Une lecture à froid des émeutes du 06 au 08 juillet 2018
Par :Michelet Michel
Introduction : éléments de cadrage
Cet « papier
» est produit trois semaines après les émeutes populaires des 06, 07 et 08 juillet
2018 provoquées par la tentative du Gouvernement d’augmenter les prix de
l’essence à la pompe, sous la pression du Fonds Monétaire International
(FMI). Cet article n’est pas un « SCOOP
! » Nous avons plutôt choisi de nous
donner un recul suffisant par rapport à l’évènementiel de façon à pouvoir
apprécier la situation avec sérénité. Le titre, a priori incendiaire, annonce
de préférence une réflexion. Il n'a pas pour objectif de critiquer à
l’aveuglette les Programmes d'Ajustement Structurel (PAS) du FMI dans le but
d'en évaluer l'efficacité, ni de procéder à une analyse approfondie du « POUR »
et du « CONTRE » de la mondialisation et des logiques économiques qui leur sont
communes, ni enfin, de présenter une revue exhaustive de leurs caractéristiques
spécifiques.
Nous essaierons
plutôt, dans cette observation, d’essayer d’identifier et de mieux comprendre
les déterminants de certaines de leurs conséquences sociales, économiques,
politiques dans une société dont la population est constituée pour les trois
quarts de citoyens vivant en dessous du seuil de pauvreté.
À l’origine des Institutions de Bretton Woods : FMI et Banque mondiale
Juillet 1944 ! La Seconde Guerre Mondiale n’est pas terminée. La Conférence
de Bretton WOODS réunit aux États-Unis les représentants des États et
gouvernements alliés contre les puissances de l’Axe (Allemagne, Italie, Japon).
Les principaux protagonistes en furent John Maynard Keynes pour le Royaume Uni,
et Harry White pour les États-Unis d’Amérique. Le Fonds monétaire international
(FMI) et la Banque mondiale, aujourd’hui largement discrédités, en sont issus.
Ces deux institutions
dites de « Bretton woods » ont été créées dans une économie d'après-guerre pour
compenser les déficits momentanés des balances de paiements des pays membres à
l'exception du bloc de l'Est. Elles avaient initialement pour fonctions
statutaires de stabiliser les taux de change pour éviter le retour des
désordres monétaires des années 1930 et de financer la reconstruction à la
suite de la guerre.
Les problèmes des pays
en développement sont difficiles. Le FMI est souvent sollicité dans les pires
situations quand il y a crise. Dans de telles circonstances, l’institution
propose aux pays endettés ayant des difficultés financières et donc à qui plus
personne ne veut prêter sans garantie,- (la République d’Haïti qualifiée de «
pays failli » illustre parfaitement ce cas d’espèce), - de fournir sa propre
caution qui lui donnera accès aux capitaux internationaux. Toutefois, il y a une
condition : l’imposition à ces pays, d’un « Plan d'Ajustement Structurel » ou PAS, dont le but est de dégager des
ressources financières pour le remboursement des prêts.
La «
médecine amère » du FMI
Les PAS ont été élaborés
par la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI) au début
des années 1980 avec un double objectif : (i) le premier, aider les Pays en
Voie de Développement (PVD) à retrouver une situation économique plus saine ;
(ii) le second,- souvent moins exprimé mais qui était sans doute le plus
urgent,- visait à assurer la survie du système bancaire international mis en
péril par des placements inconsidérés.
Quand les crises
frappent, le FMI prescrit des solutions « standard » mais archaïques et
inadaptées, sans tenir compte des effets qu’elles auraient sur les habitants
des pays auxquels il est fait injonction de les appliquer. En la matière, il
n’y a qu’une ordonnance et une seule, qualifiée de « médecine amère. » Les
principales mesures (appliquées de façon mécanique, la seule adaptation étant
le nom du pays qui change dans les accords) sont les suivantes :
•
abandon des subventions
aux produits et services de première nécessité : pain, riz, maïs, lait, sucre,
combustible;
•
austérité budgétaire et
réduction des dépenses, en général baisse drastique des budgets sociaux “non productifs” (santé, éducation, par exemple) ;
•
dévaluation de la
monnaie locale ; taux d’intérêt élevés pour attirer les capitaux étrangers ;
•
production agricole
toute entière tournée vers l’exportation (café, coton, cacao, arachide, thé,
etc.) pour faire rentrer des devises, donc réduction des cultures vivrières et
déforestation pour gagner de nouvelles surfaces ;
•
ouverture totale des
marchés par la suppression des barrières douanières ; libéralisation de
l’économie, notamment abandon du contrôle des mouvements de capitaux et
suppression du contrôle des changes;
•
fiscalité (franchises en
tous genres) aggravant encore les inégalités avec le principe d’une taxe sur la
valeur ajoutée (TVA) et surtout la préservation des revenus du capital ;
•
privatisations massives
des entreprises publiques, etc..
Mais, tous ces remèdes ont
échoué aussi souvent (ou même plus souvent) qu’ils n’ont réussi. Les PAS -,
mesures censées aider un pays à s’ajuster face à des crises et à des
déséquilibres chroniques,- ont provoqué dans de nombreux cas des famines et des
émeutes. Même quand leurs effets n’ont pas été aussi terribles, même quand
elles ont réussi à susciter une maigre croissance pour un temps, une part
démesurée des bénéfices est souvent allée aux milieux les plus riches de ces
pays en développement, tandis qu’au bas de l’échelle la pauvreté s’est parfois
aggravée.
D’un point de vue
économique notamment, le bien-fondé de la stratégie des PAS doit être
décortiqué. Questionné. Contesté. Mis en accusation. Le Prix Nobel d’économie
Joseph E. Stiglitz, ancien conseiller de Bill Clinton, ancien vice-président de
la Banque Mondiale, est l’un des contempteurs intransigeants des PAS.
Son livre-réquisitoire
qui a fait grand bruit (La Grande désillusion, FAYARD, 2002) développe une
critique dévastatrice du FMI dont il a démissionné en 1999. Avec une éloquence passionnée, il élève la
voix, gronde, vitupère, tempête, dénonce et accuse « l’autisme idéologique et
politique qui sévit parmi les responsables du FMI, mus par un fanatisme du
marché combiné à une paranoïa de l’inflation. »
De l’autre côté de la
barrière dialectique en revanche, certains hommes et acteurs politiques «
proFMIstes »,- et surtout des économistes et des responsables de la Banque
Mondiale,- opposent mordicus
l’argumentation contraire : selon eux, seule la stricte application des PAS
permettra aux pays du Sud de retrouver une santé économique et d’assurer un
développement durable et le mieux-être de leur population. Qu’en penser ? Selon
Bernard Maris (Lettre ouverte aux gourous
de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles, Éditions Albin Michel, 1999)
toutes les études réalisées sur les effets de la réduction des dépenses
gouvernementales et la suppression des subventions sur le bien-être concernent
trois secteurs essentiels : l'électricité, l'énergie et les transports, les
services sociaux et produits essentiels.
La gravité des problèmes ci-dessus évoqués est susceptible d'augmenter
du fait de leur coexistence avec d'autres problèmes sociaux tels que
l'augmentation du degré de pauvreté dans la société, l'impact récurrent des PAS
sur les couches pauvres dans le pays, et les disparités évidentes dans les
indicateurs de qualité de la vie.
Michelet Michel, M. Sc.
Gestionnaire Financier
Date : 30 juillet 2018
No comments:
Post a Comment