Discours d'Etzer Vilaire à la mémoire des héros de l'Indépendance, de Charlemagne Péralte... 

Wednesday, November 26, 2025

Jocelyne Frédéric-Gauthier, la conseillère au sourire enjôleur, tire sa révérence

Jocelyne Frédéric Gauthier
Ex-conseillère municipale d'Auteuil de 2013 à 2025


Par Max Dorismond 

Il était très difficile de croiser Jocelyne Gauthier sans avoir remarqué ce signe de détente au coin de ses lèvres. Elle était toujours en confiance. Elle aimait le monde. La chaleur humaine était son carburant. 

Laissant sa terre natale (Jérémie-Haïti), pour des cieux plus cléments, Jocelyne s’était installée au Québec pour poursuivre des études universitaires. Elle «avait obtenu un baccalauréat couvrant un large éventail de domaines, tels que la gestion des services municipaux, les sciences sociales et les relations interethniques». Ce qui l’amena à débuter sa carrière au ministère de l’Immigration à Montréal. 

Remarquant son humanisme débordant, une connaissance lui avait suggéré d’aller en politique. À ces mots, ne suivant que son étoile, elle décida de briguer un poste en affaires municipales à Laval, sa ville de résidence, sous la bannière du Mouvement Lavallois. Elle a été élue au premier essai à titre de Conseillère. 

Ce poste lui seyait comme un gant, au point qu’elle a été réélue à trois occasions, pour finalement clore son mandat le lundi 10 novembre, 10 jours avant son décès, survenu au cours de son sommeil. 

Tout politicien, habituellement, parle des deux côtés de la bouche pour endormir le votant. Ce n’est pas le cas de notre amie Jocelyne qui allait au-devant de ses commettants pour s’enquérir de leurs besoins. Ce comportement lui a valu l’admiration de ses pairs, et ses fidèles partisans n’ont jamais rechigné à lui confier une nouvelle mission sans interruption, depuis plus de 12 ans. 

Dans l’histoire politique de la deuxième ville du Québec qu’est Laval, elle s’avérait être la première élue d’origine haïtienne au Conseil Municipal. Elle est aussi la première femme, toutes races confondues, à présider aux destinées de la Société de Transport de Laval (STL), une entité qui administre un budget de 190,5 millions de dollars au service de sa population. 

À entendre le maire Stéphane Boyer roucouler de satisfaction dans son hommage à la disparue, on doit comprendre toute la confiance qu’il avait placée en cette dernière, pour lui octroyer cette présidence tant convoitée. Avec chaleur et enthousiasme, il la décrit comme : «une femme flamboyante, avec un sens de l’humour inimitable. Elle aura marqué la vie politique de cette ville à sa manière : avec panache, droiture et intégrité». 

S’il fallait énumérer les actes bienfaiteurs de Jocelyne envers ses électeurs et la communauté haïtienne en particulier, la lecture serait fastidieuse. Résumons simplement l’un des nombreux commentaires d’un groupe de bénéficiaires de sa municipalité qui souligne ce qui suit : «Engagée, humaine et toujours présente pour Auteuil, elle a marqué notre milieu par son soutien, son caractère et son authenticité. Nous garderons d’elle le souvenir d’une femme passionnée, proche des gens et profondément attachée à son quartier…». (Loisirs Ste-Béatrice à Laval). 

Que dire de plus! Nous ne pouvons passer outre le flamboyant succès de notre compatriote. Sa réussite conforte notre fierté. Très tôt, elle avait dit adieu à sa terre natale pour voguer vers l’inconnu. Le cœur léger, et le stress pour compagnon, elle a frappé à la porte d’une grande institution pour la quitter prématurément, après l’avoir transformée grâce à sa vision, sa compétence et son humanisme. Le courage, la rectitude morale et le sens de l’honneur de la regrettée disparue laissent au cœur de la diaspora un peu de baume et un zeste de dignité. 

Adieu, ma chère Jocelyne, Tu aurais pu vivre encore un peu, pour paraphraser le chantre Jean Ferrat. Mais le destin l’a voulu autrement. On n’oubliera jamais le trésor de ta présence et de ta générosité. Et comme l’avait écrit Arthur Rimbaud : «les souvenirs, c’est ce qu’on peut amener de plus beau dans l’éternité». 

Ma chère Jocelyne, toute la diaspora haïtienne te dit chapeau! Nous te devons tous, une fière chandelle. Nous partageons avec tes proches la douleur de ce départ prématuré, tout en présentant nos plus sincères condoléances à tes garçons, Jean-Marc (Pavina) et Jules-André, tes sœurs, Margareth et Naïvi, ton frère Clodel, tes neveux et nièces, tout en ayant une douce pensée pour ton défunt mari, notre regretté Julio Gauthier qui t’attend auprès de l’Être suprême. 

Max Dorismond


Tuesday, November 25, 2025

Dadou Pasquet s’est éteint: la musique haïtienne a perdu un maître

Par Hervé Gilbert

André Dadou Pasquet
la voix des six cordes

Il n’était pas seulement un guitariste virtuose, ni une voix dans le chœur tumultueux de la musique haïtienne : il était une vibration, une âme en mouvement, un souffle de poésie posé sur six cordes. Avec la disparition d’André “Dadou” Pasquet, c’est plus qu’un artiste qui s’éclipse : c’est une école d’élégance, de rigueur, d’audace et de tendresse sonore qui se tait doucement. Cofondateur du Magnum Band aux côtés de son frère Claude “Tico” Pasquet, il avait façonné l’un des ensembles les plus emblématiques de notre patrimoine musical.

Dadou Pasquet appartenait à cette caste rare de musiciens que l’on ne peut contenir dans un style, un genre ou une époque. Il était plus qu’un artiste : il était une présence. Un trésor culturel qui dépassait Haïti — et c’est peut-être là, dans cette grandeur silencieuse, que réside l’une de nos plus grandes tristesses. Au fond de moi, j’ai souvent rêvé qu’il fût né ailleurs, ou qu’il évoluait dans un pays où l’on sait reconnaître ses génies de leur vivant, où l’on ne confond jamais discrétion avec insignifiance.

Malgré la noblesse de son art, Dadou n’a jamais bénéficié, dans sa propre communauté, de la reconnaissance à la hauteur de son génie créatif et de la délicatesse de son jeu. Les Frères Déjean, le Magnum Band faisaient partie de ces rares phares musicaux capables de hisser Haïti sur les grandes scènes du monde — avec élégance, intelligence et émotion. Pourtant, ces formations n’ont jamais reçu les honneurs ni la place que leur art méritait légitimement.

Et voilà que le temps du deuil ramène les regrets… Des larmes tardives, certes, mais qui témoignent malgré tout de l’amour — ou peut-être du remords — d’un pays qui réalise trop souvent après coup la valeur de ses trésors.

Dans les accords de Dadou, façonnés d’un doigté magique et inégalé, vibraient la douce nostalgie du temps qui passe, la mélancolie du konpa, la maestria, et cette lumière discrète — l’espérance d’un peuple en quête de beauté. Ses notes ne s’écoutaient pas seulement : elles se déplaçaient, entraient dans le cœur des gens comme entrent les choses vraies, sans fracas, sans arrogance — mais pour y demeurer.

Maestro Dadou ne jouait ni avec onglet ni avec médiator : ses doigts, au contact direct de la corde, laissaient parler la finesse de son toucher et la profondeur de son expression. Dans ses compositions — les unes plus poignantes que les autres — chaque note respirait, chaque accord avait une âme.

Ses créations musicales sont devenues des repères affectifs, des lieux de mémoire où l’âme haïtienne vient se reconnaître, danser, réfléchir… ou simplement se souvenir. Et parmi ces œuvres, l’une se distingue comme un cri de dignité, de beauté et d’espérance : Liberté, un morceau où la guitare de Dadou parle au cœur comme une voix humaine. Une vidéo rare, d’une intensité émotionnelle exceptionnelle, que je vous invite à découvrir ci-dessous.

Fondé en 1976, Magnum Band n’était pas seulement un orchestre : c’était un langage. Une école musicale où le konpa devenait pensée, sophistication, élégance. Une fusion subtile entre jazz, soul, tradition haïtienne, conscience sociale et émotion pure. Sous la direction artistique de Dadou, les solos de guitare se faisaient discours, les cuivres devenaient conversations, et la musique racontait l’histoire d’un peuple. Le slogan disait juste : Magnum n’était pas seulement différent — il était la seule différence.

Mais dans sa quête d’harmonie entre les cultures, Dadou Pasquet avait aussi laissé une empreinte précieuse au-delà des frontières haïtiennes. Sa guitare et sa voix, toujours en équilibre entre finesse et profondeur, avaient magnifié d’autres grandes signatures musicales, comme celle de Teddy Pendergrass dans Close the Door, et trouvé écho auprès d’autres voix de la Caraïbe. Parmi ses collaborations les plus marquantes, son duo avec la chanteuse guadeloupéenne Tanya Saint-Val, dans vérité, demeure l’un des plus émouvants dialogues musicaux du monde créole. 

Cette vidéo 👉Vérité, que j’ai publiée il y a dix-sept ans sur ma chaîne YouTube, dépasse désormais plus d’un million de vues — preuve éclatante de la délicatesse, de la force et de la portée universelle de leur art.

Son héritage ne se mesure pas en albums ni en trophées, mais en émotions, en musiciens inspirés, en vocations nées en silence. Dadou Pasquet n’était pas seulement une étoile : il était une constellation. Une élégance musicale gravée à jamais dans la mémoire des mélomanes.

Haïti Connexion Culture, avec respect, émotion et gratitude, présente ses sincères condoléances à son épouse, à ses enfants, à ses petits-enfants, à son frère Tico, son alter ego musical, ainsi qu’à ses millions de fans à travers le monde.

Haïti, les Antilles et la diaspora pleurent un maître, un sage, un frère. Mais la musique, elle, ne pleure pas. Elle lui sourit. Car elle sait qu’il n’a pas disparu : il a simplement changé d’octave. Il est parti, oui. Mais quelque part, entre un accord suspendu et une note qui s’envole, Dadou Pasquet respire encore. Et si l’on tend l’oreille — vraiment — on l’entendra, discret, élégant, chanter avec l’éternité : Sole Ale .

Herve Gilbert



Tuesday, November 18, 2025

Haïti: De Vertières à la Coupe du monde - Une victoire qui réveille la mémoire

Par Hervé Gilbert

Il y a des dates qui ne vieillissent pas. Elles ne s’effacent ni dans les discours ni dans les cœurs. Le 18 novembre fait partie de celles-là. En 1803, elle a donné naissance à l’idée haïtienne de liberté. En 2025, elle a rappelé que malgré les blessures, Haïti sait encore se lever.

Cette date n’est pas seulement une commémoration : c’est un battement de cœur national. C’est le jour où, sur le champ de Vertières, une armée composée d’anciens esclaves, de paysans et de soldats improvisés a déjoué l’un des plus puissants régimes militaires du monde, faisant naître l’idée haïtienne de dignité et d’existence.


Ce 18 novembre 2025, le pays a vécu une autre émotion, dans un autre registre, mais portée par le même élan intérieur. Ce soir, les Grenadiers ont fait plus que se qualifier pour la Coupe du monde : ils ont réveillé une fierté longtemps enfouie. Une victoire sportive, certes, mais surtout une victoire symbolique — presque philosophique : celle d'une nation qui, malgré ses douleurs, trouve encore la force de se célébrer.


Une équipe en exil, mais jamais sans drapeau



La qualification n’a pas été facile. L’équipe nationale a joué loin de ses terres, privée de stade, de public, parfois même de repères. Une sélection en exil, contrainte de représenter un pays que beaucoup regardent avec inquiétude ou compassion, rarement avec admiration. Pourtant, match après match, la conviction est née : l’Haïti du football n’était pas seulement une équipe — elle était une résistance.

Le match décisif, disputé loin du sol national, fut comme un écho de Vertières : silence, tension, incertitude… puis explosion de vie. Une victoire 2-0, modeste sur le papier, mais immense dans sa portée. Ce soir , les supporteurs n’ont pas seulement célébré un score — ils ont célébré une preuve : Haïti existe encore — et dans l’avenir.


Et c’est précisément cette coïncidence qui donne à l’événement sa force symbolique. Ce 18 novembre, deux siècles après le combat fondateur, le pays a connu une autre forme de victoire — pacifique, collective, mais chargée de la même idée : se lever face à l’impossible.


Dans les rues défoncées de Port-au-Prince, du Cap-Haïtien, dans les quartiers de Montréal, Miami, Paris ou Santiago, diaspora et pays se sont rejoints dans le même souffle. Dans les radios communautaires, sur Facebook, Instagram, TikTok, dans les salons populaires et les familles dispersées, une phrase revenait : « Vertières encore ». Ce n’était pas une nostalgie. C’était une continuité.


Cette victoire ne change pas tout. Mais elle change quelque chose. La qualification à la Coupe du monde ne résoudra ni l’insécurité, ni la pauvreté, ni l’exil. Mais elle réveille quelque chose de précieux : la conscience que malgré ses blessures, Haïti n’a pas dit son dernier mot.


Cette victoire, à la frontière du sport et de la mémoire, ne fabrique pas de trophées — elle fabrique des regards. Elle transforme la perception que les Haïtiens ont d’eux-mêmes, et c’est peut-être là le premier pas de toute renaissance.


Vertières fut une conquête militaire. Cette qualification est une conquête symbolique. Mais toutes deux se rejoignent dans une même idée :Haïti ne renonce jamais.


Hervé Gilbert



Nu Look en Symphonie à Boston – Une Note Élégante et Vibrante

Quand le compas se fait symphonie, Boston retient son souffle…


Par Hervé Gilbert, 

Le 16 novembre 2025, ce n’était ni un simple spectacle, ni un concert parmi tant d’autres : c’était une rencontre entre l’élégance du son et la noblesse de l’émotion. Dans la majestueuse enceinte du Boston Symphony Hall, bâtie au début du XXᵉ siècle et foulée par les plus grands orchestres du monde, Nu Look — en formation symphonique — a offert une soirée où la musique n’était plus seulement entendue : elle était ressentie, habitée, respirée.

Sous ces voûtes conçues pour magnifier l’acoustique, chaque note trouvait sa place naturelle, comme si la salle elle-même avait été créée pour accueillir cette fusion entre la sophistication orchestrale et la sensibilité haïtienne. Nu Look n’a pas simplement interprété ses titres : le groupe les a transformés en récits sonores, en paysages d’émotion, en fragments de mémoire collective.

Une brève fenêtre sur l'atmosphère du Boston Symphony Hall


Boston a battu au rythme d’une élégance rare. Orchestre emblématique du compas moderne, Nu Look y a livré bien plus qu’une performance : une symphonie vivante, où chaque note devenait émotion et chaque accord, récit. Arly Larivière, fidèle à son style — sobre, charismatique, presque orchestral — a conduit musiciens et mélomanes comme un chef d’orchestre mène ses violons.

La voix, les cuivres, les cordes et les percussions se sont entremêlés dans une harmonie soyeuse, rappelant que lorsque Nu Look joue en mode symphonie, ce n’est pas juste de la musique : c’est une conversation entre l’âme et le tempo.

Les classiques du groupe, revisités avec délicatesse, ont pris la couleur d’un souvenir, la texture d’une brise familière. À Boston, le compas a dansé avec la distinction — et Nu Look, une fois de plus, a prouvé qu’il pouvait faire vibrer les cœurs avec la même intensité qu’il fait vibrer les pistes de danse.

Le public est reparti comblé, mais avec une seule certitude : cette symphonie, on voudrait l’entendre encore… et toujours.

Hervé Gilbert


Wednesday, November 5, 2025

États-Unis - 4 Novembre 2025: une nuit de renouveau démocrate

Abigail Spanberger     Zohran Mamdani        Mikie Sherril   
 

Par Hervé Gilbert

Les élections locales d’hier soir ont redessiné le visage politique américain. Deux femmes élues gouverneures, la victoire du progressiste Zohran Mamdani à New York, et une vague bleue confirmée en Californie et au New Jersey. Une recomposition politique s’amorce, sous le signe du renouveau et de la compétence.

Un souffle nouveau sur l’Amérique politique

Zohran Mamdani

La victoire de Zohran Mamdani, 34 ans, nouveau maire de New York, symbolise un basculement générationnel. Issu d’une gauche urbaine ancrée dans les réalités sociales, Mamdani incarne une politique du terrain, audacieuse et connectée aux citoyens.
 « Mon election de ce soir  met un terme à une dynastie de la politique new-yorkaise. C’est une victoire pour tous ceux qui persistent à croire que cette ville peut redevenir un espace de justice et d’opportunité », a déclaré  le candidat victorieux, hier soir, dans un discours à la fois sobre et empreint d’émotion.

Mais la soirée a surtout été marquée par l’ascension de deux femmes d’envergure : Abigail Spanberger en Virginie et Mikie Sherrill au New Jersey. Deux profils solides, deux parcours exemplaires, et un même message : celui du retour à la compétence et à la rigueur au sein du Parti démocrate.

Abigail Spanberger : de la CIA à la gouvernance

Abigail Spanberger

Ancienne agente de la CIA, Abigail Spanberger devient la première femme élue gouverneure de la Virginie. Élue pour la première fois au Congrès en 2018 dans un district historiquement républicain, elle s’est imposée par un style direct et pragmatique, axé sur les enjeux économiques, la santé publique et la recherche du consensus.

« Les Virginiens ne veulent plus de querelles idéologiques, ils veulent des résultats », a-t-elle lancé lors de sa victoire. Sa trajectoire atypique, entre services de renseignement et action publique, fait d’elle une figure de stabilité dans un paysage politique fragmenté.

Mikie Sherrill : la rigueur militaire au service du New Jersey

Mikie Sherrill

Dans le New Jersey, Mikie Sherrill, ancienne pilote d’hélicoptère de la Marine américaine et ex-procureure fédérale, s’impose face à un adversaire soutenu par Donald Trump. Élue députée en 2018, elle a bâti sa campagne sur la sécurité, la lutte contre la vie chère et la protection des familles.
 Sa victoire confirme la capacité des démocrates à conquérir des territoires modérés et à parler à une classe moyenne en quête de sérieux et de stabilité.

« Ce que nous avons prouvé ce soir, c’est qu’une politique de bon sens peut encore gagner en Amérique », a-t-elle affirmé devant ses partisans.

Un parti démocrate revigoré

Entre la Virginie, le New Jersey, la Californie et New York, les démocrates sortent renforcés. Ces succès traduisent un désir profond de renouvellement, de compétence et de leadership féminin. Le parti, souvent perçu comme divisé, montre sa capacité à reconcilier pragmatisme et vision progressiste, tout en s’ouvrant à une nouvelle génération de leaders.

Mais le défi reste immense : transformer ces victoires électorales en résultats concrets sur les sujets qui minent le quotidien — logement, sécurité, inflation, cohésion sociale.

Les républicains en quête de repères

Du côté républicain, la soirée a un goût amer. Les revers successifs en Virginie et au New Jersey confirment une érosion du socle électoral traditionnel, notamment chez les jeunes, les femmes et les classes urbaines.Le parti conservateur semble toujours prisonnier de son aile la plus radicale, incapable de séduire au-delà de sa base.

« Nous avons besoin d’un discours d’avenir, pas d’un écho du passé », a reconnu un stratège républicain sous couvert d’anonymat.

Une vague bleue… en devenir

Cette nuit électorale n’est pas une révolution, mais une transition. Les démocrates reprennent du souffle, les républicains s’interrogent. Les Américains, eux, semblent avoir envoyé un message clair : le leadership se mérite désormais par la compétence, la crédibilité et la proximité.

Si la vague bleue continue de monter, elle pourrait bien transformer cette soirée électorale en tournant historique pour la politique américaine.

Hervé Gilbert

Tuesday, November 4, 2025

Réplique à Amos Cincir : Quand la verve remplace la vision

     Himler Rébu           Jean Ernest Muscadin

Par Hervé Gilbert 

Le texte d’Amos Cincir, intitulé «  Haïti : quand les justiciers de circonstance deviennent les prophètes d'une République perdue », a le mérite du style, mais il pèche par excès de posture. Il dénonce, sans comprendre ; il accuse, sans situer ; il moralise, sans mesurer la profondeur du désastre. Son indignation est brillante, mais elle demeure stérile. 

L’auteur, juché sur sa tribune diplomatique autoproclamée, voit en Jean Ernest Muscadin et Himmler Rébu les symboles d’une dérive populiste et autoritaire. Il leur oppose l’idéal d’un État rationnel, d’une République réconciliée avec le droit. Belle idée, certes, mais dans le pays réel — celui des routes éventrées, des commissariats sans cartouches, des postes de police sans policiers et des tribunaux sans juges — la morale, à elle seule, ne suffit plus. 

Quand l’État s’effondre, il ne reste que des fragments de légitimité : l’homme d’action, le chef local, le justicier improvisé. Muscadin n’est pas un symptôme d’arriération, il est le produit d’un vide. Le vide laissé par un État absent, par ceux qui, depuis trente ans, ont réduit la politique et la sécurité du pays à de simples bavardages, laissant la nation livrée à elle-même.

Quant au colonel Himmler Rébu, on peut railler son verbe martial, mais l’on ne saurait effacer l’ombre d’une époque qu’il symbolise — celle où servir l’État se confondait encore avec un acte de foi, presque religieux. Il fut de cette génération d’hommes persuadés que l’uniforme suffisait à incarner la vertu, que la posture tenait lieu de bravoure. Ses détracteurs parlent de discipline, mais n’en connaissent que la légende. Ils n’ont jamais senti le froid du matin dans la cour d’un casernement, ni entendu le silence lourd qui précède l’ordre de marcher.

Pourtant, de ce corps jadis proclamé d’élite, Rébu n’a conservé que la voix — une voix d’airain usé, résonnant dans le vide. Il parle comme un tambour crevé au fond d’un carnaval républicain : beaucoup de bruit, peu d’écho. Théoricien sans champ de bataille, général sans armée, il s’est réfugié dans le confort de la rhétorique, faisant du mot son dernier uniforme. Le verbe, chez lui, a remplacé l’action comme la parade remplace la guerre. 

Et tandis que les discours s’empilent comme des drapeaux délavés, d’autres hommes — plus frustes peut-être, mais plus entiers — se dressent dans la poussière. Là où Rébu déploie sa grammaire, Muscadin brandit sa témérité.

L’un théorise la République depuis un balcon, l’autre la défend, sabre invisible à la main, au milieu du fracas et du sang.

Sans l’élan de cet héroïsme brut, le Grand Sud serait depuis longtemps un territoire perdu, livré aux corbeaux — tout comme Martissant, à quelques kilomètres à peine de la résidence du colonel Rébu, est devenu un champ de désolation où même la honte a cessé de pousser. 

Dans un pays où les généraux parlent et où les justiciers agissent, il faut bien parfois que la balle accomplisse là où la phrase échoue. 

Car c’est bien là le cœur du drame haïtien : les uns parlent au nom de la loi qu’ils n’ont jamais su défendre, les autres agissent dans le vide qu’ils ont laissé. Et entre les deux, le peuple, ce peuple qu’on accuse d’émotion, survit dans un théâtre d’hypocrisies. 

Haïti ne mourra pas d’un trop-plein d’action, mais d’un trop-plein de paroles. Elle ne se relèvera que lorsque la parole retrouvera le courage de se salir les mains, et que l’action cessera d’être aveugle. Ce jour-là seulement, la République cessera d’être un mirage récité à voix haute, et redeviendra ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un devoir silencieux, mais vivant. 

Hervé Gilbert