Joseph Emmanuel "Manno" Charlemagne |
Manno Charlemagne, qui était atteint d'un cancer des poumons, est décédé ce dimanche 10 décembre 2017, en Floride, où il était hospitalisé depuis un certain temps, après son intervention chirurgicale. Il était âgé de 69 ans.
Le 31 juillet dernier, le célèbre
musicien et ancien maire de Port-au-Prince, Emmanuel «Manno» Charlemagne, a
subi une opération chirurgicale pour enlever une tumeur au cerveau, qui avait
affecté son élocution, son équilibre et sa capacité à marcher. L'opération de
10 heures, qui a eu lieu à L'hôpital Mount Sinai de Miami Beach, Floride, a
réussi à enlever la majorité de la tumeur, mais le chanteur a dû subir de la chimiothérapie et de la radiothérapie pour
neutraliser la partie restante du cancer qui ne pouvait être enlevée
chirurgicalement du fait que la lésion pulmonaire préexistante avait déjà envoyé des métastases au
cerveau de Manno, selon le médecin traitant.
Qui est Manno Charlemagne ?
Manno Charlemagne en 1994 |
À partir de1968, alors agé de 20 ans, Manno forme Les Remarquables, un groupe de
musique influencé par le rock), puis se tourne davantage vers la musique
traditionnelle, avec une nouvelle formation, Les Trouvères. Dans les années
1970, il faisait partie du mouvement de la «kilti libète» ou culture de la
liberté qui promouvait la culture populaire, y compris la musique folk
acoustique: la musique des campagnes haitiennes est remise à l’honneur. En 1978, avec le
musicien Marco Jeanty, il
enregistre à Port-au-Prince un premier album, Manno et Marco, qui comprend
des chansons engagées “(angaje)” dont la diffusion sur Radio Haïti Inter connaît un grand
succès.
L'une des chansons populaires de Manno Charlemagne
Comme de nombreux Haïtiens, il subit
les exactions des tontons macoutes, miliciens au service des dictateurs Duvalier ; il connaît aussi la prison et
la torture en 1963, à l'âge de 15 ans.
Côtoyant des gens de lettres et des artistes (tels que Lyonel Trouillot, Richard Brisson et
Anthony Pascal, dit (Konpè Filo), il se forge une culture
politique en lisant des ouvrages de Maxime Gorki et
d' Antonio Gramsci. Ouvertement opposé à la dictature de Jean-Claude Duvalier, Manno Charlemagne
s'exile le 4 juillet 1980.
Vivant entre New York, Montréal, l'Afrique et Paris, il enregistre Konviksyon (1982) et Fini les colonies ! (1984), dont les chansons deviennent des hymnes contestataires en Haïti.
De retour en Haïti le 7 mars 1986, un mois après la
chute de Jean-Claude Duvalier, il fonde la “Koral Konbit Kalfou”,
groupe de “mizik rasin”, un mélange
des influences du vaudou haïtien, de la musique traditionnelle et de genres
contemporains) avec lequel il parcourt le pays. Il devient bien vite une figure
importante de la contestation politique en Haïti. En décembre 1987, alors qu'il sort de
chez lui pour interpréter « Nwèl anmè » ("Noël
amer", une chanson composée par Beethova Obas,
un membre de la “Koral Konbit Kalfou” pour honorer les manifestants massacrés
un mois auparavant par la nouvelle junte au pouvoir), Manno Charlemagne
essuie des coups de feu ; il est grièvement blessé. Il sort l'année
suivante un nouvel album, Òganizasyon mondyal.
« Si Ayiti pa forè
Ou jwenn tout bèt ladan-l ? »
Ou jwenn tout bèt ladan-l ? »
« Si Haïti n'est pas une jungle
Que font là toutes ces bêtes ? »
Que font là toutes ces bêtes ? »
Son soutien au mouvement populaire de base lui a souvent posé des
problèmes avec l'armée haïtienne et, après avoir reçu des menaces de mort, il a
passé plusieurs mois dans la semi-clandestinité. Manno Charlemagne était un
partisan du mouvement politique Lavalas du président Jean-Bertrand Aristide
contre lequel l'armée a lancé un brutal coup d'Etat en septembre 1991. En
octobre 1991,
après le coup d'État contre le président Aristide, Manno Charlemagne est arrêté
violemment à deux reprises puis relâché, grâce à la pression d'organisations de
défense des droits de l'homme (Amnesty International, Miami's
Haitian Refugee Center) et une campagne de presse aux États-Unis
demandant sa libération. Craignant une nouvelle arrestation, Manno Charlemagne
s'est réfugié à l'ambassade d'Argentine et s'est à nouveau exilé. De 1991 à
1994, c'est le début d'un nouvel exil de trois ans, pendant lequel l'artiste
diffuse sa musique engagée, à l'occasion de multiples concerts à Miami, New
York et Montréal, où il a rallié les communautés haïtiennes expatriées à
l'appui de la démocratie haïtienne. Il a sorti un enregistrement, "La
Fimen", Kako Productions, en 1994.
Il s'installe ensuite à Miami, dans une pièce au
premier étage du Tap Tap, un restaurant haïtien au sud de la ville ; il donne
des concerts réguliers dans ce restaurant et y enregistre en 2004 un album en direct, Manno
at Tap Tap.
Suite à l'intervention
des Nations Unies pour rétablir le gouvernement constitutionnel en septembre
1994, Manno retourne en Haïti. En juin 1995, il est élu maire de
Port-au-Prince, en battant le titulaire d’alors, Evans Paul. il
le restera jusqu'en 1999, exerçant son mandat de façon controversée. Sa gestion comme maire a été marquée par des difficultés et des gabegies administratives
qui ont éclipsé sa carrière musicale. De son propre aveu, accepter de
devenir maire a été une grave erreur…
En juillet 2005, Manno Charlemagne retrouve Marco Jeanty pour une série
de concerts au Tap Tap. Ils décident alors d'enregistrer un nouvel album :
en 2006,
presque trente ans après leur premier disque, est publié Les inédits de
Manno Charlemagne.
« Se touse ponyèt nou pou n lite
Ka lamann pa tonbe ankò
Solèy a klere pou nou tout
E nou tout va jwenn menm chalè »
Ka lamann pa tonbe ankò
Solèy a klere pou nou tout
E nou tout va jwenn menm chalè »
« C'est l'heure de nous préparer à la lutte
Car la manne n'est pas encore tombée
Le soleil va briller pour nous tous
Et nous tous recevrons la même chaleur »
Manno Charlemagne, « Banm yon ti limyè », Òganizasyon mondyal, 1988 et Les inédits de Manno Charlemagne, 2006.
Car la manne n'est pas encore tombée
Le soleil va briller pour nous tous
Et nous tous recevrons la même chaleur »
Manno Charlemagne, « Banm yon ti limyè », Òganizasyon mondyal, 1988 et Les inédits de Manno Charlemagne, 2006.
Le 14 janvier 2010, deux jours après le tremblement de terre en Haïti, le chanteur
participe au Tap Tap à un concert de soutien aux victimes. En juin de la même
année, il se produit à Brooklyn (New York), près de vingt ans après le concert donné
au début de son second exil, en 1992. En novembre, il joue au Preservatiom Hall de la Nouvelle-Orléans avec la violoncelliste Helen Gillet.
Manno Charlemagne se produit régulièrement aux États-Unis depuis
2010, aussi bien dans des festivalsf que dans des universités (par
exemple, en juillet 2012 à l'université internationale de Floride et
en septembre 2016 à
l' université Duke de Caroline du Nord ). Il se produit également en Haïti.
Fin juillet 2017, Manno Charlemagne subit l'ablation d'une tumeur
cérébrale dans un hôpital de Miami.
Manno Charlemagne: en
concert à l’université Duke
Habité par une âme de
poète et de révolutionnaire, en tant que
chanteur, compositeur et activiste politique, Manno Charlemagne fût la
conscience vocale d'Haïti depuis plus de 30 ans. Manno Charlemagne s’est formé un esprit
d’avant-garde qu’il a immergé à travers sa guitare acoustique et sa
voix de baryton utilisée comme des armes contre les régimes politiques brutaux
d’Haïti, l'indifférence et même la complicité de l’élite haïtienne et l’ingérance
des pays étrangers qu’il qualifiait “d’Impérialistes”.
À sa famille, ses proches et le pays
tout entier, Haïti Connexion Network présente ses profondes et sincères
condoléances.
Par Herve Gilbert
Source de réference : Wikipedia
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