégante de Jean-Erich René. Originaire de Jérémie, maître du verbe et artisan du sentiment, il nous a quittés il y a quelques années, mais son écriture demeure vivante, bruissant encore du souffle de sa sensibilité.

En ce jour où l’amour se célèbre sous toutes ses formes, je remets en lumière cet article admirable, témoignage d’un talent qui défie l’oubli. À travers ces lignes, c’est aussi un hommage à notre regretté compatriote, dont la voix résonne encore dans les méandres du temps. Puisse cette relecture, empreinte de beauté et de nostalgie, accompagner vos cœurs en cette fête des âmes éprises. Joyeuse Saint-Valentin! Lire l'article de Jean Erich...


Lire dans la même rubrique :

Qui sera mon Valentin ?

Paroles et Chansons pour une Saint-Valentin...

Le miroir brisé...

 


Sunday, February 2, 2025

Voir les Antilles françaises avec les yeux et l’âme d’Othello Bayard

La Martinique - Le paradis sur terre que la France ne saurait libérer
 

Par Michel Décoste

 En se regardant, on se désole. En se comparant, on se console. Cette ancienne maxime, qui invite au relativisme, trouve son appréciation dans le sujet qui suit. 

En effet, j’ai eu la chance de passer quelques jours dans les Antilles et précisément à la Martinique, territoire d’outre-mer Français. Vu du ciel, avec un panorama tropical, on ne peut s’empêcher de rêver tant le désir d’atterrir nous submerge en vue de découvrir ce paradis de verdure. 

Avec les deux pieds sur terre, la présence des gendarmes français dans la rue commence par nous désarçonner et l’euphorie des premiers jours commence par faire place à une brûlante interrogation. Automatiquement, on est rattrapé par la réalité : c’est un territoire français et toutes les institutions de l’île sont tributaires de la Métropole et la présence de l’ancien colon n’est pas à occulter. Il faut s’y faire avec. 

Au contact des locaux, désireux d’assouvir notre curiosité, nos questions ne se firent point attendre à propos de l’existence du Martiniquais dans un pays qui lui semble loin de lui appartenir. Les langues qui se délient au fur et à mesure nous introduisent dans le secret des dieux, à savoir que mon interlocuteur ou le natif insulaire n’a pas d’identité propre. Il n’est ni français ni antillais. Il affiche un comportement plutôt ambivalent avec un dialecte qui n’a pas évolué. 

Un tas de contraintes administratives ont été implantées pour gérer le quotidien des citoyens au bénéfice de l’Hexagone. Disons, par exemple, que La Martinique n’est pas autorisée à acheter des produits des îles avoisinantes. La Métropole ou mère-patrie impose des droits de douane sur les produits qu’elle importe dans ses DOM-TOM (Territoires d’outre-mer). Il en résulte que les produits français coûtent beaucoup plus cher en Martinique qu’à Paris. Je ne suis nullement surpris de ce résultat. Car, dès que ton maître fut ou est un colon français, ton chien est mort et enterré : tu es condamné à la pauvreté. Voir les 16 pays supposés libres d’Afrique qui étaient d’obédience française. Ils sont les plus pauvres parmi les pauvres de ce continent, hélas! 

En voilà d’autres méfaits. La Martinique n’a pas la permission de commander le pétrole du Venezuela. Elle est forcée d’en importer de l’Europe avec pour résultat qu’un enfant de sept ans peut deviner : la gazoline est très, très chère à la Martinique. 

Enfin, La France ordonne à l’île de cultiver seulement la banane et la canne à sucre pour la Métropole. Souvenons-nous du scandale de l’empoisonnement au chlordécone, ce pesticide utilisé dans les bananeraies de 1972 à 1993. Après d’âpres combats, le produit fut interdit, mais le mal est incurable. 92% des Guadeloupéens et 95% des Martiniquais en paient encore le prix, et, pour longtemps avec des maladies comme le cancer de la prostate. Conséquemment, la Martinique n’a pas deux choix : elle doit tout importer au prix fort. 

Après avoir effectué un tour d’horizon dans mes pensées, je reviens sur mes pas, à savoir que nous avions dès le début échappé à cette mascarade en flanquant à la porte ces fossoyeurs de liberté qui évoluent dans certaines contrées du monde, encore aujourd’hui, comme aux siècles passés. Nos ancêtres nous avaient légué une perle que nous avions sabordée, salopée, pour aller vivre en esclaves chez ceux qu’ils avaient combattus. 

Essayez d’aller découvrir ces contrées qui évoluent sous perfusion pour découvrir la secrète pensée de leurs habitants qui nous regardent avec une certaine convoitise; nous qui ne connaissons pas la valeur de l’héritage reçu. Nous comprenons encore une fois, le jeune Othello Bayard, quand il avait composé son poème « Haïti Chérie », en 1920. Comme tout enfant, il fallait aller visiter le voisin pour comprendre que nous avions reçu un diamant en cadeau. 

Michel Décoste.

Ottawa, février 2025.


-NOTE-

1 - Ce pesticide a vu son exploitation autorisée sur le territoire français entre 1972 et 1993. Pourtant, son homologation avait déjà été rejetée dans les années 1960 en raison du danger que le produit représentait pour les animaux. C’est une substance toxique pour l’homme. Le produit a été déclaré comme cancérogène par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en 1979, mais le gouvernement français n’a pas immédiatement suivi les recommandations internationales. Même interdit, l’exploitation du pesticide s’est poursuivie grâce aux différentes dérogations accordées par le ministère de l’Agriculture. Source : National Géographique. (Chlordécone : l'empoisonnement des Antilles françaises)