Par Max Dorismond
Ils avaient le pouvoir de
changer l’ordre des choses et faciliter la vie de leurs congénères. Ne pensant
qu’à eux seuls, ils s’en sont servis à l’impératif. N’obéissant qu’à leur
instinct grégaire, ils s’en sont mis plein la valise pour aller évoluer en
équilibristes dans la parenthèse enchantée des plaisirs autrefois
inaccessibles.
Cric-crac, au moindre bobo,
à la moindre migraine, un visa pour la Suisse et une hospitalisation de premier
choix, là-bas. Une école pour fiston, pas de panique, presque toutes les
universités du monde lui ouvrent leurs portes, même s’il est cancre. Un
accouchement s’annonce, les meilleurs spécialistes, américains ou français,
sont disponibles pour l’épouse ou les maîtresses.
C’est la vie de pacha où le
rêve n’a pas de mémoire, et où l’illusion s’avère cosmique. L’automatisme est à
toutes les sauces. Point de contraintes, point de barrières. Ils sont riches à
milliards. La terre est carrée, ils fonctionnent en ligne droite.
Et puis, un matin, hop!
réveil saccadé. Le Coronavirus frappe à la porte d’à côté. Visiteur impromptu,
le monde frémit. C’est la quarantaine. On ferme toutes les frontières
géographiques. Les hôpitaux ne laissent un choix de vie qu’aux 69 ans et moins,
mais seulement pour les citoyens légaux de chaque pays concerné. Plus de visas
pour les visiteurs et vacanciers. À la guerre comme à la guerre. L’argent ne
vaut rien. On peut tout acheter, mais pas cette fois.
Les Petro Cari-beurres et
les autres prédateurs, qui ne sont ni canadiens, ni Américains, ni Suisses, se
retrouvent, du jour au lendemain, réellement Haïtiens. Ils commencent à se
mordre les doigts, en passant de la liesse à la colère. En voulant tout voler,
ils avaient omis de laisser, au moins, un hôpital fonctionnel pour eux, les
leurs et le pays en général. Dans leur coffre-fort, la masse de documents,
justifiant leurs avoirs dans les banques étrangères, ne peut leur assurer nul
visa pour un ailleurs. On n’en donne plus!
À ce moment précis, une mer
de réflexions les submerge et le cauchemar se fait chair. Ils viennent de
découvrir, pour la première fois, que rien ne sert à l’homme de voler sans
vergogne, s’il vient à perdre son âme. Aucune infrastructure sanitaire n’a été
érigée en guise d’écran de défense pour eux et leurs concitoyens. C’est le vide
sidéral ou le néant insondable
La nation, résiliente,
prend Dieu à témoin et ne s’abandonne point à son sort. Les rancœurs s’étalent
et le peuple spolié crie sa rage. Une rage de vengeance, couleur de sang. Or,
sans visa, nul pays ne veut rien savoir des filous. Ils sont coincés. L’heure
du jugement divin est presque arrivée.
Des pleurs, des grincements
de dents! Il est presque trop tard. La grosse fortune mal acquise n’attire pas
seulement la joie. Le malheur l’accompagne fort souvent. L’imprévu, cette arme
insolente, frappe très fort, au moment où on s’y attend le moins, pour rappeler
à notre mémoire nos erreurs de parcours. Il est la clé des défaites. Il est
aussi la clé des victoires. Le criminel finit toujours par commettre une
dernière bêtise qui va le perdre. Le Coronavirus est là pour rappeler la
précarité des éléments, et que nous sommes tous en transit ici-bas. Ne nous
illusionnons point!
S’empiffrer, s’accaparer de
tout, ne conduit nullement au paradis. Ce chemin est étroit, on ne peut y
accéder qu’avec son âme pour unique passeport. On naît avec les poings fermés,
signe d’un certain désir de possession. Mais hélas! Nous avons l’obligation de
montrer patte blanche à la porte d'embarquement pour la destination finale, en
partant les mains nues. On ne peut rien emporter. On ne verra jamais un camion
de déménagement derrière un corbillard. Les pharaons l’avaient essayé avant
nous. On les a tous volés. Par conséquent, nous pourrons crier haut et fort :
Vanitas vanitatum, et omnia vanitas / Vanité des vanités, tout n’est que
vanité. C’est une affliction de l’esprit, résultant de la légèreté de l’être
Ainsi, pour le futur, c’est
un doux souhait, déduisons que nous sommes tous condamnés à transcender nos
envies, à laisser s’étioler nos ambitions et à poser un geste humanitaire au
profit de tous, à contribuer à leur bien-être pour un passage sans conflit,
sans misère, et sans chagrin sur terre
Ô mon pays bien-aimé,
qu’as-tu fait au Bon Dieu pour qu’il tolère en ton sein cette équipe de
cannibales!
Max Dorismond
" Si les biens acquis pouvaient être emportés avec soi à la fin,l'égoïsme jouerait un rôle prépondérant dans le coeur de l'homme." Pensées et réalités
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