Nouvel
« Immortel » de l’Académie Française
Mon cher
Dany,
Mérès Weche |
J’ai tenu à
laisser passer les vagues d’éloges et de dénigrements, afin de placer calmement
mon mot sur ton élection à l’Académie Française.
Le débat sur la question soulève de plus en plus des discussions rageuses au Québec, comme en
Haïti; une propension á la critique destructive qui arrange
certains, mais qui dérange d’autres. L’esprit analytique exige qu’on suive ce débat avec
circonspection, pour bien comprendre ses tenants et aboutissants, et ainsi se
faire une idée de ce qu’il charrie comme
schèmes de comportement des uns vis-à-vis des autres.
Je me préoccupe
très peu des sentiments exprimés là-dessus au Québec, qu’ils
soient d’admiration ou de répulsion; l’essentiel, c’est que les Québécois, toutes
tendances confondues, auraient préféré voir « un des leurs » se
couvrir de tant de gloire. C’est plus que compréhensible, car le
« sentiment d’appartenance » est la chose la mieux partagée dans la
Belle Province.
,
le 14 février 2014 en présence de la secrétaire perpétuel
de
l’Académie française, Hélène Carrère d’Encausse.
|
Boniface Mongo Mboussa |
Romuald Fonkoua |
Nul d’entre nous n’échappe donc á
ce clivage mortifère, qui ne tient nullement compte des analyses sociologiques
réelles- par rapport aux différents espaces géographiques-, pour globaliser et
statuer sur une « littérature antillaise d’assimilation ». De l’avis
de Mongo Mboussa, aux
Antilles françaises, l’assimilation n’est pas seulement un phénomène d’ordre
politique; « elle relève, affirme
t-il, du domaine culturel et s’établit au moyen de nombreuses institutions
sociales ». Il prend pour cible
Aimé Césaire qu’il
désigne comme « un cas exemplaire », en dépit de sa farouche
antillanité dans Cahier d’un retour au
pays natal, ainsi que d’autres textes dans lesquels il exprime toute son
attache á la Martinique.
Etzer Vilaire |
Pour revenir á
Boniface Mongo-Mboussa dans son texte Les
écrivains antillais et leurs Antilles, il dit que nous occupons « une
position dedans/dehors » qui nous distingue des écrivains africains d’une
part, et européens d’autre part.
Tenant compte
du regard de l’Africain sur l’Antillais, la Tribu aurait très peu de chose à te
reprocher. Nous serions tous coupables. C’est á
peu près dans cette perspective que Manno Ejèn place le
présent débat autour de ton élection à l’Académie Française. Ce créoliste
soutient un discours identitaire qui ne te voue point aux gémonies, car il salue
ton élection comme un couronnement professionnel et un succès personnel.
N’empêche qu’il n’y voit pas une planche de salut pour l’Académie créole dont
dépend l’épanouissement d’une culture littéraire essentiellement haïtienne.
En ce qui me
concerne personnellement, je ne m’érige pas en ton « défenseur », car un écart béant s’est bien creusé
entre nous depuis que mes propos sur ton premier roman Comment faire l’amour avec un
nègre sans se fatiguer ont été entièrement déformés et á toi
rapportés par des « pros » devenus aujourd’hui des
« antis », et paradoxalement par des « antis » convertis en
« pros » pour les besoins de leur cause; question de profiter de ton
succès pour se créer des ouvertures. J’en connais également qui n’ont rien á
voir avec la littérature et qui se comportent avec toi en chiens de garde, par opportunisme pur et
dur.
Toutefois,
j’ai pu constater que la plupart de ceux qui condamnent ton élection à
l’Académie Française le font par désespérance de la reconnaissance officielle,
car toutes leurs pulsions se fondent sur « le dit français », et rien
ne leur est plus propice que la quête des prix littéraires en Métropole. Plus
près de nous, le Prix Carbet de la Caraïbe n’échappe pas au constat de Sylvie Ducas, Maitre de conférence en
littérature française, qui voit dans les Prix littéraires « une définition
normée de la lecture et du goût » et dénonce par-là
même ses paradoxes á cause de « la confrérie réunie pour en
décider ». Je me garde de rendre publics les noms composant le jury du
Prix Carbet, pour ne pas me faire suspecter de dénonciation.
Général Alexandre Dumas |
Depuis 2006,
l’Association des amis du général Dumas et l’écrivain Claude Ribbe font campagne pour que la Légion
d’honneur lui soit remise à titre posthume, par le président de la République
française. Cette demande a été refusée par Jacques Chirac, puis par Nicolas
Sarkozy. Aujourd’hui, tu es revêtu de tout le prestige nécessaire pour la
réintroduire auprès de François Hollande, afin que justice soit rendue à ce
valeureux général français, d’origine haïtienne, dont le nom n’a pas été cité dans le Mémorial de Sainte-Hélène
et qui restera ignoré de la grande majorité des historiens français.
Tout en
saluant en toi une « fierté haïtienne », je te prie, mon cher Dany, de croire en
mes meilleurs sentiments à ton endroit.
Mérès Weche wechemeres@yahoo.com
Montréal, le 15 février 2014
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