Déclarée d’utilité publique par l’administration Moïse pour la reconstruction du lycée Jean-Jacques Dessalines détruit par le tremblement de terre de janvier 2010, Jean-Emmanuel El-Saieh se bat pour empêcher l’Etat haïtien d’entrer en possession de son terrain situé à l’avenue du Chili à Port-au-Prince. La visite mercredi du président de la République sur le domaine le révulse et dénonce le caractère unilatéral de la décision de l’exécutif. Le Nouvelliste a été visiter la propriété.
Très boisée avec un gingerbread à trois niveaux à l’extrémité, cette propriété d'El-Saieh se situe dans un endroit relativement calme dans les hauteurs de l’avenue du Chili à Port-au-Prince. Le gingerbread est actuellement habité par plusieurs familles et l’espace abrite aussi un shop de ferronnerie avec la permission de Jean-Emmanuel El-Saieh, un homme de troisième âge d’origine palestinienne. « Ma famille est en Haïti depuis 150 ans », a précisé Jean-Emmanuel El-Saieh, qui a reçu Le Nouvelliste jeudi matin dans sa galerie d’art fréquentée par des peintres de renommée internationale. La galerie d’art n’est pas concernéee par la déclaration d’utilité publique.
Très remonté contre les autorités, Jean-Emmanuel El-Saieh estime que le chef de l’État n’avait pas le droit d’entrer sur sa propriété sans être invité. « Il s’agit d’un vol et ça ne passera pas », a-t-il fulminé sous le regard inquiet de sa femme d’origine israélienne. « Le président Jovenel Moïse ni personne d’autre n’ont aucun droit sur mon terrain », a-t-il rappelé.
La propriété en question fait l’objet d’un conflit datant de 2005 entre Jean-Emmanuel El-Saieh et sa sœur. Selon Jean-Emmanuel El-Saieh, dans le cadre de ce conflit, l’État devait envoyer deux experts pour faire l’évaluation du terrain. « L'État n’a jamais fait ça. Les autorités n’ont même pas la décence d'appliquer la loi qu’ils sont censés représenter. Je ne sais pas qui conseille Jovenel Moïse, il est innocent. Le président et le pays sont pris en otages par des bandits légaux », a-t-il lancé, l’air furieux.
Jean-Emmanuel El-Saieh a fait savoir que la volonté de son père, avant sa mort, était la construction d’un musée et d’une institution d’art en sa mémoire sur le terrain déclaré d’utilité publique. Selon lui, l’argent pour la construction de ce musée estimé à 18 millions de dollars est déjà disponible et son fils n’attend que le dénouement du conflit pour lancer les travaux.
La visite du président de la République mercredi sur le terrain n’a fait que soulever encore plus l'ire de Jean-Emmanuel El-Saieh. Il a dénoncé le fait que lors de la visite du président sur sa propriété, les agents de l’USGPN ont frappé son fils, le peintre de renommée internationale Tom El-Saieh avec leur arme et bousculé sa femme. « Mon fils est actuellement à l’hôpital », a-t-il souligné. Selon lui, la photo sur les réseaux sociaux montrant lui et le chef de l’Etat dans une étreinte ne traduit nullement la réalité du moment.
Jean-Emmanuel El-Saieh n’est pas en mesure de préciser la quantité de terre déclarée d’utilité publique pour la reconstruction du lycée Jean-Jacques Dessalines. Cependant, il a souligné au Nouvelliste que cette décision ne concerne pas «El Saieh Gallery», située dans la même zone.
Il a fait savoir qu’il n’a jamais été signifié par la DGI de la déclaration d’utilité publique dont est frappée sa propriété. Ainsi, il ne va pas vouloir accepter de l’argent en contrepartie pour son terrain. Son avocat, a-t-il souligné, est en charge du dossier. « Il n’y a pas d’entente à l’amiable possible. Il n’y a pas d’autre solution ! Sortez de chez moi ! », a-t-il lancé.
Lors de sa visite cette semaine sur les lieux accompagné du ministre de l’Education nationale, le président de la République avait déclaré : « Et nos frères dont les pères sont en Afrique, n’auront-ils donc rien ? », reprennant les propos de Jean-Jacques Dessalines. Jovenel Moïse a réaffirmé sa volonté de reconstruire le lycée Jean-Jacques Dessalines sur cette propriété déclarée d’utilité publique.
Le chef de l'État fait savoir que l’État va dédommager les propriétaires du terrain qui, selon lui, peuvent toujours faire ce que de droit…
Le ministre de l’Économie et des Finances, Jouthe Joseph, a annoncé que d’ici la semaine prochaine, l’État dédommagera les propriétaires du terrain.
Si Jean-Emmanuel El-Saieh dit n’avoir pas été mis au courant de l’arrêté présidentiel déclarant d’utilité publique sa propriété à l’avenue du Chili, le directeur du domaine de la DGI a affirmé avoir écrit aux propriétaires du terrain. « Ils ont légalement répondu à l’État et ont déposé leurs titres de propriété à la Direction générale des impôts (DGI) », a fait savoir Raymond Michel.
La direction de l’enregistrement a la responsabilité de vérifier l'authenticité des titres, a indiqué Raymond Michel. Après vérification, dit-il, le dossier sera acheminé au CPA afin de trouver une entente avec la famille propriétaire pour l’expropriation.
M. Michel a souligné que l’État n’a pas encore mis le terrain en chantier. « Il faut exproprier le propriétaire d’abord avant de démarrer les travaux », a-t-il précisé évoquant la loi du 5 septembre 1979. L’État commencera le chantier après le paiement. Toutefois cela ne veut pas dire que le projet sera bloqué s’il n’y a pas d’entente, a-t-il précisé. S’il n’y a pas d’entente, le dossier sera transféré au tribunal qui décidera, a nuancé le directeur du domaine de la DGI.
Selon M. Michel, des membres de la famille propriétaire contestent la déclaration d’utilité publique tandis que d’autres membres de cette même famille engagent les voies légales…
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